Lettre ouverte à mon député communiste

, par  Gilles Mercier , popularité : 2%

Une lettre de Gilles Mercier à son député communiste

Mon cher Pierre,

Je viens de recevoir le 4 pages pour les élections législatives intitulé « rassemblés pour réussir à gauche » ou tu figures avec ta suppléante Charlotte Ougier-Bischung. Comme il s’agit du N°1, je suppose qu’il y en aura d’autres.
Je ne compte pas détailler le contenu du texte, mais te faire part de ce qui me pose problème.

Dans l’encart l’Humain d’abord des propositions pour vivre mieux, il est écrit
1°) « partager les richesses et abolir l’insécurité sociale ».
Si le problème du capitalisme, terme curieusement absent du 4 pages, n’était qu’un problème de répartition, il n’y aurait pas de crises, et la solution eut été trouvée depuis fort longtemps.
Or, Pierre, tu l’as peut être quelque oublié, entrainé comme tant d’autres dans l’alter mondialisme qui a tant fait dans la perte de conscience de classe, mais les richesses produites par le travail salarié qui est un travail exploité sont appropriés par le capital. La part de ses richesses transférée à l’Etat sous forme d’impôt retourne majoritairement au capital. Comme les besoins de financement de ce dernier sont colossaux, c’est autant qui est enlevé aux dépenses socialisées indispensables à reproduction de la force de travail.
Cette conception de la répartition est typiquement social démocrate (oui je sais le terme peut te faire sourire, mais pour moi il a un sens historique profond). L’Etat représentant l’intérêt général doit veiller au bien commun et donc être plus équitable qu’il n’est avec la droite au pouvoir. Le problème, c’est que l’Etat à une nature de classe qui est celle de la classe dominante, celle de la bourgeoisie capitaliste en l’occurrence. Or pour que les services publics l’éducation nationale, etc, etc…soient financés à hauteur des besoins, il faut s’attaquer à la gestion capitaliste de l’Etat et là c’est une autre paire de manche que la faribole de la répartition.

2°) Reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers
Cette prise du pouvoir ne concerne pas les entreprises industrielles. Il y aurait un bon capitalisme l’industriel et un mauvais capitalisme, le bancaire et financier, qu’il s’agirait de remettre dans le droit chemin grâce à la magie d’un pôle public financier.
Je constate que tu ne demandes pas la nationalisation du système bancaire, c’est un peu fort de café.
C’est la condition sine qua non d’une autre gestion financière de l’Etat, elle n’est certes pas suffisante, les nationalisations de 1981 l’ont amplement démontré, mais elle permet à l’Etat d’exercer sa puissance sur les choix du capital. Encore faut il que les entreprises nationalisées soit gérées différemment que celles du privées. Mais sans nationalisation, il n’est pas possible de gérer autrement le système bancaire et financier.
Reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers laisse penser que les banques et les marchés financiers agissent indépendamment de la société et des Etats. Visiblement il a du t’échapper que le capital industriel, bancaire et commercial a fusionné dans le courant des années 1970 et 1980. Au Conseil d’Administration des groupes industriels siègent les PDG de groupes bancaires. Les banques et établissements financiers ont des activités qui se recouvrent de plus en plus. Les groupes industriels ont créé leurs propres établissements financiers. Quant aux marchés financiers, ils ne proviennent pas de la planète Mars mais ont été créés par les gouvernements pour servir de sources de financement aux groupes privés pour permettre leur redéploiement international.

3°) Pour la planification écologique
Tu demandes l’instauration « d’une règle verte ». C’est joli, mais concrètement cela signifie quoi ?
Coucou nous retrouvons la création d’un autre pôle qui cette fois est celui de l’énergie. Le Front de Gauche semble avoir pris référence sur Paul Emile Victor, avec la conquête des pôles, pôle financier, pôle de l’énergie. C’est une approche somme toute très technocratique : de la structure découle la politique Et là à nouveau pas de nationalisation, ni d’EDF ni de GDF !
Et le pire est à venir : Référendum sur le nucléaire ! Tu es donc prêt au nom du Front de gauche à envoyer 50 ans d’histoire énergétique du pays à la poubelle. Le PCF n’a plus d’opinion sur la question du nucléaire. Plus exactement il a une opinion mais qu’il se garde bien de l’exprimer. Il est vrai que Mélenchon manifestait avec le réseau Sortir du nucléaire dont son parti est membre 2 jours après Fukushima !
Le problème n’est pas d’être pour ou contre telle ou telle forme d’énergie, mais de voir quels sont les besoin énergétique de l’Humanité et comment on y répond.
Or, tous ceux qui sont anti-nucléaires sont dans une logique de décroissance. La décroissance quelque soit la façon avec laquelle elle est présentée est incompatible avec la satisfaction des besoins sociaux, puisque elle implique une diminution des richesses produites.
En outre, les autres sources d’énergie, sauf l’hydraulique, contribuent à la production des fameux gaz à effet de serre, j’inclus bien entendu l’éolien et le photovoltaïque qui par leur production aléatoire nécessite d’être doublés par des centrales thermiques.
Enfin, l’abandon du nucléaire rend dépendant de la situation internationale pour les besoins énergétiques tant au niveau de la fourniture que des prix. Or, l’évolution de la situation internationale concoure à une envolée des prix des énergies fossiles.
Promotion d’une agriculture paysanne durable basée sur les circuits courts. Il fallait bien que le terme durable apparaisse au moins une fois ! L’agriculture paysanne est comme le développement durable une tautologie. Il s’agit donc de combattre l’organisation capitaliste de l’agriculture en revenant à des formes d’organisation précapitaliste ! Les circuits courts, c’est bien mais explique moi comment font les habitants de Roubaix pour se fournir en pêches, nectarines et ceux de Perpignan pour se fournir en endives, devront ils se cotiser pour louer un semi remorque et venir s’approvisionner en produits que leur région ne fournissent pas. Le développement de l’Humanité s’est fait et continue de se dérouler par la libération du travail vivant. Or avec le circuit court les agriculteurs se transforment en commerçants. Autant dire que leurs journées risquent d’être sacrément longues. Quel retour en arrière !

4°) Pour une VI eme République.
Il y avait Jérico et ses trompettes dont le son a fait écrouler les murailles. Voici maintenant le Front de gauche qui par le miracle des urnes va modifier l’organisation de l’Etat. La bourgeoisie va se laisser faire. En 1981, elle n’est pas restée les deux pieds dans le même sabot, elle est intervenue auprès de l’équipe dirigeante et des élus PS pour infléchir les choix gouvernementaux dans son sens. Je pourrais te rappeler 1936 et te renvoyer aux ouvrages d’Annie Lacroix-Riz sur les manoeuvres de la bourgeoisie pour revenir sur le Front Populaire. Plutôt Hitler que le Front populaire, l’Allemagne était exemplaire pour avoir réussi à éliminer le PC et écraser le mouvement de lutte.
Pour la critique du texte j’en resterai là.
En bas de la dernière page, figure la liste des organisations composant le Front de gauche. Hormis le PCF, les autres c’est quoi ? Le parti de gauche est construit autour de la personne de Mélenchon. Le PG ne s’est pas présenté aux élections sous ses couleurs, quant aux autres … cela à un aspect bobo, , excepté le PCOF qui fait un peu… Jurassik Park !
Pour mémoire le Font populaire, le vrai, était un accord électoral entre 3 partis qui ont eu le courage de se présenter sous leurs couleurs aux élections.
Pierre, une question me taraude l’esprit. Où nous mène cet assemblage hétéroclite de sommet centré sur Mélenchon ? L’exemple de la gauche unie en Espagne, et de Linke en Allemagne ne milite pas en faveur de la stratégie du Front de gauche. En Espagne, la gauche unie ne structure rien, son influence est assez confidentielle sauf au dernier scrutin où elle a bénéficié du recul du PSOE, mais c’est conjoncturel ! Quant à Die Linke, dans lequel les communistes constituent une tendance après la fusion de la WAGS (le PG allemand) et le PDS, c’est la dégringolade !
La stratégie électoraliste du Front de Gauche peut faire illusion un moment mais son handicap majeur (une stratégie de sommet) la voue à l’échec.
Et là, quelle responsabilité pour tous ceux qui en sont à l’initiative. Car l’espoir suscité risque de faire place à une déception un désarroi, ce qui serait terrible pour les salariés et permettrait au patronat d’aller encore plus loin dans la casse du code du travail et des acquis sociaux.

Au plaisir de te lire et de te rencontrer

Fraternellement
Gilles Mercier

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