Il y aurait pourtant de quoi avoir un débat éthique de grande ampleur et de longue durée sur la conception que les hommes et les femmes se font de la filiation et de la procréation... Or le débat sur le mariage pour tous conduit à des questions de civilisation très loin de la nécessaire égalité des droits contre l’homophobie... et donc très loin de la solution aux questions concrètes de droit parentaux, d’héritage, funéraires auxquels sont confrontés les couples homosexuels, comme d’ailleurs des couples hétérosexuels en union libre (hors PACS).

Dans l’humanité du 18 Janvier, une anthropologue utilise ainsi un terme peu connu et étonnant : l’exo-procréation qui désignerait le fait de procréer à l’extérieur du ventre de la mère... une procréation donc totalement instrumentée, de la fivette à l ’utérus artificiel, prêté, loué...

L’auteur présente cette notion comme une avancée humaine indispensable pour remettre en cause l’archaïsme dominant...

On voit dans les débats actuels à quel point sont liées ensemble, pour fonder l’archaïsme dominant, les notions de génération, de sexe et de genre. Promouvoir, penser l’exo-procréation est essentiel pour changer radicalement de modèle.

Ce n’est pas seulement un effet de style qui lui aurait échappé, mais bien l’affirmation volontaire d’une perspective anthropologique de mutation de l’espèce humaine dont la reproduction pourrait être totalement organisée en dehors de toute nature biologique de l’homme et de la femme. Un homme pourrait donc "exo-procréer", puisque tout est possible et que l’égalité doit s’affirmer dans tous les domaines...

Or nous sommes en train de participer sur le long cours (grâce à la possibilité de procréer hors du corps et à l’égalité des droits de l’individu) à une mutation aussi spectaculaire et productrice de sens que celle qu’engendra autrefois l’instauration de la nécessité exogamique et de la valence différentielle des sexes.

Passons sur l’absence de tout souci de vulgarisation, et sur les affirmations contestables sur l’origine de la domination masculine (la "valence différentielle des sexes"), il reste que l’auteur nous dit qu’au fonds, l’enjeu des débats actuels sur la filiation est une mutation aussi importante que celle qu’a connue l’humanité sortant de la préhistoire...

Il faudrait donc accepter l’idée que la procréation puisse devenir un acte non biologique, artificiel, externe à l’homme et la femme, indépendant de la sexualité, en quelque sorte une "production" d’enfant...

Et bien entendu, tout cela est évident, naturel, et quand on est de gauche, on ne pose pas de questions, on soutient sinon, on est associé à "Ceux qui sont hostiles au mariage homosexué (et) croient qu’il y a un état de nature défini par un dieu tout-puissant".

L’enjeu dans le capitalisme de la marchandisation de toute vie humaine n’inquiète pas cet anthropologue qui passe de la préhistoire à la "post-histoire" sans s’interroger une seule fois sur quelques réalités historiques actuelles, dont par exemple la décision de la Russie d’interdire l’adoption d’enfants russes aux USA... décision qui vient nous confirmer les enjeux économiques, et donc de domination et d’exploitation qui sont derrière les réponses capitalistes à la demande de "droit à la filiation"...

Il est vrai que reconnaitre un "droit à la parentalité" pose problème... sauf à considérer que le sous-développement est nécessaire afin que suffisamment d’enfants soient disponibles pour l’adoption, sauf à reconnaitre l’utilité de la gestation pour autrui, et donc accepter la marchandisation de l’humain. Car si toute naissance est désirée par un couple ayant les moyens d’éduquer son enfant, d’où peuvent venir les enfants potentiels de couples homosexuels ? La réponse intellectuelle de cette anthropologue est simple... "exo"... de l’extérieur du corps, ce qui effectivement est une révolution anthropologique...

Si on peut intellectuellement se demander si l’humanité serait capable de maitriser des techniques de "production" de l’homme, il suffit de regarder le monde tel qu’il est pour comprendre que cela n’est possible qu’une fois l’humanité sorti de sa préhistoire capitaliste. Car le capitalisme peut parfaitement se développer dans une exo-humanité... qui deviendrait alors l’enfer d’une humanité aliénée dans sa reproduction même. Mais pour ceux et celles qui croient vivre en dehors des luttes de classe, ce n’est pas un problème...