L’approche plus pragmatique de la Géorgie comme un défi à l’Occident, par Franck Marsal

, par  Franck Marsal , popularité : 4%

Dans le bilan fait par la Chine de sa tournée européenne ressort une volonté nécessaire, celle d’unir partout les efforts en faveur de la paix. Ce qu’il vaut bien mesurer c’est que comme il le décrit ici à propos de la Géorgie, mais note que l’on pourrait parler de bien d’autres petites nations qui subissent des pressions mettant en cause leur survie même et qui peuvent être amenées à résister par pur pragmatisme et il cite la Moldavie, l’Arménie, mais la liste est beaucoup plus longue rien qu’en Europe et elle s’étend sur tous les continents. Cette nécessité de la paix concerne des nations, des peuples mais aussi des groupes sociaux qu’il s’agit de rassembler, mais on ne peut le faire que dans la conscience de ce qui se joue et en appuyant tout ce qui va dans ce sens et en dénonçant tout ce qui va dans le sens de la guerre (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

L’OTAN espérait que la guerre en Ukraine serait l’occasion de recomposer à son profit l’Asie centrale. La Russie “occupée ailleurs”, nous avait-on dit, laisserait un espace de manœuvre diplomatique “favorable” aux intérets américaines et peut-être européens. On comprend dans ce contexte pourquoi la décision de la Géorgie de rouvrir ses lignes aériennes à destination de la Russie, a rendu furieux tous les partisans de l’OTAN.

Comment ce pays, qui il y a seulement une quinzaine d’année était lui-même en guerre avec la Russie, avec un président (nommé Saakachvili, nous en reparlerons) estampillé “démocrate” peut-il ainsi rouvrir ses lignes aériennes avec le “pays de Vladimir Poutine” ?

Le fait que la Géorgie ait refusé de participer aux “sanctions” contre la Russie avait été froidement mais poliment accueilli. C’est un petit pays fragile avait-on dit, ce serait compliqué pour eux … On était conforté par le fait que la présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, française, née à Paris, est géorgienne à peu près comme Nicolas Sarkozy est hongrois : des parents de l’aristocratie locale ayant fui en France face à la montée révolutionnaire, pour elle suite à la révolution bolchevique, pour lui face à l’armée rouge dans le recul des armées nazies en 1944. Ce pourrait être anecdotique, un parcours individuel, si l’OTAN n’avait pour habitude ainsi d’installer dans les pays sur lesquels il entend exercer sa domination, des citoyens américains ou alliés, que l’on naturalise à la va-vite ou sur des personnes effectivement nées dans le pays concernés mais qui l’ont quitté pour faire carrière “en occident”.

Ainsi, Mikhail Saakachvili, dont nous parlions ci-dessus, est effectivement un natif de Géorgie. C’est pourtant une bourse du Département d’Etat étasunien (le ministère des affaires étrangère US) qui lui permet de démarrer véritablement sa carrière. Il reçoit un LL.M. (maîtrise universitaire en droit) de l’École de Droit de Columbia en 1994, et un diplôme de Doctor of Laws (docteur en droit) de l’École de Droit de l’Université Georges Washington l’année suivante. En 1995, il obtient également un diplôme de l’Institut international des droits de l’Homme à Strasbourg. Alors qu’il travaille à New York dans le cabinet de droit Patterson Belknap Webb & Tyler, Saakachvili est approché début 1995, en vue de rentrer au pays pour se présenter aux élections, par un émissaire du président Géorgien Edward Chevarnadzé. Elu, il grimpera rapidement les échelons du pouvoir jusqu’à devenir président et précipiter son pays dans la guerre civile. Accusé de multiples malversations et affaires criminelles, il finit par perdre les élections en 2013 et avant même la fin officielle de son mandat, retourne aux USA et renonce à la nationalité géorgienne dans l’espoir d’éviter les multiples poursuites judiciaires à son encontre. Sa carrière d’agent américain ne s’arrête pourtant pas là. Dans la foulée du coup d’état pro-occidental en Ukraine, le 28 mai 2015, il obtient la nationalité ukrainienne octroyée par le nouveau président, Petro Poroshenko, et dès le lendemain, est nommé gouverneur de l’oblast (région) d’Odessa, une des régions les plus stratégiques d’Ukraine. Après moult péripéties, l’affaire se terminera aussi très mal pour lui, et lorsque, ayant épuisé tout espoir de réussite en Ukraine, il tente un énième coup politique en retournant en Géorgie, c’est la prison qui l’attend. Prison dans laquelle il se trouve toujours malgré de multiples tentatives et campagnes internationales pour obtenir un transfert à l’hôpital américain.

Revenons à la présidente actuelle, Zourabichvili : Elle est née et a vécu en France. Elle rentre en 1970 à Sciences Po Paris et rejoint – elle aussi – l’Université Columbia en 1973. Elle rejoint le Ministère des Affaires Étrangères français en 1974, dans lequel elle effectue une longue carrière, qui la mènera entre autres aux USA, en Afrique, et à l’ambassade de France auprès de l’OTAN. C’est Saakachvili, qui début mars 2004, alors président de la Géorgie, demande au président Chirac et à Dominique de Villepin de la libérer de son statut de fonctionnaire diplomatique français pour lui permettre de prendre des responsabilités en Géorgie. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le 11 mars 2004, elle est publiquement nommée ministre des affaires étrangères de la Géorgie, où elle demandera l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN et à l’Union Européenne. S’étant éloigné rapidement de Saakachvili, elle est dans l’opposition au moment de sa chute. Après avoir vainement tenté de parvenir au pouvoir, elle retourne aux USA en 2010 et est nommée (ça ne s’invente pas) “coordinatrice du groupe d’expert du conseil de sécurité de l’ONU pour les sanctions contre l’Iran”. Le 31 août 2018, elle renonce à sa citoyenneté française pour se présenter aux élections présidentielles géorgiennes qui ont lieu en octobre et novembre de cette même année. Elle gagne les élections, mais par l’application d’une nouvelle constitution, le poste de président de Géorgie est désormais largement symbolique et le pouvoir réel détenu par le 1er ministre, et le parlement.

On mesure au travers de ces deux destins individuels et croisés, les pressions qui s’exercent sur des pays dont ‘l’indépendance”, ‘la souveraineté” et “intégrité” sont à la fois acclamées et violées chaque jour par ceux-là même qui s’en font officiellement les défenseurs. On pourrait également parler longuement de l’Arménie. Le sort de l’Ukraine est le même : précipitée dans une guerre qui la détruit et qui n’est pas dans son intérêt. La Moldavie est aussi sur la liste. Danielle nous en parle régulièrement.

Pour l’occident, il en va de l’indépendance des pays comme de la liberté du renard capitaliste dans le poulailler. L’indépendance des petits pays, se limite en réalité à la liberté de se soumettre aveuglément aux diktats que leur transmettent l’OTAN, les agents et diplomates US (en subissant par la même occasion les manipulations florentines et les oppositions mafieuses qui gangrènent cet empire déliquescent) Mais cela est peut-être en train de changer, comme nous le montrent les événements récents en Géorgie :

L’approche plus pragmatique de la Géorgie comme un défi à l’Occident

Par Mikhail Gamandiy-Egorov, pour le site observateurcontinental.fr

Dans les événements contemporains, y compris dans l’espace ex-soviétique et eurasiatique, nombreux sont ceux qui auront compris la manipulation des pays concernés par l’establishment occidental. Le cas géorgien, de même que certains autres, confirment que ladite manipulation ne fonctionne plus comme l’Occident l’aurait souhaité.

Des relations normales entre Moscou et Tbilissi après une longue période de tensions suite à la mainmise occidentale sur l’Etat géorgien constituent un défi réel aux intérêts de Washington et de ses suiveurs européistes bruxellois. Le refus de la Géorgie d’ouvrir un second front contre la Russie sur la base des souhaits occidentaux n’en est d’ailleurs que l’un des aspects.

Aussi, le choix du leadership géorgien à ne pas adhérer aux sanctions occidentales contre Moscou représentait déjà à lui seul une menace pour les forces obscures pensant avoir depuis nombre d’années placé ce pays ex-soviétique complètement dans l’orbite de l’axe otanesque. Ce dernier n’ayant pas prévu qu’un retour de la sagesse et d’une vision pragmatique des choses du côté géorgien puisse faire barrage aux plans de l’Occident pour cet Etat et pour la région.

Car malgré la présence d’éléments ouvertement russophobes au sein de la société géorgienne – de la présidente (citoyenne hexagonale) jusqu’aux extrémistes combattant au sein de l’effectif armé otano-kiévien – une partie importante des citoyens du pays aspirent à des relations positives, ou du moins normales, avec la Russie. Le pragmatisme économique n’y est pas étranger – alors que depuis toutes ces années de gouvernance pro-occidentale à Tbilissi – l’Occident n’a jamais été mesure de remplacer économiquement Moscou. Et beaucoup justement de Géorgiens ne veulent pas sacrifier les opportunités économico-commerciales existantes pour le compte des « belles paroles » de l’axe washingtono-bruxellois.

Et face à une partie du leadership et de nombreux citoyens préférant cette approche pragmatique – les éléments pro-occidentaux, y compris la présidente née en France et ayant été dans le passé une diplomate française – n’y peuvent rien. Le dernier exemple en date concerne d’ailleurs la récente reprise de la liaison aérienne entre la Géorgie et la Russie, soutenue par le gouvernement et les principales compagnies aériennes nationales, mais à laquelle était fermement opposée la personnalité hexagonale sur le sol géorgien.

Après avoir annoncé son boycott de la principale compagnie aérienne Georgian Airways – la direction de la compagnie a déclaré la présidente pro-occidentale indésirable sur ses vols. Tout en lui rappelant qu’elle devrait s’excuser auprès des millions de Géorgiens pour son manque de respect à l’encontre des intérêts du pays – elle, qui selon la direction de Georgian Airways – privilégiait d’autant plus une compagnie comme Air France au lieu des compagnies nationales.

Dans tous les cas – malgré le boycott de Salomé Zourabichvili et des manifestations d’éléments russophobes à Tbilissi – les vols entre la Russie et la Géorgie ont bel et bien repris. Et ce malgré les menaces et intimidations occidentales, notamment de la part de Washington ayant ouvertement menacé de sanctions Tbilissi en cas de reprise des vols directs avec l’Etat russe.

De manière plus générale, le cas de la Géorgie aujourd’hui représente précisément cet exemple où une partie notable de son leadership et de sa société civile a largement compris ce que valaient les expérimentations occidentales sur leur sol national – de la révolution de couleur de 2003 jusqu’aux fausses promesses d’un avenir radieux. Des promesses n’ayant jamais abouti. Ladite compréhension concerne également – qu’au-delà de l’histoire et de victoires communes avec la Russie – l’objectif occidental a toujours été d’utiliser certains pays ex-soviétiques, y compris la Géorgie, dans l’intérêt unique de la confrontation du bloc atlantiste avec la Russie et le monde multipolaire.

Le cas ukrainien a d’ailleurs désormais largement démontré que l’axe des nostalgiques de l’unipolarité n’est « généreux » avec les dits pays uniquement dans l’optique de les utiliser comme de la chair à canon pour le compte otanesque. Et certainement pas dans l’objectif de proposer un développement économique digne de ce nom.

A ce titre, le cas géorgien n’est pas unique. En Moldavie par exemple, autre république ex-soviétique, l’opposition et une large partie de la société civile représentent aujourd’hui un rempart efficace face aux tentatives des régimes occidentaux à entrainer ce pays dans un autre front militaire contre la Russie. De manière générale – les instruments des structures à la sauce Soros et du département d’État étasunien – se retournent progressivement contre leurs instigateurs.

Sagesse et partage de valeurs communes pour les uns, pur pragmatisme économique pour d’autres, voire tout à la fois – le fait est que le nombre de pays et de peuples ayant largement compris par leur propre analyse l’arnaque communément appelée Occident – augmente de jour en jour. Et pour le monde multipolaire d’aujourd’hui, malgré l’obstination et l’arrogance de l’extrême minorité planétaire – cela représente indéniablement des processus positifs.

Mikhail Gamandiy-Egorov


http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4920

Voir en ligne : lu sur le blog histoire et société de Danielle Bleitrach

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