Critique de la tribune "Contre l’austérité en Europe, luttons pour un autre euro !"
Rendre l’espoir aux exploités plutôt que de leur prêcher la résignation.

, par  Robert Malcles , popularité : 2%

Commentaire de la tribune titrée

Doit-on abandonner l’euro pour sortir notre continent de la crise qui le frappe ? Contre l’austérité en Europe, luttons pour un autre euro !

publiée par Paul Boccara, Frédéric Boccara, Yves Dimicoli, Denis Durand, Jean-Marc Durand, Catherine Mills, membres de la commission économie du PCF.

Ce texte expose la position de la direction du PCF, puisque signé des économistes « officiels » du Comité National, et publié dans Economie et politique et L’Huma. A l’évidence, il se situe dans le cadre d’une « gestion loyale » de l’Union Européenne capitaliste. Bien que n’étant pas économiste, même pas petit, je m’autorise une analyse de ces propositions en restant comme les auteurs, dans le cadre du capitalisme, puisque, même dans ce cadre là, leurs arguments sont totalement inconséquents. Mais pour sortir du capitalisme, ce qui en principe est l’objectif d’un parti communiste, la sortie de l’Euro et de l’Union Européenne est une condition essentielle. Elle n’est pas pour autant suffisante. Il faudra procéder ensuite à des réformes radicales.

La colère contre l’austérité monte de partout en Europe, mettant en accusation la faillite morale des dirigeants qui, en alternance, prônent la soumission aux exigences des marchés financiers. Le chômage fait rage, frappant de façon brutale et massive les jeunes.

La souffrance sociale terrible fait grandir des illusions de fausse radicalité. D’un côté, comme l’ont confirmé les Grecs eux-mêmes, le refus est majoritaire de sortir de l’euro.

A voir : les Grecs ont-ils vraiment voté librement ou bien le pistolet sur la tempe ?

Il ne s’agit pas de rester isolé face aux marchés financiers et à la spéculation déchaînée.

Ça y est, l’accusation de développement d’une politique autarcique est sous entendue, et de plus pour les auteurs, la puissance des marchés est irrésistible (j’y reviendrai plus loin).

Mais, d’un autre côté, gronde la protestation contre l’utilisation qui est faite de l’euro, si favorable à la domination des marchés financiers et des grandes banques.

Comment pourrait-il en être autrement puisque l’Euro a été crée dans ce but ?

D’où les propositions de certains pour sortir de l’euro.

François Hollande répète que la crise de l’euro est finie. Le diagnostic est aussi erroné et trompeur que la promesse d’une inversion de la courbe du chômage en France fin 2013.

Le reniement de celui qui avait promis, « si (il était) élu président », de « renégocier » le traité Merkozy, de « réorienter la BCE », de s’attaquer à son « ennemi » la finance, et de « défendre la croissance » est d’autant plus nocif que la France, à la fois dominée et dominante dans l’Union européenne, occupe une place charnière pour transformer la zone euro. Il se plie devant les exigences d’Angela Merkel et de la finance allemande, tout en prétendant servir les intérêts français.

Face à ces blocages, certains agitent l’idée de sortir de l’euro. Cela reviendrait à fuir devant la lutte décisive pour une autre utilisation de celui-ci et de la BCE.
C’est une illusion démagogique et dangereuse, pour cinq grandes raisons.

1 – Le commerce extérieur de la France souffre d’un déficit annuel de 60 à 70 milliards d’euros.

Cela n’a pas toujours été le cas,

Le retour au franc, qui se ferait alors au prix d’une dévaluation de l’ordre de 25% par rapport à l’euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations.

C’est exact, et c’est bien le but. Toute dévaluation a pour objectif et pour effet de renchérir les importations et de favoriser les exportations, afin de rétablir l’équilibre de la balance commerciale. Une dévaluation aurait d’autres avantages : favoriser la transition énergétique, la production de proximité, les circuits courts…

2 – Ce ne serait pas très grave, nous dit-on, parce que, grâce à la dévaluation du franc, nos exportations s’envoleraient.

Exemple concret : l’aviation avec Airbus (ou tout autre produit). Les échanges commerciaux mondiaux se font en dollars. Airbus est fabriqué et payé en Euros (entre 1,30 et 1,40 € le dollar) mais vendu en dollars. Boeing lui fabrique et paye en € et vend en €. D’où l’idée de certains (dirigeants d’Airbus ou autres…) de délocaliser la production dans la zone dollar. Vaut-il mieux délocaliser la production d’Airbus aux EU, ou bien accepter une dévaluation ? Je choisis la dévaluation.

Mais c’est ne pas voir combien la croissance est durablement lente de partout. C’est ne pas comprendre à quel point le surcroît de compétitivité-prix que cela prétendrait donner aux exportations françaises se ferait surtout au détriment de nos partenaires d’Europe du Sud, l’Allemagne voyant au contraire son excédent commercial gonflé par une dévalorisation du travail des Français qui rendra meilleur marché ses importations en provenance de son principal partenaire commercial.

Donc, si je comprends bien, car ce n’est pas très clair, quitter l’Euro serait une mauvaise chose car l’Allemagne achèterait davantage à la France mais moins à l’Europe du sud et cela accroîtrait les difficultés de ces pays du sud. L’hypothèse qu’il aient eux aussi intérêt à quitter la zone Euro n’est pas abordée. Les auteurs ont-ils conscience que ces arguties présentent la France comme le vilain camarade qui ne penserait qu’à lui, au détriment des plus faibles ? On est là dans une conception européiste qui nous interdit d’améliorer notre situation. Manifestement les auteurs n’ont jamais entendu parler de la formule de Jaurès « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène ». Par ailleurs ce type d’argument revient à abandonner la défense de la Nation au FN.

Tout cela dans un contexte de spéculation déchaînée.

Et l’on revient sur la spéculation déchaînée à laquelle la France, 5ème puissance mondiale, ne pourrait pas résister. Cela porte un nom, c’est la pédagogie du renoncement. Nos auteurs ont-ils entendu parler de l’Islande, de l’Argentine ? Ces petites nations n’ont pas eu peur, elles, d’affronter « une spéculation déchaînée ». Faudrait-il demander l’autorisation des puissances capitalistes pour commencer à changer les choses ?

Bref, ce serait là le scénario noir de la surenchère entre dévaluations compétitives et rétorsions protectionnistes qui feraient s’entre-déchirer les pays européens. Ce sont les politiques d’austérité qu’il faut mettre en cause, avec les luttes pour la relance d’une croissance de progrès social que permettraient précisément un autre euro et une autre utilisation de la BCE de façon solidaire.

Monnaie forte, monnaie faible. Faut-il rappeler qu’à la différence de l’Allemagne, qui depuis 1950 dispose d’une monnaie forte, la France est habituée à une monnaie plus faible. Beaucoup d’économistes considèrent que la volonté de Mitterrand (on nous dit maintenant que ce fut imposé par Mauroy…) de raccrocher le Franc au Mark en 1983 a eu des effets particulièrement négatifs. Un Euro fort correspond à l’économie de l’Allemagne mais dessert la France et l’Europe du sud. Faut-il rappeler qu’aujourd’hui, contrairement à la période antérieure, la France, achète plus de produits agricoles à l’Allemagne qu’elle ne lui en vend…

3 – Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd’hui elle est détenue à 60% par des opérateurs non résidents, banques, sociétés d’assurances, fonds de pension…

Exact mais cela veut dire que 40 % de la dette est nationale.

Le retour au franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25% sur les quelques 1140 milliards d’euros de titres de dette détenus hors de France. Exprimés en francs, les intérêts payés bondiraient, alors même qu’ils absorbent déjà quelque 50 milliards d’euros par an !

On peut d’abord constater que les auteurs, à aucun moment, ne mettent en cause la légitimité de la dette extérieure, ils sont prêts à payer. Sans commentaire. On peut aussi noter que, même dans l’hypothèse d’une dette légitime, ce que je récuse, le remboursement des intérêts s’élève à 50 milliards plus 25 % (dévaluation oblige) soit 62,5 milliards (d’Euros ou de francs ?). L’estimation du montant de la fraude fiscale va de 60 à 80 milliards d’Euros par an : donc, même dans cette hypothèse, la France a de quoi payer !

Par contre, la dévaluation du franc permettrait à des capitaux étrangers, allemands notamment, de mettre la main à très bon compte sur nombre de nos atouts productifs.

Manifestement les auteurs n’ont jamais entendu parler de prise de contrôle national citoyen des « atouts productifs ».

4 – La raison la plus importante, c’est qu’en sortant de l’euro, on déserterait le terrain de la bataille pour un autre euro et pour une construction solidaire de l’Union européenne, au mépris d’une nouvelle croissance fondée sur le développement des peuples et, notamment, sur l’aide aux pays d’Europe du Sud. On passerait à côté d’une opportunité historique pour changer la situation économique et sociale en France, en Europe et dans le monde. Une nouvelle politique solidaire dans l’Union européenne s’appuierait sur la force de la monnaie que peut créer la BCE. Alors que chaque pays européen dispose, isolément, d’un potentiel restreint, la création monétaire en commun, avec l’euro, offre des potentiels bien plus importants, car elle est assise sur la capacité de production de richesses et la créativité de 322 millions de personnes.

Effectivement on déserterait une bataille ingagnable pour en lancer une autre parfaitement gagnable, elle. Les auteurs, comme indiqué plus haut, sont incapables de sortir de l’hypothèse européiste et d’une « saine gestion du capitalisme ». Ils ne peuvent pas imaginer que des victoires acquises dans un pays, même petit, peuvent servir d’exemple au monde entier. Cuba ou le Venezuela ont-ils agi d’abord sur leur territoire, ou bien ont-ils attendu la révolution sur la totalité de l’Amérique latine ? Ces pays, comme la France en 1789 et d’autres plus tard, n’ont-ils pas ouvert des voies ?

Modifier la BCE, en faire un instrument dans l’intérêt des peuples relève de l’utopie. J’emploie ce terme dans le sens que Marx lui donnait en parlant de ses prédécesseurs théoriciens socialistes : envisager une société future (ici une BCE au service des peuples) sans jamais s’interroger sur les moyens d’y parvenir. Changer le statut de la BCE exige l’unanimité des gouvernements de l’UE.

Est-ce faire preuve de défaitisme que de considérer que ce n’est pas demain la veille ? Est-ce faire preuve de défaitisme que de considérer que les peuples de tous les pays d’Europe ne sont pas prêts à se soulever pour changer leurs gouvernements afin de transformer la BCE et l’Union européenne ?

Par contre, j’estime que, dans un ou plusieurs pays d’Europe, et je pense d’abord à notre pays la France, des changements considérables peuvent être obtenus, et entraîner des modifications au plan européen et pourquoi pas mondial.

Nous, Français, pouvons encore changer les choses dans notre pays. Nous sommes encore maîtres de notre destin. Nos votes, nos luttes sont plus efficaces que des vœux pieux sur le bon vouloir de la BCE ou de la commission de Bruxelles.

Appuyons-nous sur l’échec de la construction actuelle de l’euro non pour régresser par rapport aux besoins de changements et de solidarité entre Européens, mais pour un nouveau type de croissance et de développement.

À partir de la protestation qui enfle dans tous les peuples de l’Union contre l’austérité, le pacte de stabilité et le sabordage des services publics, exigeons que la BCE finance directement un très grand essor des services publics et de leur coopération en Europe. Pour cela, chaque pays émettrait des titres de dette publique rachetés par la BCE. L’argent serait affecté à un fonds social solidaire et écologique de développement des services publics européens, géré démocratiquement, qui le répartirait entre chaque pays proportionnellement à ses besoins.

À partir des luttes pour l’emploi et les salaires, contre le rationnement du crédit pour les PME, exigeons que la BCE cesse de refinancer les crédits accordés aux spéculateurs et aux entreprises qui suppriment des emplois, précarisent ou délocalisent. Exigeons qu’elle refinance les crédits pour les investissements matériels et de recherche des entreprises à des taux d’intérêt d’autant plus abaissés, jusqu’à 0%, voire en dessous, que ces investissements programmeraient plus d’emplois et de formations correctement rémunérés, plus de progrès écologiques.

Et surtout, moralisons l’Europe capitaliste !!!

5 – Sur le terrain mondial, si l’on supprime l’euro, il ne resterait plus que le dollar comme monnaie de réserve internationale. Son hégémonie en serait confortée.

Et on nous ressort ici la vielle antienne des démocrates chrétiens et autres atlantistes. La construction européenne et de l’Euro permettrait de contester la domination des Etats-Unis et du Dollar. C’est oublier bien vite que l’union européenne et l’Euro ont été voulus par les États-Unis dès 1948. Dans les années 60, De Gaulle avec son « petit » Franc avait su remettre en cause la dictature du Dollar.

La création monétaire du dollar permet aux États-Unis de financer leur domination économique, culturelle et militaire. Elle leur permet aussi de s’endetter dans leur propre monnaie auprès du reste du monde. La Chine, la Russie, des pays latino-américains veulent s’émanciper de cette domination par la promotion d’une monnaie commune mondiale à partir des droits de tirage spéciaux du FMI, proposition avancée dans les rangs du PCF et dans le programme du Front de gauche « l’Humain d’abord ! ». Mais si l’euro disparaît, comment peser dans une négociation mondiale en alliance avec les pays émergents contre le dominateur commun américain ?

C’est ici la seule proposition qui tienne la route. Il faut créer une monnaie commune mondiale. Cependant en quoi le maintien d’un Euro favorise-t-il cette demande ? On en revient toujours au même point : il faudrait obtenir l’accord de tous les pays de la zone Euro, qui pour beaucoup sont des satellites ou des porte-avions des États-Unis, et ne veulent pas de ce moyen de paiement international. Par contre, la France, et peut-être d’autres pays d’Europe sortis de l’Euro, la Chine, la Russie, des pays d’Amérique latine, peuvent agir et imposer un tel moyen d’échanges. Mais cela suppose avant tout que l’on en finisse avec la pédagogie du renoncement !

On voit donc qu’une autre utilisation de l’euro peut contribuer, de façon décisive, non seulement à une autre croissance de progrès social dans l’Union européenne, mais à un changement fondamental sur le plan monétaire, économique et social dans le monde.

Pour conclure, j’estime que pour un parti réellement révolutionnaire, l’urgence n’est donc pas de sauver l’Euro, mais de revenir à une politique indépendante de transformation sociale en France. Pour atteindre cet objectif, sortir de l’Euro ne suffit pas. Il faut s’interroger sur le bien fondé de la « dette », remettre en place une monnaie nationale, re-nationaliser sous contrôle démocratique la banque de France, le secteur bancaire, les grandes entreprises industrielles, et commerciales et de service ; tout cela dans le cadre d’un mouvement de masse, qui certes ne se déclenche pas par ordonnance.

Il faut d’abord rendre l’espoir aux exploités plutôt que de leur prêcher la résignation.

Robert Malclès

Remarque : Les européistes sont tellement mal à l’aise pour défendre le bilan de la construction européenne qu’ils en viennent à ce qu’il faut bien appeler de flagrants mensonges. Par exemple : Airbus ou Ariane. Jouant sur le terme européen, ils n’hésitent pas à accaparer ces deux magnifiques réalisations. Pourtant celles-ci n’ont strictement rien à voir avec l’Union Européenne. Ce sont des opérations de coopération entre quelques pays situés géographiquement en Europe, au départ quatre : France, RFA, Grande-Bretagne et Espagne (pour Airbus). Quand l’opération a été lancée, l’Espagne n’était pas encore membre de la CEE, pas plus que la GB.

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