36ème congrès : Contributions, amendements
La crise économique et l’Humanifeste. Pistes pour des amendements

, par  Marc Harpon , popularité : 1%

Les marxistes viennent de perdre une bataille au sein de leur parti, le Parti Communiste Français. Le texte d’opposition n°1, dont je suis signataire et pour lequel j’ai voté (suite à ma récente adhésion au Parti), a remporté environ 11% des suffrages pour un total d’à peu près un quart des votes en faveur des textes alternatifs. La prochaine bataille importante sera donc celle des amendements à apporter au texte proposé par le Conseil National du Parti, grand vainqueur de la première étape préparatoire du Congrès de février prochain. Or, ce texte, comporte de nombreuses erreurs théoriques, contradictions logiques, fautes d’appréciations stratégiques et même confusions politiques. Dans ce qui suit, il est question de celles qui affaiblissent le propos tenu sur la crise, dans le point 2 de la première partie : « De la crise du capitalisme à la crise de civilisation »

Le passage consacré à la crise échoue à l’articuler lisiblement au capitalisme et à son fonctionnement. Il commence en effet par expliquer : « La crise, avec ses accalmies et ses soubresauts, les peuples du mondes la subissent depuis plus de trente ans ». On s’attend donc à une analyse qui articule sommairement l’actuelle crise de la dette publique au temps long du capitalisme et de ses crises, dont l’histoire, au cours des trente à quarante dernières années, passe entre autres par les chocs pétroliers. Or, dans ce qui suit il n’est question que de « cette crise majeure », des « emballements actuels » et de la « crise de la dette » (c’est nous qui soulignons à chaque fois). La crise, qui est une donnée strucutrelle, une propriété nécessaire inscrite dans l’essence même du mode de production capitaliste, est ainsi réduite à un événement conjoncturel, à une contignence de notre époque.

Sur les causes de cette conjoncture, le texte hésite lamentablement entre une pluralité d’explications, mais n’assume pas ces hésitations et les camoufle sous une phraséologie aussi pompeuse que contradictoire. L’antagonisme « fondamental », situé « au coeur des emballements actuels », est-il dans le fait que « le capitalisme utilise les immenses possibilités de la révolution numérique et informationnelle » ou dans la fin visée par cette utilisation, « nourrir son obsession de faire de l’argent pour l’argent » ? A moins que, la « fameuse » crise de la dette ne provienne « surtout de l’insuffisance des recettes publiques et sociales, du coût des intérêts versés aux banques sur les marchés financiers, de leur sauvetage et plus encore de l’appauvrissement généralisé de nos sociétés, vampirisées part les forces de la finance » ? Le point commun d’au moins deux des es explications avancées, est qu’elles innocentent le capitalisme : tout est de la faute soit des forces du mal (que le marxisme-fiction emprunte aux tokusatsu nippons en les rebaptisant « forces de la finance ») coupées de l’économie réelle, soit de la « révolution numérique ». Or, le capitalisme existait avant que le poids de la finance n’atteigne les (dis)proportions actuelles et avant la révolution numérique. S’il ne s’agisssait pas simplement de réfléchir à amender un texte déjà approuvé par les militants, je dirais que les auteurs de l’Humanifeste sont devenus des socio-démocrates, soucieux de corriger les défauts du capitalisme (la finance, les mauvais usages de la « révolution numérique »), pas de s’en débarrasser. Mais le débat sur le texte de base est clos…pour l’instant. On pourrait reformuler le petit passage introductif cité plus haut (« La crise, avec ses accalmies et ses soubresauts…) comme suit : « Les crises, avec leurs accalmies et leurs soubresauts, les peuples du monde les subissent depuis la naissance du capitalisme. Chaque jour s’approfondissent leurs dégâts, jusqu’à remettre en cause les fondements de la civilisation. » Il serait également souhaitable de supprimer l’adjectif « financière », dans le sous-titre : « La crise financière provoque l’explosion sociale et économique ».

En réalité, la crise n’est pas une crise de la dette. Les travaux du géographe David Harvey (Université de New York) montrent bien que la crise actuelle est mobile : elle se déplace dans l’espace, passant des Etats-Unis à l’Europe, et dans l’espace économique, passant du marché des crédits subprime aux finances des Etats. C’est le sauvetage des banques qui provoque sa transformation (ou son déplacement, dirait Harvey) en crise de la dette mais elle éclate au départ sur le marché des crédits aux particuliers, de façon très cohérente avec ce qu’avaient prévu les économistes Paul Baran et Paul Sweezy, dans les années 60 : les moyens de consommation (salaires) sont distribués avec parcimonie par le patronat, qui doit en même temps augmenter la production pour accroître ses profits. Cela rend indispensable le crédit (avec ses crises) sans lequel les actionnaires de secteurs come l’automobile ne recevraient aucun profit, faute de ventes. On serait donc bien avisé d’ajouter, juste après le passage modifié évoqué plus haut : « Les causes profondes de l’actuelle crise majeure se trouvent dans le fonctionnement du capitalisme qui, distribuant des salaire insuffisants, a rendu nécessaire le crédit et fait naître la finance moderne, qui vampirise les sociétés. » Conjointement à cet ajout, on remplacerait « véritables causes » par « causes immédiates » dans la phrase « Les véritables cause de la crise actuelle se trouvent dans la domination des forces de la finance », située plus loin dans le texte. La longue phrase qui commence par « La fameuse « crise de la dette » provient surtout… » serait modifiée comme suit : « Accentuée par l’insuffisance des recettes publiques et sociales, par le coût des intérêts versés aux banques sur les marchés financiers, la transformation de la crise en crise de la dette provient surtout du sauvetage des banques, aux dépens des sociétés, vampirisées par la finance. ». Le paragraphe de cette phrase serait placé juste avant celui qui le précède dans le texte actuel. En effet, il est pertinent d’aborder les mécanismes de la crise, avant d’évoquer les effets par lesquels ils se « font particulièrement sentir ».

Avant les « Congrès de section » qui, au mois de janvier, prépareront le Congrès de février, j’ai éprouvé le besoin d’éclaircir (pour moi-même d’abord), ce que je pensais de certains points particuliers du texte de base commune proposé par la direction. Je n’ai pas travaillé sur tout le document, parce que c’est matériellement impossible, sans y consacrer un temps que je n’ai pas. Je n’aurai probablement pas le temps non plus de formaliser mes réflexions sur d ’autres sujets(sur les mésaventures de la notion d’exploitation et les amendements qu’elles rendent souhaitables, par exemple) de façon à les partager avec les lecteurs de Changement de Société. Par ailleurs, alors que les marxistes viennent de perdre une bataille, ils ne sont pas en position assez forte pour imposer dans l’immédiat des amendements sur les questions les plus sensibles, comme l’Union Européenne. C’est malheureux, mais c’est comme ça. J’ai donc préféré écrire en priorité sur des amendements susceptibles de passer entre les mailles du filet social-démocratico-trotskiste. C’est à cause de ce même rapport de force défavorable que j’ai orienté ma réflexion dans un sens voisin du marxisme néoricardien plutôt que de proposer des amendements enracinés dans une économie politique reposant sur la TSSI. Les points en question ici ne sont cependant pas sans importance. Pour des raisons que j’espère pouvoir éclaircir dans les mois qui viennent, il me semble que l’opposition et la confusion (qui s’y mêle paradoxalement) générales entre capitalisme et finance, entre anticapitalisme et opposition au capitalisme financier sont extrêmement dangereuses pour le mouvement ouvrier en général et le Parti Communiste en particulier.Voici donc l’humble proposition de modification du début du passage sur la crise financière (les changements apparaissent en italique) dont je souhaite parler dans ma section :

2-De la crise du capitalisme à la crise de civilisation
Les crises, avec leurs accalmies et leurs soubresauts, les peuples du monde les subissent depuis la naissance du capitalisme. Chaque jour s’approfondissent leurs dégâts, jusqu’à remettre en cause les fondements de la civilisation. Les causes profondes de l’actuelle crise majeure se trouvent dans le fonctionnement du capitalisme qui, distribuant des salaire insuffisants, a rendu nécessaire le crédit et fait naître la finance moderne, qui vampirise les sociétés.

La crise provoque l’explosion sociale et économique

En 2007, s’est déclenchée la plus grave crise financière depuis l’entre-deux guerres, suivie deux ans plus tard, de la première récession mondiale depuis 1945.

Les causes immédiates de cette crise majeure se trouvent dans la domination des forces de la finance. Les exigences de rentabilité des capitaux écrasent l’économie réelle et imposent au monde du travail de multiples et insupportables saignées.

Au cœur des emballements actuels, se trouve un antagonisme fondamental : le capital utilise les immenses possibilités de la révolution numérique et informationnelle pour nourrir son obsession de faire de l’argent pour l’argent. Cela entraîne un chômage de plus en plus massif, ainsi que l’accroissement des revenus du capital au détriment des revenus du travail. Résultat : la productivité augmente mais pas les débouchés. Cette situation conduit inexorablement au développement d’une concurrence de plus en plus déchaînée, d’une exploitation des salarié-es de plus en plus forcenée

Ce développement spasmodique s’est construit pendant plusieurs décennies sur le surendettement généralisé …qui a fini par exploser avec la crise des subprimes aux Etats-Unis. Les forces de la finance se sont alors plus que jamais comportées comme une nuée de criquets. Pour éviter l’embrasement, de gigantesques liquidités ont été déversées par les pouvoirs publics et englouties dans la même logique. Ce sont les peuples qui en ont payé le prix par le recul continuel des droits sociaux, des services publics et du pouvoir d’achat : de quoi accentuer encore l’endettement, la faiblesse de la croissance et la relance de la spéculation ravageuse. Une spirale infernale.

Accentuée par l’insuffisance des recettes publiques et sociales, par le coût des intérêts versés aux banques sur les marchés financiers, la transformation de la crise en crise de la dette provient surtout du sauvetage des banques, aux dépens des sociétés, vampirisées par la finance. Et le comble, c’est que cette spirale du déclin est utilisée par celles et ceux qui la causent pour culpabiliser les salarié-es et les populations, justifier les privatisations. [paragraphe déplacé]

Ces enchaînements font particulièrement sentir leurs conséquences en Europe, au point de menacer la reprise mondiale. En Grèce, il a été imposé au peuple une injustifiable cure d’austérité, plongeant dans la misère et l’incertitude une large part de la population. Partout, la réduction drastique des dépenses publiques a été mise à l’ordre du jour pour nourrir plus encore le monstre insatiable de la finance. [la suite du passage n’a pas été modifiée]

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