Les communistes luxembourgeois ont dit non et maintenu leur parti

, par  lepcf.fr , popularité : 3%

On le sait peu en France mais il existe un parti communiste au Luxembourg qui a une histoire glorieuse et un ancrage réel notamment dans le bassin sidérurgique. Il a joué ainsi en 2005 un rôle important dans les 43,4% de non au référendum sur le projet de constitution européenne.

Sur bien des points, la situation et les débats du Parti communiste luxembourgeois (KPL) présentent des similitudes avec les nôtres. A partir des années 1990, une partie des directions a poussé pour l’abandon de la référence communiste. Mis en échec une première fois, les mêmes sont revenus à la charge avec une coalition électorale « de gauche » qui s’est vérifiée être destinée à supplanter le KPL et à récupérer (et dévoyer) son patrimoine politique. Les pressions du PGE, ont été d’autant plus fortes que le pays est au cœur de l’UE.

Nos camarades luxembourgeois ont refusé de de se laisser enfermer et de se saborder. Ils restent fidèles à leur choix de classe et internationaliste : un exemple encourageant pour les communistes français. Le Luxembourg est un petit pays mais le KPL est voisin, sous bien des aspects, notamment des fédérations du PCF de Lorraine.

Ci-dessous l’article écrit par notre camarade Julien Villain (après interview des camarades dirigeants luxembourgeois en 2009).

Les communistes du Jarnisy (54)


Retour sur l’histoire du KPL

Le parti communiste du Luxembourg est fondé en 1921. Dès l’origine, il est en butte à une répression féroce de la part des gouvernements. Il parvient cependant à s’implanter durablement dans le bassin sidérurgique et minier du sud du pays, autour d’Esch sur Alzette, deuxième ville du pays.

Principale force politique engagée dans la Résistance à l’occupant nazi, le KPL gagne une grande popularité après la Libération.

En 1945, sur une population de 220.000 habitants, 20.000 travailleurs sont sidérurgistes. Ils soutiennent massivement le Parti, tout comme les Lorrains le PCF de l’autre côté de la frontière. Le syndicat d’inspiration communiste fondé après-guerre domine parmi eux. Il est le seul à mener le combat de classe contre le grand trust sidérurgique ARBED.

A Esch sur Alzette, dont il a détenu la municipalité, à Differdange, le KPL réalise des scores électoraux de 25 à 30% dans les années 1950 à 1960, bien qu’en pleine guerre froide il soit traité comme un ennemi de l’intérieur par les autres forces sociales et politiques.

Les efforts du KPL se sont portés vers les nouveaux segments de la classe ouvrière qui se développent dans les années 1960 (nouvelles usines Du Pont de Nemours et Goodyear). Dans les zones essentiellement rurales et sans culture revendicative, les tentatives d’organisations des ouvriers de ces industries ont été farouchement réprimées et ont rencontré un succès limité. Le KPL n’a pas non plus réussi à s’implanter fortement parmi les employés du public ou du privé : les socialistes du LSAP ou les chrétiens sociaux du CSV, qui gouvernent ensemble le pays depuis 1948 au sein d’une « grande coalition », y sont restés prédominants

La crise de la sidérurgie a touché le Luxembourg de plein fouet. En 1974, alors que le trust ARBED annonce des coupes sombres dans les effectifs. Alors que toutes les autres forces politiques acceptaient les conditions d’ARBED et ne discutaient que sur l’indemnisation des sidérurgistes licenciés, les communistes se battirent pour sauver les emplois, faisant campagne pour la nationalisation de la sidérurgie en porte-à-faux avec la direction nationale du syndicat réunifié OGB-L.

Une situation qui n’est pas sans rappeler notre situation en Lorraine au même moment.

La défaite finale du mouvement, l’effondrement des effectifs de la sidérurgie, qui passe de 30.000 à 15.000 ouvriers entre 1974 et 1986, contribuent à accentuer l’affaiblissement de l’influence du KPL.

Evolution dans les années 1980

Le recul électoral est très net. La base des soutiens du KPL dans la société est désorientée par le déclin industriel. Une partie se laisse courtiser par un nouveau parti d’extrême droite, qui affecte un discours ouvriériste et prétend défendre les « petits ».

Le paradoxe est que le KPL ne perd pas d’adhérents. Il en gagne même, grâce à son action efficace et résolue dans le mouvement de protestation contre l’installation de missiles « Pershing » au Luxembourg, et semble même à cette occasion réussir à étendre son influence dans de nouvelles couches de la population : jeunes intellectuels, enseignants, fonctionnaires, professions libérales… Le KPL leur laisse assez rapidement des postes de responsabilité jusqu’au bureau politique du parti. Le plus en vue de ces nouveaux dirigeants est André Hoffmann, professeur de philosophie, adhérent depuis les années 1970, qui devient député à la fin des années 1980.

En finir avec le communisme ? Les débats internes au sein du KPL avant la rupture de 1994

Le KPL n’avait jusqu’au début des années 1990 jamais connu des grandes dissensions en son sein, juste des débats dans les années 1980 sur la stratégie à adopter vis-à-vis des couches intermédiaires. L’effondrement du bloc de l’est entraina dans les sections du KPL des débats très durs sur l’analyse du régime soviétique et de sa chute, particulièrement à la section d’Esch sur Alzette, la plus grosse du pays, dont André Hoffmann était un dirigeant. Ce dernier défendait dès 1991 la renonciation à l’étiquette communiste et la fondation d’une nouvelle force : il lança ainsi avec ses partisans les « forums de la Nouvelle Gauche », cercles de discussion censés préparer la transformation du KPL en nouvelle force de gauche ». Seul député du parti élu en 1990, Hoffmann disposait d’une influence non négligeable dans le KPL et bénéficiait de nombreux soutien dans la direction, contrôlant également la rubrique « vie interne » dans le journal du parti, ce qui permettait de diffuser largement ses vues en directions des adhérents.

Les tensions entrainées par les prises de positions d’une partie des dirigeants éloignent du KPL bon nombre de militants.

Au congrès de 1993, les tenants de la ligne Hoffmann proposent au vote des militants une résolution de transformation en une nouvelle organisation ouvertement réformiste, faisant passer au second plan l’entreprise et la lutte des classes. Ils parviennent à l’emporter chez les adhérents des sections d’Esch sur Alzette et de Luxembourg ville.

Mais malgré le soutien de la moitié du comité central, les adhérents se prononcent au deux tiers pour une autre voie : pour le texte affirmant le maintien du parti sur des bases communistes.

Du coup, Hoffmann, en mauvais perdant, quitte le parti avec plusieurs de ses amis, dirigeants et élus locaux, pour fonder la « Nouvelle Gauche » (Nei Lénk), qui trouva d’emblée dans les médias une complaisance sans commune mesure avec son influence réelle dans la population.

Aux élections législatives de 1994, KPL et Nouvelle Gauche présentent chacun leurs listes, aucune des deux organisations ne parvenant à faire élire un député.

1999 : naissance de la coalition électorale « la Gauche »

Devant la remise en cause des conquêtes démocratiques et sociales, l’idée d’une convergence, notamment en vue des élections nationales, entre les formations situées à gauche de la « coalition » se développe. Le KPL décida d’intégrer une alliance électorale pour les élections législatives et européennes de 1999 qui prit le nom de la « Gauche » (Déi Lénk), avec notamment la « Nouvelle gauche ». La possibilité de l’adhésion individuelle à la « Gauche » avait été acceptée pour permettre à des syndicalistes ou des citoyens non organisés de s’y associer.

Des divergences de fond apparurent rapidement entre le KPL et les autres organisations la « Nouvelle Gauche » et des petites formations trotskistes. Désaccord sur l’analyse de l’UE : la « Nouvelle Gauche » défendant l’idée d’une réorientation de l’UE vers une « Europe sociale » ; désaccord sur les questions internationales (comme le soutien à Cuba) ; désaccord sur la pratique politique, le KPL souhaitait donner la priorité au travail politique dans les entreprises, quand les autres organisations préféraient s’adresser « aux citoyens ».

2004 : le KPL se dégage de « la Gauche »

Avec le succès relatif de « la Gauche » aux élections de 1999, « la Gauche » devenait progressivement un parti à part entière, sous l’impulsion d’André Hoffmann, élu à nouveau député sous cette nouvelle étiquette. « la Nouvelle Gauche » se dissout pour se fondre dans « la Gauche » et les pressions sur le KPL sont fortes pour qu’il se dissolve à son tour.

Le KPL, perdrait son autonomie et sa visibilité. Au lieu de rassembler, les positions de « la Gauche » dégoutaient de nombreux communistes et sympathisants. Le KPL, à une large majorité, décida donc de retrouver son indépendance d’expression et d’action en quittant « la Gauche », se présentant désormais sous ses propres couleurs. De son côté, « la Gauche » aligne ses positionnements sur ceux du PGE et bénéficie manifestement d’une complaisance des médias dominants du pays.

« La Gauche », le « Parti de la Gauche », les coalitions électorales de « gauche » amènent un effacement des partis communistes : l’exemple luxembourgeois en rappelle d’autres, comme en France actuellement. Avec le PGE, il apparaît qu’est déployée de façon parallèle et coordonnée, partout en Europe, une stratégie d’abandon de l’identité communiste, d’alignement dans le cadre institutionnel sur une version de « gauche » de l’idéologie dominante. Capter l’héritage des partis communistes tout en coupant avec leur organisation et leur théorie révolutionnaires, voilà le projet mené par des directions internes ou des personnalités extérieures. Sans ou contre les communistes.

Non sans difficultés et déchirements, nos camarades luxembourgeois ont réussi à garder la raison d’être de leur Parti

Le KPL continue d’être un élément de la coopération internationale entre PC, souhaitons-le toujours avec le PCF, notamment ses fédérations de Lorraine.

Tiré du site de la section PCF du Jarnisy

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