Solidarité Français-Immigrés contre le travailleur-marchandise

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La polémique suscitée par la déclaration du député communiste André Gerin a évidemment des motivations diverses ; difficultés de négociation de l’accord du Front de Gauche, espoir de certains dirigeants du PCF de se débarrasser des opposants, manœuvres pour isoler et rejeter les députés non conformes à un futur groupe "Front de Gauche", Gremetz démissionné, Boquet étouffé, Gerin isolé..

Mais elle révèle aussi un des aspects du débat de fonds sur une réponse communiste au choix de la bourgeoisie de défaire la France, et sur les conséquences à en tirer sur les stratégies électorales possibles pour le PCF.

C’est sur le premier point que la polémique est la plus vive autour des questions de l’immigration et de ses conséquences en France [1].

La place qu’a pris l’immigration dans le débat politique fait de cette question un point de clivage traditionnel qui structure les représentations gauche-droite. Il y a à l’évidence un consensus idéologique sur le sujet. Consensus à deux facettes, celle de droite dans laquelle l’immigration est économiquement nécessaire mais culturellement dangereuse, celle de gauche dans laquelle l’immigration est humainement nécessaire, mais économiquement difficile.

Dans les deux cas, on ne parle pas de classes sociales. C’est d’ailleurs à cela qu’ont servi les questions politiques de l’immigration depuis le lancement de Le Pen sous Mitterrand. C’est à cela aussi qu’a servi la segmentation du travail ouvrier entre ouvrier qualifié et ouvrier spécialise, le plus souvent immigré. Tenter de reformuler les questions politiques de l’immigration en terme de classe est donc essentiel, et la tendance à n’en parler qu’en terme de valeurs, d’humanisme, est justement ce qui a progressivement désarmé les communistes qui étaient historiquement porteurs du "Travailleurs français, immigrés, solidarité". Et quand les communistes de Vitry menaient la lutte solidaire avec des travailleurs maliens pour leur droit au logement, les médias ont fabriqués cette image de communistes écrasant un foyer d’immigrés au bulldozer. Et qui connait l’histoire raconté par des militants voisins du foyer ?

Les Maliens, ont immédiatement été attendus et intégrés à la vie de la commune et du quartier. J’habitais à 100m du foyer, parce que les communistes de cette époque, bien que nous ne voulions pas plus d’immigrés, une fois que nous les avions, nous les intégrions. Mais à cette époque nous étions un Parti de proximité. J’étais membre de la cellule de l’entreprise SMAC, à Vitry, dont l’essentiel des travailleurs et des adhérents de la cellule étaient des Maliens, qui étalaient le bitume bouillant, pour des salaires de misère, certains sans papiers, sans vêtements de travail adaptés, mais cela n’intéressait pas les médias.

Cette histoire concrète éclaire une position communiste qui mobilise les travailleurs immigrés pour leur droits, en combattant l’immigration que les patrons organisent pour diviser les prolétaires... Non seulement, ces militants étaient étrangers à tout racisme, mais ils militaient en frères avec tous les travailleurs de toutes les nationalités. C’étaient des internationalistes.

Or la situation du PCF, émietté, divisé, muté, métamorphosé... et affaibli en fait aujourd’hui un parti de type parti radical... beaucoup d’élus et les clans qui y sont liés... L’intellectuel collectif qui permettait de forger des points de vues que des militants pouvaient débattre au fonds et porter "dans les masses" a bien disparu. Dans cette situation, André Gerin travaille seul et considère qu’il doit, compte tenu de ses responsabilités, se battre jusqu’au bout pour faire bouger l’histoire du PCF. Ce faisant, il prend des risques. Mais ceux qui le traitent de fasciste, traiteraient-ils Marchais de fasciste ? Essayons de relire son texte au fonds, et d’imaginer ce qu’un bureau politique du PCF aurait reformulé après discussion, pour éviter que nos ennemis ne déforment nos propos et n’utilisent nos textes contre nous.

Redonner ses couleurs à la France, c’est refuser l’effacement de l’idée de Nation, c’est tourner la page de la décolonisation, c’est repenser une Europe respectueuse de la souveraineté, c’est refuser la mondialisation capitaliste. Pour ce faire, il faut mettre au cœur de cette bataille la réindustrialisation de la France en combattant les politiques de délocalisation et de main-d’œuvre à bon marché. Comme je l’ai écrit dans « Les ghettos de la République », il faut répondre à la difficile insertion économique des enfants français issus de l’immigration. Nous assistons à un véritable génocide, avec 30, 40 50 % de chômage.

- tourner la page de la décolonisation... Voilà une formule incompréhensible. A l’évidence, la bourgeoisie voudrait bien tourner la page et ... recoloniser. C’est d’ailleurs un mouvement encours et on peut voir dans ce qui se passe en Cote d’Ivoire et en Libye un retour de la colonisation. Pourquoi ne pas dire au contraire "rompre enfin avec une colonisation directe ou indirecte qui perdure"...

- la difficile insertion économique des enfants français issus de l’immigration. Cette phrase ne fera peut-être pas polémique. Elle pose pourtant problème en considérant que c’est le fait d’être issu de l’immigration qui fait l’insertion difficile. Or, les universités sont pleines d’étudiants issus de l’immigration ! Les statistiques de réussite scolaire montrent même que les enfants d’immigrés ouvriers ont un peu plus souvent le Bac que les enfants d’ouvriers non immigrés... De fait, l’élément essentiel de la plus ou moins grande difficulté d’insertion, c’est bien la ghettoïsation de certains quartiers sur une base sociale. Ce n’est pas l’immigration dans ce cas qui pose problème, c’est bien l’inégalité sociale ! Il faut effectivement dénoncer la difficile insertion économique des enfants des quartiers populaires

C’est le sens de mon engagement contre le voile intégral afin que la jeunesse des quartiers populaires soit au centre des priorités du pays pour la décennie à venir : une politique de l’enfance, d’éducation, d’insertion, d’intégration à la Nation. Faire reculer la paupérisation économique, sociale et culturelle de millions de familles devient une priorité nationale.

- On peut noter que tous les détracteurs qui insultent Gérin ne citent jamais pas la suite de la phrase et ne retiennent que le rappel de "mon engagement contre le voile intégral". Faire reculer la paupérisation ne les intéresse pas...

La gauche a épousé les thèses du grand patronat avec ce discours irresponsable où il faudrait régulariser tous les sans-papiers, elle prône l’immigration comme le demandent Laurence Parisot et Christine Lagarde pour une main d’œuvre à bon marché.

Non, l’immigration n’est pas une chance pour la France. C’est un mensonge entretenu depuis 30 ans. Oui c’est une chance pour le capitalisme financier, pour diviser, pour exploiter, pour généraliser l’insécurité sociale, exclure, ghettoïser des millions de familles et de jeunes français de la vie sociale et politique.

- Les commentaires ne retiennent que "l’immigration n’est pas une chance", en se gardent bien de dire que c’est une réponse à l’affirmation du grand patronat par la voie de sa présidente, Mme Parisot, qu’il faut une augmentation massive de l’immigration pour répondre à leurs besoins de main d’œuvre.

La déclaration de Gerin est alors incompréhensible. Une lecture rapide peut même en être "les immigrés ne sont pas une chance"... ce qui voudrait dire qu’il faudrait s’en débarrasser... Or c’est justement le patronat qui dit d’un coté vouloir plus d’immigrés, et de l’autre maintenir la pression policière contre les immigrés pour faire accepter une organisation de sous-développement à l’indienne ou, divisé en quartiers, communautés, en quelque sorte en "castes" précarisées, le monde du travail va devoir accepter des réductions massives de salaires.

- Une relecture politique attentive aurait sans doute conduit à écrire

Laurence Parisot et Christine Lagarde disent que l’immigration est une chance pour la France. Elles veulent dire que c’est une chance pour le capitalisme financier, pour diviser, pour exploiter, pour généraliser l’insécurité sociale, exclure, ghettoïser des millions de familles et de jeunes français de la vie sociale et politique. Non, l’immigration n’est pas une chance, c’est une saignée pour les pays d’origines, c’est la souffrance de l’exil et de la séparation pour les immigrés, c’est la nouvelle armée de réserve du patronat dans les pays d’accueil. L’immigration dont parle le patronat n’a rien à voir avec la libre circulation des êtres humains, ni avec la solidarité internationale, elle est la forme moderne de la traite des noirs

Ce débat n’est pas une invention de Gerin. C’est Marchais qui écrivait en 1981 :

« J’approuve le refus de Paul Mercieca de laisser s’accroître dans sa commune le nombre, déjà élevé, d’immigrés ; en raison de la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membre de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. La cote d’alerte est atteinte […] C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. Il faut résoudre l’important problème posé dans la vie locale française par l’immigration. Se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes. Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficile leurs relations avec les Français. Quand la concentration devient très importante […] la crise du logement s’aggrave ; les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles immigrées, plongées dans la misère, deviennent insupportables pour les budgets des communes. »

Le débat n’est pas tranché. Marchais avait raison de dénoncer les ghettos, et la situation a largement empiré depuis. Il y a donc urgence à une politique qui unissent les travailleurs de toutes origines contre le dumping social, pour des droits égaux pour tous, pour le refus de la précarisation généralisée.

Ces quelques exemples montrent bien que si le débat au fonds est nécessaire, il ne peut se limiter à extraire deux mots d’une déclaration pour insulter ou dénoncer son auteur. Comme à Vitry ou la réalité de l’action solidaire de classe des communistes a été transformée en son contraire, certains voudraient régler leur compte avec Gerin en le rendant infréquentable.

Les communistes ne doivent pas craindre le débat au fonds.
- quelles propositions communistes pour sortir de la logique du travailleur-marchandise qu’on délocalise et déplace dans le grand Monopoly mondialisé du capitalisme ?
- quelles solidarités de terrain partout contre le repli identitaire, le communautarisme, le racisme ?
- quels moyens d’accueil décent, de formation et d’accompagnement professionnel pour les "réfugiés du capitalisme" que sont les sans-papiers, en combattant les réseaux clandestins, en permettant des retours gagnants aux pays d’origines
- quelle politique internationale débarrassée des logiques impérialistes, des grandes multinationales, de la technocratie européenne, pour le co-développement ?

Le chantier est immense et ne peut se construire sous pression des règlements de compte politiciens.

[1Certes, il y a en fait dans la déclaration de Gerin d’autres sujets qui fâchent, notamment la direction du PCF. Son rappel que la sortie de l’Euro sera inéluctable, son annonce provocatrice d’une possible candidature en 2012...

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