L’Union est un combat (2) Georges Marchais. RAPPORT AU COMITÉ CENTRAL, PARIS, 29 JUIN 1972

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Deuxième partie de ce rapport au comité central dans lequel Georges Marchais demande aux communistes de valider le programme commun tout en les alertant sur la nature du parti socialiste...

lien vers la première partie

Après avoir considéré les différents points du docu­ment, il faut maintenant en venir à une appréciation globale de ce qu’il représente.

De quoi s’agit-il ?

Il ne s’agit pas — je le répète — ni d’une simple plate-forme électorale ni de l’exposé de quelques grandes orientations. Il ne s’agit pas non plus d’une synthèse idéologique. Au contraire, l’accord n’a pu se faire que parce que, sur notre insistance, la confron­tation idéologique en a été, si je peux dire, absolument « évacuée ». En effet, nous ne cherchons pas, nous ne souhaitons pas dans l’état actuel du Parti socialiste le rapprochement idéologique. Quant au fond, l’idéo­logie qui anime aujourd’hui le Parti socialiste est et reste absolument réformiste ; quant au fond, elle est totalement étrangère au socialisme scientifique ; quant au fond, elle récuse totalement la nécessité de se placer en toutes questions du point de vue de la classe ouvrière.

Nous avons donc fait admettre par nos interlo­cuteurs l’idée qu’il fallait systématiquement et exclu­sivement se placer — y compris pour régler les points de divergence — dans l’optique d’une action gouver­nementale commune. Autrement dit, élaborer un programme concret, précis et cohérent de gouver­nement.

De fait, le document que nous soumettons au Comité central — et je prie les camarades de bien mesurer ce que cela signifie pratiquement — est un programme commun de gouvernement, c’est-à-dire d’un gouvernement auquel (en cas de victoire aux prochaines élections) nous participerions avec le Parti socialiste et d’autres forces démocratiques.

Un programme de gouvernement doit être cohérent. L’action d’un gouvernement démocratique ne peut, en effet, se découper en tranches isolées les unes des autres. A cet égard, le programme commun présente une cohérence que le Bureau politique juge suffisante. Entre les objectifs sociaux, les transformations des structures économiques et les moyens politiques d’un gouvernement démocratique, il existe une liaison, une interaction qui permet d’estimer que le programme commun est réaliste et réalisable. Sans doute la cohé­rence, la logique du programme commun ne sont-elles pas identiques à celles de notre propre programme, notamment en politique extérieure. Cependant la politique extérieure prévue par ce programme mar­querait déjà un progrès sensible sur la politique du pouvoir actuel ; elle marquerait le début d’une orien­tation nouvelle, ouvrirait de nouvelles possibilités à une vraie politique d’indépendance et de paix ; elle autoriserait même une certaine liberté d’action inter­nationale. Et en tout état de cause, elle écarterait les contraintes susceptibles actuellement d’entraver la réalisation du programme commun.

En bref, la cohérence, la logique du programme commun, si elles ne sont pas identiques à celles de notre programme, leur sont conformes et proches.

En second lieu, il s’agit certes d’un programme de législature, c’est-à-dire portant sur l’action d’un gou­vernement démocratique pendant une législature. Donc d’un programme limité dans le temps. Il comporte donc l’inconvénient de pouvoir donner à penser qu’il suffirait aux travailleurs, qu’il suffirait à nos ambitions. Mais, en tenant eux-mêmes à souligner qu’il s’agit d’un programme limité à une législature, les socialistes en soulignent le caractère d’étape — ce qui est conforme à la façon dont nous l’avons tou­jours conçu et dont nous le présenterons. Et surtout, sa mise en œuvre créerait — dans les domaines éco­nomique, social et politique — une situation qui appellerait, favoriserait de nouveaux pas en avant.

En ce sens — et c’est la troisième caractéristique du programme — il s’agit bien d’un programme démo­cratique conforme à la ligne définie par notre Mani­feste de Champigny.
Il ne s’agit pas d’un programme socialiste. Je rappelle que la société socialiste a pour fondements essentiels la propriété collective de l’ensemble des grands moyens de production et d’échange, et l’exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière en alliance avec les autres couches de la population laborieuse II suffit de lire le programme commun pour constater que sa réalisation n’équivaudrait pas à l’instauration du socialisme en France.

Le régime que ce programme permettrait d’ins­taurer, c’est une démocratie politique et économique qui correspond à ce que nous appelons l’étape de la démocratie avancée. J’invite les camarades à relire le chapitre du Manifeste de Champigny qui a pour titre « Qu’est-ce qu’une démocratie avancée ? » Ils consta­teront la conformité absolue du programme commun avec le contenu de notre Manifeste — à la seule exception que, rédigé fin 1968, le Manifeste demandait que la France se saisisse de l’échéance de 1969 pour se retirer du Pacte atlantique.

A cette seule différence — que nous ne sous-estimons pas, mais qu’il faut situer dans l’éclairage de la situation internationale plus positive d’aujourd’hui — à cette seule différence, le contenu du programme commun correspond à notre définition de la démocratie avancée.
Or, je rappelle comment notre Manifeste conclut la caractérisation de la démocratie avancée :

« Le développement continu de la démocratie politique et économique que nous voulons pour notre pays favo­risera le renforcement des positions de la classe ouvrière dans la société et l’affaiblissement de celles du grand capital. Du même coup, les meilleures condi­tions seront créées pour que la majorité de notre peuple s’affirme favorable à la transformation socialiste de la société. »

Les thèses adoptées par notre XIXe Congrès décla­raient :

« A notre époque et dans notre pays, où les prémisses économiques et sociales du socialisme sont d’ores et déjà réunies, un long intervalle historique ne séparerait pas l’instauration d’une démocratie avancée et le passage à une société socialiste. La démocratie avancée est me forme de transition vers le socialisme. »

En adoptant le Programme commun de gouverne­ment, nous ne renoncerons donc nullement à notre lutte pour le socialisme. Bien au contraire ! Car le programme définit une politique qui, si elle est réso­lument mise en œuvre, établira une démocratie avancée pouvant ouvrir la voie au socialisme.

La question que pose l’adoption de ce programme — avec toutes les conséquences que cela comporte — s’inscrit par conséquent dans le cadre de notre lutte révolutionnaire pour le socialisme.

Mais s’il en est bien ainsi, cela signifie que le Comité central n’est pas appelé à se prononcer seulement sur un document, mais aussi sur les conséquences que comporte son adoption.

Autrement dit, pour prendre notre décision, nous devons apprécier non seulement le contenu de ce document, mais aussi le contexte politique dans lequel intervient l’accord avec le Parti socialiste et les pers­pectives qu’ouvrira sa mise en œuvre.


En effet, étant donné la situation sociale et politique qui existe dans notre pays, une victoire de la gauche aux prochaines élections — si elle apparaît difficile — n’est cependant pas impossible.

En tout état de cause, il nous faut nous placer dans la perspective où nous aurions demain à appliquer ce programme, avec le Parti socialiste, dans la majo­rité, et au gouvernement.

Une telle perspective est tout à fait conforme à notre ligne politique, à notre stratégie. Nous avons clairement affirmé que nous voulions l’union avec le Parti socialiste pour participer ensemble à la direction des affaires du pays, non seulement dans le cadre d’un régime démocratique avancé, mais aussi ensuite dans la construction de la société socialiste.

Mais ce que nous devons nous demander, c’est si le moment est bien choisi pour aller vers une telle expé­rience, si la conjoncture intérieure et extérieure lui est favorable, si elle est de nature à faire progresser notre lutte générale pour la satisfaction des besoins des travailleurs et de tout notre peuple, pour le socia­lisme.

La réponse à cette question est décisive, aussi bien pour juger de l’opportunité de l’accord que pour apprécier exactement la portée des responsabilités nationales et internationales que prend notre parti, le poids des engagements qu’il contracte.

Pour bien mesurer ce qui est en jeu, trois données de base doivent tout d’abord être prises en compte,

1° L’expérience — que nous voulons faire — d’une collaboration socialiste-communiste dans la mise en œuvre d’une politique démocratique avancée est une expérience sans précédent.

Elle ne sera pas au même niveau que les expériences que nous avons connues dans notre pays en 1936 ou en 1945. Elle ne sera pas de même nature que ce qui s’est passé en Finlande, ou se passe au Chili. Les conditions sont très différentes.

La France est un des pays capitalistes les plus déve­loppés du monde, un pays où domine le capitalisme monopoliste d’État.

En se donnant en 1958 des structures politiques mieux adaptées aux exigences des monopoles, la grande bourgeoisie a accéléré le processus de concen­tration entre ses mains de l’économie et des rouages essentiels de la vie nationale.

Sans doute, la grande bourgeoisie prépare-t-elle du même coup — et à son corps défendant — toutes les conditions objectives du passage au socialisme. Il n’en reste pas moins qu’au départ, et pour une période qui ne peut être déterminée d’avance, sa puissance, son emprise sur la nation, jointes à son expérience, lui laisseront des moyens économiques, politiques et idéologiques considérables.

De plus, par sa position géographique et son poids relatif, l’impérialisme français joue un grand rôle dans l’ensemble ouest-européen dont on sait l’importance capitale pour le système impérialiste tout entier.

La défaite du pouvoir actuel, l’arrivée au gouver­nement de la France des forces de la gauche, unies sur un programme de gouvernement au contenu avancé, ouvriraient au cœur du camp impérialiste la voie à une modification importante du rapport des forces.

L’événement ne manquerait pas d’avoir des réper­cussions dans les pays voisins.
De toute évidence, non seulement la grande bour­geoisie, mais en alliance avec elle ses alliés occidentaux feront tout ce qu’ils pourront pour empêcher l’expé­rience de réussir.

La question qui se pose ici est donc de savoir si les mesures sur lesquelles nous nous sommes finalement mis d’accord avec le Parti socialiste sont suffisantes pour porter d’emblée un coup sévère à l’appareil de domination de la grande bourgeoisie et pour s’opposer ensuite à ces entreprises réactionnaires.

La question se pose d’autant plus qu’intervient un second élément important :

2° Ce sont les liens de la France avec le Marché commun et le bloc atlantique dirigés par les États-Unis.

Liens économiques, monétaires et financiers tout d’abord.

Les firmes multinationales — parmi lesquelles un certain nombre de firmes à base française — ont tissé par-dessus les frontières tout un réseau de liaisons industrielles, commerciales, financières. La France en est à l’heure actuelle largement tributaire.

De plus, ces firmes multinationales détiennent des positions dominantes dans le Marché commun. L’impérialisme américain le pénètre largement.

Les contradictions, les déséquilibres, fruits amers de la crise actuelle du capitalisme monopoliste d’État,

s’y manifestent avec une acuité particulière. Un exemple ? La monnaie !
La France est intégrée au système monétaire inter­national. Or, ce dernier restera instable, vulnérable tant que les causes de sa crise ne seront pas surmontées, autrement dit, tant que sur le plan international jouera la loi de l’accumulation capitaliste. Bien que la diffé­rence avec notre pays soit grande, on peut évoquer les difficultés qu’a entraînées, pour l’économie yougo­slave, l’instauration de la convertibilité de sa monnaie.

Chacun perçoit, en tout cas, les contraintes, les handicaps que devra surmonter le gouvernement démocratique pour promouvoir une politique contraire à la logique du profit monopoliste qui continuera à animer ses principaux partenaires économiques et commerciaux.
De plus, les liens avec le système des pays impé­rialistes seront également politiques et militaires, en raison de l’appartenance de la France au Pacte atlan­tique et de sa coopération avec l’O.T.A.N.

Il est à peine besoin de souligner les appuis, voire les complicités que cette situation ménage pour les forces réactionnaires en France, qui ne manqueront pas de tenter d’en tirer parti. A l’inverse, la mise en œuvre indispensable d’un type nouveau de coopéra­tion internationale, d’une réelle politique de paix et de désarmement, en sera rendue plus difficile.

3° Dans ces conditions, comme on le voit, beau­coup dépendra de l’aptitude et de la volonté politique du gouvernement démocratique.

Or, nous ne serons pas seuls à la direction des affaires du pays. C’est la troisième donnée à considérer.

Il s’agira d’appliquer ce programme avec le Parti socialiste tel qu’il est.

Tout en agissant activement pour la réalisation de l’union, nous n’avons jamais perdu de vue la nature profonde de notre partenaire. Le Parti socialiste représente, dans sa forme organisée, le courant social- démocrate réformiste tel que l’histoire l’a fait dans notre pays.

Ses traits permanents en sont, au-delà de la volonté réelle ou non de promouvoir des réformes sociales et démocratiques, la crainte que se mettent en mou­vement la classe ouvrière et les masses, l’hésitation devant le combat de classe face au grand capital, la tendance au compromis avec celui-ci et à la collabo­ration des classes.

Ces traits n’ont pas été estompés depuis le Congrès d’Épinay.

Nous avons vu quelle a été la pratique politique du Parti socialiste depuis un an. Prendre appui sur l’aspiration au progrès social, à la démocratie, au socialisme, qui s’exprime de plus en plus dans le pays, mais ménager l’avenir en évitant la rupture décisive avec le grand capital sur le plan national et inter­national. Telle est bien la double caractéristique de la politique actuelle du Parti socialiste.

Cette ambiguïté se reflète aussi dans les contra­dictions, le fouillis doctrinal dont témoigne le pro­gramme de gouvernement du Parti socialiste.

Enfin, le renouvellement de son personnel de direc­tion a accentué la prédominance des éléments les moins proches de la classe ouvrière par leurs origines ou leur position sociale.
Sur 81 membres du Comité directeur du Parti socia­liste, il n’y a pas de paysan, un seul ouvrier et quatre employés. Ces catégories sont totalement absentes du Bureau exécutif. Par contre, les cadres supérieurs et hauts fonctionnaires représentent environ un tiers de l’effectif total du Comité directeur.

Les négociations pour élaborer le Programme commun ont été laborieuses, et c’est, bien sûr, sur les questions essentielles de la rupture avec la politique de collaboration de classe sur le plan national et international que l’accord a été le plus difficile à trouver.

Nous avons dit pourquoi nous y sommes parvenus. C’est le reflet des modifications survenues dans le pays, et aussi dans le Parti socialiste.

Mais il est évident que la nature profonde du Parti socialiste et de sa direction ne s’en trouve pas brus­quement modifiée pour autant.

Au reste, au cours même de la discussion, François Mitterrand n’a pas fait mystère de l’intention du Parti socialiste de se renforcer, y compris à notre détriment. Il a exposé crûment qu’il entendait que ses candidats se présentent, comme il dit, contre nous. C’est ce qu’il vient à nouveau de confirmer devant le Congrès de l’Internationale socialiste en déclarant, comme l’indique une dépêche A.F.P. que son objectif fondamental était de « refaire un grand Parti socialiste sur le terrain occupé par le Parti communiste lui-même, afin de faire la démonstration que sur les 5 millions d’électeurs communistes, 3 millions peuvent voter socialiste ». Nous avons rappelé à François Mit­terrand que, pour notre part, nous estimions que notre adversaire principal, c’était la réaction, l’U.D.R. et ses alliés, la droite, y compris sous son déguisement « centriste ».

Il est clair que la conclusion d’un programme com­mun, la perspective d’un gouvernement dans lequel le Parti socialiste jouerait un rôle important, donne­ront à celui-ci des bases dans son effort pour se ren­forcer à notre détriment, si nous ne faisions pas ce que nous devons faire.

A ces considérations sur le Parti socialiste, il faut ajouter que le regroupement des forces qui mettra en œuvre le programme démocratique commun ne se limitera pas à un tête-à-tête socialiste-communiste.

A cet égard, je vous informe que nous allons avoir dans les jours prochains une rencontre avec une délé­gation des « minoritaires radicaux ».

Nous sommes naturellement pour l’union avec tous les partis de gauche, avec toutes les formations démo­cratiques qui feront leur ce programme et accepteront de travailler résolument avec nous à sa réalisation. En même temps, il faut être conscient que chaque élargissement de cette union, si souhaitable qu’il soit, compliquera la conduite de l’action commune.

En résumé, il y a dans le contexte politique national et international des éléments de contraintes, des risques sérieux pour le succès de l’entreprise que nous voulons engager sur la base de ce programme commun.

Nous ne les évoquons pas pour « doucher » l’en­thousiasme des camarades, mais, je le répète parce qu’ici, au Comité central, nous devons mesurer le plus exactement possible à quoi nous nous engageons.

Et pour cela, naturellement, il faut avoir une vue complète de la situation. Il ne s’agit pas d’être uni­latéral. A cet égard s’il y a des risques, il y a aussi dans la situation des données favorables très impor­tantes.

Première donnée : la situation internationale actuelle.

L’évolution du rapport des forces dans le monde est en faveur de la démocratie, de la paix, de l’indé­pendance des peuples, du socialisme. Désormais, le système socialiste en est bel et bien le facteur déter­minant.

Les pays socialistes — et en premier Heu, l’Union soviétique — remportent dans tous les domaines de la vie sociale, économique, culturelle et politique des succès incontestables.
Certes, tout n’y est pas parfait. Il y a eu, et il y aura encore des erreurs, des fautes. Mais il n’empêche que les pays socialistes vont de l’avant, résolvent pas à pas les grands problèmes posés par la construction d’une société moderne, avancée, alors que dans le même temps, la crise secoue durement tout le système capi­taliste.

Il y a déjà plus de dix ans qu’avec le mouvement communiste international, nous avions tiré de l’évo­lution de la situation dans le monde, la conclusion que des voies et des possibilités nouvelles et variées de marche vers la démocratie et le socialisme s’ou­vraient pour les peuples. Cette conclusion n’en est que plus valable aujourd’hui.

Sans négliger la guerre du Vietnam où l’impéria­lisme américain utilise les bombardements les plus barbares pour tenter de masquer l’échec de sa poli­tique de vietnamisation, sans négliger non plus la tension qui existe au Moyen-Orient, des progrès in­contestables ont été réalisés au cours de la dernière période dans la voie de la coexistence pacifique et de la coopération internationale, notamment en Europe.

Cela crée une situation favorable pour nous.

En effet, la situation actuelle et les perspectives qu’elle ouvre offrent des chances accrues de réussite à une collaboration entre socialistes et communistes dans la mise en œuvre d’une politique de désengage­ment progressif de la France à l’égard du bloc atlan­tique, de lutte pour la dissolution des blocs et l’orga­nisation de la sécurité européenne.
 !
Cette situation met en valeur les possibilités dont disposerait une France dirigée par un gouvernement démocratique à participation communiste, qui aurait l’appui des travailleurs et le rôle qu’elle pourrait jouer dans le monde afin de favoriser le désarmement général, la coexistence pacifique et la coopération internationale.

2° Une seconde donnée favorable est à retenir : il s’agit du niveau politique du mouvement des masses dans notre pays et de ses possibilités de dévelop­pement.

J’ai déjà évoqué, au début de ce rapport, la crise profonde que connaît le système du capitalisme mo­nopoliste d’État. Cette crise n’est pas conjoncturelle, elle ira en s’aggravant.
Dans ces conditions, la volonté de changement des larges masses ne peut que grandir, gagner en profon­deur des couches nouvelles de la population française — à condition, bien entendu, que notre parti fournisse en permanence aux masses ses explications et leur montre les moyens de sortir de la situation actuelle.

D’ores et déjà, nous pouvons à ce sujet mesurer tout le chemin parcouru depuis mai-juin 1968.
Dans le Manifeste de Champigny, nous montrions comment à l’occasion des événements de mai-juin 1968, des couches nouvelles, particulièrement dans la jeu­nesse, s’étaient emparées, parfois de façon confuse, des idées du socialisme. Depuis, l’intérêt pour le so­cialisme s’est confirmé. En même temps, grâce au combat politique et idéologique que nous avons mené avec intransigeance à la fois contre les opportunistes de droite et contre les opportunistes de gauche, on peut dire qu’il y a plus de clarté dans la représentation que ces couches nouvelles, notamment chez les ingénieurs et cadres, se font du socialisme.

Nous sommes réalistes, nous ne nous faisons pas d’illusions. Nous savons pertinemment que beaucoup de confusion existe encore. Mais sur la base des résul­tats déjà acquis, il est possible de faire progresser lar­gement notre conception du socialisme scientifique, du socialisme vivant que nous voulons construire dans notre pays.

Tous ces facteurs pris ensemble, réagissant les uns sur les autres, favorisent le développement d’un puis­sant mouvement des masses.

Plus que jamais, le mot d’ordre d’Union populaire pour changer le cours des événements s’affirme comme un mot d’ordre juste. Or, l’accord conclu entre notre parti et le Parti socialiste, avec l’enthousiasme et la confiance qu’il ne manquera pas de susciter, peut et doit jouer un rôle de catalyseur sur le mouvement populaire.

A ce propos, il faut que le Comité central voie les choses bien en face et en tire les conclusions nécessaires pour son activité, pour l’activité de tout le Parti : le mouvement populaire a été nécessaire pour arriver à l’accord dont nous discutons aujourd’hui ; eh bien, la victoire ne sera remportée qu’à condition que ce mou­vement populaire s’amplifie encore considérablement. Dès maintenant, il va falloir faire face à une violente contre-offensive de la réaction. Et, en cas de succès aux élections, c’est encore une nouvelle ampleur que le mouvement populaire devra atteindre pour permettre à un gouvernement démocratique de réaliser le Programme commun.
Le contenu de classe du programme, son caractère profondément antimonopoliste conduiront en effet les forces réactionnaires à s’opposer avec acharnement à son application.

Seul un mouvement de masse extrêmement puissant et en vigilance permanente sera susceptible de les mettre en échec. Dès aujourd’hui, par conséquent, c’est le mouvement des masses, c’est l’aptitude de notre Parti à l’organiser et à l’amplifier qui sont décisifs. Adopter le programme commun, c’est en même temps s’engager à assurer cette responsabilité-là.

3° Parmi les éléments favorables que nous examinons, il convient justement de faire figurer l’influence du parti et son état d’organisation.

Dans le combat de classe qu’il mène sans aucune concession contre la grande bourgeoisie capitaliste, le Parti communiste s’est aguerri. Ses militants se sont formés et trempés. Ils ont acquis de l’expérience.

Le Parti a renforcé ses positions dans la classe ouvrière. Les efforts faits en direction des O. S. et plus généralement en direction des travailleurs les plus exploités doivent permettre de le renforcer encore dans la classe qui est et reste la force décisive des grands changements sociaux qu’il s’agit d’entreprendre.

En même temps, le Parti a gagné en influence dans les couches nouvelles de salariés : employés, ensei­gnants, ingénieurs, cadres et techniciens, et parmi les intellectuels.
Il a aussi gagné en audience parmi les paysans, petits et moyens producteurs, ainsi que chez les com­merçants et artisans.

Son influence a beaucoup progressé parmi les femmes et dans la jeunesse.

Du point de vue d’organisation, le Parti s’est ren­forcé en nombre d’adhérents, en nombre de cellules tout spécialement de cellules d’entreprise, même si d’énormes possibilités inutilisées existent encore, comme la Conférence nationale du travail à l’entre­prise en a apporté la preuve.
Au moment où la question de la participation des communistes à un gouvernement démocratique peut se trouver mise à l’ordre du jour, il est utile de jeter un regard en arrière pour mieux comprendre la situa­tion actuelle.

Par rapport au Front populaire, des progrès consi­dérables ont été accomplis. En 1936, notre Parti arrivait après le Parti socialiste, qui possédait de fortes positions dans la classe ouvrière. Il était loin d’avoir chez les intellectuels ou dans la paysannerie l’audience de masse qu’il possède aujourd’hui. Ses forces orga­nisées étaient plus faibles et, comme parti, il n’avait pas acquis l’expérience qui est la sienne aujourd’hui.


Par ailleurs, la C.G.T., ce puissant syndicat de classe et de masse, avec ses positions révolutionnaires et son autorité incontestable, vient de se féliciter de l’accord réalisé par le Parti communiste et le Parti socialiste sur un programme commun de gouvernement.

Dans les jours qui viennent, nous rencontrerons la C.F.D.T. et la F.E.N. Dans le même temps, nous adressons à toutes les organisations professionnelles avec lesquelles nous avions pris contact après la pu­blication de notre propre programme, le programme commun en leur proposant une rencontre avec notre Parti pour en discuter. Nous allons tout mettre en œuvre, dès lors que le Comité central et la Conférence nationale approuveraient le programme commun, pour lui obtenir le soutien du plus grand nombre d’organisations représentatives des forces ouvrières, démocratiques et nationales, ceci dans les formes qui respectent l’indépendance et l’originalité de chacune d’elles.

En résumé, le Bureau politique estime que, si l’en­treprise est difficile et que rien n’est gagné d’avance, les conditions et les moyens existent pour que l’expé­rience puisse être positive, pour qu’elle constitue un pas en avant dans la lutte générale de la classe ouvrière et de notre peuple pour le progrès social, la démocratie et le socialisme.


Ceci dit, camarades, il importe de bien être convain­cus d’une donnée essentielle : il est juste défaire entrer en ligne de compte pour l’appréciation et la décision ce qu’on appelle « la dynamique de l’unité », la dyna­mique du mouvement de masse ; mais cela ne comporte aucun AUTOMATISME.

Le programme commun peut susciter un puissant élan populaire dans notre pays et contribuer de façon décisive à la défaite du pouvoir actuel. L’avènement d’un gouvernement démocratique qui aura pour tâche de réaliser ce programme peut permettre à la classe ouvrière et à notre peuple de franchir une étape essentielle dans sa lutte pour la démocratie et le socia­lisme.

Mais, toute notre analyse le montre, le succès de cette expérience sans précédent dépendra, en définitive, de l’aptitude de notre Parti a obtenir le soutien actif des masses populaires à la politique définie en commun avec les autres partis de gauche, à son action pour la faire triompher, le succès dépendra de notre aptitude à créer à chaque étape un rapport de forces suffisant pour vaincre les obstacles qui ne manqueront pas de surgir.

La question qui est posée ici — la question décisive, il faut y insister — c’est celle du développement de l’activité indépendante du Parti dans les masses.

J’ai rappelé au début de ce rapport comment nous avons agi, après le Congrès d’Épinay, pour développer le courant unitaire et créer les conditions d’un accord de gouvernement avec le Parti socialiste.

Eh bien, il s’agit quant au fond de poursuivre sur cette même ligne. Naturellement, il conviendra de tenir compte de la situation nouvelle créée par l’accord. Dès lors qu’il l’aura ratifié, notre parti en respectera loyalement les termes.

Mais il n’y a pas là contradiction mais au contraire liaison étroite avec la nécessité de veiller, comme à la prunelle de nos yeux, à l’affirmation permanente des positions propres du Parti, à son indépendance d’ex­pression et d’action, au renforcement de son influence et de son organisation* Ce sont là des conditions déterminantes pour consolider et élargir l’union, pour assurer le succès de ses objectifs.

Nous n’allons pas aujourd’hui définir les tâches précises qui en découlent pour tout le parti dans la période à venir. Nous le ferons à la Conférence na­tionale.

Toutefois, je veux souligner ce qu’une telle orienta­tion implique pour la responsabilité de chaque mem­bre du Comité central.

A la dernière session de notre Comité central, j’ai évoqué les difficultés que nous avons rencontrées dans l’organisation d’initiatives populaires en faveur d’un bon programme commun.
Il faut le dire, le Comité central n’a pas fait preuve en cette occasion d’assez de détermination. Nous aurions pu et dû avoir beaucoup plus comme le montre le succès des initiatives de masse prises dans les tout derniers jours. Chacun doit mesurer que dans l’avenir, au niveau où se situera la bataille de classe, les consé­quences de telles insuffisances seraient autrement pré­judiciables.

De ce point de vue, un grande bataille est d’ores et déjà engagée : c’est celle des élections législatives.

Dans les conditions entièrement nouvelles de l’union des partis de gauche sur la base d’un programme commun, il nous faut gagner ; il nous faut obtenir un progrès de l’influence de notre parti.

Pour cela, nous mènerons une grande campagne contre le pouvoir, l’U.D.R., ses [alliés, et ceux qui sont prêts à rallier demain la coalition de la droite.

Nous montrerons aux travailleurs, aux masses populaires d’une part que le Parti communiste est l’adversaire le plus efficace, le plus résolu du pouvoir et de sa politique réactionnaire, d’autre part, que le Parti communiste est celui qui luttera plus et mieux qu’aucun autre pour la réalisation des objectifs définis dans le Programme commun, pour ouvrir à notre pays le chemin de la démocratie et du socialisme.

Renforcer l’influence du Parti communiste, aug­menter son nombre d’élus, ce sera le meilleur moyen d’agir pour l’avènement d’un véritable gouvernement démocratique et pour la réalisation de la politique nouvelle, en faveur des travailleurs et de notre peuple, définie par le Programme commun.

C’est vrai aussi pour ce qui est du renforcement d’organisation du Parti. Il nous faut, à cet égard, prendre aucun retard, utiliser toutes les possibilités actuelles.

Au cours des 9 fêtes fédérales qui ont eu lieu di­manche dernier, 620 adhésions au Parti ont été enre­gistrées. Nous pouvons, nous devons, dans les pro­chaines semaines, en faire des milliers.
Camarades,
Le Bureau politique estime que sa délégation aux discussions avec le Parti socialiste a bien rempli son mandat.

Il considère que l’élaboration du Programme commun de gouvernement démocratique, qui est un bon programme, représente un grand succès pour tout notre Parti.

Il propose au Comité central d’approuver ce pro­gramme commun et de le transmettre à la Conférence nationale qui se tiendra le 9 juillet.

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