Roussel, une chance pour reconstruire l’unité populaire un parti communiste pour repolitiser les quartiers populaires

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Pour médiapart, Roussel est un problème. Un article repris par le bondyblog titré "le problème Roussel des élus des quartiers populaires", cite des élus communistes critiques qui seraient représentatifs de ces quartiers populaires...

Médiapart, c’est inutile de demander, mais peut-être que BondyBLog acceptera le débat en donnant la parole à d’autres élus communistes de quartiers populaires qui contestent totalement cette analyse critique et au contraire, se battent pour l’unité populaire dans ces quartiers comme avec cette France ouvrière périphérique qui rejette massivement la gauche ?

L’article publié par par Héléna Berkaoui et Olorin Maquindus le 4 octobre est titré Le problème Roussel des élus des quartiers populaire. Il affirme que « dans l’ancienne banlieue rouge, les élus locaux du PCF sont légion à serrer les dents face aux sorties réactionnaires de leur secrétaire national ». Et de citer quelques noms,
- Josselin Aubry, adjoint à la mairie de Fresnes (Val-de-Marne) qui parle d’une « ligne de fracture entre les quartiers populaires »
- Hadrien Bortot, élu de Paris qui pointe ce qu’il qualifie de « posture politique et idéologique “anti-woke”, assumée mais pas débattue en interne »
- une élue parisienne anonyme qui affirmerait « Beaucoup d’élus de banlieue n’ont pas voté pour Roussel au précédent congrès » et qui explique leur silence parce-que « il ne faut pas casser Roussel »
- et le maire de La Courneuve, Gilles Poux, qui pense que pour Fabien Roussel « La connaissance de ce que sont les grands centres urbains le marque peut-être moins que la désindustrialisation des villes du Nord. »

S’ils avaient interrogé d’autres élus de banlieue, cela aurait conduit à un article très différent. On peut leur proposer des noms, Michèle Picard, maire de Vénissieux, Marie-Christine Burricand, élue métropolitaine du Grand Lyon et habitante des minguettes, ou Pierre Bell-Loch, maire de Vitry-sur-Seine, ou Ian Brossat élu parisien d’un des arrondissements de paris avec le plus de quartiers populaires...

Oui, il y a un débat à gauche, chez les communistes, et chez les élus communistes sur l’orientation du PCF. Le 38ème congrès a, pour la première fois, refusé le texte proposé par la direction du parti. Les auteurs croient que ce serait un "malaise", la relation entre La France insoumise (LFI) et les communistes a été cahoteuse, le chef de file de LFI allant même jusqu’à qualifier le PCF de « parti du vide et du néant ».

C’est une vue réductrice mais au fonds révélatrice des motivations électorales des critiques de Fabien Roussel. Que ce soit pour les présidentielles ou pour les polémiques à répétition, l’enjeu est la relation avec la France Insoumise, que ce soit sur le contenu, les communistes ont-ils ou pas des divergences profondes avec les insoumis ? sur les pratiques politiques, comme on l’a vu avec les réactions au vote par le RN de la motion de censure Nupes, ou sur les pratiques militantes, le rapport aux mouvements sociaux avec notamment l’attitude face aux manifestations syndicales ou à la marche d’octobre décidée par Jean-Luc Mélenchon.

Pourtant, la motivation fondamentale du texte choisi par les communistes en 2018" est claire dès son introduction « Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au coeur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps », son premier chapitre faisant un bilan critique sévère de la situation du parti et concluant, bien loin des seules préoccupations électorales

Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.

Les communistes constatent que l’accumulation d’élections depuis le 38ème congrès n’a pas permis d’avancer de manière significative sur des gains en organisation des communistes ni en lien avec les entreprises. Ce pourrait être l’enjeu central du prochain congrès. Mais ce n’est pas la préoccupation des critiques de Fabien Roussel.

Pourtant l’enjeu fondamental révélé par cette longue séquence électorale est bien celui de l’unité du peuple, mise à mal par des décennies de privatisation, de concurrence, de précarité, de recul des services publics. Résultat politique au premier tour des présidentielles ; une abstention dominante dans les milieux populaires malgré la colère contre Macron et le vote utile Mélenchon, une gauche incapable d’être écouté du monde ouvrier, des fractures géographiques et sociales béantes... En résumé, un peuple désuni, trop faible dans le combat de classe que lui impose un capitalisme débridé. On sait que Jean-Luc Mélenchon fait tout pour masquer cette réalité difficile dans une stratégie qui conduit à l’impasse populaire. Certains communistes ne veulent pas la regarder en face. Ils ont tort. Seule la vérité est révolutionnaire.

Mais prenons les débats qu’évoque cet article.

Les critiques des interventions de Fabien Roussel

Fabien Roussel réduit à une stratégie médiatique

Les communistes avaient tellement pris l’habitude de dirigeants absents des médias et ne provoquant aucune réaction que le "succès" médiatique de Fabien Roussel dérange. Il serait « devenu le communiste préféré de la droite ». Certes, la droite utilise bien sûr les contradictions à gauche dans cette vie politicienne, et chacun y accorde ou non de l’importance, mais pourquoi pas de réactions quand les mêmes utilisent les conflits entre dirigeants écologistes ou insoumis ?

La grande majorité des militants communistes sont heureux que leur choix d’avoir un candidat à l’élection présidentielle permette, malgré un résultat trop faible, d’avoir regagné de l’audience médiatique pour les communistes. Mais il est vrai que cela oblige à assumer les débats.

Ainsi, Josselin Aubry « est en permanence en train de se défendre de ses déclarations (...) Nous, on est sur le terrain, ce sont des propos difficiles à justifier devant les associations ». Et bien de nombreux militants et élus communistes sont sur le terrain et constatent au contraire que cela permet d’avoir un vrai débat avec des habitants des quartiers populaires qui ne supportent plus le "bcbg" d’une gauche médiatique qui ne parle pas des réalités qu’ils vivent.

Ceux qui reprochent à Fabien Roussel ses "succès" médiatiques, sont les premiers à réduire la bataille politique à cette dimension médiatique. Quand Josselin Aubry dit « Le plus catastrophique, c’est que cette stratégie tue toutes capacités de remettre des idées de gauche dans le débat politique », c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Fabien Roussel pose des questions au coeur de l’abstention massive des quartiers populaires. Sur les conséquences de la concurrence généralisée sur les divisions du peuple, au premier chef la sécurité, la propreté, les incivilités, mais aussi l’injustice des politiques dites de solidarité, mais "caritatives", qui donnent le sentiment à ceux qui travaillent qu’ils ne sont pas aidés, à l’iniquité de politiques dites environnementales comme les ZFE, aux contradictions d’une aide aux migrants qui fait des choix entre ceux qui sont protégés et ceux qui ne le sont pas, et bien sûr à l’exigence d’un emploi pour tous, digne et avec un bon salaire...

Oui, la gauche est dans une impasse et Fabien Roussel, a sa place, commence à dessiner une autre voie. L’essentiel sera cependant la capacité des communistes à s’organiser pour sortir enfin de ce vieil échec d’une union de la gauche dirigée par les socialistes, et de reconstruire un parti communiste et un rassemblement populaire autour du monde du travail, pour une gauche politique qui retrouve sa force d’abord dans ses liens avec le monde du travail.

Unir le peuple malgré les divisions liées à la mise en concurrence généralisée

C’est le fonds des désaccords. Pourquoi de telles divisions dans le peuple ? Le débat sur le travail et les allocs est-il une invention médiatique ou une réalité politique de terrain ? Qui n’a jamais rencontré un habitant de quartier protester contre ceux qui sont aidés pendant que lui travaille dur ? Ou demander pourquoi les jeunes du quartier ne sont pas embauchés sur les chantiers de rénovation urbaine où on retrouve des immigrés de l’Est ? Ou demander pourquoi il y a tant d’attributions de logement prioritaires quand il attend depuis des années ?

Quand Fabien Roussel affirme que sa gauche est celle d’un bon travail et d’un bon salaire, pas celles des allocations et minima sociaux, pourquoi les réactions de quelques dirigeants à gauche sont aussi violentes [1] ? Il suffit pourtant de lire Fabien Roussel pour savoir qu’il ne défend pas les attaques contre les allocations et minima mais affirme le droit au travail et au salaire pour tous ! Faut-il comprendre que ceux qui le dénonce sont pour les minimas pour tous et un emploi pour ceux qui ont de la chance ?

Quand Gilles Poux explique ce désaccord en supposant que « La connaissance de ce que sont les grands centres urbains le marque peut-être moins que la désindustrialisation des villes du Nord. », on se demande de quoi il parle à propos de grands centres urbains, en tout cas, pas des quartiers populaires qui vivent ces "contradictions au sein du peuple" créées par la concurrence généralisée. Et quand un élu parisien dit « Ici, on n’a pas les populations qui sont ciblées par Fabien Roussel », on se demande comment est son quartier que le journal dit "en voie de gentrification"

Dans mon quartier des minguettes, un des plus grands quartiers prioritaires de France, dans ma barre de 15 étages avec son point de deal et ses problèmes d’incivilités sur la propreté ou le stationnement, je peux témoigner du sentiment général de mes voisins, très majoritairement d’origine immigrée et exigeant "moins de laxisme" ! ou de ce que disaient deux femmes anciennes du quartier lors d’une assemblée générale à l’automne 2021, en plein scandale Zemour des prénoms : "avant il y avait ici des mohamed et des paul, maintenant, il n’ y a que des mohamed". Ce sont les élus communistes de Vénissieux qui leur répondent, en affirmant que leurs difficultés ne viennent pas des prénoms des habitants...

Il serait stupide de nier les fractures de la France entre régions, rural et urbain, banlieues et centres villes métropolitains... Mais si l’article a raison de refuser une opposition des "pauvres contres la pauvres", il devrait justement poser la question "comment unir les différentes catégories du peuple, dans la diversité de leur habitat et conditions sociales ?.

Cela commence par unir le peuple dans les quartiers populaires, ce que les communistes Vénissians ont engagé dans leur débat "repolitiser les quartiers populaires", et bien sûr pour ne pas enfermer ces quartiers dans le discours de victimisation qui nie les raisons de classes de leur ségrégation, condition pour unir entre les différent quartiers.

C’est le défi posé aux communistes et que relève Fabien Roussel à sa manière et dans son rôle, unir le peuple. Et, contrairement à la stratégie en échec de Jean-Luc Mélenchon, il faut d’abord reconnaitre les divisions bien réelles qui existent dans le peuple, faire des choix sur les revendications prioritaires à mettre en avant, pour unir non à partir de valeurs supposées "de gauche", mais à partir des conditions concrètes de mise en mouvement de tous.

La stratégie électorale

Stéphane Peu aurait dit , selon l’article, que « La ligne de Roussel se distancie et se marginalise du rassemblement de la gauche et du peuple » . Je n’ai pas vu de critiques par Stéphane Peu du résultat de son choix présidentiel de Jean-Luc Mélenchon qui pour le coup marginalise la gauche dans la division du peuple

L’article semble opposer Fabien Roussel qui

revendique de vouloir séduire l’électorat du Rassemblement national (RN). Dans son livre Ma France heureuse, digne, solidaire (Le Cherche midi, 2021), il accuse les directions précédentes d’avoir « laissé au seul Front national la mainmise sur des sujets comme la nation, la souveraineté, la sécurité, le vivre-ensemble »

et Stéphane Peu qui dirait

« Le sujet, c’est la mobilisation des abstentionnistes, pas des électeurs du RN. » [2]

Les auteurs n’oublient pas le député François Ruffin appelant à ce que la « France périphérique » devienne une priorité de LFI au lendemain du premier tour de la présidentielle, et reconnaissent malgré tout que « L’ancien candidat à la présidentielle de 2022 incarne un enjeu désormais ancien de la gauche : la reconquête d’un électorat populaire en dehors des grandes villes. ».

Sauf qu’ils tombent ainsi dans ce piège de l’opposition entre quartiers populaires et périphéries populaires, comme si les difficultés politiques de la gauche n’étaient pas les mêmes dans tous ces quartiers ! Car le discours médiatique de la réussite de Jean-Luc Mélenchon dans les banlieues populaires est une construction sans fondement. Si le vote RN reste faible dans ces quartiers, l’abstention reste dominante et Jean-Luc Mélenchon 2022, dominant une gauche affaiblie, fait moins bien dans ces quartiers que la gauche de Mitterrand !

En fait, la bataille de l’unité populaire se joue aussi bien avec les abstentionnistes, que la stratégie de vote utile de JLM a délaissé, qu’avec l’électorat populaire "énervé mais pas fachos" qu’il a finalement délaissé aussi pour se consacrer à pomper l’électorat de gauche restant, signant ainsi lui-même sa défaite.

Il n’y aura pas de reconquête électorale sans marquer des points en faveur de l’unité populaire avec les abstentionnistes comme l’électorat RN, dans les villes comme dans les campagnes !

La préparation du congrès

Il est frappant de voir que les communistes reprenant les polémiques contre Fabien Roussel évoquent très vite le congrès et sa supposée "ligne autonomiste", Josselin Aubry espérant que le congrès permettra de redéfinir une ligne politique. Gilles Poux vent la mèche en remontant dans l’histoire...

« le PCF a déjà eu dans son histoire « des raidissements » mais aussi des stratégies de personnification et d’agitations médiatiques, notamment à l’époque de Georges Marchais. »
(...)
Le prochain congrès du parti, en avril, sera le moment pour clarifier « une ligne qui sur des aspects identitaires frôle le repli sur soi », assure-t-il.

Le retour à Georges Marchais est un hommage peut-être inconscient à une réalité médiatique comme politique. Marchais reste dans la mémoire politique populaire celui qui tient tête au système en portant les intérêts populaires. Que de fois ai-je entendu dans un porte à porte "s’il y avait encore Marchais...". Mais l’époque Marchais est aussi celle où se joue cette union de la gauche qui, de Mitterrand à Mélenchon, se construit sur l’affaiblissement des communistes et est incapable d’organiser un mouvement populaire majoritaire.

C’est bien de cette histoire longue de la stratégie d’union que le 38ème congrès a engagé la critique, affirmant qu’il ne pouvait y avoir de rassemblement populaire majoritaire portant une vraie rupture sans reconstruire un parti communiste portant la révolution du XXIième siècle. Et c’est bien cette critique qui dérange des élus, notamment en région parisienne, élus dont la place hérite le plus souvent de cette union de la gauche électorale et perdant ses attaches de classe. Elle a conduit à la perte du département de la Seine-Saint-Denis qui fournissait une grande part de l’appareil organisé du PCF et symbolisait la mutation de Robert Hue comme la métamorphose de Marie-Georges Buffet, autrement dit sa dissolution dans un mouvement de gauche pour Jean-Luc Mélenchon.

C’est d’ailleurs le nœud de la contradiction à gauche.
- D’un coté, le point de vue de Jean-Luc Mélenchon qui limite la critique de l’union de la gauche à la critique de la droite du PS ayant empêché la contre offensive populaire en 1983, comme si Mitterrand avait jamais envisagé autre chose qu’une gestion loyale du capitalisme !
- De l’autre, un parti communiste cherchant à son dernier congrès des chemins nouveaux pour un rassemblement populaire majoritaire, et affirmant en discutant de ses bases sociales :

Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé.

Ce travail difficile, qui se conduit dans les luttes comme dans les efforts d’organisation, a besoin d’un travail théorique pour repenser une stratégie d’union qui ne dépossède pas le monde du travail de son rôle historique, contester la domination de la bourgeoise, affirmer son rôle dirigeant !

Voir en ligne : l’article publié d’abord sur mediapart puis sur bondyblog

[1avec un effet indirect surprenant, passer au silence les déclarations de Mélenchon à la fête

[2Notons que la stratégie insoumise de Stéphane Peu n’a absolument pas fait reculer l’abstention.

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