Revue Unir les communistes nr 7-8
FRALIB : Nos usines sont à nous ! Compte-rendu des rencontres communistes de Vénissieux du 30 avril 2016

, par  Marie-Christine Eigeldinger , popularité : 3%

Intervention de Marie-Christine Eigeldinger, responsable syndicale agroalimentaire CGT.

Cher-e-s Camarades bonjour,

J’interviendrais sur le thème "Nos usines sont à nous" en reprenant l’intervention des FRALIB au congrès de la CGT.

La revendication de la réappropriation sociale et collective de l’outil de production doit être au cœur des luttes pour la défense de l’emploi.

Cette résistance des salariés avec leur syndicat CGT contre les choix destructeurs du patronat fait naître de nouvelles prises de conscience et se confrontent fondamentalement aux logiques capitalistes. L’idée fait son chemin que si les patrons ont besoin des salariés pour faire tourner les usines et créer les richesses, les salariés n’ont pas besoin de patrons. Nos camarades de ex-Pilpa et ex-Fralib par leurs luttent portent des revendications essentielles, dont celle de la réappropriation des moyens de production par les salariés. Ils ont agi à partir de revendications concrètes et sont porteurs de solutions en rupture avec le système capitaliste.

Les luttes pour la défense de l’emploi et du potentiel agricole et alimentaire national menées au cours des dernières années par les syndicats (la brasserie Champigneulles, la sucrerie de Téréos de Nantes, la Chocolaterie de Bourgogne, la CECAB entre autres) sont riches d’enseignements.

Deux exemple de luttes victorieuses : les ex-Pilpa et les ex-Fralib qui se sont réappropriés leurs outils de production en faisant plier le grand patronat.
Pour Pilpa, "R et R" est le leader européen de la crème glacée en marque distributeur. En 2013 il est venu voler la marque, les licences, le savoir-faire des ouvriers de Pilpa et par la même occasion se débarrasser de son principal concurrent en France. Pilpa était une entreprise saine et profitable, développée par plusieurs générations d’ouvrières et d’ouvriers, avant que ces anciens patrons vendent tout à un fonds d’investissement américain à cent milliards de dollars, propriétaire de holdings au Luxembourg et aux iles Caïman.

Très vite il apparaît que "R et R" n’a acheté Pilpa que pour l’entreprise et vendre la coquille vide sans se soucier des salariés, ni de fermer un des principaux sites de la région, déjà sinistrée par un taux de chômage supérieur à 14 %.

Les salariés décident rapidement de ne pas se laisser faire. Ils refusent de négocier le plan de licenciement de la direction, jugeant ses « raisons économiques » fallacieuses. Le principal but de la lutte était le maintien de l’emploi sur le site de Carcassonne. Cette ligne de conduite ne les quittera plus et sera le ciment qui tiendra les salariés unis tout au long de leurs combats.

Pendant que se prépare une assignation de la direction au tribunal, les salariés interpellent les pouvoirs publics pour qu’ils fassent préemption à toutes transactions de nature à empêcher la poursuite de l’activité sur le site. Au-delà, l’idée de reprendre la production en société coopérative ouvrière de production (SCOP) fait son chemin dans les têtes.

Les pouvoirs publics leur font la morale, leur disent d’être très prudents car le projet de SCOP risque l’argent de salariés et de collectivités publiques. Mais les salariés sont résolus à ne pas se laisser faire, personne ne leur proposant d’alternative, pas même feu le « Ministère du Redressement productif ».

Quand enfin est signé un protocole d’accord, les Pilpa obtiennent de la direction des indemnités de licenciements et une formation pour chaque salariés, et pour leur SCOP une ligne complète de production, plus d’un million d’euros pour investissements et formation, une aide technique et commerciale pour le démarrage de leur projet.
La SCOP "Fabrique du Sud" aujourd’hui existe et compte vingt sept sociétaires et vingt salariés qui travaillent pour faire aboutir leur projet. Les produits de la marque la Belle Aude sont en vente depuis avril 2014.

L’autre exemple est une victoire syndicale de grande portée.

Après plus de trois ans de bagarre, très précisément 1336 jours et nuits de lutte et d’occupation des locaux, les salariés de l’usine de thé et tisane Eléphant de Gemenos ont fait plier la multinationale Unilever. Fruit avant tout de leur détermination, de leur opiniâtreté, de l’inventivité, mais aussi de camarades solides politiquement. Les Fralib ont imposé au groupe de mettre en œuvre leur projet de reprise sous la forme d’une coopérative (SCOP TI).

Il en aura fallu de la persévérance de la part des salariés en lutte pour agir pour le maintien de l’emploi, le maintien et le développement de l’outil industriel et de l’économie du territoire.

Nos camarades de SCOP TI n’ont pas pu être présents à nos travaux, ils ont beaucoup de travail et sont très sollicités en ce printemps volcanique. Donc en leur nom, ils m’ont demandé de vous donner comme message l’intervention qu’ils ont collectivement écrit pour le 51ème congrès de la CGT.


Nous souhaitons revenir sur notre combat : lorsque nous avons commencé la lutte en 2010, nous étions dans un climat social, certes difficile, mais certaines lois à l’époque n’existaient pas, comme celle de l’ANI, qui nous aurait sans doute mis en très grande difficulté.

On ne cesse de compter, depuis ces dernières années, les attaques du patronat pour casser le code du travail et réduire les droits des salariés. Avec cette nouvelle « loi-travail » (qui constitue selon moi une honte pour notre pays, parce qu’elle est aussi la signature d’un gouvernement qui se réclame du socialisme), nous nous trouvons confrontés à une nouvelle charge nous ramenant plus loin encore vers le passé. Car c’est une menace qui pèse désormais sur le droit le plus élémentaire du salarié s’inscrivant dans cette société, le droit de s’organiser, d’être représenté, de disposer d’un cadre de protection juridique, d’un contrat de travail.

Nous devons tous nous impliquer dans la lutte contre la mise en place de cette loi et travailler sur de nouvelles revendications pour l’émancipation et l’amélioration de nos conditions de travail et rechercher la conservation et l’obtention de nos droits sociaux ! Il ne s’agit plus, compte tenu des enjeux, de rester sur la défensive mais d’aller à l’offensive.

Pour ce qui concerne l’émancipation des salariés, nous avons fait la démonstration que la CGT est capable de mettre en place des projets alternatifs comme par exemple nos camarades, ex-Pilpa, avec "La Fabrique du sud" et les ex-Fralib avec la naissance de SCOP-TI. Ces deux coopératives, avec leurs ouvriers et ouvrières, se sont réappropriées leurs outils de travail.

Pour ce qui concerne les conditions de travail : Porter la revendication des 32 heures et un salaire minimum de 1850 € accompagnés d’un écart maximum de 1 à 4 entre le plus petit salaire et le plus élevé dans une même entreprise, nous va très bien. Cela permettrait vraiment de relancer la consommation des ménages et de renverser enfin la courbe du chômage.

Pour nous, ce furent 1336 jours d’une lutte juste et légitime, durant lesquels nous avons refusé la fatalité de la fermeture d’une usine, qui s’avérait sacrifiée au nom du profit, par UNILEVER. Cette lutte fut inégale mais nous l’avons menée et nous l’avons gagnée. Malgré leurs énormes moyens financiers, juridiques et politiques, ils n’avaient certainement pas imaginé l’organisation d’une telle résistance ! 76 irréductibles, dignes et incorruptibles, ont mené une véritable lutte de classe et cette fois, c’est notre classe qui l’a emportée, n’en déplaise au MEDEF et à ceux qui le soutiennent !

Comment aurions-nous pu obtenir une telle victoire si, dans l’entreprise nous n’avions pas eu un syndicat CGT qui, depuis sa création, œuvre sur les bases de luttes et de classes ?

Nous n’avons fait que poursuivre le travail de nos anciens, attachés à une forme de syndicalisme sans compromission, afin de défendre l’intérêt de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs et nous continuons à le faire vivre aujourd’hui dans notre Coopérative !

Comment aurions-nous pu obtenir une telle victoire sans les structures du syndicat CGT, avec lesquelles nous avons travaillé pendant 1336 jours sans relâche et réfléchi pendant des heures, des jours et des semaines ? Comment aurions-nous pu étudier, mettre en œuvre les meilleures stratégies de lutte et mobiliser l’organisation de multiples initiatives sans cette structure humaine ? Comment aurions-nous pu être si efficaces ? Comment aurions-nous pu faire de cette lutte, celle des FRALIB, une victoire qui nous lie pour toujours au paysage social du pays, d’une façon incontournable et redoutable ?
Ceci a été possible avec l’union locale CGT Aubagne et son appui de proximité, mais aussi l’Union Départementale CGT, qui tout au long de la lutte ont œuvré et continuent à œuvrer au rassemblement et à la convergence des luttes nécessaires sur notre département si durement touché par la désindustrialisation et la casse sociale.

Comment ne pas se rappeler les moments difficiles, notamment le 11 mai 2012 : la présence de nombreux camarades issus de syndicats, venus de tout le département, qui ont participé et nous ont aidé à reprendre l’usine face à la milice patronale créée par UNILEVER afin de finaliser la fermeture et le démantèlement de notre outil industriel ? C’est grâce à cette solidarité, que nous avons pu éviter cette tragédie et que notre projet alternatif a pu voir le jour.

Comment aurions-nous pu, encore obtenir une telle victoire sans notre Fédération, la FNAF-CGT, les syndicats de la profession disséminés dans les quatre coins de France prêts à se mobiliser, quotidiennement à nos côtés, menant et organisant de nombreuses initiatives à travers le pays ?

Comment aurions-nous pu obtenir une telle victoire sans les analyses économiques de nos experts du cabinet PROGEXA et l’apport dans notre lutte et notamment dans la bataille juridique de notre avocat, Maître Amine Ghenim ?

Et enfin comment aurions-nous pu obtenir une telle victoire sans la solidarité massive, notamment du parti communiste, ses militants et élus et sans les efforts de l’Huma et de La Marseillaise.

Nous sommes en cours d’écriture d’un livre édité par « Le temps des cerises » et dont le titre sera « Les FRALIBRES »

Nous avons gagné tous ensemble le combat contre la multinationale UNILEVER, mais nous devons encore gagner le nouveau combat dans lequel nous nous sommes engagés dans la pérennisation de notre coopérative et de nos emplois, tous ensemble.
Pour cela, nous avons pu encore bénéficier du soutien des camarades et des organisations, qui nous accompagnent toujours en figurant parmi nos meilleurs clients et cette tribune est l’occasion de les en remercier ! Car ils ont compris tout l’enjeu qui se joue pour nous, sur ce terrain très complexe qui nous pousse parfois jusqu’aux contradictions idéologiques et politiques posées par les logiques financières de la grande distribution.

Nous vous invitons aussi à nous solliciter directement et vous proposons de devenir client de SCOP-TI et de vous permettre ainsi d’être « consommacteurs » de ce nouveau combat !

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