A propos des législatives : rapide analyse et propositions par Danielle Bleitrach

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 1%

Disons tout de suite l’aspect positif dans un contexte d’abstention record : cette élection confirme le choix à gauche de la présidentielle. C’est une bonne chose et c’est dans cet esprit que l’on doit penser le second tour.

Plus préoccupant paraît la bipolarisation de la vie politique française avec l’ancrage partout du Front national qui n’est pas cependant en situation de disputer l’hégémonie à la droite pour le moment, ce qui est toujours pour le moment une limitation des dégâts.

Le PS et les alliés verts qui ont survécu aux candidatures dissidentes confirment le résultat de la présidentielle, ce qui est en quelque sorte inscrit dans le fait, voulu par Jospin, que les élections législatives se situent nécessairement dans le prolongement de ce choix initial. Nous avons désormais un régime présidentiel avec une tendance de ce fait irrésistible à la bipolarisation droite-gauche. Si le parti vainqueur se constitue autour du président et accroît sa poussée, à droite on a assisté, à partir de l’échec de Sarkozy, à des luttes pour l’hégémonie entre le Front National et l’UMP. Dans ce cas là, les candidats de droite ont joué non sans efficacité la stratégie du local en rupture avec les présidentielles. Ce qui leur permet de résister au Front National dont les réussites spectaculaires comme celles de Hénin-Beaumont ou du Gard et du Vaucluse, ne doivent pas masquer le fait qu’il n’est pas en position d’arbitre et que la droite n’a aucun intérêt à lui faire des cadeaux [1].

L’élection présidentielle au suffrage universel, toute la Constitution comme l’Europe elle-même, tendent à la bipolarisation de la vie nationale et le fait que désormais les législatives sont le simple prolongement de la présidentielle soumet la vie politique française à une situation qui peut devenir catastrophique avec l’accentuation de la crise, puisque les couches populaires auront de moins en moins la possibilité de s’exprimer. Le Front de gauche, si l’on excepte la vieille implantation du PCF qui se rétrécit comme peau de chagrin, n’a pas réussi son pari de reprendre pied dans ce monde frappé par la crise, le chômage, la mal vie. Si incontestablement le choix de la candidature de Mélenchon aux présidentielles, ses capacités tribunitiennes ont permis au PCF de passer ce cap difficile pour lui, faute d’un candidat incontestable, les effets aux législatives d’un tel choix en ont montré les limites actuelles. Dans de nombreux endroits, des électeurs du PS ralliés à Mélenchon sont retournés au vote utile, j’avais déjà souligné le caractère très volatile de cet électorat dont une partie s’était déjà détourné lors des présidentielles, désorientée par les aspects anti-hollande de la campagne. Dans une élection, chacun sait le danger des foucades et d’un positionnement erratique, il aurait fallu ancrer à gauche. Mais le problème va au-delà des tactiques électorales et c’est lui auquel le PCF et le Front de Gauche devraient s’atteler : le fait est qu’il reste l’alliance potentielle et qui n’a pas fonctionné, entre le monde du service public, les enseignants en particulier et le monde ouvrier, celui des banlieues, qui préfère largement voter utile pour le PS. Pire encore on peut se demander si ce qui aurait pu être une bataille courageuse contre le Front national n’a pas servi ce dernier. Un changement de stratégie s’impose si cette force ne veut pas connaître le sort de "Die Linke".

En effet si l’on excepte Dolez dans le nord, le parti de gauche peu ou mal implanté qui a voulu poursuivre autour de la personnalisation et de la médiatisation de la présidentielle essuie des échecs retentissants. Le Front de gauche est pris en tenaille entre la volonté du PS de ne faire aucun cadeau à une force dont il apparaissait qu’elle pouvait lui rendre la vie difficile à l’assemblée et le fait que comme cela était prévisible la surmédiatisation, la personnalisation nationale a été mal vécu dans ces élections locales. C’est l’implantation locale du PCF qui permet les meilleures résistances et encore celle-ci en cas de modification de circonscription (ajout de toute une partie de droite) et de tête d’affiche (passage de André Gérin à Michèle Picard) comme cela se passe à Vénissieux dans le Rhône, ne résistent pas à la vague rose. Le fait est que le candidat communiste, y compris dans ce cas, réalise un meilleur score que ceux qui ont choisi l’étiquette de Parti de Gauche comme cela se passe dans la Seine-Saint-Denis.

Le secrétaire du Parti communiste dans sa déclaration vante à la fois l’avenir du Front de Gauche et adopte une stratégie de soutien au PS qui se situe à contrario de certaines déclarations de la campagne. Je n’épiloguerai pas sur l’échec prévisible de la stratégie autour de Mélenchon à Hénin-Beaumont, le candidat providentiel, cet échec était lisible dans l’interview donné à Libération et dont j’avais fait l’analyse ici même en déplorant le show médiatique et le refus de l’implantation communiste traditionnelle. Comme l’on peut regretter la légèreté du choix de la candidature de Balme, le refus de le retirer et s’interroger sur la manière dont, dans un contexte d’agression raciste et antisémite, un candidat rouge brun a pesé sur l’ensemble du Rhône et au-delà. Comme cela était prévu dans sa circonscription, Balme perd encore par rapport au vote Mélenchon de la présidentielle. Il faut que le PCF et le Front de gauche fassent le ménage.

Il faut absolument que la gauche l’emporte au deuxième tour, mais une gauche plurielle, combative dans laquelle un groupe Front de gauche prendra toute sa place, non pas de trublion, mais de force de proposition et d’expression populaire. Tout n’est pas perdu loin de là, le Front de gauche est en mesure d’avoir un groupe à l’assemblée nationale et il faut penser au-delà. D’abord le fait que la situation économique et sociale du pays et de l’Europe ne cesse de s’aggraver… que le problème qui va se poser est toujours le même : qui va payer ?

Le gros danger est que le PS hégémonique déçoive très rapidement les espoirs que les français ont placé en lui. Ce qu’il gagne en marge de manœuvre, il risque de le perdre en force réelle pour faire face à une situation qui se dégrade et dans laquelle la mobilisation populaire aurait été le meilleur atout.

Le Front de gauche et le PCF, sa force essentielle, peuvent effectivement avoir un avenir utile au pays, à condition que soit joué le difficile travail d’une implantation et d’une organisation des luttes et des solidarités. C’est l’éternelle question qui se pose depuis la mutation où dans un contexte de désindustrialisation et d’atteintes au service public, il a été choisi de désorganiser le parti communiste, de le couper de sa base. Seuls ses élus locaux ont maintenu ce contact qui était détruit dans les entreprises et les cités populaires. La seule solution d’avenir est dans la réorganisation, le retour à une implantation au plus près des victimes de la crise ; c’est de ce choix que dépendront y compris les élections locales, municipales avec une manière de tisser de nouveaux liens avec un peuple français qui a choisi d’aller vers la gauche et de refuser les choix conservateurs.

Danielle Bleitrach

Voir en ligne : suivre la discussion sur le site socio13

[1La maire d’Aix qui s’était illustrée est en ballotage défavorable face au candidat du PS (PS 35,6 % et UMP 28,34 %) avec comme réserve pour l’un et pour l’autre FDG 6% ce qui est un bon score pour Aix mais ne récupère pas le score de Mélenchon de 11% et le FN à16,5%… En général c’est dans ce genre de circonscription qu’il faudra suivre la porosité droite Front national.

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