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DES VILLAGES DE CORSE A CEUX DE PICARDIE, DE DRESDE A COPENHAGUE, LE BALLET DES IDENTITÉS AGRESSIVES

, par  Francis Arzalier , popularité : 6%

Si on en croit nos médias quotidiens, ces temps derniers, l’identité se parfume à la haine de l’autre.

Juin 2015 : alors qu’un été flamboyant se déploie sur les collines corses, le village de Prunelli di Fiumorbu fait durant quelques jours les titres des journaux à son corps défendant : des parents d’élèves y ont refusé de laisser leurs enfants chanter à la kermesse de l’école une chanson en langue arabe ( celle des quelques immigrés du lieu ), a côté du français, du corse, de l’anglais. Dans la foulée, de courageux anonymes, par le biais des « réseaux sociaux », ont menacé les institutrices au nom leur identité « , menacée d’invasion », sont venus taguer les murs de slogans anti-Arabes, et les ont contraintes à annuler la fête.

Ne nous méprenons pas : ce lamentable fait local n’est pas, contrairement aux assertions de la « grande presse » française, symptomatique d’une « société corse en crise » ( Le Monde ), mais l’indice parmi bien d’autres d’une xénophobie fort répandue de Mediterranee à la France du Nord, voire a l’ensemble du continent européen.

Le pire en matière d’identités agressives vint en novembre, a l’issue d’une arrière saison si ensoleillée qu’elle incitait à l’optimisme. Et pourtant, le 13 de ce mois ont lieu des centaines d’assassinats dans les rues de Paris, perpétrés par de jeunes Français qui ne se reconnaissent plus dans leur nation et leur famille, au point de leur cracher leur haine, en se faisant les exécuteurs d’une insurrection moyen-orientale, ou la terreur le dispute au fanatisme prétendument « islamique ». C’est au nom d’un Coran qu’ils n’ont pour la plupart jamais lu, que ces enfants perdus en perte de repères se croient les paladins d’une nouvelle identité qui les pousse à tuer tout ce qui n’est pas eux. On a dit jusqu’à satiété à quel point ces exécutions avaient révulsé l’opinion, en insistant plus que de raison sur le discours d’amour universel, en Marseillaises tricolores et en bougies du souvenir, qui a déferlé le long des rues sur la France meurtrie. Ce mouvement compassionnel justifié ne doit pas occulter la réaction en miroir des xénophobies réciproques au cœur de cet hiver français 2015. Dans les semaines de novembre et décembre, les agressions contre des mosquées, des Kebab, contre des Musulmans en un mot, allègrement confondus avec les crimes « djihadistes » par certains, se sont multipliés, bien qu’on en parle peu, qu’on la formule avec prudence.

Puis vint le coup de massue des élections du 5 décembre : Maître en démagogie, le Front National a su engranger les conséquences traumatisantes des politiques « d’austérité », de l’afflux organisé de migrants, et des attentats djihadistes. Parti de tous les Nationalistes, des résidus du Pétainisme aux Gaullistes oublieux des temps d’Algérie, il réunit les sectateurs d’une nation qui serait expurgée de toute lutte de classes entre exploiteurs et exploités, au profit de dérives « identitaires ».

Il a su habilement se poser en défenseur des petites gens contre les « technocrates européens », sans mettre en cause le moins du monde l’idéologie « libérale » et le Capitalisme qui les anime. Mais la fille Le Pen et sa nièce savent tout aussi bien que l’ancêtre OAS quels fantasmes agitent leur électorat.

Marine conclut sa campagne en Nord-Picardie en félicitant « les Français qui ne veulent pas porter la djellabah ».Et Marion en Provence ajoute pour sa part : « nous ne sommes pas une terre d’Islam...qui n’a pas vibre au Sacre de Reims n’est pas vraiment français ».Et c’est sur ces énormités dignes des temps de pogrom ou de camps de concentration qu’elles recueillent 40 pour cent des voix en Nord-Picardie, la région demeurée la plus ouvrière de France, et sur les rivages lumineux de Méditerranée.…

Une vison pathologique, irrationnelle, d’une identité fière de sa peau blanche, de ses « valeurs » chrétiennes, humanistes, qui seraient menacées de « remplacement » par les immigrés à peau sombre, musulmans de culture ou de pratique religieuse, est devenue habituelle aux propos de comptoir. Elle sert de substrat tacite au geste électoral de ces 40 ou 50 pour cent d’électeurs de certains villages picards, milliers de braves gens meurtris par la société qu’ils ne comprennent plus, et qui traduisent leur rancœur en votant pour le Front National : Il leur offre un bouc émissaire responsable de tous ses maux, chômage, délinquance, l’envahisseur bronzé qui menace son univers. Le phénomène est de tous les états européens ( interviews du journal Present, hors série nov/dec 2015 ) : Il se traduit par la croissance en Suisse de l’UDC, dont le leader Oskar Freysinger veut défendre « le drapeau national ( qui ) porte une croix, et notre hymne national ( qui ) à la forme d’un cantique ». En Pologne, il gonfle l’électorat du FIS, dont le député Marek Jurek dit refuser « l’islamisation de notre pays ». Il vote en Italie pour la Lega, qui n’est plus seulement du Nord, et dont le Sénateur Volpi affirme clairement s’opposer au « déferlement migratoire » et défendre les « valeurs ancestrales ». Les pays nordiques voient à chaque échéance électorale croître les mêmes défenseurs hargneux d’une identité prétendument menacée, Vrais Finlandais à Helsinki, « Démocrates » de Suède ou de Norvège, Parti du Peuple Danois à Copenhague, qui se définissent tous comme « identitaires ». Comme les partisans de l’universitaire britannique John Laughland, proche du parti UKIP, qui pourfend le « Londonistan » :(« seulement 44,9 pour cent de la population de Londres se déclare blanc britannique ». Et les manifestants de Pegida à Dresde en Allemagne ne sont pas en reste, pour lesquels la formule « Nous sommes le Peuple » exprime la volonté de défendre « le sang germanique », comme il y a 70 ans.… Identités clamées comme une insulte à la face du monde, pour lui signifier qu’on est différent, et généralement supérieur, par sa race parfois, sa couleur de peau, sa religion, sa langue, sa culture, que sais je encore... Identités prétendument menacées par les Arabes ou les Noirs, les Musulmans ou les Chrétiens, les Roms ou les gens du voyage, les plombiers polonais ou les migrants syriens, qui sais je encore....

Ces bulles de colère xénophobe qui viennent exhaler leur puanteur à la surface des sociétés d’Europe, révèlent les tensions et frustrations qui les agitent en profondeur. Faudrait il craindre de les voir envahir le monde, provoquer partout le chaos et la haine ?
Ce phénomène xénophobe n’est pas nouveau en Europe, il était présent un peu partout au années 30 du XXe siècle, il y féconda les fascismes européens en Allemagne, en Croatie, et en France les Ligues, au cœur d’une crise économique et sociale qui n’avait rien à envier à celle de notre siècle. Mais, différence fondamentale de contexte, les mouvements progressistes et rationalistes étaient en 1936 très forts, adossés à des organisations ouvrières actives en luttes de classe sans concessions : Cela a permis par exemple à la France d’échapper au naufrage fasciste, et de gagner quelques étapes de progrès par le Front Populaire. Ce bloc de forte résistance antixenophobie - antifascisme est en 2015 émoussé et parfois moribond : le Capital transnational a décimé les « forteresses ouvrières », « les Gauches » souvent converties aux dogmes du « Marché », à la guerre impérialiste au nom des « Droits de l’Homme », et à l’opportunisme carriérisme, ont oublié que l’action politique n’était que le moyen de changer le monde, et n’y voient plus qu’un objectif, conquérir les pouvoirs et leurs prérogatives. Les organisations « rouges », qui se voulaient en 1936 de Solidarité avec les militants étrangers persécutés pour leur combat anti-fasciste ou leur « race », se déclarent en 2015 « humanistes », et ne sont plus que caritatives.…

Les ripostes rationnelles ou moralisatrices aux dérives xénophobes sont certes nécessaires, mais en aucun cas suffisantes. les xénophobies contemporaines ne seront vaincues que grâce à la reconstruction d’un mouvement révolutionnaire, arme de ses idéaux d’égalité entre les hommes et les peuples. Car dans le tryptique que nous a légué 1792, Fraternité, Liberté, Égalité, les deux premiers préceptes sont conditionnés par le troisième.

RIEN DE PLUS ACTUEL EN 2016 QUE LE RASSEMBLEMENT DE TOUS LES COMMUNISTES ÉPARPILLÉS EN CHAPELLES CONCURRENTES, INEFFICACES DE CE FAIT, ET LEBAT ENTRE EUX : COMMENT, SUR QUELLES BASES, CRÉER UNE ENTITÉ COMMUNISTE UNIQUE ET ACTIVE, RESPECTUEUSE DE NOS DIFFÉRENCESGITIMES, AU SEIN DE LAQUELLE CHAQUE MILITANT COMPTE POUR UN, ÉVITANT LE CAPORALISME DES DIRIGEANTS ET LE LEGITIMISME DES ADHÉRENTS QUI ONT FAIT TANT DE MAL AUX ORGANISATIONS ANTERIEURES ?

Face au déferlement d’idées d’extrême-droite qui menace, face à la destruction programmée par les tenants du Capital transnational des quelques acquis sociaux qui nous restent, ce débat ne relève pas du sexe des anges, il est d’une urgence absolue.

Francis Arzalier
Le lundi 6 decembre 2015

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