« 10 septembre » et avant ? et après ? Où ? Comment ? Qui ? Pourquoi ? d’un sujet de discussion des réseaux à un mouvement de masse ?

, par  pam , popularité : 10%

Notre vie publique est incroyable, faite de buzz, de réseaux sociaux, d’influenceurs... On ne sait presque rien de ce qui se passe dans les entreprises, usines ou bureaux, dans les quartiers, les communes, sauf pour les accidents et les drames. Mais depuis le début de l’été, tout le monde en parle, un mot d’ordre a été lancé « on bloque tout le 10 Septembre ». Beaucoup de militants et d’élus qui font des communiqués de presse, des lettres ouvertes, des interventions et qui n’ont jamais les honneurs des médias se demandent ce qui fait que tout l’espace médiatique et politique s’agite, autour de cet appel « on bloque tout » dont personne ne sait vraiment qui en est à l’origine, qui le reprend... On ne sait ni qui, ni combien, ni comment, ni pourquoi...

On trouve des groupes FB, Telegram avec divers noms...
Le groupe FB « Indignons-nous » a 4 800 amis avec un site web, et beaucoup de groupes Telegram avec plusieurs milliers de participants. On peut se dire que des milliers de personnes discutent de cette journée dans des dizaines de réseaux divers, mais comment savoir si cela mobilise plus que les 300 000 gilets jaunes ou les 3 millions contre les retraites au plus haut ?

Le groupe Facebook se présentant comme « organisateur »affiche ce 21 aout 21 000 membres...et l’évènement FB 798 participants et 3900 intéressés [1].

Certains disent qu’il y a des groupes d’extrême-droite, d’autres que ce sont des gilets jaunes qui redémarrent et refusent tout syndicat ou parti.. Beaucoup de groupes militants de gauche ou d’extrême-gauche se lancent dans ce mouvement de blocage espérant un mouvement de masse... LFI et EELV soutiennent, les autres partis de gauche suivent plus ou moins, les syndicats discutent... Les éditos médiatiques sont sur le sujet, des experts sont interrogés...

Mais au fait, il y a quoi en réel ? Combien de collectifs « on bloque tout » se sont créés ? Dans combien de communes ? Des annonces de rassemblement ? de manifestations ? Et pour bloquer quoi ? les ronds-points ? les centres commerciaux ? les infrastructures de transport ? les installations militaires ? les usines ? les services publics ? certains disent les paiements en carte bleue, ou ne pas mettre les enfants à l ’école (un mercredi, ce ne sera pas très difficile...).

Dans les organisateurs se trouve entre autres Alexandre Jardin, écrivain qui avait tenté une candidature à la présidentielle 2017, lancé une association dite « bleu blanc zèbre » animant les « acteurs des territoires », largement financé sur fonds public. Il a lancé en 2025 le mouvement « les gueux » [2], notamment contre les ZFE avec une journée de mobilisation nationale le 17 mai qui n’a pas été vu par grand monde, hormis les motards en colère... et désormais contre l’augmentation des factures d’électricité à travers la dénonciation de la programmation de l’énergie (PPE).

Au moins, on a une idée des capacités de mobilisation de ce mouvement... Mais qui d’autres pour le 10 Septembre ? Et admettons que les syndicats s’y mettent à fonds. Que feront-ils de plus que pour toutes les dernières grandes mobilisations des retraites, des lois travail, ou des gilets jaunes... ?

Qui a tiré le bilan des échecs de ces luttes et comment ne pas les reproduire ? Certes, il y a de la colère contre Macron, contre Bayrou et la suppression de deux jours fériés exaspère... C’est toujours les mêmes qui paient ! Mais suffit-il d’un buzz médiatique pour surmonter les difficultés persistantes de mobilisation ?

Ce buzz du 10 septembre est révélateur de quelque chose dont nos médias ne parlent pas, notre peuple est profondément divisé et ses colères ne lui permettent pas de peser sur les pouvoirs économiques, politiques, idéologiques car elles sont contradictoires et désordonnées... Le pouvoir peut d’ailleurs préparer d’avance sa réponse au 10 septembre, alliant répression, récupération, manipulations... Qui sera capable de lui résister ? Rappelons qu’après l’immense mouvement social de 68, avec dix millions de grévistes, Mitterrand disait que le pouvoir était à prendre... Mélenchon qui s’en réclame fera-t-il tomber Bayrou ? L’annonce ce 25 Août d’un vote de confiance le 8 Septembre va bousculer l’agenda, car la vérité va apparaître en cas de chute de Bayrou, quelle est l’alternative avec un peuple écartelé entre une gauche divisée et une extrême-droite en vogue ?

La spontanéité des gilets jaunes devrait être une leçon, l’expression des colères ne suffit pas pour réussir à construire une organisation par magie en quelques jours. Car les divisions de la société françaises se retrouvent dans les mobilisations elles-mêmes...

C’est ce qu’on vient de vivre à quelques semaines d’écart entre les colères paysannes et la pétition surprise contre la loi Duplomb... Peut-on opposer le droit à la qualité de l’alimentation avec le droit de paysans confrontés de plus à la concurrence mondiale ?

C’est aussi la leçon que beaucoup devrait tirer de la ZFE... Quand on oppose droit à la qualité de l’air et droit à la mobilité, on divise les Français...

Ce buzz du blocage le 10 Septembre est révélateur du non dit des syndicats, mais aussi de la plupart des forces politiques de gauche, y compris ceux qui dans la gauche « radicale » soutiennent ce mouvement. Pourquoi les luttes sociales depuis des décennies sont si difficiles ? Pourquoi le rapport de forces entre le travail et le capital est aussi favorable au patronat ? Pourquoi les pouvoirs successifs, de gauche ou de droite, ont pu imposer des réformes aussi anti-populaires que la réforme des retraites ?

Répondre à cette question, c’est nécessairement regarder la réalité du monde du travail marqué par les révolutions numériques mondialisées, l’ubérisation et l’extension des « chaînes de valeurs » mondialisées rendant chaque entreprise de plus en plus dépendante d’un écosystème global, par la fragmentation d’une société qui n’a plus de projet commun, le capital pouvant décider de délaisser des régions, des secteurs, des ressources pour lesquels il ne trouve pas de rentabilité suffisante.

C’est le fonds des divisions entre les tours et les bourgs, entre les métropoles et les périphéries, entre le Nord-Est et l’Ouest, entre les générations, entre les origines, les modes de vie...

Espérons que les colères s’expriment, le 10 septembre, avant et après, mais surtout, espérons que ces colères poussent des millions de français à sortir des médias et des réseaux sociaux pour retrouver le chemin de l’unité populaire, de l’organisation, du nécessaire débat collectif pour réinventer une « France des jours heureux » qui n’a pas grand chose à voir avec les programmes politiques existants, de gauche comme de droite.

Quelques textes marquants sur ce sujet


Laurent Brun a publié sur Facebook le 10 Août un texte ou il propose d’accompagner le mouvement, une occasion d’affaiblir le pouvoir, même si cela suppose de débattre sur le contenu, les formes, dans un contexte de crise de confiance avec toute organisation...

Petit sujet « 10 septembre »

Ce n’est que l’état de mes réflexions individuelles, pas encore le produit d’une analyse collective…
Pour moi, à ce stade, la question n’est pas « qui l’a lancé ? », mais plutôt « est-ce réellement un mouvement de masse ? ».

Il est évident que ce qui commence à monter sur le 10 septembre ressemble à une jacquerie, c’est à dire un mouvement de colère quasi spontané. Notre pays en a connu de nombreux, avant même la Révolution de 1789. Ce n’est pas un signe de force du mouvement ouvrier, au contraire. Mais c’est quand même un espace possible de renforcement de celui-ci.

Il faut être lucide : ce n’est pas ce genre de mouvement qui fait bouger les choses. Le caractère massif et spontané permet d’exprimer un sentiment profond de la population mais son caractère désorganisé, et idéologiquement composite l’empêche de réagir aux stratégies des capitalistes, de mener des revendications au bout, ou encore de se coaliser avec d’autres forces. On l’a vu avec les gilets jaunes, par exemple, qui n’ont pas fait la jonction avec le mouvement lycéen de l’époque, qui n’ont pas su réagir à la stratégie répressive, qui n’ont finalement rien obtenu sur le prix de l’essence ou leurs autres revendications, et dont la « marque » est aujourd’hui récupérée par les pires bureaucrates (exclus d’autres OS) pour créer des syndicats gilets jaunes qui ne font que diviser un peu plus les salariés.

C’est la différence avec le mouvement syndical qui, par exemple, ne parvient pas à remettre en cause la réforme des retraites en 2023, mais grâce à la continuité de l’action que permet une organisation, obtient le relèvement des pensions agirc-arrco, le relèvement des pensions du régime général que le gouvernement voulait geler en 2024, des mesures de départ anticipé en retraite dans plusieurs secteurs particulièrement mobilisés (ports, cheminots, verrerie, métallurgie, chimie…), et maintien la pression sur la revendication principale (cf vote de l’assemblée il y a quelques semaines sur la résolution pour le retour à 62 ans).

Pour autant, si la colère est telle qu’une bonne partie de la population s’identifie au 10 septembre, il ne faut pas mettre ce mouvement de côté. C’est une occasion supplémentaire d’affaiblir le Gouvernement. C’est aussi une occasion de toucher des salariés que nous ne touchons pas actuellement.

Le principal problème vient de l’apolitisme et de l’asyndicalisme, qui rendent difficiles les jonctions (surtout quand on tombe sur un.e animateur/trice local buté, ou sur un.e facho déguisé). Mais peut-on être surpris ? La très grande majorité de la population n’est pas partisane, et une bonne partie n’est pas politisée. Certains des partis de gauche renient très vite leurs promesses et une partie des organisations syndicales signent n’importe quoi… le raccourci sur le « tous pourris » est donc très facile à faire (encouragé par l’extrême-droite). La manière spontanée de cette frange dépolitisée de s’en préserver c’est de refuser les organisations sans voir ce qu’elle perd à cause de ça, et sans voir surtout qu’il y a TOUJOURS des dirigeants ou des organisations de fait [3].

Donc laisser faire son expérience au mouvement spontané, tout en étant à côté, en contact, pour discuter de l’expérience des luttes, des pratiques d’orga, du contenu des revendications, sans donner de leçons mais en montrant ce qu’on fait et en permettant à celles et ceux qui le souhaitent de s’y joindre, me paraît la bonne attitude. Dans ce cas, il faudrait que nous soyons présents le 10 septembre.

Il y a un autre danger : Une partie du 10 septembre est né des annonces Bayrou et raisonne avec le slogan « c’est Nicolas qui paye », qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux. Ce slogan est tres amblematique de la logique poujadiste car il vise l’Etat comme seul responsable des difficultés (et donc dédouane les capitalistes), ce qui forme aussi un tremplin pour poser ensuite la question de la prise du pouvoir d’Etat. Ce n’est pas pour rien que le RN et certains partis de gauche s’en emparent : ils font de la présidentielle de 2027 la seule cible de leur action. Ce slogan est puissant car il peut lier les petits artisans, agriculteurs ou patrons (« écrasés par les charges ») et la couche moyenne de la population (« écrasée par les impôts et qui ne bénéficie de rien »). Plusieurs militantes et militants de gauche ont commencé à apporter des contre feux sur les réseaux sociaux. Il faut absolument empêcher la majorité de la population de tomber dans ce panneau « anti-impôt », « anti-Etat », qui peut facilement basculer vers un populisme à la Mileil (le président argentin d’extrême droit qui a fait campagne avec une tronçonneuse pour montrer qu’il trancherait dans les dépenses de l’Etat). Nous pouvons démontrer que ce sont les gros actionnaires qui s engraissent sur les cadeaux fiscaux qui sont fait aux très grandes entreprises, et que ce sont eux qui étouffent l’économie et les services publics, pas les transferts sociaux aux plus pauvres, qui au contraire enrichissent le pays et la plupart des ménages français.

La encore, pour mener la bataille d’idées, il faut discuter avec les gens qui participent à la jacquerie…

Je reviens à ma question de base : est ce que ça prend dans la population ? Beaucoup de gens en parlent, mais ça ne veut pas dire qu’ils vont s’y engager. Ils en parlent parce que les média en parlent. Donc faisons fonctionner nos syndicats, faisons remonter la température dans nos entreprises sur ce sujet. Si c’est un mouvement porté uniquement par les groupuscules d’extrême- droite et d’extrême-gauche, il disparaîtra aussi vite qu’il est apparu. Si c’est un mouvement populaire, ne nous inquiétons pas, ces groupuscules seront vite dépassés et les aspirations sociales reprendront le dessus.

Le syndicalisme peut être lui-même, c’est à dire transformer les aspirations en revendications à porter, organiser des actions, avoir ses processus de décisions, être représente par ses militantes et militants, tout en laissant la possibilité à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se joindre à ses manifestations ou à ses grèves. On peut être mutuellement respectueux, tout en convergeant sur certains objectifs.

Ce qui est sur en revanche, c’est que notre tâche principale doit être de développer la conscience de l’organisation (pour « tout bloquer », il faut être implanter et structuré partout, donc créer un syndicat CGT dans son entreprise, même si elle est petite) et la conscience politique (affrontement capital/travail).

Le CCN de fin août est idéalement placé. Les unions départementales et les fédérations feront remonter un état de la situation et nous pourrons décider sereinement de notre stratégie. Discutons avec nos collègues et nos voisins pour prendre le poul, organisons des AG de syndicats (avec celles et ceux qui sont présents, ce n’est pas la période ideale mais c’est mieux que rien…) et faisons remonter le contenu des discussions.


Le site Unité CGT diffuse un appel à contribuer à un réveil populaire.

#ToutBloquerparlagrève, Tous et toutes en lutte dès le 10 septembre !

Suppression de 2 jours fériés, 43 milliards de dépenses sociales à piller, attaques contre l’assurance-chômage et la 5e semaine de congrès payés…. le Pouvoir protège et biberonne le patronat et les riches, et promet au Peuple de la sueur, du sang et des larmes. L’Etat sécuritaire et la « démocratie » à la française apparaissent pour ce qu’ils sont : une organisation calibrée, « quoi qu’il en coûte » pour satisfaire les intérêts des plus riches.

L’absence de riposte forte des Confédérations syndicales, la vague promesse de “lutte” à la « rentrée », et la stratégie perdante de l’intersyndicale, sans modalités ni plans d’actions et qui, malgré la gravité des attaques, n’est capable d’accoucher que d’une pétition en ligne, est un grave problème. Contre la stratégie du choc permanent des capitalistes, nous avons en effet besoin, ici et maintenant, d’une contre-attaque à la hauteur des coups portés contre les travailleurs et les travailleuses.

TOUT CE QUI RENFORCE LA LUTTE DES CLASSES EST POSITIF

Des appels salutaires à bloquer le pays, par la grève et le boycott, le 10 septembre, qui évoquent le précédent mouvement des Gilets Jaunes, se multiplient sur les réseaux de communication en réaction au projet monstrueux de Budget austéritaire du gouvernement le plus minoritaire et illégitime de la 5e république.

Ces initiatives sont louables, surtout dans un climat de résignation générale après la défaite (écrite) de la stratégie perdante de l’intersyndicale contre la réforme des retraites et les coups de massue des plans de licenciements (300 000 emplois supprimés ou menacés)

Pour gagner, tirons les leçons du passé. Nous avons besoin d’une organisation autonome des colères, légitimes et vitales, et leurs convergences, notamment sur le lieu de travail, par la grève nationale interprofessionnelle, articulée à des manifestations et des actions offensive

Assez de mépris : la dictature patronale doit être balayée.

Mettons partout en débat la riposte au budget 2026 et à la politique patronale et gouvernementale.

Impulsons, avec notamment les cahiers revendicatifs CGT, dans tous les secteurs économiques, un appel convergent au « blocage du pays » par la grève, reconductible et illimitée, dès le 10 septembre et au-delà


Le camarade Lorenzo Battisti dans un commentaire sur le texte de Laurent Brun alerte sur l’expérience de l’Italie, ou des mouvements de colères populaires ont servi de base à la dérive fasciste

ALERTE SUR LE 10 SEPTEMBRE

Je me permets de partager avec vous mon avis sur le 10 septembre. Ou plutôt, mon alerte sur le 10 septembre.

Ça fait des années que je dis que la France, c’est « l’Italie il y a 15 ans ». Mes camarades de section ne sont pas intéressés. « Ici, c’est la France ! », pensent-ils (et le disent parfois), avec une supériorité mal dissimulée qui n’a rien de marxiste. Mes interventions sont écoutées avec ennui, quand elles ne sont pas interrompues. Au mieux, elles sont accueillies avec suffisance. Qu’est-ce que j’ai à enseigner ?

Et pourtant, on peut toujours, et je le répète, toujours, tirer des leçons de l’expérience des autres. Même des pays où la situation est encore pire qu’en France, où de grosses erreurs sont commises, on peut apprendre.

La France vit ce que l’Italie a vécu après la crise de 2008. Jusqu’en 2011, les choses allaient plutôt bien (du moins par rapport à ce qui s’est passé après). En 2011, une lettre signée par le président de la BCE et son successeur a intimé à l’Italie d’imposer l’austérité pour « sauver » le pays. En conséquence, le gouvernement Berlusconi est tombé et le gouvernement technique de Monti est arrivé. Il y a eu la réforme du travail et celle des retraites, où, en une nuit, l’âge de la retraite a été porté à 67 ans (avec pour conséquence que, sans les départs à la retraite, les jeunes, dont moi, n’ont pas trouvé de travail pendant au moins 5 ans).

Le populisme anti-partis du Mouvement 5 étoiles était déjà là. L’objectif n’était pas les patrons, mais les politiciens. Les médias mettaient en avant les « privilèges » des politiciens : des salaires élevés, mais équivalents à ceux d’un cadre moyen d’une grande entreprise ; des avantages comme le restaurant gratuit au parlement ; le café qui coûtait moitié moins cher qu’ailleurs.

Le ressentiment lié à la crise a été dirigé contre les partis et non contre les patrons. Attention, car lorsque la colère explose, les gens ne font pas de différence : ils s’en prennent à tous les partis, qu’ils soient pour ou contre l’austérité.

Le populisme, c’est exactement ça : l’hostilité envers les corps intermédiaires, considérés comme oppressifs et hostiles aux gens ordinaires, qui s’occupent de leurs propres avantages et non du bien commun. Ces corps intermédiaires (partis, syndicats, associations, etc.) doivent être balayés pour parvenir à une véritable démocratie qui réponde aux vrais problèmes des citoyens.

Bien qu’il y ait eu des tentatives de populisme de gauche depuis deux décennies, le populisme est toujours de droite. D’extrême droite. Parce que si on enlève les corps intermédiaires, la démocratie n’existe plus. Il n’y a plus que l’homme seul au pouvoir, en relation directe avec le « peuple ». En gros, si la démocratie, c’est la participation, elle a besoin d’espaces démocratiques pour s’exprimer. Le populisme donne l’impression d’une démocratie maximale, libre des contraintes des corps intermédiaires, mais c’est en fait la voie vers la négation de la démocratie.

Le contenu du populisme n’a donc pas d’importance. Sa forme est déjà une prémisse de l’extrême droite. D’autant plus que, même si l’homme seul au pouvoir était de gauche, comment pourrait-il, seul, sans soutien populaire organisé, résister au pouvoir des grands intérêts économiques ? Réussirait-il là où Allende et d’autres ont échoué ? Ou céderait-il, non par trahison, mais en raison de rapports de force objectifs ? L’extrême droite est populiste, et en même temps, elle est le fruit du populisme. Le climat culturel anti-politique prépare et anticipe l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

Le 10 septembre, la révolte anti-fiscale et anti-politique des gens ordinaires contre l’esclavage fiscal, je l’ai déjà vue. Pour revenir à l’histoire de l’Italie, en 2013, il y a eu le mouvement des Fourches. Des gens ordinaires qui, via les réseaux sociaux, avaient organisé une journée qui, partant d’une révolte contre le poids fiscal, devait explicitement renverser tout le système politique corrompu pour en instaurer un autre. En fait, un coup d’État.
La révolte n’était pas si spontanée, car beaucoup d’organisateurs venaient des supporters d’extrême droite ou de mouvements et d’associations néofascistes. Mais il serait faux de dire qu’elle était marginale.

Pour passer de l’histoire de l’Italie à mon histoire personnelle, je les ai croisés dans la rue alors qu’ils parcouraient le centre de Bologne pour inviter les gens à se rendre sur la place, où la manifestation devait se dérouler spontanément. J’ai demandé à une jeune fille ce qu’il fallait réduire dans les dépenses pour réduire les impôts, comme ils le disaient : les retraites ? la santé ? l’école ? les fonctionnaires ? La fille m’a répondu qu’elle n’aimait pas mes idées et elle est partie. Alors j’ai crié, pour que les autres passants m’entendent : « Ah, c’est ça la démocratie des forconi ? Pourquoi tu réponds pas ? ». J’ai été attrapé par derrière et plaqué contre une vitrine. Quelques personnes m’ont dit que si je continuais, je m’y mettrais mal*.

Le 10 septembre en France, c’est pareil. Faisons attention, il ne faut pas se mêler à ces gens. En même temps, ils sont insidieux, car ils s’appuient sur des faits objectifs créés par des décennies de néolibéralisme : les impôts sont payés par les travailleurs et les petits capitaux (quand ils ne parviennent pas à les évader) En fait, on paie des impôts et on en reçoit beaucoup moins en retour, parce qu’une grande partie va à l’aide aux grandes entreprises.

Mais le fait est que ce mouvement doit être combattu, dispersé et que les personnes qui y ont participé doivent être reconquises pour la démocratie et ses organisations, afin de diriger leur colère compréhensible contre les vraies causes.

Si ça intéresse quelqu’un, je peux aussi raconter les épisodes suivants de l’histoire de mon pays. La France a quelques années d’avance et savoir ce qui se passe ensuite peut aider à anticiper et à prévenir. C’est pour ça qu’il faut écouter les autres, leurs histoires et aussi leurs erreurs.

*J’ai tout de suite appelé ma radio pour parler de l’agression. L’écho de la violence du mouvement, malgré son apparente non-violence, a contribué à le faire dégonfler.

[1Il est surprenant de visiter le groupe Facebook «  EOBT  » (ensemble, on bloque tout), on trouve un admin «  the truth show  » qui diffuse un message incroyable d’un groupe de «  vendeur de viande humaine  »...et beaucoup de messages datant de ... 2022  ?

[2pour «  faire gagner le peuple méprisé, ignoré, contre les pulsions autoritaires de la technocratie hors sol française et européenne  »

[3ça me fait penser aux mouvements trotskistes dans les lycées dans ma jeunesse, qui faisaient tout voter par l’AG pour ne pas qu’il y ait de «  chef  », mais qui gardaient le listing des participants et donc, de fait, il n’y a qu’eux qui pouvaient informer ou convoquer… mais beaucoup de lycéens, naïfs et sincères, ne le voyaient pas. Il fallait leur ouvrir les yeux sur le fait qu’il valait mieux une organisation avec des processus certes un peu délégataires mais transparents et pérennes. Aujourd’hui les outils sont les réseaux sociaux mais les problématiques organisationnelles n’ont pas beaucoup changées

Brèves Toutes les brèves

Navigation

Annonces