Quand le chef d’orchestre de la terreur expliquait la politique US en Afghanistan six choses à savoir sur l’afghanistan

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Quand le chef d’orchestre de la terreur expliquait la politique US en Afghanistan

(’Le Nouvel Obs’, 15/01/1998) :

(Zbigniew Brzezinski était conseiller à la sécurité nationale du président Carter, et Barack Obama l’a nommé conseiller aux affaires étrangères lors de sa campagne présidentielle).

Le Nouvel Observateur : L’ancien directeur de la CIA Robert Gates l’affirme dans ses Mémoires : les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine afghans six mois avant l’intervention soviétique. A l’époque, vous étiez le conseiller du président Carter pour les affaires de sécurité. Vous avez donc joué un rôle clé dans cette affaire ? Vous confirmez ?

Zbigniew Brzezinski : Oui. Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan, le 24 décembre 1979.

Mais la réalité gardée secrète est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques.

Le Nouvel Observateur : Malgré ce risque vous étiez partisan de cette « covert action » (opération clandestine). Mais peut-être même souhaitiez-vous cette entrée en guerre des Soviétiques et cherchiez-vous à la provoquer ?

Zbigniew Brzezinski : Ce n’est pas tout à-fait cela. Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent.

Le Nouvel Observateur : Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des Etats-Unis en Afghanistan, personne ne les a crus. Pourtant il y avait un fond de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?

Zbigniew Brzezinski : Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique.

Le Nouvel Observateur : Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ?

Zbigniew Brzezinski : Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?

Le Nouvel Observateur : Quelques excités ? Mais on le dit et on le répète : le fondamentalisme islamique représente aujourd’hui une menace mondiale.

Zbigniew Brzezinski : Sottises. Il faudrait, dit-on, que l’Occident ait une politique globale à l’égard de l’islamisme. C’est stupide : il n’y a pas d’islamisme global. Regardons l’islam de manière rationnelle et non démagogique ou émotionnelle. C’est la première religion du monde avec 1,5 milliard de fidèles. Mais qu’y a-t-il de commun entre l’Arabie Saoudite fondamentaliste, le Maroc modéré, le Pakistan militariste, l’Egypte pro-occidentale ou l’Asie centrale sécularisée ? Rien de plus que ce qui unit les pays de la chrétienté.

Six choses à savoir sur l’Afghanistan et les talibans

  • 17 Août 2021 - MARC VANDEPITTE (Investigaction)
     
    Lorsqu’il s’agit de l’Afghanistan, les médias traditionnels cachent les faits les plus gênants pour l’Occident. Une fois que vous prenez ces éléments en compte, vous obtenez une histoire très différente.

1. Alliance diabolique avec les djihadistes

L’histoire commence en 1979. L’Afghanistan avait un gouvernement de gauche, qui n’était bien sûr pas du goût des États-Unis. Zbigniew Brzezinski, conseiller du président Carter, conçut un plan pour armer et former des djihadistes – alors encore appelés moudjahidines – en Afghanistan. L’objectif était de provoquer une invasion soviétique, afin d’imposer à Moscou un scénario à la vietnamienne.

Carter suivit son conseil et fournit aux moudjahidines l’aide nécessaire. Le plan fonctionna. Le gouvernement de Kaboul rencontra des difficultés et demanda l’aide du Kremlin. Le bourbier afghan contraignit l’Union soviétique à rester dans ce pays d’Asie centrale pendant dix ans.

Au cours de cette période, la CIA injecta 2 milliards de dollars en aide, en armes et en soutien logistique aux moudjahidines. On leur a même fourni les tristement célèbres missiles Stinger avec lesquels ils pouvaient abattre des avions et des hélicoptères soviétiques. Rambo III, de Sylvester Stallone, est une version hollywoodienne de cette collaboration.

Tant que les troupes soviétiques restaient dans le pays, le gouvernement de Kaboul pouvait tenir. Cependant, en 1989, Gorbatchev décida de mettre fin à l’assistance militaire. Une fois que les troupes soviétiques avaient quitté le pays, une guerre civile éclata. Le groupe le mieux organisé et le plus brutal, les Talibans, remporta la bataille et prit le pouvoir en 1996.

2. Création d’Al-Qaïda

La figure la plus marquante de cette période est Oussama ben Laden. En 1988, il fonda Al-Qaïda, un groupe terroriste fondamentaliste et impitoyable. Par l’intermédiaire des agences de renseignement du Pakistan, il pouvait compter sur un soutien important des États-Unis. En échange de cette aide, Al-Qaïda fournit un certain nombre de services aux États-Unis et à leurs alliés occidentaux.

Pendant la guerre civile en Yougoslavie (1992-1995), le Pentagone envoya par avion des milliers de combattants d’Al-Qaïda en Bosnie pour soutenir les musulmans de ce pays. Pendant la guerre contre la Yougoslavie en 1999, Al-Qaïda combattit aux côtés des terroristes de l’UCK (qui luttaient pour la séparation du Kosovo de la Yougoslavie et pour une Grande Albanie), avec une protection aérienne de l’OTAN. Des combattants d’Al-Qaïda sont encore apparus en Tchétchénie, au Xinjiang (où vivent les Ouïgours), en Macédoine et dans de nombreux autres pays de la région et bien au-delà.
[1] 

3. C’est le pétrole, idiot !  

Il existe des réserves prometteuses de pétrole et de gaz autour de la mer Caspienne. Mais pour transporter ces sources d’énergie vers l’Occident, il n’y a que trois possibilités : par la Russie, par l’Iran ou par l’Afghanistan.

Bien sûr, les États-Unis ne le donneront pas aux Russes. Et depuis la chute du Shah en 1979, Washington a perdu son influence en Iran. Il ne reste donc qu’une seule possibilité : l’Afghanistan. Dès la fin de l’année 1994, en pleine guerre civile, les États-Unis pensaient que les talibans disposaient alors les meilleurs atouts pour « stabiliser » le pays. Cette stabilisation était une nécessité pour la construction d’un oléoduc. Selon la CIA, les talibans étaient considérés comme « un instrument possible dans le ‘Grand Jeu’ : la course aux ressources énergétiques en Asie centrale ».

Les États-Unis devenaient ainsi le principal sponsor de ce nouveau régime voyou. Peu importe que les talibans étaient à l’époque les plus virulents violateurs des droits de l’homme dans le monde. Selon undiplomate américain, les talibans « évolueraient comme les Saoudiens. Il y a Aramco [consortium de compagnies pétrolières contrôlant le pétrole saoudien], des pipelines, un émir, pas de parlement et beaucoup de charia. On peut vivre avec ça.”

4. Les talibans ne sont pas à la hauteur

Initialement, les talibans remportèrent un succès militaire après l’autre, mais ne réussirent finalement pas à conquérir l’ensemble du pays. La stabilisation espérée – nécessaire pour le pipeline – ne se matérialisa pas. Les États-Unis changèrent alors de stratégie et cherchèrent à obtenir une réconciliation de toutes les parties belligérantes.

Washington exigea que les talibans entament des pourparlers avec l’Alliance du Nord afin de former un gouvernement de coalition. Les pourparlers, qui duraient jusqu’à la fin du mois de juillet 2001, échouèrent. Les États-Unis prévinrent qu’ils ne s’arrêteraient pas là : « Soit vous acceptez notre offre d’un tapis d’or, soit nous vous enterrerons sous un tapis de bombes », tel était le message des représentants étasuniens aux talibans à la fin du mois de juillet.

Les talibans ne cédèrent pas. En octobre, les bombardements commencèrent. Un peu plus tard, on apprit que les plans de cette opération étaient déjà sur le bureau du président Bush deux jours avant les attentats 11 septembre. Dans le Washington Post du 19 décembre 2000, le professeur Starr écrivait que les États-Unis « ont discrètement commencé à faire front avec ceux qui, au sein du gouvernement russe, appellent à une action militaire contre l’Afghanistan et caressent l’idée d’un nouveau raid pour éliminer Ben Laden ».

Fin juin 2001, plus de deux mois avant les attentats contre les tours jumelles et le Pentagone, le magazine Indiareacts.com rapportait que « l’Inde et l’Iran faciliteront les plans américains et russes pour une ‘action militaire limitée’ contre les talibans ».

5. Président Pipeline

Les attentats du 11 septembre étaient en tout cas l’excuse parfaite pour Washington d’envahir l’Afghanistan et de chasser les talibans du pouvoir. Ainsi, les plans pour le pipeline pourraient encore être réalisés.

Gore Vidal, un chroniqueur américain de premier plan, l’a dit très crûment : « Comme cela s’est avéré, la conquête de l’Afghanistan n’avait rien à voir avec Oussama. Ce n’était qu’un prétexte pour remplacer les talibans par un gouvernement relativement stable qui permettrait à l’Union Oil de Californie de poser son oléoduc au profit, entre autres, de la junte Cheney-Bush. »

Les faits sur le terrain le prouvent. Le 22 décembre, Hamed Karzai devint le nouveau Premier ministre afghan. Il était une figure de confiance de la CIA et travaillait comme conseiller d’Unocal. Il s’agit d’une très grande compagnie pétrolière US qui a depuis longtemps des projets de pipeline à travers l’Afghanistan.

Neuf jours plus tard, un autre conseiller de cette société, Zalmay Khalilzad, fut nommé par Bush envoyé spécial en Afghanistan. Dans le passé, Khalilzad avait participé à des discussions avec des responsables talibans sur la possibilité de construire des gazoducs et des oléoducs. Il avait exhorté l’administration Clinton à adopter une ligne plus douce à l’égard des talibans.

Les deux hommes remplirent leur mission. Le 30 mai 2002, la BBC rapporta que M. Karzai avait conclu un accord avec ses homologues pakistanais et turkmènes pour la construction d’un pipeline reliant le Turkménistan à un port au Pakistan, en traversant l’Afghanistan.

Quelques semaines auparavant, Business Week commentait l’évolution dans la région comme suit : « Les soldats, les pétroliers et les diplomates américains apprennent rapidement à connaître ce coin reculé du monde, l’ancien ventre de l’Union soviétique et une région qui n’a pratiquement pas été touchée par les armées occidentales depuis l’époque d’Alexandre le Grand. Les manœuvres auxquelles se livrent les Américains comportent des enjeux parmi les plus élevés qui soient. Ce qu’ils tentent de faire n’est rien de moins que le plus grand découpage d’une nouvelle sphère d’influence américaine depuis que les États-Unis se sont engagés au Moyen-Orient il y a 50 ans. »

Ça n’a pas marché comme prévu. Les talibans étaient vaincus, mais pas épuisés. En plus, leur moral était bien plus élevé que celui de l’armée gouvernementale afghane, qui n’a pu tenir que grâce à la couverture aérienne et au soutien logistique de l’OTAN. Lorsque Biden a décidé de retirer ce soutien il y a quelques semaines, tout s’est effondré comme un château de cartes.

6. Coût et « résultats » de la guerre

Selon le New York Times, la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis a coûté plus de 2 000 milliards de dollars. Cela représente 100 milliards de dollars par an, soit près de 20 fois le budget total du gouvernement afghan.

Malgré les montants considérables de l’aide, les résultats sont stupéfiants. Près de la moitié de la population vit aujourd’hui dans la pauvreté. La mortalité infantile est parmi les plus élevées du monde et l’espérance de vie parmi les plus faibles.

Dans la période d’avant-guerre, la culture de l’opium était presque complètement éradiquée. Aujourd’hui, 80 % de l’héroïne mondiale est produite en Afghanistan. La guerre a fait 5,5 millions de réfugiés. Ce chiffre risque maintenant d’augmenter fortement.

Le coût en vies humaines est élevé. 47 000 civils, 66 000 soldats et policiers afghans, 51 000 talibans et autres rebelles ont été tués au cours des 20 dernières années. Du côté occidental, près de 4 000 soldats étasuniens et 1 100 soldats d’autres pays de l’OTAN sont morts.

Après vingt ans d’occupation, nous sommes de retour à la case départ. Un journaliste de la télévisionbelge le décrit comme « une catastrophe, un échec du modèle occidental pour tenter de changer un pays comme l’Afghanistan  ».

 
Source originale : De Wereld Morgen

Traduit du néerlandais par Marc Vandepitte pour Investig’Action

Note :


[1] Chossudovsky M., War and Globalisation. The Truth Behind September 11, Ontario 2002 ; Howard S., ‘The Afghan Connection : Islamic Extremism in Central Asia’ in National Security Studies Quarterly Volume VI, nr. 3 (Summer 2000) ; Rashid A., L’ombre des Taliban, Paris 2001.

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