Le « Conseil Suprême » des tribus libyennes entend gouverner. Nicolas Sarkozy, Barak Obama, David Cameron, l’émir du Qatar et BHL l’ignoraient, mais la Libye est un pays tribal. Pendant tout son règne, Kadhafi lui-même, avec habileté mais parfois avec la plus grande dureté, a toujours tenu compte de ces tribus sans l’accord desquelles aucune structure d’état ne peut tenir debout. Alors que le chaos libyen connait un soubresaut de plus avec l’assaut du général Khalifa Haftar - nourri pendant 20 ans dans les cantines de la CIA -, contre les milices, en particulier celles des jihadistes, le nouvel arrivant dans le jeu libyen doit, lui aussi, écouter la parole des tribus.
Le « Conseil Suprême », réunissant ces maîtres ancestraux, s’est tenu le 25 mai à El Azizia, ville commerciale de 300.000 habitants située à 55 kilomètres au sud de Tripoli. Au terme de la palabre, les délégués du pouvoir traditionnel se sont accordés sur quinze demandes qu’ils entendent soumettre à quiconque envisage de gouverner le pays. Après revue de détail, les souhaits des tribus sont comme un tsunami qui viendrait raser tout ce qui a été politiquement tenté dans ce pays jusqu’à présent ingouvernable.
Dommage que BHL, venu à Tripoli le 22 mai dernier pour y échafauder le gouvernement idéal made in USA, n’ait pas pu prendre connaissance des souhaits de ces incontournables chefs de clans dont Mondafrique livre les exigences en 15 points.
Les quinze commandements du "Conseil suprême" :
1 – Dissolution du Congrès Général National.
2 – Abolition des toutes les lois adoptées par cette structure illégale ainsi que celles prises sous la menace des armes par les agence du gouvernement.
3 – Abolition de tous les contrats et engagements signés par ce gouvernement, ils sont tous contraires à la souveraineté du pays.
4 – Dissolution des milices et interdiction à l’armée et à la police de distribuer des armes. Admettre qu’attaquer une région ou une tribu, c’est attaquer le pays tout entier.
5 – Retour des exilés, instauration d’un dialogue national et amnistie pour tous ceux qui n’ont pas de sang libyen sur les mains et qui n’ont volé ni biens ni argent.
6 – Libération des tous les prisonniers et abandon des charges contre eux.
7 – Remise en place de l’armée et de la police et contrôle des frontières.
8 – Mise à jour des dossiers d’identité afin de certifier la citoyenneté de quiconque s’affirme légalement libyen.
9 – Identité de traitement pour toutes les victimes de la guerre qui auront droit au titre de martyr.
10 – Ordre lancé aux militaires et policiers qui se sont écartés de leur mission, de retourner à leurs fonctions, de récupérer les armes des milices et d’assurer la protection des zones tribales et des frontières.
11 – Lancer à appel à tous les organismes internationaux afin qu’ils aident et protègent la Sauvegarde nationale Libyenne.
12 – Les tribus assurent qu’elles respecteront les intérêts des individus et des nations sur l’ensemble du territoire libyen.
13 – Les tribus rejettent toute réunion ou gouvernement agissant sous n’importe qu’elle bannière qui ne prendrait pas en compte l’intégrité du territoire et le fait que la nation est la première tribu de notre pays dans lequel nous nous fondons tous.
14 – Le Conseil Suprême souhaitent la bienvenue à toute tribu, région ou institution civile qui viendrait participer à la reconstruction nationale.
15 – Le Conseil, dans une phase de transition, est prêt à assumer le pouvoir en attendant que le pays, doté d’une Constitution, puisse voter pour élire un Parlement et un Président.
Sorti de sous la tente à palabre, voilà un programme qui risque de mettre un certain temps à atteindre son but. Il a l’avantage de montrer que, sans l’accord des tribus un équilibre entre ses représentants équitablement répartis dans des structures d’État, si elles voient jamais le jour, toute volonté de faire naître une « Libye nouvelle » restera un rêve.