39ème congrès du PCF
Le développement contemporain des forces productives ouvre, de manière très contradictoire, une époque de révolution sociale mondiale

, par  Jean-Claude Delaunay , popularité : 2%

Les sociétés humaines ont été, jusqu’à notre époque, des sociétés de rareté et, simultanément, des sociétés de classes antagoniques. En effet, les sociétés de rareté ne sont pas seulement les sociétés dans lesquelles on meurt de faim. Ce sont les sociétés dans lesquelles les besoins matériels de ses membres ne peuvent être, de manière visible et immédiatement ressentie, complètement satisfaits. Il a progressivement résulté, de cette pénurie relative, des formes d’appropriation privée du surplus par certains groupes d’individus aux dépens des autres groupes. C’est ainsi que furent constituées les classes sociales et la partition des populations en classes dirigeantes et dirigées, dominantes et dominées, exploiteuses et exploitées. Ce mode de fonctionnement a été, jusqu’à ce jour, le principe majeur d’organisation des sociétés.

Certaines classes sociales peuvent satisfaire leurs besoins matériels, ou le peuvent mieux que les autres, et ces autres ne le peuvent pas, ou le peuvent moins que les classes dominantes. De cela résulte un combat permanent entre ces deux catégories de classes sociales. Sociétés de rareté et sociétés de classes antagoniques ont été les deux faces de l’histoire des hommes, et le resteront tant que les classes s’appropriant (privativement) le surplus resteront en place et que les forces productives ne permettront pas d’atteindre l’abondance.

C’est pourquoi, pour un marxiste, l’économie est l’activité donnant, dans les sociétés de rareté, la plus grande quantité d’informations sur leur fonctionnement, passé et présent, ainsi que sur les conditions de leur développement et de leur transformation. Telle est l’hypothèse de base de la théorie issue des travaux de Marx et d’Engels. Il en résulte l’importance primordiale accordée aux forces productives dans la compréhension, à notre époque, de la dynamique des sociétés.

Cela étant dit, il se trouve que les classes dominantes, dont la puissance est liée à un niveau et à une structure donnés des forces productives, ne sont pas à l’abri de classes rivales. Les forces productives évoluent et ceux qui sont en place ont du mal à se reconvertir. C’est pourquoi des rivaux apparaissent. Ils prétendent produire plus et mieux que leurs prédécesseurs. Lorsqu’ils sont assez forts pour intervenir, l’époque de la révolution des rapports sociaux est ouverte. C’est ce que Marx expliquait en 1859, tout en se situant dans le temps long. « A un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété dans lesquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale » [1]. Au 18e siècle, en France, de nouvelles catégories sociales, urbaines, sont devenues fortes et compétentes à ce point qu’elles ont estimé pouvoir révolutionner les rapports féodaux, fondés sur la production agricole et l’appropriation privée de la rente foncière.

Ces bourgeois, ces gens des villes, ainsi nommés par différence avec les ruraux propriétaires, ont pris le pouvoir et ils ont révolutionné non seulement les rapports politiques mais les rapports sociaux de production et de consommation en industrialisant la France. Nous sommes aujourd’hui, en 2022, entrés ouvertement et explicitement, dans une époque de ce genre, et cela depuis les années 1970.

A cette époque a pris forme un processus de mondialisation capitaliste dont on peut dire qu’il a dialectiquement pris appui sur la révolution des forces productives en cours et qu’il en a développé certaines potentialités. L’Impérialisme de la fin du 20e siècle n’est pas le même que celui de son début en ce qui concerne les forces productives qui le structurent et le déstructurent à la fois. Voici revenu le temps de la révolution, comme en 1789, mais en raison des forces productives nouvelles qui le traversent, il s’agit cette fois de la révolution des rapports sociaux bourgeois.

Il semble donc très important de comprendre, dans un tel contexte, en quoi et comment le niveau des forces productives, matérielles et humaines, contemporaines entre désormais en contradiction ouverte et forte avec les rapports sociaux capitalistes monopolisés de production et de consommation. C’est, me semble-t-il, la base théorique de toute action révolutionnaire actuelle. C’est celle que les communistes de ce pays se doivent d’explorer et dont ils doivent s’emparer pour l’efficacité de leur combat [2].

Je propose donc ce texte à la discussion de toutes celles et de tous ceux qui voudraient que « ça change réellement » quoique sans trop savoir par où commencer et comment mettre de l’ordre dans leurs réflexions.

Je n’ai pourtant pas de connaissances particulières. Je ne suis pas dans les secrets des pouvoirs et des alcôves. Je suis simplement marxiste et je prétends, à ce titre, qu’il faut commencer par les forces productives en développement, en regard des rapports sociaux de production et de consommation existants. Je m’inscris dans le courant de celles et de ceux qui proposent à la fois l’éviction de la bourgeoisie de tous les pouvoirs qu’elle monopolise ainsi que la prise en main par le peuple de ses affaires, économiques, politiques et culturelles.

Ce texte comprend trois parties. Dans la première, je vais résumer ce que je crois être la révolution contemporaine des forces productives, matérielles et humaines. Dans la deuxième partie, je m’interrogerai sur l’inertie apparente du système impérialiste. Dans la troisième partie, je dirai, toujours selon moi, ce que les adhérents du PCF devraient faire pour mettre leur organisation en accord avec la lutte révolutionnaire qui s’en déduit et entraîner le peuple dans ce vaste combat.

La révolution contemporaine des forces productives

Certes, nous disposons, nous communistes français, d’une théorie de la révolution des forces productives. C’est la théorie de la révolution informationnelle, mise au point par Paul Boccara. Paul fut un camarade intellectuellement et politiquement éminent. Sa notoriété a eu cependant pour effet, de son vivant mais aussi par la suite, de figer la théorie en question tout en lui conférant le statut de l’évidence.

Cela dit, cette théorie soulève de nombreux problèmes. Je dis cela sans agressivité et je ne vais certainement pas, dans ce texte, régler mes comptes avec Boccara. Je pense néanmoins, si mon propos est justifié, que cette théorie n’est pas apte à nous aider conceptuellement pour nous diriger dans l’obscurité du monde contemporain.

Je vais donc dans cette première partie, commencer par un bref exposé de cette théorie. J’indiquerai ensuite celle sur laquelle nous pouvons, et je le crois devons, au contraire, bâtir notre raisonnement.

A) La théorie boccarienne de la révolution informationnelle

Voici comment on peut exposer les principales idées de Paul Boccara sur la révolution scientifique et technique en cours. Je vais le faire en deux points. N’étant pas en train d’écrire un document universitaire, je me permets de simplifier l’exposé de ses idées. Cela dit, on trouvera dans Economie et Politique ou dans Issues, ou dans ses Théories sur les Crises (deuxième volume) [3], nombre d’articles qu’il publia sur ce thème. Je crois avoir compris l’essentiel de sa démarche et ne pas la déformer.

Le premier point à considérer serait le suivant. Les forces productives matérielles ayant toujours eu pour but d’accroître la productivité du travail, les progrès en ce domaine auraient d’abord commencé par les outils, prolongements de la main, et, pour les transports, par l’utilisation d’animaux. L’énergie propre à cette première étape aurait été celle des forces naturelles.

L’étape suivante aurait été celle de la prise en charge des outils par des machines, appelées machine-outils et par le remplacement des animaux par des machines de traction. Je rappelle que Paul Boccara publia en son temps, dans la revue La Pensée, un article important sur la machine-outil [4]. Il se situait explicitement, dans cet article, dans la continuité de Marx et d’Engels. L’énergie propre à cette deuxième étape aurait été la vapeur puis l’électricité.

Nous serions entrés, aujourd’hui, dans une troisième époque, et c’est là que Paul Boccara s’est efforcé d’innover, en l’analysant comme l’époque du remplacement de certaines fonctions du cerveau par des machines. Avec la révolution industrielle, la main de l’homme avait été remplacée par la machine-outil. Désormais, le cerveau de l’homme, certains de ses attributs en tout cas, seraient remplacés par l’ordinateur, lequel fonctionne avec des programmes et des informations, comme l’organe auquel il se substitue.

La révolution contemporaine des forces productives était donc, selon lui, « une révolution informationnelle », se développant avec des formes d’énergie appropriées. Le paradoxe apparent de cette révolution aurait été qu’en remplaçant certaines fonctions du cerveau par des machines, elle aurait, dans les faits, inversé le rapport entre forces productives matérielles et forces productives humaines, conférant à ces dernières une prééminence potentielle.

Le deuxième point à considérer est celui de l’incidence de cette révolution sur les rapports économiques capitalistes. Je crois que, pour Paul Boccara, cette incidence, sur le plan économique, était double.

D’une part, l’application de la révolution en question entraînait la robotisation accélérée de la production, l’éviction intensive de la main-d’œuvre, avec pour conséquence l’élévation durable de la composition organique du capital et la baisse non moins durable de sa rentabilité, etc. Elle entraînait, d’autre part, un processus tendanciel, également mortifère, d’appropriation privée de l’information par les capitalistes, et par conséquent, de réduction forte et croissante de l’accessibilité des individus à l’information.

En effet, disait Paul Boccara, l’information est volatile et elle est reproductible à l’infini, pour un coût variable proche de zéro. Les capitalistes étaient donc, selon lui, confrontés séparément à la contradiction suivante, à savoir, d’un côté, investir beaucoup (importance des coûts fixes) pour stocker et traiter productivement l’information dans le but du profit privé, mais d’un autre côté courir le risque de voir cette information diffusée partout avant même qu’ils aient pu, pris un à un, rentrer dans leurs frais et rentabiliser leurs propres affaires.

Cette contradiction aurait donc été prise en charge globalement, et si je puis dire naturellement, par le système capitaliste, qui aurait mis en œuvre, pour la résoudre, une solution générale permettant à chaque capitaliste de s’y retrouver. Cette solution, spontanément conforme à la structure capitaliste, aurait été celle de « la marchandisation de l’information » et la possibilité, sur cette base, pour chaque capitaliste, d’acheter et de vendre de l’information, ou d’acheter de l’information et de la détruire.

Toutefois, toujours selon Paul Boccara, la transformation des informations en marchandises aurait constitué la pire des perversions introduites par les classes dirigeantes dans le fonctionnement de la révolution scientifique et technique en cours. La marchandisation de l’information réduirait fortement son accessibilité par les populations, tout en permettant sur elle des interventions malveillantes de la part des capitalistes.

Les communistes devraient donc se donner pour première tâche révolutionnaire de démarchandiser l’information, de permettre que tous y accèdent, de veiller à ce qu’elle ne soit pas pervertie et manipulée, de la même façon qu’ils devraient proposer de démarchandiser la force de travail, grâce à la sécurité de l’emploi et de la formation.

A une économie et à une société structurées par des rapports sociaux d’appropriation privée et de marché, Paul Boccara suggérait que fut mise en place, à mon avis sans transition socialiste particulière, une économie et une société structurées par des rapports sociaux non marchands de partage et de coopération.

Il me semble que ce camarade concevait la révolution contemporaine comme étant à la confluence de deux mouvements, liés aux forces productives, un mouvement politique et culturel de développement de qu’il appela l’anthroponomie, ou processus d’affirmation croissante du rôle des hommes dans la société ainsi que de leur essence profonde, un mouvement économique complémentaire de démarchandisation généralisée des activités humaines, et d’abord celles de l’information et de la force de travail.

Je vais maintenant présenter une autre approche de la révolution contemporaine des forces productives.

B) Les composantes de la cyber-révolution

Nous avons été quelques-uns à considérer que les travaux de Paul Boccara, et les publications qui en témoignaient, méritaient mieux que ce qu’il en donnait à voir, sur la triple base de son prestige personnel, de sa position de pouvoir grâce à la Section économique du Comité central du PCF, au sein d’un PCF féodalisé, et finalement, sur la base du très faible degré de connaissances économiques, traditionnellement en vigueur dans cette organisation, plus portée sur la politique que sur l’économie.

« La révolution informationnelle », n’a pourtant jamais fait l’unanimité. C’est d’ailleurs rarement le cas dans le domaine de la théorie et c’est pourquoi il convient de préserver et d’affirmer la liberté de la recherche et de ses résultats. Parmi les communistes et syndicalistes que je connais et qui manifestaient de la distance avec cette théorie, je cite les noms de Francis Velain, Ivan Lavallée, Quynh Delaunay, Jean Lojkine, moi-même [5].

Les deux ouvrages suivants aident à en faire la critique. Le premier, signé par Nigoul et Lavallée, a été acheté par environ 200 personnes. Le second, version remaniée et développée du premier, vient, sous la signature d’Ivan Lavallée, d’être publié par Le Temps des Cerises [6]. Espérons que son chiffre de vente dépassera les 250. En m’inspirant de leur lecture et en y adjoignant quelques éléments personnels d’analyse et d’interprétation, je vais dire, à l’aide de quatre thèmes, comment je comprends la révolution en cours des forces productives. Je ne prétends pas différer de Paul Boccara en tous points, ce serait absurde. En revanche, je prétends que ma compréhension du phénomène est différente de la sienne et peut conduire à d’autres conclusions.

Voici les quatre points que je vais développer. La révolution scientifique et technique en cours est :

a) une révolution de toutes les formes de travail et donc une révolution dans la population des travailleurs porteurs de cette révolution. Cette révolution touche directement la classe ouvrière issue de la révolution industrielle précédente.

b) une révolution du rôle de l’information et de la dialectique de l’information dans la conduite des affaires humaines.

c) une révolution du rôle de la science et de la connaissance scientifique dans l’activité et dans la vie des sociétés.

d) une révolution dans le rôle respectif des forces productives matérielles et humaines. Ce rôle respectif est d’abord bouleversé pour des raisons internes à la révolution scientifique et technique en cours. Il est ensuite complètement modifié pour des raisons externes, à savoir la révolution démographique, observable depuis les années 1950.

1) Une révolution dans les instruments de travail

Il est banal de dire qu’aujourd’hui l’ordinateur est partout. Que ce soit dans les entreprises et les administrations, que ce soit dans les laboratoires, dans les maisons ou sur les champs de bataille, ce qui était autrefois de la mécanique est aujourd’hui remplacé par de l’électronique et de l’informatique.

Mon propos n’est pas ici de faire l’exposé technique de cette situation et de son histoire, car je n’en ai pas les capacités. Il est d’indiquer, tout en m’inspirant du livre d’Ivan Lavallée, en quoi les ordinateurs modifient le travail humain. Les forces productives sont révolutionnaires parce qu’elles modifient le travail. En suivant des étapes, elles en redessinent le champ et la forme. Elles modifient le travail et produisent les travailleurs.

La machine universelle de Turing est l’ancêtre de l’ordinateur. «  Le système technique de la Cyber-révolution est porté par la Machine de Turing Universelle, laquelle, en tant qu’universelle, est quasiment présente dans tous les artefacts humains et structure la société, modifiant tant ses façons de produire et travailler que sa façon d’être au monde » (p.42).

Qu’est-ce donc que la machine de Turing ? Contrairement à ce suggère le terme de machine, la machine de Turing n’est pas «  un objet matériel, palpable », une sorte de prototype. C’est un concept abstrait, exposé en 1936 par un mathématicien d’origine britannique, Alan Mathison Turing. C’est «  une expérience de pensée », « un concept d’une puissance phénoménale, à l’origine de l’informatique et de la révolution numérique » (p.202).

Les ordinateurs sont sortis de cette matrice. Mais aussi indispensables et répandus qu’ils nous paraissent aujourd’hui, ce ne sont pas que des instruments banalisés. Ce sont les vecteurs de la théorie selon laquelle tout est nombre, comme le disait déjà Pythagore (p.98). On ne peut donc les réduire à la simple fonction de remplacer certaines opérations du cerveau humain. Ce qu’il convient de ne pas oublier, écrit Lavallée, est que derrière ces instruments se tient l’expérience de pensée de la machine universelle de Turing, la mère de toutes les machines (p. 99).

Or cette expérience de pensée énonce que «  tous les objets, ainsi que les êtres vivants peuvent être représentés par des objets mathématiques... Tout ce que l’intelligence modélise, conceptualise et organise, décrit en structures, est modélisable mathématiquement : la linguistique, le droit, la philosophie, la sociologie peuvent utiliser la pleine puissance des mathématiques...Les hommes peuvent désormais penser mathématiquement le monde naturel, leur monde social, en rendre compte par des structures mathématiques, des nombres et des calculs...En unifiant les calculs des disciplines scientifiques, la machine de Turing universelle annonce des convergences dans l’industrie des hommes...Plus encore, le principe opératoire des machines de l’industrie est rendu obsolète par ce nouveau paradigme, qui va s’imposer partout où il s’agit de guidage sous quelque forme que ce soit » (p.101). Quelle peut être l’incidence des ordinateurs dans la vie des sociétés ?

Cette incidence est double. Elle a d’abord trait à l’information, qui subit une révolution. J’en traiterai dans le point suivant. Elle concerne ensuite, et peut-être surtout, le travail. Je retiens deux angles d’observation du travail et de sa modification par les nouvelles forces productives.

Le premier est celui de la tendance à l’unification des travaux engendrés par la révolution industrielle. Par unification, il faut entendre tous les processus de rapprochement géographique et temporel des activités, ainsi que la tendance au rapprochement des formes d’intervention des travailleurs (du travail proprement dit).

L’ordinateur est partout et il tend à unifier les travaux de l’industrie et du commerce, de l’industrie et de l’administration, du secteur public et du secteur privé, de la production des entreprises et de celle des autres agents. Il tend à unifier les espaces de travail, domestique et d’entreprise. Il tend à unifier et à rapprocher le travail de production, de répartition et de consommation. Il tend à unifier les travaux dans l’espace, à les mettre en confrontation. Il tend à unifier le travail manuel et le travail intellectuel et fait subir de profonds changements à la classe ouvrière comme aux autres catégories de travailleurs, issues de la révolution de la machine-outil. Le concept de classe des travailleurs tend peut-être à remplacer celui de classe ouvrière.

On peut également se demander si la notion de « peuple » n’est pas en train d’acquérir une réalité pratique, sous l’effet des forces productives contemporaines. En résumé, l’outil a produit le travail agricole, et réciproquement. La machine-outil industrielle a produit le travail industriel et réciproquement. La machine universelle de Turing serait en train de produire le travail général, le travail dans toute sa plénitude.

Le deuxième est la tendance à l’extension des formes d’exploitation du temps de travail aux travailleurs de toutes catégories. Si l’on cherche à résumer l’histoire de l’exploitation capitaliste industrielle du temps de travail, on peut distinguer deux sous-périodes. La première est celle de l’exploitation intensive de la force de travail par le temps passé sur les lieux de production. C’est la période de la plus-value absolue. Elle s’étend jusqu’au début du 20e siècle. La résistance ouvrière est telle que les capitalistes dirigeants sont obligés d’envisager un changement de régime dans l’exploitation du travail.

C’est alors que s’ouvre la deuxième période, celle de l’exploitation du temps de travail avec beaucoup d’investissements et par production de plus-value relative. L’impérialisme capitaliste est né dans ce nouveau contexte. Cela dit, la production de plus-value relative a engendré à son tour de telles contradictions et une telle résistance de la part des ouvriers que ce régime d’exploitation a été contraint, autour des années 1970, à changer fortement. L’impérialisme s’est alors mondialisé, entrant en relation dialectique avec la nouvelle révolution scientifique et technique. Sous l’angle des forces productives, l’impérialisme contemporain n’est plus le même que celui analysé par Lénine et d’autres.

Le paradoxe de la nouvelle révolution des forces productives, en permettant l’extension et la généralisation des processus ouvriers de l’exploitation à d’autres catégories, a ouvert la possibilité de la mise en place de processus d’exploitation du travail reposant sur la production conjuguée de plus-value absolue et de plus-value relative.

Cette révolution est une révolution « bi-frons », à double face. D’une part, elle engendre des modalités d’exploitation renforcée du travail. Mais d’autre part, en raison de la croissance de la productivité du travail qui la caractérise, et de la formation de la classe des travailleurs à laquelle elle est associée, elle ouvre la possibilité de la libération complète des travailleurs devant toute forme d’exploitation.

2) Une révolution dans le rôle de l’information et surtout de son traitement

Ce qui est intéressant, dans le livre de Lavallée, est la remarque suivante. La révolution en cours serait la conjonction de deux révolutions distinctes. La première serait « la révolution numérique », que je viens d’évoquer dans le point précédent. La deuxième serait celle de « la cybernétique ». Mais il aura fallu que la révolution numérique acquière force et vigueur, à travers toute une série d’inventions (transistors et microprocesseurs, développement des réseaux, Minitel...) pour que « la cybernétique » prenne réellement son envol, et entraîne le dépassement de ce que l’on nommait auparavant « la révolution scientifique et technique ».

« La symbiose de la révolution numérique, la machine de Turing universelle, et de la cybernétique subliment et transcendent la révolution scientifique et technique, lui donnant une dimension tout autre, et in fine la dépassant qualitativement, ce qui nécessite un concept nouveau, celui de Cyber-Révolution » (p.140-141).
Qu’est-ce donc que la cybernétique et quel est son lien avec l’information ?

La cybernétique est née pendant la Deuxième guerre mondiale, dans des circonstances beaucoup plus concrètes que celle que connaissait Turing en 1936, à savoir la démonstration du premier théorème d’incomplétude de Gödel. Mais l’intérêt de ce rappel est de montrer que l’’information moderne tend à introduire les probabilités dans la vie courante

Je rappelle ces circonstances. Comment aider un poste de Défense contre les avions, ou DCA, à ajuster son tir sur une cible en rapide et permanent déplacement (l’avion), et qui vous fonce dessus ? Norbert Wiener publia en 1948 le résultat des recherches effectuées pour résoudre ce type de problème, soit 12 ans après Turing. On peut dater de 1948 le début de la science de la Cybernétique et du début des années 1970 le commencement de la cyber-révolution.

Le concept d’information véhiculé par cette discipline sépare l’information de son contenu. Je laisse volontairement de côté les apports de Shannon, Kolmogorov ou Somonoloff sur ce concept (p. 106-107) pour centrer l’attention sur ce que je crois essentiel. Une information, au sens moderne du terme, est, selon Wiener, une interaction. «  L’information, c’est l’information. Elle n’est ni matière ni énergie » écrit Wiener, bien qu’il faille de l’énergie pour la créer ou la diffuser et bien qu’il faille de la matière pour l’enregistrer et la stocker (p.204). Avec la cybernétique, ce qui est important, au plan scientifique, n’est pas l’information proprement dite mais le traitement de l’information. «  Un élément central de cette Cyber-Révolution est l’importance prise par le traitement de l’information » (p.141). Et il est vrai que, lorsque le poste de DCA reçoit une information sur la position de l’avion ennemi, cette information est fausse puisqu’entre temps, l’avion a déjà bougé. « Il n’y a plus de modèle déterministe complet...On ne peut plus se contenter de prévoir ce qu’il faut faire...Ce qui compte, c’est le traitement des données...Ce qui était antérieurement le modèle devient de plus en plus le schéma de traitement des données, l’algorithme, le programme » (p. 108-109).

Les activités : scientifique, commerciale, productive, administrative, de transport, médicale, assurancielle, bancaire, préventive, écologique, climatique, etc… modernes, prennent appui sur d’énormes bases de données. Mais celles-ci n’ont de valeur que si elles sont constamment réalimentées.

3) La science dans la dynamique des forces productives

Mais pourquoi le terme de cyber-révolution ? En quoi ce qui était vrai auparavant, à savoir le rôle de la science comme force productive, serait-il devenu erroné ? Rien de tel n’est vrai. La Science (par exemple la science médicale ou la science de la vaccination) est aujourd’hui une force productive directe.

La véritable révolution des forces productives a été réalisée récemment lorsque s’est produite la conjonction de la cybernétique et de la machine universelle de Turing (p.207). Cette dernière et ce qui en a résulté, l’informatique, a donné aux théoriciens et praticiens de la cybernétique les moyens de déployer non seulement en pensée mais concrètement tout ce que nous pouvons savoir des interactions dans tel ou tel domaine, soit de la nature, soit de la société. «  L’informatique est à cette nouvelle révolution ce que fut la machine à vapeur pour le XVIIIe siècle » (p.215). Cette conjonction a reposé sur un travail scientifique considérable. La science est consubstantielle aux forces productives modernes.

Il faut noter un élément supplémentaire, à savoir que chaque discipline, chaque science, est à son tour susceptible d’être dynamisée par la révolution cybernétique. Le terme de cyber-révolution vise alors à rendre compte de ce phénomène spécifique de dynamisation et de sa généralité. La révolution cybernétique, adossée à l’informatique en plein développement, traverse et dynamise toutes les sciences. C’est pourquoi notre époque serait celle de la CYBER-REVOLUTION. Ivan Lavallée reprend à son compte le concept de « système technique », de Bertrand Gilles, pour en parler. L’informatique serait le cœur du système technique que forme la Cyber-révolution. Toutes les sciences seraient pénétrées par la révolution cybernétique et toutes les activités en relèveraient potentiellement. Elles seraient en quelque sorte « scientifisées » par la cyber-révolution.

4) Le renversement du rôle respectif des forces productives matérielles et humaines

Quel que soit le nom qu’on donne à leur révolution, les forces productives désignent non seulement les matériels et l’énergie utilisés mais aussi les hommes.

C’est par effet de l’idéologie capitaliste, et de sa survalorisation du capital technique, que nous sommes enclins à « oublier » que les hommes (plus généralement la nature) font partie des forces productives.

Ce que l’on observe aujourd’hui, puisque la science est déterminante du fonctionnement de la société et de son efficacité, est que, dans les forces productives, le facteur humain tend à l’emporter sur le facteur matériel. Certes, la cyber-révolution ne peut être accomplie sans que, par exemple, la science des matériaux nécessaires ne progresse à son tour. Mais les scientifiques sont partout présents, soit en tant que concepteurs, soit en tant qu’agents et pilotes. Cela dit, la prédominance du facteur humain est, cela va de soi, combattue par les capitalistes.

Je souhaite attirer ici l’attention, de manière argumentée, sur le rôle contemporain des hommes dans le mouvement des forces productives, cela en raison de leur nombre, et pas seulement en raison de leurs savoirs et de leurs compétences. Le nombre de la population va peser et de plus en plus en faveur du développement économique général, quelles que soient par ailleurs les résistances. Comment cela est-il possible ?

Les statistiques de la population mondiale montrent que cette dernière, qui était de 1.633 milliard en 1900, est aujourd’hui de 7.840 milliards. Elle a donc été multipliée par 5 en un peu plus d’un siècle [7]. Si l’on examine maintenant les rythmes de variation de cette population, on observe qu’elle s’est accrue de manière accélérée tout au long du 20e siècle. Elle s’est accrue de plus en plus rapidement, atteignant son rythme maximal au cours des années 1960-1980, années au cours desquelles prit forme la nouvelle révolution des forces productives.

Tableau 1 : Répartition (%) de la population mondiale par grandes catégories de régimes et de développement

Années 1960 1980 2000 2021
Pays Socialistes 33.0 32.5 22.6 19.8
Pays capitalistes développés 21.6 17.7 20.9 17.8
Reste du Monde 45.4 49.8 56.5 62.4
Total (%) 100.0 100.0 100.0 100.0
Total (u=milliard) 3.03 4.43 6.11 7.84

Le tableau 1 ci-dessus permet de compléter ces premières observations. En effet, ce n’est pas la quantité de la population qui est, par elle-même, révolutionnaire. C’est cette quantité dans certains rapports sociaux. Pour illustrer mon propos, je dirai que la population chinoise a fortement augmenté au cours du 19e siècle. Ce n’est toutefois pas cette quantité qui ébranla la dynastie Qing. C’est cette quantité, agissant dans le cadre des rapports sociaux caractéristiques de l’époque Qing. Ils se révélèrent inaptes à satisfaire les besoins de la population nouvelle, et cette dernière, à son tour, se trouva en situation de chercher à le faire, ne fut-ce que confusément, jusqu’au renversement de la dynastie en 1911. Je vais appliquer ce raisonnement aux évolutions quantitatives contenues dans le tableau 1.

L’information la plus importante qui en ressort est, à mon avis, la suivante. C’est au cours des années 1980-2000 que « le reste du monde », c’est-à-dire la masse hétérogène des pays industriellement sous-développés et non socialistes, est devenue, sous l’angle de la population, majoritaire dans le monde. Ce reste du monde abrite aujourd’hui 62% de la population mondiale. Ce qui veut dire, par raison contraire, que la population des pays industriellement développés est minoritaire (38%).

On note également que cette population des pays développés est divisée en deux ensembles socialement distincts mais approximativement égaux en poids, l’ensemble socialiste (20%) et l’ensemble capitaliste (18%). L’ensemble socialiste a été réduit en poids au début des années 1990. Il n’en demeure pas moins majoritaire au sein des pays développés

Au début du 20e siècle, la population des pays sous-développés existait mais elle ne comptait pas aux yeux de ceux qui gouvernaient le monde. Elle était durement exploitée et totalement invisible. L’impérialisme, dont les marxistes observaient à cette époque la formation, était un système dont les composantes étaient les nations industriellement développées de l’Europe et de l’Amérique du Nord, structurées par les forces productives, certes plus évoluées mais néanmoins de même nature (la machine-outil industrielle) que celles de la révolution industrielle du 18e siècle.

L’impérialisme contemporain est un système structuré par d’autres forces productives, en particulier par la machine universelle et la Cyber-Révolution. C’est notamment pour cette raison qu’il a été conduit vers la mondialisation capitaliste autour des années 1970-1980. Sous l’effet de ce processus, la population des pays industriellement sous-développés a commencé d’exister, non seulement politiquement, comme ce fut le cas avec la décolonisation après 1945, mais économiquement, avec les implantations intensives de firmes multinationales.

Les classes dirigeantes des pays sous-développés ont alors eu le choix soit de se soumettre aux puissances impérialistes et de fonctionner comme bourgeoisies compradores, soit de penser à leur destin en conformité avec une vision nationale et de plus long terme que celle d’une servitude dorée. C’est pourquoi la population de ces pays, nombreuse, croissante, de plus en plus exigeante, a tendu et tend à orienter ces classes dirigeantes à la fois vers le choix de la souveraineté nationale et celui du développement.

L’état des lieux concernant « le reste du monde » est donc différent aujourd’hui de ce qu’il était il y a un siècle sinon dans tous les pays qui le composent, du moins dans les plus grands d’entre eux. On peut le résumer à l’aide d’un triple mouvement, extrêmement complexe et contradictoire.

Le premier est la volonté des classes dirigeantes de ces pays de les développer en y implantant la révolution industrielle des 18e et 19e siècles ainsi que certains segments de la nouvelle révolution des forces productives. Ces classes dirigeantes sont quasiment toutes capitalistes, c’est-à-dire orientées d’abord par leurs propres intérêts de classes. Cela dit, elles tendent à intégrer cette orientation privée dans une approche macro-sociale, nationale, du développement.

Le deuxième mouvement est certes celui de la recherche, par les groupes monopolistes des pays capitalistes développés, des produits agricoles, des matières premières rares et des sources d’énergie bon marché que les pays industriellement sous-développés contiennent. Mais à ces objectifs classiques s’ajoute la recherches de nouvelles sources de production de valeur et de plus-value ainsi que de nouveaux marchés.

Le troisième est celui de la recherche de ces mêmes ressources rares par les pays socialistes, en particulier par la Chine socialiste.

La différence qualitative énorme existant entre les pays constitutifs de l’Impérialisme et les pays constitutifs du Socialisme est que ces derniers appuient les stratégies de développement, alors que les pays de l’impérialisme les combattent. C’est leur intérêt. Ils développent leur économie en fonction des intérêts de leur peuple et non en fonction d’intérêts monopolistes. Il s’en déduit des formes objectives d’alliance entre les pays socialistes et les classes capitalistes des pays en développement.

Les classes dirigeantes des pays capitalistes développés privilégient au contraire la prédation sur le développement, la guerre sur la paix. Elles ont détruit récemment un système de distribution dans divers pays d’Europe du gaz issu de Russie. Elles ont sciemment détruit des forces productives adaptées à notre temps et au développement dans le simple but de la rentabilité. Il s’en déduit que, malgré leurs ressemblances, de nature ou d’essence avec leurs homologues des pays en développement, elles entrent en forte opposition avec elles. Cette opposition peut aller jusqu’à l’antagonisme, la lutte à mort, comme c’est actuellement le cas entre les pays de l’Impérialisme et la Russie .

C’est ainsi, me semble-t-il, que, à notre époque, la grande masse des forces productives humaines, celle des pays sous-industrialisés, participe au développement des forces productives et contribue à la maturation de la contradiction générale entre forces productives et rapports sociaux de production.

Le 21e siècle ne sera peut-être pas le siècle du socialisme, mais il sera certainement, si les rapports sociaux monopolistes sont à leur tour révolutionnés, celui de la généralisation du développement industriel.

Et pourtant les rapports sociaux de l’Impérialisme sont toujours là

Ce qui paraît surprenant, dans l’histoire du 20e siècle, est la très grande inertie des rapports sociaux de l’Impérialisme. Ils sont toujours en place. Les grandes bourgeoisies s’accrochent et tiennent la commande, tant bien que mal, mais elles y parviennent. Leurs agents, hommes ou femmes, pillent, volent, engagent des guerres sans en référer à qui que ce soit, donnent des ordres ignobles et sont bien souvent corrompus au-delà de la moëlle. Mais apparemment rien n’y fait.

Comment se fait-il, puisque tant de bouleversements aussi profonds que la Cyber-Révolution l’assaillent, que ce système n’ait pas succombé depuis longtemps à toutes les guerres qu’il a engendrées ? Il y a bien longtemps que le poids de ses vices l’a emporté sur celui de ses vertus. Comment se fait-il que le puissant mouvement de socialisation des forces productives auquel nous assistons n’engendre pas, de manière plus massive, l’idée qu’il conviendrait enfin de nettoyer les écuries d’Augias en commençant par construire en France une société socialiste ?

Sans doute les marxistes savent-ils que les relations s’établissant entre les faits de la société et la conscience des changements qu’ils devraient impliquer prennent du temps à naître et cheminent parfois de façon tortueuse et compliquée. La question mérite cependant d’être soulevée si l’on souhaite accélérer, ne serait-ce qu’un peu, le mouvement de l’histoire. Cela étant dit, la base commune nous donne un élément d’explication des raisons pour lesquelles les Impérialistes, en France, peuvent encore dormir sur leurs deux oreilles.

Lorsque la direction du PCF propose à ses militants un discours tel que celui contenu dans « la base commune », ma conviction est que la lutte ne peut pas être correctement menée dans ce pays contre l’Impérialisme et contre les grandes bourgeoisies qui le soutiennent. Ses idées sont trop confuses. Comment la cause de la Paix, qui est fondamentale et à la source de toute autre action, pourrait-elle l’emporter dans le contexte d’une pensée qui, visiblement, n’a pas la maîtrise d’elle-même ?

Cela dit, ce n’est que mon avis et je ne suggère pas de le réécrire en entier puisqu’il a été adopté. En revanche, je suggère de l’amender très sévèrement sur un point, et cela en liaison directe avec le développement des forces productives à notre époque. Ce point concerne la Paix. Que signifie cette lutte, tant au plan national qu’international ? Pourquoi la Paix est-elle nécessaire au bon fonctionnement des forces productives contemporaines ?

Faire prévaloir des rapports sociaux de paix dans le monde

Les marxistes disent que la socialisation des forces productives engendre, au sein du capitalisme, une contradiction croissante avec les rapports privés de production. Je crois qu’il en est bien ainsi et que la première catégorie de rapports sociaux qui devraient et doivent être changés aujourd’hui dans le monde est celle des rapports sociaux de guerre pour leur substituer des rapports sociaux de paix.

De cela nous avons plusieurs illustrations récentes. La première est celle fournie par ces pipe-lines que l’on nomme Nord-Steam 1 et Nord-Stream 2. La Russie et l’Allemagne s’étaient entendues, l’une pour livrer du gaz à un prix avantageux et l’autre à en consommer de grandes quantités sur plusieurs décennies. Ces pipe-lines furent donc construits, traversant la mer Baltique, étant ainsi indépendants de la Pologne et de l’Ukraine. Le 26 septembre 2022, ils furent l’objet d’un attentat qui les a rendus quasiment inutilisables pour toujours.

La deuxième illustration est celle fournie par le pont de Crimée. Cette infrastructure, longue de 19 km, relie l’actuelle Russie à la Crimée. Elle a été l’objet d’un autre attentat, le 8 octobre 2022. Cette fois, le pont ne fut que légèrement touché.

Ces deux exemples montrent cependant que notre époque dispose, grâce aux nouvelles forces productives, de capacités techniques permettant de construire et de gérer de telles infrastructures. Mais traversant plusieurs pays ou de longue distances, elles sont, en raison de leur taille, infiniment vulnérables. Elles ne peuvent fonctionner convenablement, être réparées et utilisées sans risques que dans un cadre d’où les rapports sociaux de guerre soient exclus au bénéfice de rapports sociaux de paix.

Et puis que dire des satellites, qui peuvent être de puissants moyens de communication mais aussi des menaces mortelles ? Que dire des réseaux sociaux, comme internet, qui peuvent tout aussi bien unir le monde que le diviser ? Que dire de la monnaie électronique, si celle-ci peut être volée ou détournée par telle ou telle puissance ? Comment le commerce, nécessaire pour se procurer les biens et les services dont on ne dispose pas, pourrait-il prospérer s’il est dans le pouvoir de telle ou telle puissance d’en bloquer le fonctionnement, comme le font aujourd’hui les Etats-Unis qui, depuis 3 ans, font obstruction au fonctionnement de la Cour Suprême de l’OMC, par ce que cela aurait toutes les chances de mettre en lumière leurs turpitudes ? [8]

Mais qui sont donc les pays et les dirigeants portant la responsabilité de faire prévaloir aujourd’hui, dans le monde, des rapports sociaux de guerre sur des rapports sociaux de paix ? La réponse à cette question est à mon avis très simple. Il suffit, si l’on est marxiste, d’observer la réalité. Le marxisme n’est pas une expérience de magie. C’est une théorie dont l’ambition est scientifique. Elle doit donc reposer sur l’observation et non sur les fantasmes et l’imagination. Or le texte de la base commune révèle une double défaillance.

La première est la méconnaissance de ce qu’est l’impérialisme contemporain, concept pratiquement jamais utilisé et remplacé par celui de capitalisme néolibéral, comme si le PCF était devenu une annexe d’Attac. La deuxième est l’acceptation des mensonges les plus grossiers concernant la Russie comme étant l’expression de la vérité. Voyons successivement ces deux défaillances.

Qu’est-ce donc que l’Impérialisme aujourd’hui ?

Est-il besoin de le rappeler, l’impérialisme n‘est pas le capitalisme. C’est le capitalisme arrivé à un stade particulier de maturité, lui-même caractérisé par l’existence de monopoles suffisamment puissants pour pervertir à leur avantage tout le fonctionnement de la société.

Au début du 20e siècle, l’impérialisme était fondé sur les forces productives de la machine-outil industrielle. C’était un impérialisme de nations concurrentes. Elles se sont fait la guerre, à mort.

Quand il décrit l’Impérialisme, Lénine peut observer l’horreur des champs de bataille de l’époque. Aussi n’est-il pas étonnant qu’il parle d’un « capitalisme pourrissant », d’un « capitalisme en pleine putréfaction ». Mais il ajoute aussitôt : «  Ce serait une erreur de croire que cette tendance à la putréfaction exclut une croissance rapide » [9].

L’histoire montre qu’il avait pleinement raison. Il est vrai que la Première guerre mondiale fut un massacre. Mais cela fut surtout vrai en Europe. Car les Etats-Unis en tirèrent profit, sans en subir les conséquences. Il en fut de même lors de la Deuxième guerre mondiale. L’Europe et l’Asie, furent les théâtres de cette putréfaction. Mais la grande bourgeoisie monopoliste des États-Unis, entrée tardivement dans ce conflit, sut habilement en tirer profit, sans subir de dommages sur son propre territoire, en y développant au contraire les technologies les plus avancées, ainsi qu’une puissante industrie de l’armement.

L’analyse marxiste de l’impérialisme fut, à tort, trop souvent, une analyse apocalyptique de l’évolution du système impérialiste. Il en fut de même concernant la capacité de ce système à développer les forces productives. Ce qui s’est imposé est la conviction que l’impérialisme, c’était inévitablement la récession et la stagnation.

Il est une nation, cependant, qui n’a pas mal vécu cette période. Ce sont les Etats-Unis [10]. Pendant que les grandes bourgeoisies européennes s’étripaient, la grande bourgeoisie américaine faisait ses choux gras des guerres européennes. Elle leur a accordé des crédits généreux pour faire marcher ses propres monopoles. Elle en a profité pour interdire à l’Allemagne et au Japon de produire des armes. Elle en a en revanche beaucoup vendu dans les guerres de décolonisation. Dans le contexte où l’impérialisme était formé de nations impérialistes, complémentaires et rivales, le gaullisme connut son heure de vérité.

Tout cela a duré jusque vers les années 1970-1980. A partir de ces années, l’impérialisme s’est lancé dans la mondialisation capitaliste et, pour cette raison, a fait évoluer les forces productives le structurant. Celles-ci sont à leur tour devenues des forces productives de portée mondiale, en sorte que le grand Capital nord-américain s’est trouvé en situation, d’une part de s’ouvrir au monde et d’autre part d’investir le monde. Oui, mais en force. Alors que l’impérialisme était un impérialisme de plusieurs nations, il est devenu l’impérialisme d’une grande nation, se subordonnant toutes les autres composantes de l’impérialisme et affirmant sur le monde entier sa volonté d’établir un rapport de force en faveur de l’impérialisme et d’abord de ses propres monopoles.

L’impérialisme actuel est une interpénétration accrue de tous les capitaux monopolistes, d’abord dans les pays développés eux-mêmes, et c’est la subordination contradictoire des différents Etats impérialistes à l’Etat monopoliste américain. Or la caractéristique déjà ancienne de cet Etat, c’est d’une part de vendre des armes en grande quantité, plus que tous les autres Etats, et c’est d’autre part d’organiser des guerres nombreuses, hors de son territoire, en faisant se battre d’autres armées que les siennes à sa place. C’est exactement ce que l’on observe aujourd’hui en Europe centrale et plus particulièrement sur le champ de bataille ukrainien. Cela dit, les grandes bourgeoisies, française, allemande, italienne, britannique, autres, sont totalement complices.

Et la Russie dans tout ça ?

Voyons maintenant le rôle de la Russie dans le conflit soi-disant ukrainien, et d’abord la description de ce rôle dans la base commune.

Comme il se devait, « le méchant Poutine » est, dans ce texte, aux premières loges de l’accusation. «  L’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine est injustifiable et criminelle ». Il y a quand même un phénomène dont des rédacteurs de la « base commune » ne pouvaient manquer de tenir compte, ce sont les accords de Minsk, signés en 2014. «  Si elle fut déclenchée dans le contexte de la non application par le gouvernement ukrainien des accords de Minsk...et de l’expansion vers l’Est...elle a des effets en chaîne désastreux dans tous les domaines et d’un danger extrême pour les peuples ».

Ce genre de phrase vaut vraiment, comme on voudra, son pesant d’or ou de cacahuètes. Et moi qui croyait que les gouvernements, français et allemand [11], étaient co-responsables, avec le gouvernement ukrainien, de cette application ! Mais non, nous dit la base commune, ce sont les Ukrainiens. Ah oui, il y a eu l’extension de l’OTAN vers l’Est. Mais apparemment, pour les rédacteurs de la base commune, il s’agit d’un détail.

En effet, nous dit encore cette base, les effets en chaîne de la riposte militaire de la Russie à cette extension sont dès à présent si désastreux que, vraiment, le chef de ce gouvernement ne peut être autrement qualifié que comme étant un criminel.

Moi, quand j’ai lu cela, je me suis demandé comment les rédacteurs de la base commune pouvaient prétendre mener en France un combat pour la souveraineté nationale. Supposons que le socialisme advienne dans ce pays et que, à Sarrebruck, à Francfort sur le Main ou à Brighton, des lance-missiles soient pointés sur Paris, que feraient ces communistes ?

Apparemment, ils, elles, se rendraient peut-être en délégation à Berlin, à Londres, à Washington, je ne sais où, pour demander : «  S’il vous plaît, ne soyez pas méchants, ne pointez pas ces missiles sur la Tour Eiffel, c’est l’une de nos dernières sources de revenus » ? Ils, elles iraient voir M. Gutterez pour lui demander d’intervenir auprès de M. Biden ?

Je pèse mes mots en disant que j’espère que ces propos feront l’objet d’un rejet sévère de la part des communistes français.

Ce n’est pas tout. Parce qu’on peut lire aussi dans le texte de la base commune : «  l’impérialisme américain, contesté, est à la recherche de nouveaux moyens de domination ». Une personne peu attentive pourra se dire : «  Bon, les Russes sont mis en accusation dans cette base commune, mais les Américains le sont aussi. Finalement, il y a bonne mesure ». Si vous avez cette réaction, vous n’avez pas compris ce que je me suis efforcé de vous expliquer précédemment et j’ai dû manquer totalement de clarté.

Car l’impérialisme américain, cela n’existe plus. Sous l’effet de la mondialisation capitaliste et des nouvelles forces productives impulsées dans ce cadre, ce qui existe désormais est L’IMPERIALISME (français, allemand, britannique, belge, hollandais, polonais, nord-américain, etc…) certes traversé de contradictions mais beaucoup plus unifié qu’en 1914 ou en 1945. Et, tout cela, SOUS CONDUITE A LA FOIS IMPOSEE ET ACCEPTEE DE LA GRANDE BOURGEOISIE NORD-AMERICAINE ET DE SON ETAT.

Ce que j’énonce n’a rien à voir avec le super-impérialisme à la Kautsky, qui était un super-impérialisme supposé pacifique et intelligent. Ce que je dis vient de l’observation. Après l’attentat contre Nord Stream, par exemple, les Allemands n’ont rien dit. Ils ont pourtant payé pour cette infrastructure. Non, ils se sont « écrasés ». Pourquoi ? Pour faire plaisir à la Serbie ? Non, pour la raison que ce que leur font les USA, ils l’acceptent, « ils ferment leur gueule ». Pour l’instant.

Autrement dit, en désignant l’impérialisme comme étant « l’impérialisme américain », les rédacteurs de la base commune dédouanent tout simplement la grande bourgeoisie française ou la grande bourgeoisie allemande, ou la grande bourgeoisie britannique, ou la grande bourgeoisie espagnole de leurs responsabilités directes dans la guerre qui menace actuellement l’Europe.

Et je crois que, en fin de compte, tel est l’état d’esprit des rédacteurs de la base commune. Ils dédouanent quasiment tout le monde sauf le méchant Poutine. Voilà ce qui est écrit en conclusion de leurs brillantes analyses : «  Dans une situation où les politiques de force entrainent le monde dans la guerre, il est impensable de s’aligner sur un camp. Il est nécessaire de développer une politique indépendante répondant aux intérêts des peuples ».

Cela signifie, clairement selon moi, qu’il n’est pas question, pour ces rédacteurs de la base commune, de prendre parti pour « l’impérialisme américain » ou pour « le régime de Poutine, à l’opposé de toute politique progressiste, tant par son capitalisme rentier que par la résurgence d’un chauvinisme impérial grand russe réactionnaire... ». Dénoncer ce qu’ils appellent l’IMPERIALISME AMERICAIN (sans dénoncer explicitement l’impérialisme français, allemand, britannique, etc) comme étant le système faisant prévaloir, aujourd’hui, dans le monde, des rapports sociaux de guerre sur les rapports sociaux de paix, non mais vous n’y pensez pas ?

Il convient au contraire, selon les rédacteurs de la base, de renvoyer tous ces gens dos à dos, et d’agir « de manière indépendante », sans combattre les véritables fauteurs de guerre.

Eléments de conclusion de mon intervention

Au terme de cette intervention, voici quelques-uns des éléments de conclusion auxquels je parviens.

  1. Le développement des forces productives contemporaines est d’abord un développement des forces productives matérielles, dont l’une des branches est l’informatique, et l’autre branche, la cybernétique.
  2. La symbiose de l’informatique et de la cybernétique s’est produite autour des années 1970, années qui furent aussi celles du processus d’intensification de la mondialisation capitaliste.
  3. La cyber-révolution suppose que son fonctionnement repose d’une part sur la constitution de bases de données, dans tous les domaines possibles et imaginables, sur leur enrichissement en continu, sur la mise en œuvre d’algorithmes puissants de traitements de ces données en cours de renouvellement permanent.
  4. La cyber-révolution repose d’autre part sur la constitution de réseaux facilitant la circulation de ces données et des résultats obtenus. Qui possède la maîtrise des bases de données et la maîtrise des réseaux possède aujourd’hui le monde.
  5. Elle suppose donc, pour bénéficier au plus grand nombre, une coopération mondiale et l’établissement de rapports sociaux mondiaux de paix.
  6. L’impérialisme de la fin du 20e siècle est donc différent de celui de son début. C’est un impérialisme dont la commande est d’autant plus autoritaire que le pays capitaliste dirigeant le processus de mondialisation monopoliste est aussi le pays situé à l’avant-garde de la Cyber-Révolution. L’Impérialisme s’est unifié sous commandement nord-américain.
  7. Les évolutions démographiques montrent que le nouvel impérialisme veut non seulement détruire le socialisme mais qu’il veut dominer les pays industriellement sous-développés, et qui veulent se développer. Ils sont très largement majoritaires dans le monde en population.
  8. Ils veulent notamment dominer la Russie. Ce pays, c’était pour eux beaucoup mieux quand il était dirigé par une bourgeoisie compradore.
  9. Alors ils ont pris le risque de déclencher une troisième guerre mondiale. Ils sont affaiblis et, pour cette raison, dangereux. Il va falloir trouver les moyens de les neutraliser.
  10. Le problème pour le nouvel impérialisme est de n’être plus seul au monde. Le monde est d’ores et déjà bipolaire, avec ces satanés Chinois, dont nous, communistes français, devrions nous méfier comme de la peste, nous dit à peu près l’actuelle rédaction de la base commune. Et il y a ces pays en développement, fussent-ils capitalistes, qui peuvent et veulent prendre appui sur le socialisme développé pour assurer leur propre développement.
  11. Voilà, en gros, en très gros, ce que j’ai voulu dire. J’ai souligné un point. La base commune est une aberration sur le point que j’ai retenu de critiquer. Il faut le réécrire de fond en comble. Nous sommes des communistes. Nous ne sommes pas des supplétifs de l’OTAN.
  12. Peut-être cette base est-elle une aberration sur d’autres points ? C’est possible. Mais je ne suis pas le Chevalier blanc. Je ne suis qu’un modeste communiste, un modeste marxiste. J’espère bien que d’autres que moi s’empareront de cette base pour la rendre enfin commune et peut être surtout communiste.

Jean-Claude Delaunay

Nanning

(République Populaire de Chine)

Janvier 2023

[1Karl Marx, 1859, Critique de l’Economie Politique, Préface (Marx.archives.net). La thèse selon laquelle les sociétés évoluent et se transforment sous l’effet de la contradiction entre forces productives et rapports de production figurait déjà dans le Manifeste communiste, rédigé par Marx et Engels en 1848 : « Depuis des dizaines d’années, l’histoire de l’industrie et du commerce n’est autre chose que l’histoire de la révolte des forces productives modernes contre les rapports modernes de production... ». Ce qui était théoriquement perceptible, il y a 175 ans, est en train de devenir expérience concrète, avec des forces productives profondément renouvelées par rapport à ce qu’elles étaient lors de la parution du Manifeste.

[2Comme l’écrit Jean-François Bolzinger dans sa préface au livre que vient de publier Ivan Lavallée, « En replaçant les forces productives comme l’élément déterminant du processus révolutionnaire, ce livre est un atout précieux pour orienter les combats » (Ivan Lavallée, Cyber-Révolution et Révolution Sociale, 2022, La Temps des Cerises, p.34).

[3Paul Boccara, Théories sur les Crises, la Suraccumulation et la Dévalorisation du Capital, deux volumes, 2013 et 2015, Editions Delga, Paris ;

[4Paul Boccara, « Sur la révolution industrielle au XVIIIe siècle et ses prolongements jusqu’à l’automation », La Pensée, n°115, Juin 1964.

[5Je renvoie notamment à La Révolution de Notre Temps, Note de la Fondation Gabriel Péri, Janvier 2012, ainsi qu’à Quynh Delaunay et Jean-Claude Delaunay, Lire le Capitalisme Contemporain, Essai sur la Société du XXIe siècle, 2007, Le Temps des Cerises, Paris.

[6Ivan Lavallée et Jean-Pierre Nigoul, 2002, Cyber-Révolution, Révolution Scientifique et Technologique, Mondialisation et Perspective Communiste, Le Temps des Cerises, Paris ; Ivan Lavallée, Cyber-Révolution et Révolution Sociale, 2022, Le Temps des Cerises, Paris.

[7Germaine Veyret-Verner, « L’accroissement de la Population Mondiale (1920-1960). Types d’Accroissement naturel et Essai d’Interprétation », Revue de Géographie Alpine, 1965, 53-4, p.525-558. En 1920, la population mondiale aurait été de 1.811 milliard.

[8« Le Monde ne peut pas rester les bras croisés si les Etats-Unis insistent pour suivre leur propre voie », éditorial de Global Times, 25/12/2022. Ce texte a été reproduit par divers sites, en particulier Histoire et Société et Le Saker Francophone.

[9Lénine, 1917, L’Impérialisme Stade Suprême de Capitalisme, Marxist archive.net

[10Victor Perlo, American Imperialism, Sage Publications, 1951.

[11On pourra consulter à ce propos les déclarations récentes faites par Angela Merkel à l’hebdomadaire Die Zeit. Cet entretien a été reproduit par Histoire et Société (Merkel et Hollande : la forfaiture des accords de Minsk et le silence des médias français. Pourquoi ? 24/12/2022).

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