La preuve du socialisme, c’est le peuple ! rencontre-débat avec Danielle Bleitrach, 21 octobre, librairie Terre des livres, Lyon 7

, par  pam , popularité : 35%

La rencontre avec Danielle Bleitrach sur le livre collectif « Quand la France s’éveillera à la Chine » avec Franck Marsal et Jean Julien a été comme toutes les précédentes un évènement utile qui, sans bruit, fait progresser la capacité de dizaines de militants de toutes générations à comprendre le monde, eux qui veulent le transformer...

Des militants, communistes et anciens communistes, des étudiants de sciences-po... une quarantaine de personnes dans cette petite librairie dont il faudrait parler par ailleurs, la librairie « terre des livres » à Lyon.

Et une présentation toujours aussi foisonnante de Danielle, qui peut citer Fidel dans une rencontre de dirigeants du sud dans les années 80, comme les dirigeants révolutionnaires d’Afrique centrale qu’elle rencontrait quand elle était à la direction nationale du PCF, rappeler ses innombrables voyages dans le monde à rencontre du « siècle soviétique », mais toujours avec le fil jamais perdu du message principal de son livre... Nous ne voyons pas ce qui est déjà là parce-que nous sommes enfermés dans une représentation idéologique du monde déterminée par un impérialisme occidental en faillite...

Bref, il faut ouvrir en grand le débat et c’est le rôle de ce livre qui en est à sa quatrième édition alors que la première ne date que du printemps et que bien entendu, il n’est connu que par les actions militantes et le bouche à oreille...

comme dirait Mao, nous sommes dans une guerre prolongée. C’est à dire que nous sommes dans un temps qui est en train de basculer. Je pense que c’est ça qui est important. Comprendre le basculement historique dans lequel nous sommes. Je me dis que ceux qui ont vécu la chute de l’Empire romain ou ceux qui ont vu la Renaissance ou ces moments de basculement, on arrive par certains traits à reconnaître l’état d’esprit. Mais c’est très dur à interpréter. Comment on vit tous ce moment qui, quand même, se présente pour nous Français du moins, d’une manière dramatique ?

A chacun de découvrir la présentation faite par Danielle, questionné par Sylvain et répondant aux questions de la salle sur les BRICS, l’Inde, Lula, le Vénézuela, la Chine bien sûr. La vidéo intégrale, un résumé réalisé par une IA, et l’intégrale en texte attaché...

Mais je voudrais m’attarder sur le dernier échange, sans doute crucial et qui explique mon choix du titre de cet article. Car beaucoup d’échanges fructueux ont porté sur les BRICS, les rapports sud-sud, la réponse à l’impérialisme occidental... Mais peut-être qu’il y a des hésitations militantes à "s’ouvrir à la Chine" parce qu’on s’interroge sur la nature de ce régime qui mélange dirigeants communistes et capitalisme. C’est pourquoi la réponse à la question de Romain est importante.

Romain interroge "mais qu’est-ce que le socialisme ?" prenant exemple de la place prise par le capitalisme en Chine.

Qu’est-ce que le socialisme ?

Les militants communistes sont en pleine discussion sur le sujet suite à leur dernier congrès qui a décidé d’ouvrir le chantier. Ils ont une longue expérience théorique et pratique.

En théorie, c’est pour Marx une phase de transition, quand, après la révolution, on se doute bien que la société n’a pas changé par miracle, donc que la bourgeoisie, même si elle a perdu le pouvoir d’état, est toujours là et va se battre, donc que les luttes de classes continueront longtemps avant d’arriver à cette "société sans classe" qui définit le communisme. Personne ne peut dire que la révolution crée d’un geste le communisme !

Oui, mais qu’est ce qui fait qu’une politique "de gauche" n’est pas encore le socialisme ? Les communistes avaient introduit, dans le contexte de leur 22e congrès affirmant qu’il existait une voie démocratique au socialisme, l’idée de "démocratie avancée" qui était en quelque sorte une étape avant le socialisme... et c’était la justification du "programme commun". Visiblement, ça n’a pas marché...

Cela a conduit certains à dénoncer l’idée même d’étape ou de transition et à considérer que le communisme était un mouvement continu, "déja là" qui allait se généraliser au fil des luttes. Lucien Sève en a été le grand théoricien se présentant léniniste contre le Lénine de l’état et la révolution... Et si le communisme est "déja là", plus besoin de révolution !

Résultat historique, les communistes français sont perdus : socialisme ? communisme ? que proposons-nous ? J’espère que leur prochain congrès va éclairer les militants et donc les luttes pour sortir de cette impasse mortifère d’une gauche enfermée entre réformisme et gauchisme...

Romain pose donc une question cruciale sur ce qui caractérise le socialisme du point de vue marxiste des luttes de classe, le rapport entre planification et marché. On sait historiquement que la planification a besoin du marché... c’est toute l’expérience de la NEP lancée par Lénine, mais que Staline interromps devant l’urgence d’une réindustrialisation violente nécessaire pour construire la capacité militaire d’affronter les fascismes...

Mais romain nous dit que si le marché dans la sphère de la distribution est légitime, il est le point d’entrée du capitalisme quand il organise la sphère de la production... quand il décide des investissements, de l’emploi, de la répartition des profits.. A priori, le capital privé semble bien jouer ce rôle à grande échelle en Chine ? Romain cite Jean-Claude Delaunay, « Le capitalisme n’allait-il pas ronger le système socialiste comme les champignons microphages le font des plus belles charpentes ? ». Plus précisément, « quand 40% de la production est dirigée par des entreprises privées, comment la Chine peut-elle être socialiste si elle confie aux entreprises capitalistes le soin de pourvoir à l’emploi ? Le socialisme n’a-t-il pas pour but la dé-marchandisation de la force de travail ? »

Ces questions sont légitimes, et il y a beaucoup de lectures sur le sujet, Jean-Claude Delaunay, Rémy Herrera... Mais Danielle résume sa réponse avec une question en rebours...

Jean-Claude Delaunay parle là dessus : « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ». C’est-à -dire que, en plus, d’évolution de la population chinoise elle même, le passage un niveau de culture, de développement, tout ce système, sur quoi il repose ? Est-ce qu’il y a eu vraiment ce capitalisme débridé qu’on nous raconte ? Ou il y a eu un double système qui, d’un côté, créait les conditions du capitalisme, qui laissait aux multinationales le pouvoir d’investir, Et dans le même temps, se créait un système qui contrôlait le pouvoir de ces sociétés.

On peut avoir des discussions théoriques utiles sur le sujet, mais il me semble que les réponses sont rarement dans la théorie elle-même. Aucun séminaire marxiste, mêlant grecs, français, chinois, et tous ceux qui ont quelque chose à dire sur le sujet ne peut aboutir à une définition enfin acceptée du socialisme... Les historiens pourront constater des réussites et des échecs, comme on peut par exemple se dire que Staline a sans doute défait la NEP de Lénine, mais qu’il a construit l’armée rouge capable de terrasser le nazisme et qu’il a ensuite assurer un développement économique, social, technologique, culturel sans précédent de l’URSS amenant tous ses peuples à une espérance de vie en bonne santé au niveau occidental en 1960, développant une agrobiologie à l’opposé de l’agrochimie occidentale qui a sorti les peuples russes de la famine, avant que ses successeurs ne tentent de copier le modèle US...

La Chine ajoute une nouvelle expérience dont le résultat est désormais reconnu.. Un développement qui non seulement assume sa première priorité, nourrir un cinquième de l’humanité, mais mieux, construit une société de moyenne aisance pour tous, tout en dépassant l’occident en terme d’innovation, jusqu’à représenter désormais le monde ouvert, multi-polaire, coopératif, face à un occident refermé et militariste..

Posons la question au peuple chinois ! le salaire médian ouvrier progresse plus vite que le PIB depuis des décennies... Où avez-vous vu cela possible dans le capitalisme ?

Oui, la preuve du pudding, c’est qu’on le mange, la preuve du socialisme, c’est le peuple ! C’est la citation que Danielle prête à Jorge Rizquez, qui a entre autres représenté Fidel Castro en Chine et qui disait :

être homme d’état, c’est pas compliqué. Tu sais que si tu fais certaines choses… tu en prends plein la gueule. Nous, si on oublie qu’on a à 500km le pire des ennemis, on est foutus. Les Chinois, s’ils oublient qu’ils ont 1 milliard 400 millions de bouches à nourrir, ils sont foutus. Donc, il faut qu’ils assurent à leur peuple, d’abord... Et quand ils auront résolu, comme ils le disent eux-mêmes, le bonheur d’un quart de l’humanité, ils auront fait beaucoup. On peut dire que c’est le principal.



Quelques citations sélectionnées par mistral sur la base de la transcription intégrale

Voici une sélection de citations marquantes extraites de la discussion, illustrant la diversité des sujets abordés (géopolitique, économie, histoire, socialisme, Chine, BRICS, souveraineté, etc.) :

Sur le basculement historique et le défaitisme
Danielle : « Nous sommes dans une guerre prolongée. C’est-à-dire que nous sommes dans un temps qui est en train de basculer. Je pense que c’est ça qui est important. Comprendre le basculement historique dans lequel nous sommes. » « Il y a actuellement des choses qui sont devant vous et que vous ne voyez pas et qui sont des motifs d’espérer. Mais comme rien ne tombera gratis, l’histoire n’est pas faite, le destin c’est nous qui le faisons. »

Sur les BRICS et le monde multipolaire
Danielle : « Les BRICS, c’est un basculement. C’est un basculement de quoi ? Les BRICS, tu as un monde multipolaire. Ça veut dire que c’est fini les coalitions. La Chine refuse d’avoir un allié. Elle n’a qu’un allié, la Chine officielle. » « Les BRICS ne nous demandent pas de changer. Elles nous demandent chacun d’être pleinement souverain et de négocier. »

Sylvain : « Est-ce que l’addition fait la force ? Est-ce que c’est notre objectif ? Quel serait l’objectif d’y rentrer ? »

Sur la Chine et son modèle
Danielle : « La Chine, c’est un pays d’ingénieurs et les États-Unis, c’est un pays d’avocats. » « La Chine, quand tu crois déjà avoir compris quelque chose, c’est déjà dépassé. » (citation de Jorge Rizquez, représentant de Fidel Castro en Chine) « La Chine n’a jamais colonisé personne. Un pays impérialiste qui, par son seul travail de ses habitants, arrive à passer du sous-développement à la première puissance mondiale en un temps si court, sans jamais coloniser personne, eh bien, chapeau ! »

Sur l’impérialisme et l’hégémonie américaine
Danielle : « Quand vous avez une guerre hybride, c’est-à-dire quand vous avez ce qui se passe à Gaza, quand vous avez ce qui se passe en Ukraine, quand vous avez ce qui se passe au Soudan, au Congo […] on commence à être dans une sacrée explosion. » « Le système des pétrodollars, ça fait que pour acheter de l’énergie, vous avez envie d’avoir de l’énergie dans votre pays, il faut d’abord que vous ayez des dollars. Donc, on vous vend n’importe quoi. »

Sur la désindustrialisation et la crise européenne
Danielle : « La France a été désindustrialisée. On nous a enlevé ce qui faisait notre force, nos ingénieurs et tout ça. » « Toute l’Europe est gouvernée par des gens qui, soit ne sont élus par personne, comme Von der Leyen, soit ils sont élus par une minorité. Il n’y a plus de démocratie. »

Sur le socialisme et le capitalisme en Chine
Danielle : « Le capitalisme, c’est un oiseau pour le développement, il ne faut pas l’étrangler, il faut le mettre dans une cage et le laisser voler dans une cage. » (référence à Deng Xiaoping) « Le socialisme, c’est la dictature du peuple tout entier sur la minorité des anciens possédants. »

Romain : « Le capitalisme n’allait-il pas ronger le système socialiste comme les champignons microphages le font des plus belles charpentes ? » (citation de Jean-Claude Delaunay)

Sur la souveraineté et la France
Danielle : « Notre proposition : la France doit adhérer aux BRICS, quitter le système atlantiste et rentrer dans ce monde multipolaire. Et il ne pourra pas le faire dans le cadre de l’Union Européenne. » « On nous impose un système des retraites et il vous dit, si vous ne voulez pas, ce n’est pas si grave, on va vous mettre une autre… Tout ça parce que des marchés financiers ont décidé. »

Sur l’espoir et l’action collective
Danielle : « Les jeunes qui vont rentrer dans cette période-là, ils ont une chance extraordinaire. Bon, ils vont en prendre plein la gueule, ça c’est sûr. Mais en même temps, ça va être un monde passionnant. » « Tout ce qu’on va faire maintenant dépend de nous. Et on est en train de vivre une période […] où il faut être logique, lucide et concret. »

Sur la lucidité et les illusions
Danielle : « Pour la Chine, nous sommes comme des aveugles. Cinq aveugles qui arrivent et qui tombent sur un éléphant. Chacun a sa vision de l’éléphant. » « Il faut avoir le courage d’arrêter de dire la messe. Et en même temps, il faut tenir bon sur les fondamentaux. »

Résumé réalisé avec l’IA Mistral, de la transcription de la vidéo réalisée avec l’outil "dicte"

Introduction et présentation des intervenants

Libraire :
Bonsoir à tous. Nous accueillons ce soir Danielle, sociologue, romancière, essayiste, universitaire, et ancienne militante du Parti communiste français, où elle a siégé au comité central pendant de nombreuses années. Elle a également été rédactrice adjointe de l’hebdomadaire Révolution.
À ses côtés, Sylvain Tessier, membre du comité de rédaction de la revue Germinal, sera son discutant.
Merci aussi à Gilbert, de l’association L’Improbable, qui organise cette rencontre.

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Présentation de l’association L’Improbable par Gilbert

Gilbert :
Je fais partie de l’association L’Improbable, qui existe depuis plus de trente-cinq ans. À l’origine, nous étions le bulletin des Amis de la Librairie Nouvelle, une librairie gérée par le PCF sur le quai Saint-Antoine dans les années 1980. Quand cette librairie a fermé, nous avons décidé de continuer nos activités, en organisant des rencontres et en publiant un bulletin trimestriel.

Notre association a toujours été plus large que le Parti communiste, même si ses membres en étaient souvent issus. Nous avons traversé des périodes difficiles, notamment après la chute de l’URSS et la crise du PCF. En 2002, après le choc du 21 avril et la présence de Le Pen au second tour de la présidentielle, nous avons relancé des débats autour de la question « Que faire ? ».

Nous avons travaillé avec des syndicalistes, des militants de divers horizons (Lutte ouvrière, La Voix prolétarienne, etc.), et organisé des lectures collectives, notamment autour du livre Que faire ? de Lénine. Nous avons aussi invité des personnalités comme Laurent Brun, ancien secrétaire de la CGT Cheminot.
Notre bulletin, L’Improbable, annonce toutes les manifestations que nous organisons. Nous avons toujours cherché à dépasser les clivages, tout en restant ancrés dans la mouvance de la gauche radicale.

Présentation de la revue Germinal par Sylvain

Sylvain :
Bonsoir à tous. Je suis ici en tant que membre du comité de rédaction de la revue Germinal, une revue d’éducation populaire. Notre objectif est l’analyse concrète de la réalité : nous cherchons à comprendre le monde tel qu’il est, et non tel qu’on aimerait qu’il soit.

Dans Germinal, nous ne donnons pas notre opinion, mais nous décrivons ce qui se passe, en nous appuyant sur des analyses rigoureuses. Nos derniers numéros (19, 20, 21) abordent des thèmes proches de ceux du livre de Danielle : la montée des BRICS, le monde multipolaire, et la place de la Chine.

Nous avons notamment publié des articles sur les BRICS, la Chine, et les nouvelles dynamiques économiques et sociales. Notre question centrale est : comment avancer vers le socialisme dans ce contexte ?

Présentation du livre et de son contexte par Danielle

Danielle :
Ce livre est un travail collectif, issu du blog *Histoire et Société*. Notre équipe est très variée :
 Marianne Dunlop, polyglotte (21 langues, dont le chinois, le russe, le turc), spécialiste de la Chine, où elle a vécu et travaillé ;
 Franck Marsal, agrégé de maths et économiste, militant communiste ;
 Jean Julien, dont les interventions sont toujours synthétiques et percutantes.

Le livre a été rendu à l’éditeur en novembre 2024, avant le retour de Trump. Pourtant, il anticipe déjà les crises actuelles. Ce n’est pas de la prescience, mais le signe que les dynamiques étaient déjà à l’œuvre, même si on ne les voyait pas.

Nous vivons un basculement historique, comparable à la chute de l’Empire romain ou à la Renaissance. Face au défaitisme ambiant, ce livre montre qu’il y a des motifs d’espérer, mais que rien ne sera acquis sans lutte.
Notre proposition centrale : la France doit adhérer aux BRICS, quitter le système atlantiste, et s’inscrire dans un monde multipolaire. Ce choix est en débat, mais il repose sur un diagnostic clair : l’Union européenne et l’OTAN nous enferment dans une logique qui ne nous permet pas de retrouver notre souveraineté.

Débat sur les BRICS et la Chine

1. Les BRICS : un symbole plus qu’un bloc uni

Sylvain :
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) symbolisent une alternative au modèle occidental. Mais comment concilier les contradictions internes entre ces pays ?

Danielle :
Les BRICS ne forment pas un bloc uni, mais un symbole d’un nouvel ordre mondial en construction. Au départ, c’était un marché, un conglomérat économique. Peu à peu, d’autres pays du Sud ont rejoint le mouvement, comme l’Afrique du Sud ou le Brésil. Derrière les BRICS, il y a toute une architecture institutionnelle : l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), par exemple, est née après la chute de l’URSS pour stabiliser l’Asie centrale.

La Chine, en particulier, joue un rôle clé. Elle a dépassé les États-Unis en termes de PIB réel et d’innovation technologique. Contrairement à l’Occident, qui agit sur le court terme, la Chine planifie sur un siècle. Les BRICS ne s’opposent pas frontalement à l’Occident, mais proposent une autre voie, fondée sur la coopération et le respect de la souveraineté.

Sylvain :
Mais les BRICS ne sont-ils pas aussi un moyen de contester l’hégémonie américaine ?

Danielle :
Au départ, non. Fidel Castro, dès 1983, avait anticipé la chute de l’URSS et appelé les pays du Sud à se réorganiser dans un rapport Sud-Sud, pour éviter la domination occidentale. Les BRICS s’inscrivent dans cette logique. La Chine, par exemple, ne cherche pas à imposer un modèle, mais à créer des partenariats gagnant-gagnant.

2. La Chine : un modèle alternatif ?

Sylvain :
La Chine est souvent présentée comme un contre-modèle. Comment analysez-vous son rôle dans le monde multipolaire ?

Danielle :
La Chine est le pays le plus ancien du monde, avec une continuité culturelle de 4 000 ans. Elle a connu des bouleversements majeurs, notamment après la guerre de l’opium, qui l’a affaiblie face à l’impérialisme occidental. Aujourd’hui, elle est devenue la première puissance économique mondiale, sans avoir colonisé ni exploité d’autres pays.

Son modèle repose sur l’innovation, la planification à long terme, et le contrôle des secteurs stratégiques. Par exemple, la terre appartient à l’État chinois ; les investissements étrangers sont encadrés, voire interdits dans certains domaines. La Chine a aussi créé une banque de développement des BRICS, pour financer des projets sans dépendre du FMI ou de la Banque mondiale.

Sylvain :
Mais la Chine n’est-elle pas aussi un impérialisme, avec ses propres contradictions ?

Danielle :
La Chine n’a jamais colonisé ni exploité d’autres pays. Elle propose des partenariats gagnant-gagnant, sans imposer de modèle. Ses investissements en Afrique ou en Grèce respectent les lois locales, même si des abus existent (comme avec Shein, dont le PDG est singapourien). La Chine apprend des erreurs de l’URSS : elle ne fait pas la révolution à la place des autres, mais crée les conditions pour que chaque pays se développe selon ses propres choix.

3. Les contradictions internes des BRICS

Sylvain :
Comment les BRICS peuvent-ils surmonter leurs contradictions internes, par exemple entre la Chine et l’Inde ?

Danielle :
Les contradictions ne sont pas un obstacle, mais un moteur. Chaque pays arrive avec son histoire et ses spécificités. La Chine, par exemple, refuse d’avoir des alliés au sens traditionnel (comme dans l’OTAN). Elle privilégie la négociation et la diplomatie, même si des tensions persistent.

L’Inde, dirigée par Modi, est un cas intéressant : malgré son gouvernement fasciste, elle reste dans les BRICS parce que sa population exige un développement indépendant de l’hégémonie américaine.

Questions du public et réponses

1. La Chine respecte-t-elle vraiment la coopération ?

Public :
La Chine respecte-t-elle vraiment la coopération ? Par exemple, en mer de Chine méridionale, elle ne respecte pas les accords signés avec les pays de l’ASEAN.

Danielle :
Les conflits en mer de Chine s’inscrivent dans des dynamiques historiques complexes. La Chine privilégie la négociation et la diplomatie, même si des tensions persistent. Les petits pays peuvent bénéficier d’infrastructures et de technologies, sans subordination. L’enjeu écologique est central : la Chine promeut un développement coopératif, pas prédateur.

2. Quel est le poids de la France face à la Chine ?

Public :
Face à la Chine, première puissance économique mondiale, la France pèse-t-elle vraiment ?

Danielle :
Il y a un déséquilibre de pouvoir, c’est certain. Mais la France peut jouer un rôle en rejoignant les BRICS et en retrouvant une souveraineté perdue. L’enjeu est de sortir de l’OTAN et de l’Union européenne, qui nous enferment dans une logique atlantiste.

3. La Chine et l’impérialisme

Public :
Vous critiquez l’impérialisme américain, mais qu’en est-il de l’impérialisme chinois ?

Danielle :
Un impérialisme, c’est un pays qui fait sa croissance sur l’exploitation d’autres pays. La Chine n’a jamais colonisé ni exploité d’autres nations. Elle propose des partenariats, pas une domination. Par exemple, en Afrique, elle construit des infrastructures qui permettent aux pays de se développer entre eux, sans dépendre de l’Occident.

4. Le socialisme en Chine

Public :
Comment la Chine concilie-t-elle socialisme et marché ?

Danielle :
La Chine a instauré une « économie socialiste de marché » : le marché existe, mais l’État contrôle les secteurs stratégiques (terre, banque, technologies). Le Parti communiste chinois, fort de 100 millions de membres, veille à éviter les dérives capitalistes. La révolution culturelle est institutionnalisée « par le haut », pour encadrer le capitalisme et servir l’intérêt général.

Romain (intervenant) :
Selon Jean-Claude Delaunay, l’introduction du marché dans la production en Chine pose question : le capitalisme ne risque-t-il pas de « ronger » le socialisme ?

Danielle :
La Chine a mis en place des garde-fous : contrôle des capitaux étrangers, interdiction de la propriété privée de la terre, encadrement des monopoles. Le Parti communiste chinois joue un rôle central pour éviter les dérives. Par exemple, Alibaba a été démantelé quand il a tenté de créer une crypto-monnaie indépendante.

Conclusion : vers un monde multipolaire ?

Danielle :
Nous sommes dans une guerre prolongée, où chaque peuple doit choisir son camp. Les BRICS offrent une alternative à l’hégémonie américaine, mais c’est à nous, Français, de définir notre place dans ce monde en mutation. La lucidité et l’action collective seront déterminantes.

Sylvain :
Ce livre ouvre des pistes pour repenser le socialisme, la souveraineté et la coopération internationale. La discussion reste ouverte.

Transcription intégrale (dicte.ai), revue par pam

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