Les communistes sont porteurs d’une fierté populaire ! Intervention à la commission pour l’égalité républicaine du PCF

, par  Pierre-Alain , popularité : 4%

J’ai participé ce 19 septembre à la commission nationale pour l’égalité républicaine organisée par le PCF portant sur les quartiers populaires. Une rencontre de militants de nombreuses villes, de Marseille à Vitry, des élus, des éducateurs, des responsables du PCF, rencontre présidée par Fabien Roussel, très attentif, et qui annonce en conclusion que le débat sera porté au conseil national par Marie-Christine Burricand, responsable national aux quartiers populaires.

J’ai écrit cette contribution à partir des notes de mon intervention.

J’habite en quartier politique de la ville, aux minguettes, et je sais que peu d’élu à la politique de la ville habitent eux-mêmes dans ces quartiers, c’est un des éléments des fractures politiques et sociales. Sur la dénomination « quartiers populaires », (qui est mieux que « quartiers défavorisés » ou « quartiers prioritaires »), si « quartiers » pose problème, introduisant une opposition géographique entre ces quartiers et les autres, il faut revendiquer le mot « populaire ». Je suis fier d’habiter dans une ville populaire et je n’ai pas envie d’habiter dans une ville bourgeoise.

Nous sommes l’année du 40ème anniversaire de la politique de la ville, de la marche pour l’égalité des droits et contre le racisme ; faisant suite aux émeutes des "étés chauds des minguettes". Mais je crois qu’il faut toujours rappeler que c’est d’abord l’anniversaire de la trahison de la gauche, de la rupture avec ses promesses de "changer la vie" dans la bascule vers une politique d’austérité. Au moment ou Mitterrand reçoit la marche pour l’égalité, son premier ministre, Pierre Mauroy, dénonce les grèves ouvrières dans l’automobile comme « islamistes », bien avant les premiers succès électoraux du Front National.

Cette trahison de la gauche, nous la payons lourdement depuis, et c’est ce qui marque encore le débat public notamment dans les milieux populaires.. C’est le contexte politique des émeutes du début de cet été qui ont bousculé l’anniversaire de la politique de la ville, les forces réactionnaires s’en servant pour remettre en cause son financement. Le bilan de la politique de la ville, c’est beaucoup de transformation urbaine, souvent de qualité, beaucoup d’actions utiles et de soutien aux associations, et pourtant une incapacité à compenser la terrible aggravation des inégalités sociales et territoriales. Le bilan des 40 ans est une terrible dégradation des conditions de vie de milliers de familles, le développement des squatts, de la sous-location illégale, de l’hébergement des marchands de sommeil, dans les quartiers ou la construction des "grands ensemble" avait permis de sortir des millions de familles des taudis et ghettos.

Les communistes de Vénissieux ont organisé en cette rentrée une rencontre témoignage avec des militants, des élus, des éducateurs de prévention, des travailleurs sociaux, des enseignants pour tenter de comprendre ce qui s’est passé et comment nous pouvons y répondre, une rencontre riche et qui aura des suites, avec notamment l’ambition de donner la parole aux jeunes de la ville.

Car il est difficile de dire ce qui s’est vraiment passé dans ces « émeutes », qui semblent ne pas être de même nature partout. Ainsi le maire de Rive de Gier témoigne que l’attaque de sa mairie était le fait de très jeunes, alors que sur la métropole de Lyon, un quart seulement des interpellations concernaient des mineurs. Aux minguettes, 22 000 habitants, 5000 de moins de 25 ans, il y avait 200 jeunes dans les regroupements, sans doute quelques centaines autour qui les soutenaient ou les admiraient, mais en tout cas, ce n’était qu’une minorité. De qui parle-t-on quand on dit « les jeunes des quartiers » ? Ceux qui sont en rupture scolaire ou ceux, nombreux, qui ont réussi dans le sport, la culture, le travail, la science ?

Les émeutes ont d’abord réagi à la colère contre le meurtre de Nahel, mais cette émotion contraste avec l’absence de réactions sur les violences contre les jeunes qui sont un phénomène de masse dans notre société, des violences liées aux trafics, aux violences familiales qui jettent des ados à la rue, violences de la route et la première cause de mortalité des adolescents, le suicide.

Mais comment s’est organisé la suite qui n’avait vite plus rien à voir avec Nahel ? Qui a fourni et financé les énormes volumes de mortiers d’artifice ? qui a organisé la revente des tonnes de marchandises pillées dans 250 bureaux de tabac ? Qui a été capable d’organiser l’attaque d’un train de marchandises à Givors ?

Et ce sont des milliers de familles populaires qui ont été les victimes de violences contre leur cadre de vie, parfois contre leur logement comme à St-Fons ou Villeurbanne. Il y a un enjeu essentiel pour la gauche, et surtout pour les communistes, d’organiser une réponse collective qui unisse les milieux populaires, qui les aident à surmonter les violences qui divisent.
- NON, ni les parents, ni les enfants, ni les jeunes des quartiers populaires ne sont le problème. Les violences et les casses qui ne concernent qu’un petit nombre, sont d’abord la traduction de la fracture citoyenne entre les institutions et les milieux populaires.
- NON, les dépenses publiques pour les quartiers ne sont pas des puits sans fonds. Elles sont utiles et nécessaires, même si elles concernent principalement la rénovation urbaine et pas le développement économique, social et culturel. Leur limite est qu’elles ne compensent pas les inégalités et les injustices de l’ensemble des politiques publiques qui dépensent moins dans nos quartiers qu’ailleurs !

Les émeutes portent un risque terrible de division des milieux populaires, de donner une place aux idées d’extrême-droite sur les parents, l’école, l’ordre... C’est pourquoi la première réponse nécessaire à l’unité populaire est la mobilisation pour la tranquillité et contre les trafics. Car les trafics, s’ils n’ont pas nécessairement augmenté en volume dans la société, sont devenus visibles, s’appropriant des lieux publics ou privé, imposant leur loi à des milliers d’habitants contraints d’adapter leurs déplacements face au pourrissement de nombreuses allées ou espaces publics.

La réponse policière qui fait monter les tensions pour faire tomber les seuls réseaux de deals démontre son impuissance à apporter la tranquillité publique, ne mettant en cause ni la consommation, ni le marché mondial et son financement, ni le recrutement des ressources humaines du trafic parmi les jeunes en rupture, et de plus en plus liées à l’immigration clandestine. La politique de répression des trafic devrait se concentrer sur les flux financiers, la protection des mineurs recrutés par les réseaux de trafiquants, une grande campagne de recul des addictions en commençant par les collèges. Ce travail suppose une police en lien avec la population qui aurait pour mission de faire reculer les violences, au contraire de la politique actuelle de l’ordre qui envoie les policiers dans l’affrontement permanent, au risque quotidien du drame, ou du crime.

L’unité populaire suppose aussi une nouvelle politique de la ville, tirant les leçons de l’incapacité de 40 ans de rénovation urbaine à faire reculer les inégalités et les ségrégations.

Le premier enjeu est une politique volontariste de développement d’un logement public, ouvert à tous, permettant de résorber le mal logement avec un financement public massif permettant des loyers accessibles à tous. Il faut revenir à l’aide à la pierre avec un budget propre de l’état dans l’objectif de 200 000 logements par ans, diversifiés et accessibles. C’est la condition pour faire revenir les couches moyennes dans le logement social, alors que les ratios offres-demandes actuelles le rendent impossible. Le revenu médian des demandeurs de logement baisse constamment, plaçant les bailleurs dans l’impossibilité de respecter à la fois les objectifs de demande prioritaires et les objectifs de mixité sociale. Il faut sortir du piège du débat sur la mixité sociale qui est impossible dans un contexte de pénurie.

Le deuxième enjeu est l’emploi, la formation, l’insertion où de nombreuses expériences montrent le niveau d’accompagnement nécessaire pour permettre à un jeune ou un chômeur de longue durée de retrouver confiance dans sa capacité à découvrir un métier, s’insérer dans une organisation de travail. Et il faut dire que l’’expérience de beaucoup d’actions d’insertions, d’efforts pour aller vers les publics les plus éloignés de l’emploi se heurtent aux représentations dominantes sur des ségrégations qui seraient insurmontables. Pourtant, jamais autant de jeunes des quartiers populaires n’ont réussi des parcours professionnels remarquables. Comme le montre le chanteur Kerry James dans son clip banlieusards, il n’y a jamais eu autant de jeunes de quartiers d’origines immigrées dans les élites scientifiques, sportives, culturelles, politiques, institutionnelles… Mieux, la majorité des jeunes des quartiers rentrent dans la vie active, s’installent et construisent leur vie malgré les difficultés, malgré les ségrégations. Comme le dit une jeune fille des minguettes dans une rencontre publique, « plus la lutte est difficile, plus la victoire est belle ». Évidemment, le taux de chômage des jeunes des quartiers reste anormalement élevé. C’est pourquoi la politique de la ville doit construire un service public de l’insertion et de l’emploi à la hauteur de ce défi, démontrant la richesse et la créativité de la jeunesse populaire.

C’est d’ailleurs l’objectif que peuvent porter les communistes dans les discussions encours des futurs contrats de ville, il faut développer massivement les dépenses de droit commun dans l’éducation, l’insertion et l’emploi, la culture, le sport qui, contrairement aux discours réactionnaires, restent insuffisantes dans les quartiers populaires.

Alors que faire ? Les constats sont souvent partagés, mais sans une rupture politique, on voit bien que les politiques publiques ne mettront pas en cause les inégalités sociales et territoriales, les précarités, ne feront pas reculer le capitalisme violent des trafics, de l’uberisation, de la concurrence.

Le plus important est d’organiser le réveil politique des milieux populaires, de permettre à des jeunes, des habitants de prendre eux-mêmes la parole, de porter une parole en rupture avec les discours consensuels d’une gauche d’adaptation au capitalisme, d’une gauche de salon, de médias.

L’anniversaire des 40 ans peut être l’occasion de reprendre l’ambition de marches populaires construites dans les quartiers, tous les quartiers. Ceux dits prioritaires par la politique de la ville, comme ceux des zones périurbaines, rurales, qu’ils soient faites de tours ou de pavillons, à partir du moment où y vivent les couches populaires et les couches moyennes.

Pour être un appel de rupture, portant les colères populaires, il faut un contenu transformateur, unissant tous les milieux populaires et les couches moyennes, sortant d’une logique d’enfermement géographique dans les "quartiers".

Pour être réellement porteur d’une parole populaire, il doit être construit de manière militante, sur le terrain, loin des médias et de leurs agitations politiciennes, et il doit organiser la maitrise politique de sa communication. Les communistes peuvent se mettre au service d’une telle démarche, construite avec tous les acteurs de terrain qui se retrouvent sur un tel contenu.

Voici une esquisse de ce que pourrait être un tel appel :

[(

Proposition d’appel pour des marches populaires pour l’égalité et la fraternité

Nous, habitants des quartiers populaires, nous sommes les premiers de corvées, assurant les métiers difficiles nécessaires aux services publics des transports, de la voirie, des déchets, à la santé et aux services à la personne, à la logistique et la distribution, à l’industrie de main d’œuvre… Nous sommes la France qui travaille pendant les confinements.

Nous sommes la France des bas revenus, des temps partiels subis, des précarités, des inégalités, d’une consommation de masse à bas prix et faible qualité, de loisirs réduits, celle qui part peu en vacances, qui se déplace moins, a moins accès aux loisirs.

Nous sommes la France des cités et des banlieues, des quartiers dits sensibles ou prioritaires qui sont partout jusqu’aux zones périurbaines, celle qui est confrontée à l’insécurité des trafics de stupéfiants au service de consommateurs d’autres quartiers, aux incivilités et violences plus visibles car nous avons moins de services urbains publics et privés qu’ailleurs.

Nous sommes la France ! Nous sommes le cœur battant d’une société française bousculée par la crise du capitalisme mondialisé, par la précarisation généralisée du travail, par la concentration des revenus et des patrimoines sur une élite de « premiers de cordées » d’où ne ruisselle que mépris et racismes, qui ne s’intéressent plus au cadre de vie commun.

Nous exigeons l’égalité et la fraternité sans lesquelles la France n’est pas la France.

Nous exigeons des politiques publiques de l’éducation, la sécurité, la culture, la santé qui dépensent plus pour ceux qui ont moins.

Nous exigeons une augmentation généralisée des salaires, des pensions et des allocations qui garantissent une vie digne à toutes et tous.

Nous exigeons un service public de l’emploi qui assure à chaque jeune, à chaque chômeur de longue durée, le droit à une formation et un emploi digne.

Nous exigeons le renforcement d’une police démocratique formée à la réduction des violences, une politique de santé publique visant la baisse continue des addictions, un service public de prévention ne laissant aucun ados en rupture de citoyenneté.

Nous exigeons un logement pour tous et tout de suite, la construction de 200 000 logements sociaux par an, fortement subventionnés par l’état pour garantir des loyers qui ne dépassent jamais 25% des revenus d’une famille.

Nous appelons à l’organisation de marches populaires pour l’égalité et la fraternité portant ces revendications dans toute la France, convergeant vers une grande journée nationale pour l’égalité et la fraternité à Paris le…)]

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    Un film
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    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

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    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).