Le complexe militaro-industriel, l’humain et le capital... Contre-université de la défense à Pau

, par  Claude Roussie , popularité : 3%

Ci dessous, quelques réflexions après la tenue, à PAU, d’une "contre-université de la défense" organisée par un collectif à l’initiative du
Comité 64 du Mouvement de la Paix.

Ce collectif "Solidaires Contre l’Université de la Défense" (SCUD)
regroupait : Des citoyens, AFPS Pau, Parti de Gauche Pau-Béarn, PCF sections de Pau et Garlin, PCOF, NPA 64, Mouvement de la paix Pau, ATTAC 64, ROCML, Emmaüs Lescar-Pau, Culur’América, la FASE, Comité palois du MRAP, Libertat Béarn, FSU64.

Avec le soutien des amis du Monde Diplomatique.


Quelques réflexions après le non-débat au Palais Beaumont. Avec l’ambition de conclure la mal nommée « université » de la défense, les députées Lignières Cassou, et Chabanne avaient organisé sous les tentures du Palais Beaumont une soirée ouverte au public qui se voulait rencontre débat.

Rencontre, il y eut, mais quant au débat ?

Le meilleur moyen de tuer un débat n’est-il pas d’essayer d’endormir l’auditoire par des exposés qui, derrière une apparente expertise n’ont pas pour but d’ouvrir une discussion qui permettrait d’explorer des pistes diverses, mais au contraire de poser sur le ballast des fausses évidences les rails d’une pensée unique.

C’est ce à quoi se sont appliqués un ambassadeur, M. Foucher, le général Perruche, ainsi que Mme Adam, devant une salle où un alignement d’uniformes dans les premiers rangs laissait sans doute espérer aux organisatrices une soirée bien confortable.

C’était sans compter sans les différentes sensibilités qui depuis quatre jours menaient leur propre réflexion sur les questions de la défense qui devrait être une grande question citoyenne. Les bombardements sur la Libye, l’intervention au Mali, les menaces d’actions militaires en Syrie étaient présents dans toutes les têtes, rappelant que derrière les discours bien léchés, ce sont la guerre et la paix qui sont en question, ce qui explique la juste indignation vertement exprimée par certains participants.

Diverses questions ont été posées depuis la salle. Elles touchaient aux
liens entre notre pays et les USA qui utilisèrent massivement les armes
chimiques au cours de la guerre du Vietnam, sur les conséquences
environnementales des activités des industries d’armement, des
syndicalistes interpellèrent sur la situation des personnels civils
travaillant pour la défense, une femme évoqua la situation des militaires
appelés à participer à des opérations à l’extérieur du pays. Mais
sur les orientations générales du livre blanc de la défense, sur les
analyses de l’état du monde conduisant à ces orientations aucune
discussion n’est possible, à moins que l’obstination têtue qui
consiste à dire, « je vous entends mais je ne suis pas d’accord avec
vous » constitue en soi une contribution au débat. Il est vrai que dans
ce domaine la démocratie se résume sous la Cinquième République aux
prises de décisions par le monarque républicain qu’est le Président.

Eh bien n’en déplaise à Madame la Secrétaire de la commission de la
défense, débattons au fond, à partir de certaines affirmations prises à
la volée au cours des intervention liminaires.

Argument premier, le livre Blanc tient compte de la mondialisation après l’effondrement de l’Union Soviétique. Il fut un temps question de la « fin de l’histoire » pour les penseurs de l’hégémonie des États-Unis. Mais il apparaît de plus en plus nettement que les contradictions continuent de miner le monde capitaliste. Le tableau évoqué par M.Foucher est celui interprété par les puissances qui ont choisi le camp des puissances dites occidentales où la politique est de fait dictée par le complexe militaro industriel dénoncé dès 1961 par le Président des Etats Unis lui même. Il y a une autre vision du monde que celui dépeint par M. Foucher, c’est celui qui se construit, certes à travers ses propres difficultés, en Amérique latine autour de l’ALBA. Son principe de base est la solidarité, la non ingérence. C’est insupportable pour les États-Unis. Pour M. Kerry l’Amérique Latine doit rester l’arrière-cour des USA, qui n’ont pas hésité dans la dernière période à soutenir la tentative de coup d’Etat contre le Président Chavez, ou le renversement du Président élu du Honduras. M. Obama, a fait installer de nouvelles bases militaires en Colombie, pays où les meurtres de syndicalistes, de paysans pauvres sont fréquents et qui envisage son adhésion à l’OTAN.

On voit bien qu’il y a d’autres choix pour la France que l’alignement sur les USA. « Nous ne vivons pas dans un monde apaisé » déclarait le Général Perruche au cours de la soirée. Et pour cause ! Qu’attend-on
pour prendre nos distances avec les logiques de pillage des pays en voie de développement ? Ce pillage s’appuie sur la corruption de dirigeants complaisants pour les multinationales et sur l’appauvrissement des peuples. Il s’ensuit inévitablement, tôt ou tard, des mouvements populaires qui peuvent prendre des formes les plus diverses que les mouvements terroristes s’efforcent d’utiliser.

Le livre blanc prétend lutter contre ce terrorisme, mais comme fasciné
par la richesse des féodalités pétrolières, le gouvernement semble ne
pas voir que certains de ces pays financent le terrorisme qu’il prétend
combattre. Il envoie des soldats au Mali et dans le même temps a des
relations suivies avec le Qatar qui finance Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI).

Le livre blanc « prend en compte la défense du territoire » selon le
général Perruche
. Contre quel ennemi ? on peut se poser légitimement la question en lisant les menaces listées par ce livre, et surtout l’énumération des interventions « dans lesquelles la France a été
engagée ces dernières années ‘Afghanistan, Côte d’Ivoire, Lybie, Mali ». Rien à voir avec des menaces sur notre territoire, mais plutôt avec les intérêts que nous avons.

L’intervention au Mali permet de mieux cerner ce que désigne le « nous
 ». « Selon Le Point, le gouvernement français a décidé l’envoi très
prochain des forces spéciales de l’armée « pour assurer la sécurité
des principaux sites d’exploitation d’uranium de l’entreprise
française Areva au Niger ».

Il s’agit là d’une décision injustifiable qui démontre, s’il en
était encore besoin, que la « Françafrique » a encore de beaux jours
devant elle et que les ressources naturelles du Niger appartiennent dans
les faits à la France, aujourd’hui comme du temps de la colonisation ».

Lorsque le général Perruche se félicite des 10 000 hommes disponibles
pour la sécurité intérieure
, on ne peut manquer de penser à
l’utilisation passée des forces militaires pour réprimer des mouvements
sociaux de grande ampleur. On pourrait remonter à l’écrasement sanglant
de la Commune de Paris, ou à la mutinerie des soldats du 17è régiment
d’Infanterie refusant de tirer sur les vignerons du midi en 1905. Dans la
période plus récente qui a suivi la deuxième guerre mondiale, « les
forces de l’ordre » ont été à plusieurs reprises utilisées pour
réprimer des luttes sociales. Ce fut le cas en 1948 contre les mineurs en
grève, en 1961 dans une meurtrière répression de la manifestation
parisienne des Algériens suivie en février 1962 par le massacre de
Charonne. On a également en mémoire la violence des CRS contre les
manifestations étudiantes de 1968, ou plus récemment encore, en 2006,
l’acharnement répressif contre les lycéens s’opposant au CPE. Et que
dire de l’assaut contre la grotte de Nouméa en 1988 par sept cents
hommes d’une unité d’élite et du GIGN !

Dans ces temps actuels où la situation sociale s’aggrave, où la
précarité se développe, où le chômage s’étend, le rapprochement
entre « sécurité intérieure » et le « livre blanc de la défense »
peut inquiéter. Certes il y a des menaces de type terroriste, mais le
gouvernement a des relations suivies avec des pays qui financent le
terrorisme. Avec la suppression de la conscription, les liens, pourtant
faibles, entre la nation et son armée ont été quasiment rompus et l’on
entend parler de milices privées alors que certains états comme la Grande
Bretagne ou les USA confient la formations de militaires à des organismes
privés.

Quant à l’argument si souvent avancé de l’impact positif des
industries d’armement sur l’emploi
, il mériterait pour le moins
d’être examiné de plus près. Dans une étude universitaire, sur
l’impact économique des investissements civils et militaires, Arzelier
et Nicolini constatent en conclusion que si le secteur militaire exerce des
effets d’induction sur les économies régionales et nationale, les
dépenses civiles exercent un effet d’induction, plus important que les
dépenses militaires

Si on va au delà des apparences, on peut donc affirmer que chaque Euro
détourné des dépenses civiles vers le militaire se traduit par un
déficit d’emploi.

Il faut ajouter que toute avancée vers le désarmement se traduirait dans
un premier temps par la mise en œuvre d’emplois hautement qualifiés
pour la neutralisation et la démolition des systèmes d’armements.
A plus longue échéance, toute progression dans le désarmement aurait
pour conséquence d’immenses économies en énergie, en matières
premières, en travail humain, sans que rien ne manque à ce qui permet de
répondre aux besoins de chaque individu. Cela contribuerait à détendre
les tensions internationales liées à la recherche de nouvelles
ressources.

Il s’agit ainsi de sortir du cercle vicieux : pillage, violence,
corruption, pour faire avancer une culture de la paix dont le moteur serait
 : coopération, transparence dans les relations.

Une réflexion sur la défense, résolument tournée vers l’avenir, ne
peut faire l’impasse sur ce qui fonde tous les aspect de la politique du
pays.

Restons nous figés dans les dogmes d’une société de la libre
concurrence, laissant libre cours à la rapacité du complexe militaro-
industriel et financier, ou, au contraire, lançons nous les bases d’une
société où l’humain s’impose au capital ?

Tel est le choix qui se pose aux femmes et aux hommes de notre temps.
Les associations, les citoyens qui se sont retrouvés au sein du collectif
Solidaires Contre l’Université de la Défense (SCUD) ont fait le second
choix.

Un choix difficile ? Personne ne le conteste.

Raison s’il en est pour commencer sans retard.

Claude Roussie

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