Durant tout ce temps, nous avons contrarié leurs plans, nous avons ralenti leur marche, l’influence de notre réseau s’est renforcée, nos analyses, nos interventions, ont contribué à pousser la réflexion bien au-delà de nos sphères d’influence et à rapprocher parfois certains point de vue, laissant entrevoir de possibles cheminements communs. Mais malgré cela, l’affaiblissement du Parti, tant sur le plan électoral qu’organisationnel s’est poursuivi.
La toute récente période atteste ces phénomènes. Une partie de la Direction nationale qui « tient les manettes » nous a imposé un congrès tardif, à la veille d’une séquence électorale importante (Présidentielle, Législatives, Sénatoriales) où le comble a été de tout faire pour décider de ne rien décider à cette occasion et de repousser, au motif de favoriser le plus large rassemblement à gauche, pour battre la droite et son extrême, toute décision au plus loin. Pourtant, une décision inavouée était déjà prise par les mêmes : ne présenter en aucun cas une candidature communiste à la Présidentielle ! Et tout a été fait pour qu’il en soit ainsi, tout en nourrissant la confusion. L’espace pour permettre la candidature de Jean-Luc Mélenchon a sciemment été laissé libre, son « auto proclamation » et son « populisme » vertement tancés, pour mieux pencher vers les vertus supposées de la primaire socialiste et puis « subitement », à la veille du Conseil National et de la Conférence Nationale des 4 et 5 novembre 2017, voilà Pierre Laurent qui se répand sur sa conviction personnelle d’adhésion au soutien à la candidature de Mélenchon, mais en conduisant une campagne autonome du PCF pour poursuivre la recherche des solutions les plus efficaces pour rassembler le plus largement possible toute la gauche ! Mais voilà, contre toute attente, la Conférence Nationale en a décidé autrement en se prononçant majoritairement pour une candidature communiste. Qu’à cela ne tienne, le paquet est mis et la consultation des communistes confirme quant à elle l’option soutien à Mélenchon.
Bien sûr et les uns et les autres nous avons eu l’occasion d’analyser les résultats de ces deux consultations, d’échanger nos appréciations et de souligner combien des votes identiques n’étaient pas portés forcément par les mêmes motivations. Nous avons ainsi mis en évidence, la permanence de l’état schizophrénique dans lequel les communistes sont plongés depuis des années par des stratégies à géométrie variable, déroutantes et mortifères ne faisant jamais l’objet du moindre bilan et de la moindre analyse officielle dans nos instances dirigeantes, congrès inclus.
C’est dans ces conditions digne de la tradition des auberges espagnoles, qu’il appartient à chacun de se sustenter de ce qu’il amène. Et cela, bien sûr, est aussi générateur de vécus différents, selon que nous soyons isolés ou entourés de Camarades appartenant à notre réseau, dans une cellule, dans une section ou dans une Fédération.
Cet état de faits d’ailleurs, mis en relation avec le renforcement de notre réseau à l’échelon national, met encore plus en évidence le mérite de nos Camarades, dont bien sûr, nous faisons aussi partie ici qui résistent encore et toujours !
Nous voici donc à nouveau, à une étape difficile et complexe de notre engagement militant à laquelle il nous faut faire face. La séquence Robert Hue et celles qui ont suivi, ont construit, entre autre, un Parti d’élus au détriment trop souvent, d’un Parti de militants où les élus (indispensables) sont militants parmi les militants. L’électoralisme a relégué au second rang l’indispensable vie organisée du Parti.
Aujourd’hui, avec quasiment plus de cellules, moins de sections, de fédérations vouées à se regrouper pour maintenir une structure décentralisée, peut se rajouter la disparition d’un groupe rassemblant des communistes à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat. Une telle éventualité, aboutissement de décennies de stratégies inefficaces est bien sûr insupportable. Attendre et voir ne pourraient aller que dans le sens de l’accélération de la disparition du PCF de la scène nationale. Il nous appartient donc de peser de toutes nos forces pour freiner, stopper et inverser le processus actuel, tout en mesurant que nos possibilités sont circoncises à la réalité de nos forces de proximité et que cela impose vraisemblablement une stratégie de ciblages qui nécessite tout en étant présents partout où on le pourra, de convenir peut-être de priorités. C’est à débattre.
La période, plus que jamais, va appeler à raffermir les liens de communication et d’échanges entre nous pour combattre l’isolement et mieux armer chacun. Cette situation nous place encore plus dans la nécessité d’affiner le rôle, la place, le fonctionnement de notre réseau durant les campagnes et au-delà, car notre objectif ne saurait se limiter aux seules séquences électorales.
Aussi, est-ce dès à présent qu’il nous faut réfléchir à l’après élections. La raison ne nous conduit pas à espérer autre chose qu’un revers global. Global, car localement des succès restent tout à fait possible et nous pouvons et devons y contribuer. Les résultats du PCF devront-ils une fois encore passer à la trappe de la « faute à pas de chance » ou enfin, une mise à plat de décennies de stratégies pour le moins indigentes se produira-t-elle pour déboucher sur une nouvelle dynamique communiste se donnant pour objectif le socialisme ? S’il est concevable et judicieux de conserver une équipe qui gagne, que fait-on d’une équipe qui fait perdre ? Préparer la montée de l’exigence d’un congrès exceptionnel, pour quoi faire et avec qui ? L’attachement à l’existence du Parti Communiste Français n’est pas l’apanage des seuls membres de notre réseau, mais cet attachement ne gomme pas l’existence de désaccords sur différents points, dont l’Europe et l’Euro n’est pas un des moindre. N’avons-nous pas à nous parler ? Comment s’y prend-t-on et quand ?
Voilà quelques points essentiels sur lesquels nous avons besoin d’échanger, pour définir ensemble une feuille de route structurant la responsabilité qui nous incombe, à notre niveau et à hauteur de nos moyens et pour donner sens à notre intime conviction de toute l’utilité et nécessité d’un Parti Communiste fort dans un contexte politique, économique et social malmené, où les rapports de forces idéologiques pourraient tourner le dos aux idées de progrès.
Un jour à Sanary, où je réside, lors d’une de ses conférences sur la démographie, le Professeur Jacquard, qui savait bien qu’il se trouvait dans une ville où la droite représente près de 80 %, avait conclu son propos, en réclamant sciemment à la salle de ne pas l’interrompre, « écoutez-moi, ou le monde sera communiste (forte rumeur dans la salle) ou il sera barbare. Communiste dans le sens du partage des savoirs, partage des richesses (…) ». C’est bien de cela qu’il s’agit, nous y sommes en plein dedans, au moment où la poursuite effrénée des profits fait de plus en plus de victimes que ce soit par la casse sociale ou pire encore par la multiplication des guerres et toutes leurs multiples conséquences.
Alors oui, plus que jamais faisons vivre et renforcer le PCF bien au-delà du slogan !