Mélenchon saute sur Hénin-Beaumont

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On peut dire beaucoup de choses de Mélenchon, mais il faut lui reconnaître une qualité : il domine à la perfection les ressorts de la politique groupusculaire. Il a parfaitement compris combien il est nécessaire, dans la société du spectacle qui est la notre, d’occuper le terrain médiatique. Si le spectacle s’arrête, il disparaît rapidement de la mémoire des spectateurs et il est remplacé par un autre. Il n’y a pas si longtemps, Besancenot était le jeune espoir de la "gauche radicale", promis au plus brillant des avenirs. Aujourd’hui, qui s’en souvient ?

Mélenchon a bien compris que la perte de son statut de candidat présidentiel risquait de le pousser rapidement vers l’oubli. Co-président d’un parti de quelques milliers d’adhérents, député européen parmi 78 autres, il pouvait difficilement à ce titre réclamer une place de choix au fenestron. Après la campagne présidentielle, l’intérêt des français se déplace vers les élections législatives et la formation du nouveau gouvernement. N’étant pas en ligne pour faire partie du second, le seul moyen de rester sous le feu des projecteurs est donc de se présenter aux premières. Mais pas n’importe où : Mélenchon candidat à Trifouillis-le-Canard aurait certainement une haute visibilité pour les canardotrifouillois, mais certainement pas au niveau national. Il faut donc choisir une circonscription qui attire les journalistes. Ce sera donc Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Charmante cité qui outre son haut beffroi, ses hauts terrils et son taux de chômage lui aussi d’une hauteur considérable, présente l’incomparable avantage d’être la terre d’élection d’une autre star médiatique, j’ai nommé, Marine Le Pen. Et pour appâter la presse, on nous annonce déjà du côté de l’équipe Mélenchon que le combat sera "homérique".

Je vous avoue que cette affaire me laisse perplexe. Et tout d’abord, parce qu’elle est symptomatique de la manière de fonctionner du Front de Gauche en général, du PG en particulier, et de l’équipe Mélenchon en dernière instance. Une manière de fonctionner qui se distingue par la plus grande imprévision et le plus total opportunisme. Car il n’était pas besoin d’être grand sorcier pour prévoir, lorsque Mélenchon a été investi en juin 2011, qu’on en arriverait là. A l’époque, les membres du Front de Gauche avaient discuté pendant plusieurs semaines les candidatures aux élections législatives. Personne ne s’est posé la question du "cas" Mélenchon ? Ces gens-là croyaient-ils vraiment que Jean-Luc serait élu président de la République ? Comment se fait-il que personne n’ait fait un minimum de prospective, de manière à éviter les flottements, les rumeurs et les contre-rumeurs auxquelles cette affaire est en train de donner lieu ? Était-ce la peine d’investir sur la 11ème circonscription du Pas-de-Calais un candidat, le communiste Hervé Poly, secrétaire fédéral [1], qui depuis des mois travaille la circonscription pour, à quatre semaines du scrutin, parachuter quelqu’un qui n’a la moindre trajectoire sur la circonscription sur le mode "ôte toi de là que je m’y mette" ? N’aurait-on pu réfléchir avant ?

Non, de toute évidence, on ne peut pas. Le Front de Gauche est une éternelle improvisation, chacun essayant de jouer ses "coups" en fonction des possibilités qui se présentent. La candidature législative de Mélenchon n’obéit à aucune vision de long terme. Qu’on ne me raconte pas que le but est de "combattre la figure de proue du FN". Si tel était le cas, on aurait pu préparer cette candidature depuis des mois voire des années. Jean-Luc aurait pu se présenter aux européennes, aux régionales et même aux cantonales dans le coin, pour préparer le terrain. Il n’en a rien fait. On est donc obligé de conclure que cette candidature est la réponse immédiate à une question immédiate : "qu’est ce qu’on peut bien faire pour rester en haut de l’affiche ?".

Vous direz que je radote, mais je vais le redire quand même : la politique ne se réduit pas à des "coups" opportunistes. Cela demande un travail de fond sur le long terme. A Hénin-Beaumont, le fonctionnement du Front de Gauche contraste désagréablement avec le travail de terrain systématique et de longue haleine entrepris par le Front National sur cette circonscription. Depuis que Marine Le Pen a choisi de s’y installer en 2007, elle ne s’est jamais présenté à une élection ailleurs et détient tous ses mandats dans la région : candidate aux législatives à Hénin-Beaumont en 2007, aux municipales en 2008, député européenne de la "grande région" nord-ouest (2009), conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais (2010). De l’autre côté, on parachute un candidat qui a été tour à tour sénateur de l’Essonne, député européen pour le Sud-Ouest (après avoir voulu être tête de liste à Paris...), tête de liste pour les régionales dans le Languedoc-Roussillon, et qui pour les législatives hésite entre Hénin-Beaumont, Paris et Marseille... franchement, si vous vouliez élire un député qui représente vos intérêts et ceux de votre circonscription à l’Assemblée Nationale, lui feriez-vous confiance ?

Ce nomadisme électoral, qui rappelle singulièrement celui de Jack Lang [2], est un manque de respect pour les électeurs. Un député - et donc un candidat - a des devoirs envers les électeurs qu’il sollicite. En se faisant élire député européen pour le Sud-Ouest, il s’est engagé à représenter cette circonscription au Parlement Européen. Que va-t-il dire à ces électeurs ? Qu’après mûre réflexion il est plus intéressant d’aller chasser la Marine que de défendre leurs intérêts ? Et après les avoir abandonné, quelle crédibilité auront les promesses d’amour éternel qu’il fera sans doute aux héninois ?

Descartes

Voir en ligne : sur le blog de Descartes....

[1Il n’est pas inutile de rappeler que la fédération communiste du Pas de Calais est en conflit permanent avec la direction nationale du PCF depuis déjà plusieurs congrès. Faut dire que les pasdecalaisiens n’ont jamais avalé la "mutation" du père UbHue et ses séquelles. Ceci explique probablement pourquoi dans une circonscription éminemment "gagnable" la direction nationale du PCF préfère Mélenchon plutôt qu’un affreux orthodoxe comme Poly...

[2Et qui est tout le contraire de la tradition ouvrière et communiste. Les dirigeants du PCF furent en général des hommes et des femmes d’une seule circonscription, qui n’ont que très rarement changé même lorsqu’ils étaient battus dans leur circonscription d’origine. Maurice Thorez fut toujours député de la Seine, Jacques Duclos député puis sénateur de ce même département, Georges Marchais fut député du Val-de-Marne de 1973 à 1997, et même Marie-George Buffet ne s’est jamais présentée ailleurs qu’en Seine-Saint-Denis.

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