Aleksej German Junior : « Pour moi, le libéralisme en Russie est définitivement mort »

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 2%

Merci à Laurence Guillon pour la traduction et à Olivier Rabache pour avoir publié cet article… Encore un "enragé", je ne suis pas sur qu’il soit très éloigné des copains "libéraux" qu’il dénonce… Le libéralisme, tel que le définit cet article, c’est typiquement ce qu’ici nous pourrions définir comme la gauche caviar, celle du PS, très humaniste mais libérale au sens économique du terme, un capitalisme jamais régulé mais qui devrait l’être, le cœur en écharpe… Ce texte leur est dédié et dans le fond, la rage ne sort pas du milieu concerné, mais cela témoigne aussi du choc ou plutôt de l’électrochoc sur une société face aux événements d’Ukraine et la complaisance de l’Occident, des "libéraux-libertaires" face au fascisme.

Pasolini est allé beaucoup plus loin…

Danielle Bleitrach


[ Le metteur en scène Aleksej German junior a expliqué pourquoi, après le silence de la communauté libérale au sujet des évènements d’Odessa, il a été définitivement déçu par ce mouvement. ]

Le jour même, à l’heure même où l’on a brûlé, battu à coups de bâton et fusillé les gens en Ukraine, quand à Odessa, dans la maison des syndicats, sont mortes ces 43 personnes, si le chiffre est juste, car on dit qu’il y en a en réalité plus de 100, quand les tanks ont écrasé les vieillards près de Donetsk, pour moi, en Russie, le libéralisme est définitivement mort. Il est mort non en tant qu’idée, mais en tant que communauté de gens qui croient à un choix déterminé de valeurs. Il est mort il y a longtemps. Il est mort en se refermant sur lui-même. Ces jours-ci, beaucoup de mes camarades auraient dû clairement appeler le meurtre un meurtre et non esquiver.

Cette maladie est née il y a longtemps, car l’énergie se perdait dans d’interminables arguties sur les complots, le refus de l’évidence, les leçons de morale catégoriques, le petit doigt coquettement levé, le mépris de tous ceux qui avaient un autre avis.

Tout s’est noyé dans le brouillard, où tous les bruits sont déformés.

Probablement que dans les guerres civiles, il n’y a ni justes ni coupables.

C’est la bataille des émotions, des ténèbres profondes, des petits leaders, des provocateurs de tous les côtés. Et l’on peut argumenter que l’on a provoqué les fascistes de Pravij Sektor. On peut écrire des centaines de pages d’enquêtes. Boire du café sous la véranda et que tout cela a été inventé par d’habiles marionnettistes. Sans doute y sont-ils pour quelque chose. Sûrement, même. Il y a là bas beaucoup de marionnettistes. A propos, je ne lis pas les journaux soviétiques. Je ne suis pas victime d’un lavage de cerveau...

Mais enfin, la vérité, c’est que lorsque brûlait le bâtiment, les fasciste tapaient à coups de bâtons sur les rescapés, sous leurs propres cris de joie.

Que dans le bâtiment, on tirait sur les mourants. On achevait les femmes. Comment disait le slogan de qualité moyenne : « Qui ne saute pas, celui-là est un Moscovite ? ». Dieu sait pourquoi, beaucoup trouvaient même cela gentil…

Il y aura la guerre. Il y aura du sang, de la douleur, des orphelins. Il y aura un terrible sursaut d’antisémitisme. Malheureusement, Kolomojski et compagnie ont tout fait pour cela. Il y a une frontière entre le blanc et le noir. Entre les nôtres et les autres.

On me dira, et pourquoi est-ce que je ne stigmatise pas nos propagandistes et nos menteurs ?

La réponse est simple ; avec eux, tout était déjà compréhensible. Mais là, regarder cela est vexant jusqu’à la douleur.

Et il n’y aura plus de mouvement démocratique.

Il s’est lui-même sabordé. En refusant la simple idée que l’univers est complexe et qu’il n’y a pas de réponses simples. Qu’il n’y a pas une seule vérité. Un bibliothécaire, c’est un leader du parti, un oligarque, c’est un martyr ; beaucoup d’autres n’ont pas senti le souffle de la nouvelle époque. Ils n’ont pas pu regarder la bête en face. Et il aurait fallu. Ils quitteront, malheureusement, la scène de l’histoire. Un politique doit être au niveau de l’avenir.

Il leur semblait que « les Moscovites à la potence », c’était juste une petite blague, et il s’est avéré que non.

Oui, Majdan avait tout à fait raison de s’élever contre le pouvoir corrompu de Janukovich. Mais faire mine, à présent, que des milliers de monstres avec des gourdins qui se réjouissent de la tragédie ne sont pas des fascistes, c’est d’une bêtise criminelle.

J’ai des convictions démocratiques.

Je crois que, si nous voulons aller de l’avant, il nous faut des leaders nouveaux, forts, charismatiques et libéraux, capables de dépasser les limites du périphérique de Moscou. Il n’y en a plus aujourd’hui. Ils sont sans doute sympathiques et gentils, proches par l’esprit, mais ils ne peuvent pas et ne doivent pas mener des gens avec un choix déterminé de valeurs, de valeurs de la plus haute importance, que détestent tellement de nos chefs obscurantistes. Malheureusement. Quand périssent des centaines de gens, il est temps de se taire, de reprendre son souffle et de comprendre que les ténèbres n’arrivent pas toutes seules. Et qu’on ne peut justifier les fascistes.

Et encore, la plupart de mes merveilleux amis ukrainiens soutiennent le Majdan
C’est leur pays. Leur droit. Leur vie. Je suis pour une Ukraine libre et forte. Mais maintenant, s’ils veulent conserver leur pays, ils feraient bien d’en parler entre eux. Il est temps d’arrêter d’appeler des centaines de milliers de gens des terroristes. Tant qu’il n’est pas trop tard.

C’est comme cela que la guerre a commencé.

Source en russe http://www.online812.ru/2014/05/06/009/

Voir en ligne : Sur le blog histoire et société de Danielle Bleitrach

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