Du stade suprême à la phase terminale par Franck Marsal

, par  Franck Marsal , popularité : 2%

Lenine commence sa préface de 1920 en donnant un précieux conseil de méthode : “la preuve du caractère social ou, plus exactement, du véritable caractère de classe de celle-ci ne réside évidemment pas dans l’histoire diplomatique de celle-ci, mais dans l’analyse de la situation objective des classes dirigeantes de toutes les puissances belligérantes. Pour montrer cette situation objective, il faut prendre non pas des exemples, des données isolées (l’extrême complexité des phénomènes de la vie sociale permet toujours de trouver autant d’exemples où de données isolées qu’on voudra à l’appui de n’importe quelle thèse), mais tout l’ensemble des données sur les fondements de la vie économique de toutes les puissances belligérantes et du monde entier. ”

Et Lenine date très précisément son analyse de l’impérialisme, stade suprême (toujours cette même préface de 1920) : “la tâche fondamentale de ce livre a été et reste encore de montrer (…) quel était le tableau d’ensemble de l’économie capitaliste mondiale, dans ses rapports internationaux, au début du XXème siècle, à la veille de la première guerre impérialiste mondiale.”

Enfin, Lenine conclut cette préface par “L’impérialisme est la veille de la révolution sociale du prolétariat. Cela s’est confirmé, depuis 1917, à l’échelle mondiale”.

Donc, là où Lenine date très précisément et avec attention son analyse de l’impérialisme, comme un moment de l’histoire, là où il exprimé même avec la plus grande clarté que ce moment est déjà dépassé “depuis 1917”, beaucoup de commentateurs actuels font comme si Lenine avait alors produit une théorie définitive, comme si le monde stagnait dans les catégories que Lenine avait analysé en 1917 .

Non ! L’histoire avance continuellement et même si elle nous semble parfois régresser ou se répéter, c’est que les processus sous-jacents préparent en réalité de nouvelles étapes et de nouvelles phases.

Déjà la seconde guerre mondiale qu’on enseigne aujourd’hui (quelle honte) comme la guerre “de la démocratie contre les totalitarismes” n’était plus seulement une guerre pour le partage du monde.

Pour ce qui est du totalitarisme, rappelons deux choses : 1) cette notion à été forgée pour mettre sur un pied d’égalité le nazisme et le communisme, c’est à dire ceux qui ont ouvert les camps de la mort et ceux qui les ont fermés.. 2) les soi-disant “démocraties” étaient des empires dominés par les hommes blancs, dans lesquels, les habitants des colonies étaient considérés comme des êtres inférieurs, privés de tous droits politiques et économiques, et dans les métropoles les femmes étaient également profondément privées de leurs droits.

Dans la seconde guerre mondiale, les puissances capitalistes principales (Angleterre, USA, Allemagne et Japon) se battaient pour le partage du monde, en même temps qu’elles manœuvraient pour abattre le pouvoir soviétique, la révolution sociale du prolétariat. Toute la diplomatie européenne de 1935 à 1941 au moins est déterminée par la volonté de la France et de l’Angleterre de pousser Hitler contre l’URSS. Cela pousse Staline et les soviétiques, qui ont tout essayé pour convaincre la France et l’Angleterre de faire alliance contre Hitler à renverser la situation en concluant un pacte inattendu avec Hitler. En 39-40, la préoccupation du gouvernement français est encore d’aider la Finlande, aux côtés d’Hitler, contre l’URSS et ce n’est que lorsque les occidentaux craindront une victoire totale de l’Allemagne contre l’URSS qu’ils commenceront à livrer des armes et du matériel à l’URSS. Ils s’agit à ce moment de pousser les deux belligérants à s’user l’un contre l’autre, sans victoire. Et ce n’est que lorsque l’armée rouge avancera trop rapidement en Europe que les anglais et les américains accepteront d’ouvrir un second front en 1944.

Donc la 2nde guerre mondiale à un double caractère : en même temps les puissances occidentales luttent pour le partage du monde entre elles, en même temps, il y a lutte entre le système socialiste et le système capitaliste. La seconde guerre mondiale est en même temps une guerre inter-impérialiste (qui sera gagnée pour une partie du monde par les USA) et une guerre révolutionnaire, qui sera partiellement remportée pour une autre partie du monde par l’URSS et par les communistes chinois.

Donc, comme l’a annoncé Lenine en 1920, la révolution sociale du prolétariat a bel et bien commencé en 1917 à l’échelle mondiale et c’est poursuivie, reléguant encore plus en arrière plan la guerre inter-impérialiste pour le partage du monde.

Le stade des rivalités impérialistes inter-capitalistes est dépassée car, d’une part, un nouveau centre économique, de taille mondiale, s’est imposé, et d’autre part, l’ensemble du monde capitaliste est dans une lutte de tous les instants et mobilisant toutes les énergies pour sa survie contre la montée et le développement du système socialiste.

Le capitalisme qui demeure n’est plus le stade suprême, décrit par Lenine et caractérisé par les rivalités inter-impérialistes pour le partage du monde. Le capitalisme qui subsiste au milieu du XXème siècle est un capitalisme qui a dépassé son stade suprême classique, qui lutte contre le socialisme, qui s’est déjà hybridé, teinté tout à la fois de formes avancées de socialisation et de traits fascistes, qui s’est transformé pour et dans cette lutte.

Les rivalités inter-impérialistes n’ont certes pas disparu, ça tiraille un peu partout, mais d’autres facteurs dominent et, bon an mal an, un pays arbitre. L’Europe et le Japon sont occupées par les USA, qui y maintient encore aujourd’hui d’importantes bases militaires. Les USA possèdent 10 porte-avions géants embarquant plus de 3700 avions de guerre de l’aéronavale complétés par plus de 5000 avions de l’US air force. Le seul corps des Marines, le corps expéditionnaire américain, qui est la seule force protégée par la loi, au point que même le président des USA n’a pas le droit de le dissoudre, dispose d’une force militaire (intégrant les composantes aériennes, terrestre et navales) plus puissante que la plupart des armées du monde.

Il est donc matériellement évident qu’aucun pays capitaliste au monde ne peut aujourd’hui et probablement pour longtemps rivaliser réellement et entreprendre de mettre en cause à son profit la domination américaine sur le monde. Ce n’est pas une pensée théorique, c’est un fait. Et au delà du facteur militaire, le renseignement, la diplomatie, les institutions financières, la formation du personnel politique dirigeant dans les pays étrangers sont largement dominés par les USA. Ni le Japon, ni l’Allemagne, ni le Royaume Uni ou la France ne peuvent ne serait-serait ce qu’envisager de le faire.

Imaginer que la Russie, redevenue partiellement capitaliste et économiquement bien inférieure à la France ou à l’Italie pourrait avoir l’audace de contester la domination américaine et donc serait une puissance impérialiste concurrente des USA est pure folie. Ce qui se passe est le contraire : ce sont les USA, qui depuis l’effondrement de l’URSS s’efforce d’intégrer toutes les républiques issues de celle-ci dans leur système de domination. L’Ukraine pour eux n’est qu’une étape. Leur objectif, c’est que demain, les ressources économiques de la Russie elle-même soit intégrée sans résistance aucune à la merci des multinationales américaines.

Or, il se trouve que, contrairement à l’Europe et au Japon, la Russie résiste. Car, même si l’URSS a été dissoute, la Russie n’a pas été vaincue militairement, elle n’est pas occupée, elle a finalement rejeté les conseillers américains et tous les éléments du “soft power” qui caractérisent la domination politique américaine sur le reste du globe. Elle a une histoire et une géographie qui lui dicte et lui permette cette résistance : un vaste territoire terrestre, une histoire de résistance, la mémoire encore vivante du communisme et de l’URSS.

Mais il y a autre chose encore qui rend crédible la résistance de la Russie face aux USA : d’abord la putréfaction avancée du capitalisme américain et ensuite la montée en puissance de la Chine socialiste comme nouveau centre économique mondial et la montée d’une nouvelle rivalité non pas inter-impérialiste mais entre socialisme et capitalisme.

C’est pourquoi il nous faut commencer à regarder cette guerre non seulement dans ce qu’elle est, dans les circonstances historiques particulières qui lui ont donné naissance, mais aussi dans la dynamique d’une nouvelle étape, en train d’émerger, de la lutte pour le remplacement du capitalisme par le socialisme au niveau mondial.

Comaguer dans le même sens nous annonce un interview d’Annie Lacroix Riz

Par Annie Lacroix-Riz

Quand Lénine écrit (1916) et publie (printemps 1917) son fameux ouvrage « L’impérialisme stade suprême du capitalisme » il décrit avec une remarquable maitrise la période dans laquelle est entré le capitalisme : celui d’un affrontement planétaire où tous les moyens sont bons entre puissances capitalistes pour la domination du marché mondial.

Dans son livre il précise :

« Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires – non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie (la Belgique est surtout nécessaire à l’Allemagne comme point d’appui contre l’Angleterre ; l’Angleterre a surtout besoin de Bagdad comme point d’appui contre l’Allemagne, etc.). »

Annie Lacroix-Riz dans une longue interview qu’elle nous a accordée cet été nous explique comment cette rivalité des grandes puissances s’est , par un mouvement ininterrompu, transformée à partir de la première guerre mondiale et jusqu’à nos jours en la domination mondiale du capitalisme étasunien au détriment de ses rivaux écrasés militairement ou assujettis. Le stade suprême était atteint. 

Mais comme l’écrit encore Lénine, parvenu à ce niveau le capitalisme est traversé de telles contradictions qu’il entame son pourrissement. La phase terminale du capitalisme commence.

Annie Lacroix-Riz nous décrit tous les aspects très visibles aujourd’hui de ce pourrissement et nous aide à percevoir ce qui vient après cette phase c’est-à-dire à comprendre que l’Histoire de la communauté humaine se poursuit et que le remplacement de l’ordre capitaliste impérialiste mortifère spolieur et exploiteur est à l’ordre du jour.

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