L’appel au Peuple... Front Français, Thorez 1936

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Galvanisé par la puissante manifestation madrilène de Podemos, à laquelle il participait, Jean-Luc Mélenchon a déclaré :

« Ce qui compte, c’est d’être le peuple, être dans une nouvelle manière d’organiser le champ politique, le peuple contre la caste, le peuple contre l’oligarchie, et pas seulement la droite contre la gauche parce que pour plein de gens ça ne veut rien dire, c’est les mêmes. »

Nouveauté politique absolue qui ne procède pas moins d’une solide tradition de dépassement des partis par l’appel au peuple.

Pour nous en tenir à la période contemporaine et sans remonter à la poudre aux yeux jetée par Louis-Napoléon Bonaparte et le Brave Général Boulanger, rappelons nous qu’en 1934 les Ligues factieuses s’unissaient dans un Front national répondant à l’appel du journal fascisant L’Ami du Peuple… Il s’agissait d’unir le Peuple français dans la lutte contre le Front commun communiste-socialiste et la Révolution Bolchevik…

Mais en Juillet 1936, Maurice Thorez lançait au nom du Parti communiste un appel à la formation du Front des Français, déplaçant largement vers le centre et la droite l’axe fondamental du Front populaire : la lutte contre le fascisme et pour le progrès social.

Faut-il rappeler que ce sont les communistes français qui en mai 1941 créeront le Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France ?

Rien à voir, on s’en doute, avec le Front National (FN), fondé en 1972, et dont l’appellation initiale était Front National pour l’Unité française…

Sans oublier l’entreprise du Rassemblement du Peuple Français (RPF) lancée par le Général de Gaulle en avril 1947…

Bref, à gauche comme à droite, le dépassement de la fragmentation politique par l’union populaire n’a rien d’une nouveauté.

Ce qui, évidemment, n’enlève en rien aux vertus possibles d’une nouvelle expérience, confortée par l’immense vague d’union populaire manifestée après les tueries de Paris. Mais ce qui témoigne aussi, dans l’insuccès relatif des tentatives précédentes, (qui, exception faite peut-être du Front National de la Résistance, n’ont jamais pu vraiment dépasser les antagonismes politiques) de la part de rhétorique irréaliste que porte l’appel au Peuple…

Appel de Thorez au Front Français

L’Humanité du 18 avril 1936 donnait sur une page entière le texte de l’allocution électorale par Maurice Thorez au micro de Radio Paris, dans le cadre de la campagne électorale des législatives de fin avril (une véritable grande première alors : un communiste sur les ondes nationales !).

Contre la minorité prédatrice des 200 familles et la dictature des banques, contre les fascistes diviseurs des Français, Thorez non seulement présente, dans le cadre du Front populaire (Communistes, Radicaux, Socialistes) les propositions communistes pour combattre la crise économique, sociale, culturelle, morale dont souffre la France, mais il lance un appel totalement inédit à l’union du peuple de France contre les menaces mortelles, intérieures et de plus en plus extérieures, qui pèsent sur la Nation.

« Pour la réconciliation du peuple de France

Et maintenant nous travaillons à l’union de la nation française contre les 200 familles et leurs mercenaires. Nous travaillons à la véritable réconciliation du peuple de France.
Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques, parce que tu es notre frère, et que tu es comme nous accablé par les mêmes soucis.

Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu croix de feu, parce que tu es un fils de notre peuple, que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux, comme nous, éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe.

Nous sommes le grand Parti communiste, aux militants dévoués et pauvres, dont les noms n’ont jamais été mêlés à aucun scandale et que la corruption ne peut atteindre. Nous sommes les partisans du plus noble idéal que puissent se proposer les hommes.
Nous communistes, qui avons réconcilié le drapeau tricolore de nos pères et le drapeau rouge de nos espérances, nous vous appelons tous, ouvriers, paysans et intellectuels, jeunes et vieux, hommes et femmes, vous tous, peuple de France, à lutter avec nous et à vous prononcer le 26 avril.
- Pour le bien-être, contre la misère ;
- Pour la liberté, contre l’esclavage ;
- Pour la paix, contre la guerre.
Nous vous appelons avec confiance à voter communiste.
A voter pour la France forte, libre et heureuse, que veulent et que feront les communistes. »

Si elle avait rencontré un aval populaire évident, la stratégie du Front populaire, qui rompait avec la politique antérieure du PCF (Front commun à la base, dénonciation des dirigeants socialistes réformistes), avait pu déconcerter des militants rompus aux dures luttes et à l’isolement des années 1920.

Il est évident que le nouveau dépassement stratégique et théorique de l’Union nationale, promulgué par la direction du Parti, pouvait surprendre une partie des militants encore marqués par le trauma de l’Union sacrée de 1914, sans cesse reprochée aux dirigeants socialistes...

Le Parti se lance alors dans une grande campagne d’explications sur "L’union entre Français". La brochure de Maurice Thorez, L’Union de la Nation française, est massivement diffusée. Début août, une fois passée l’immense vague de grèves spontanées qui permirent les conquêtes sociales que l’on sait, Jacques Duclos donne dans l’Humanité, plusieurs éditoriaux explicatifs :

« A l’heure où la sécurité de la France est menacée non seulement à l’Est, mais en Espagne et en Afrique du Nord, le Front Français devient une nécessité vitale et nous avons la certitude que cela répond tellement bien aux aspirations profondes du pays que c’est avec espoir et confiance que nous augurons de son avenir ». (L’Humanité, 6 août 1936)

Enfin, Maurice Thorez revient sur le chantier de la constitution du Front Français (L’Humanité, 7 août 1936)

« Le front français doit se réaliser. "Le gouvernement issu du Front populaire n’est pas le gouvernement des partisans du Front populaire, mais le gouvernement de la France, et il doit agir avec autorité à l’intérieur et à l’extérieur". Maurice Thorez montre que cette politique, qui tient compte des leçons de l’histoire, maintient l’unité entre le prolétariat et les autres classes populaires ».

On sait que le PCF aura suffisamment de mal à maintenir l’unité du Front populaire, immédiatement mise à bas par la non intervention en Espagne, l’absence de réaction devant l’arrogance des Hitlériens et des Fascistes italiens, la prudence (pour ne pas dire plus) des radicaux devant les réformes sociales, et la fameuse Pause proclamée par Léon Blum. La réalisation du Front Français, pour être toujours souhaitée par le PCF, s’éloignait d’autant plus des perspectives concrètes. On sait ce qu’il en advint en 1939.

René Merle

Voir en ligne : sur le blog de René Merle

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