L’âme est pleine de fierté et de peine
Les enfants de la guerre – Témoins du fascisme Sinaïda Moltchanova, Orenbourg

, par  Gudrun Stelmaszewski , popularité : 2%

Aux ennemis, à ceux qui n’ont connu la guerre que par ouï-dire, mais ont déjà calomnié le pays des vainqueurs et les leaders de cette époque, nous déclarons : pensez-y, nous sommes les témoins de la guerre, les témoins du fascisme – et nous sommes encore en vie !
Oui, nous avons beaucoup d’estime pour l’époque soviétique. C’était une époque éthique, pleine d’idées, d’amour, d’amitié, de confiance, où l’un a répondu à l’autre, où a existé un calme cordiale. Nous avons vécu dans une société sans les riches et les pauvres, sans humiliation et méprise. Nous sommes fiers de notre victoire dans la Grande Guerre pour la Patrie, fiers de nos grands chefs de l’armée qui ont assuré cette victoire. (…) Nous, les « enfants de la guerre », les orphelins qui vivent encore, nous nous inclinons devant eux et nous nous souvenons d’eux. Nous nous souvenons des officiers et soldats qui ont été tué sur les champs de bataille. Nous nous inclinons devant leurs tombes et devant celle du soldat inconnu.
Aujourd’hui, notre génération vit un choc de civilisation. Nous regardons la réalité actuelle, mais la douleur du passé brûle en nous. Des fois, on entend parler les Svanidse, Posners, Ganapolski et Radsinski et se pose la question : Qui d’entre eux a participé à la Grande Guerre pour la Patrie ? Qui a vécu tout le temps de la guerre sur le territoire occupé ? Qui d’entre eux a reçu les lettres, écrites par les pères, fils, filles ou parents au front de la guerre ? Qui connais personnellement le fascisme et peut le justifier ? Et comment peut-on haïr tellement le passé ? Comment peut-on tellement mépriser l’Union soviétique ?

Les mensonges sur la guerre nous ont envahis avec le « caméléon qu’était la perestroïka »‒ avec des individus comme Alexandre N. Jakovlev (ce vieil acolyte de Gorbatchev). Ils sont venus avec Resoune, Volkogonov, Radsinski etc.‒ ces calomniateurs de la télé.
Je me souviens des publications de « l’idéologue de la pérestroïka », Jakovlev. Il a par exemple écrit, en 2005 dans le journal Arguments et faits, qu’on devrait « libérer cette guerre des mensonges ». Il avait déjà lui-même tant menti et défiguré les faits de la guerre, que j’étais indignée au point d’écrire dans une lettre qu’il faut « libérer cette guerre de menteurs comme Jakovlev et autres ».
Je ne veux pas politiser ici, mais informer sur les événements réels qui sont restés gravés dans ma mémoire pour toute ma vie. Notre vérité sur la guerre, c’est la vérité d’un enfant. Rien n’est plus fort que la mémoire d’un enfant. Aujourd’hui, l’Histoire est changée continuellement, autant que les livres d’Histoire à l’école. On nous peint les Allemands [de la guerre] en rose. Ils auraient été si bons, auraient donné à manger du chocolat aux enfants. Nous n’avons pas vu de tels Allemands – ils n’ont pas existé…
Ma ville natale était en Ukraine dans les environs de Kharkiv. Elle se trouve à 30 km de Slaviansk, aujourd‘hui détruite [dans les luttes des fascistes ukrainiens contre les insurgés du Donbass]. Le pays natal de mon mari se trouve près de Briansk. Dans un film soviétique (peut-être La bataille de Stalingrad), J. V. Staline a nommé notre ville Barvenkovo « le point le plus brûlant de la guerre », parce qu’elle a vécu des atrocités fascistes terribles. Cette ville a été occupée pendant trois ans. Nous avons vu toutes les catégories de fascistes, les SS compris. Ils étaient bestiaux.
Pendant les premiers jours de l’occupation, les Allemands ont pendu, aux colonnes de notre ville, tous les hommes âgés et les invalides, exemptés du service militaire. Ils restaient pendus très longtemps. Les Allemands n’ont pas permis de les décrocher. Ils ont chassé les femmes et les enfants qui le voulaient, en hurlant infernalement de rire. Cette ville d’environ 30.000 habitants était, à la fin de la guerre, rasée de la Terre, plus une seule maison dans la ville. Aujourd’hui, c’est comme ça dans quelques lieux au Sud-est [de l’Ukraine]. Ils y sont restés quelques caves, abris antiaériens, fossés et trous, où ont vécu les femmes et les enfants. Beaucoup de maisons dans la ville ont été brûlées par les Allemands, avec leurs habitants à l’intérieur. Ces crimes ne sont pas pardonnables !
Après la guerre, personne de la population mâle n’est revenu. Les femmes et les enfants restants n’avaient plus rien pour vivre. Mon père-soldat est mort en traversant le Dniepr, en 1944. Il est enterré là-bas, au bord du fleuve, dans un petit village ukrainien, ensemble dans un tombeau avec une centaine de ses frères soldats. Les habitants du village ont gardé en mémoire les combattants morts, pendant toutes ces années d’après-guerre. Ils entretiennent les tombeaux et fêtent le Jour de la Victoire. (…) Les Hommes du peuple n’oublient pas la guerre, car il ne s’agit pas que de la peine, mais aussi de la fierté de pouvoir vaincre le fascisme.
Après la guerre, notre mère est restée veuve avec ses trois enfants en bas âge. Le père de mon mari est revenu invalide de la guerre. Nos mères, ces jeunes beautés ukrainiennes, se sont défigurées pendant l’occupation pour se sauver des violations. Malgré cela, elles furent violées. Sont nés des enfants détestés, qui vivent encore là-bas…
Il est impossible d’oublier la guerre. Et il ne faut pas oublier cette époque terrible, la peur permanente, les humiliations et la faim. Et l’impuissance non plus. Mais les hommes sont restés des êtres humains, malgré les conditions inhumaines. Ils se sont entraidés, ont partagé les dernières miettes. Nous avons vécu dans des caves, avons caché les juifs, et nous n’étions pas seuls. Les femmes ont risqué leurs propres enfants pour sauver les autres familles. Il y avait différentes manières de se cacher : dans la terre, où ont été creusés des trous, dans les petites caves cachées. Dans les caves de notre église, nous avions caché, nourri nos soldats blessés, et y avons fait des bandages. Nos derniers morceaux de linge et de vêtement étaient pour eux. Dans la nuit, nos garçons s’y sont glissés pour s’occuper d’eux. Une fois, quand les SS ont remarqué quelque chose de suspect, ils ont attaché mon grand frère à une charrette, lui ont posé un melon sur la tête. Pour s’amuser, ils ont tiré dessus en hurlant inhumainement de rire. Ils l’ont forcé à prendre avec ses mains nues les câbles électriques. Je me rappelle toujours de ses mains brûlées. Aujourd’hui encore, je vois ma pauvre et fière grand-mère qui rampa à quatre pattes et pria les fascistes d’épargner l’enfant. De cette manière, les SS ont essayé de faire passer aux aveux mon frère et ses amis. Mais ils n’ont rien dit. Ce fût rendu public seulement plus tard, que des soldats blessés étaient, durant toute la guerre, dans les caves de notre église. Les garçons ont été continuellement en relation avec eux. A l’époque, mon frère n’avait guère 10 ans. Quel héroïsme ont eu ces enfants !
Ma mère n’a pas pu marcher. Les « bons » Allemands avaient brûlé leurs jambes en vidant dessus un seau avec de la soude caustique. Ils ont frappé ma petite sœur sur la tête, elle est née quelque mois avant la guerre. Le jour suivant, nous l’avons cachée, enveloppée dans un plaid. Jusque dans les arbres. Mon mari a rapporté que les fascistes, dans la région de Briansk, ont frappé à mort de cette manière les petits enfants. Ils nous ont jeté des poux dans les marmites ; et tout le temps nous entendions : « le porc russe »…
Même aujourd’hui, je ne peux pas entendre de discours allemands. Je ne peux plus oublier les hommes pendus, les lieux incendiés de mon pays natal, les hommes déchirés par les bombes, nos soldats tombés, et le sadisme fasciste contre les femmes, les enfants et les vieillards.
Beaucoup d’années ont passé. Mais cela, on n’oublie jamais. On n’a pas le droit d’oublier la guerre et le fascisme. Ce qu’ont vécu nos peuples soviétiques, il faut le savoir, il faut l’apprendre profondément, non pour l’enfermer dans notre cœur, mais en honneur des morts. Et il faut se souvenir, car celui qui oubliera ces leçons de l’Histoire, celui-là les vivra de nouveau.
Je me souviens de la dizaine de jeunes soldats, touché par une bombe, leurs blessures et les membres partout … Les femmes ont enterré les morts en pleurant…Je me souviens des Allemands blessés, leurs pieds gelés et de nos mères qui les ont aidé autant qu’elles le pouvaient, des pilotes allemands morts, enterrés par nos gens. - J’ai apporté des grenades pour jouer avec. Un soldat blessé a sauvé ma vie à moi et celle d’autres enfants… Quand mon frère a reçu le message annonçant la mort de notre père, en 1944, il l’a gardé jusqu’au jour de la victoire. Il n’a pas dû aller à la guerre en tant que cheminot. Mais ce jeune homme était un patriote.
Notre référence à D. Toukmanov et V. Kharitonov pour le poème Djen pobedy (Le Jour de la Victoire). Pour nous, « les enfants de la guerre », les orphelins, c’est une journée de fête avec des larmes.
Jakovlev, cet ami de Gorbatchev, a appelé nos soldats des « pillards ». – 1945, après la guerre, nous, les enfants, avons attendu nos soldats. Nous avons donné tous ce que nous avions aux soldats, dont le train s’arrêtait. Eux, ils nous ont donné du pain, parfois des bonbons. Combien d’orphelins y’avaient-ils aux remblais ? Il n’y avait pas des pillages, Monsieur, mais de la charité ! Les fascistes, ils ne l’avaient pas !
Comment avons-nous survécu, après tous les horreur de l’occupation, toutes les pertes : du père, des parents, de la maison, après toute la faim et la peur ? Mais nos mères, qui ont sauvé les enfants, elles ont crues à l’avenir, à l’Etat soviétique. Nous avions vécu dans les trous, après la guerre. Mais avec le soutien de l’Etat, nous avons construit une nouvelle maison. Notre mère a pu travailler, et nous, les enfants, sommes allés à l’école. Bien que le peuple et la jeunesse aient souffert et manqué de tout, le plus important pour la jeunesse et le peuple entier était cette qualité d’apprendre. Malgré nos vêtements et chaussures miteuses, souvent seulement un livre par classe et sans cahiers, nous avons eu la soif de savoir. Une décennie plus tard, j’ai terminé mes études à Moscou, mon mari à Lwow. Nous avons travaillé et étudié plus de 50 ans dans l’industrie du pétrole et du gaz. Mon frère et ma sœur, les deux frères de mon mari, nous tous avons des diplômes universitaires. Notre famille est un exemple comparatif entre l’époque soviétique et l’époque « démocratique » actuelle. Est-ce qu’une femme avec 3 enfants peut, aujourd’hui, faire des études universitaires ? Les enfants, qui viennent des villages isolés (comme mon mari et ses frères), peuvent-ils compter faire des études universitaires ?
La célèbre compositrice Alexandra Nikolajevna Pakhmoutova (*1929) a caractérisé l’époque soviétique et actuelle comme suit : « Si j’étais née fille aujourd’hui, il n’y aurait jamais eu de compositrice Pakhmoutova. Je serais devenue au mieux une nounou chez un oligarque. »
C’est l’Etat qui nous a donné notre formation sans que nous ayons dû à payer. Nous avons même reçu des bourses et une place gratuite dans un foyer pour étudiants. Aujourd’hui, on ne fait qu’expérimenter avec la formation. On apprend à la jeunesse de gagner sa vie facilement, et qu’elle s’amuse. Chez nous, on était respecté pour avoir eu son diplôme d’ingénieur ou avoir bien réussi un examen. Aujourd’hui, il faut regretter que les personnes de la technique d’ingénierie dans les entreprises se fassent de plus en plus rares…
Et quand je pense à ce que nous avons atteint dans les villages russes ! Nous nous souvenons de notre village dans la région de Briansk, de la beauté de la nature russe, de ses grandes forêts autour du village, et en pleine nature ses champignons, ses fruits et noix. Le fleuve séparait le village en deux, il y avait des poissons en surabondance. C’était un village riche avec des habitants gentils, intelligents, travailleurs et aisés. Chaque ferme possédait pour vivre des poules, canards, porcs et vaches… Et comme nos jardins étaient fertiles ! Si, aujourd’hui, une des personnes à la tête de l’Etat a affirmé qu’un élevage développé n’a jamais existé, que les environs étaient morts et déserts - il ment. La région de Briansk était un « grenier à blé » et particulièrement Moscou et sa banlieue étaient approvisionnés avec de la viande, des pommes de terre et beaucoup de fruits en tout genre.
Aujourd’hui, la beauté et la richesse du village russe ont disparu. Il n’y a plus d’habitants, les maisons se sont délabrées. Ce n’est pas le seul village de la région de Briansk à avoir disparu, les villages comme celui-là ont disparu par douzaines. Les mauvaises herbes ont envahi les champs. Les terrains ont été vendus, on ne sait à qui. Durant les 25 années passées, tout est tombé en ruine dans la région de Briansk, rien n’a été construit.
Pendant notre jeunesse en Union soviétique, nous lisions beaucoup – des romans comme de la littérature technique. Nous aimions les classiques, allions au théâtre, nous retrouvions pour danser. Nous connaissions par cœur beaucoup d’œuvres de Gorki, Pouchkine, Lermontov, Tchékhov, Tchernychevski, Belinski, Gogol et aussi des classiques ukrainiens : Korneitchouk, Lessi l’Ukrainienne, Franco et d’autres, et ce jusqu’aujourd’hui. Mais quel bagage, la jeunesse, reçoit-elle aujourd’hui ? A l’époque, chacun rêvait d’aller au moins une fois au Théâtre du Bolchoï, de visiter Moscou et Leningrad ou le Caucase. E tout cela était possible financièrement. Avec mon salaire, je pouvais voler six fois par mois à Kharkiv pour visiter ma mère malade. Et aujourd’hui, qui a accès à quoi ? Qui peut faire des visites à qui ? Mais oui, pour les riches, tout est possible : Courchevel, Miami, London, Paris. Mais pour les gens pauvres ?
Affectées à un travail posté, nous n’avions pas peur la nuit, quand nous rentrions à la maison par des rues désertes. A notre époque, nous n’avions pas peur de laisser les enfants dehors, ni le jour, ni la nuit. Le travail était pour nous une joie, nous travaillions beaucoup, partagions la satisfaction de voir les nouvelles constructions des complexes industriels pétroliers ou gaziers. L’Etat était obligé de réserver des places pour les enfants dans les crèches et maternelles ainsi que dans les camps de vacances.
C’était une bonne époque ! On voudrait bien redonner ce passé à la jeunesse, où subsistaient un bon moral et une richesse d’idées, des bonnes relations entre des personnes pleines de compassion. Les rapports entre les gens ne dépendaient pas de l’argent. Nos parents et le système d’éducation de cette époque nous donnaient une énergie profonde pour nourrir les vrais besoins. Voilà pourquoi l’aspiration à la multiplication de la richesse, à l’individualisme et à la démonstration de la propre importance sociale était étrangère à notre génération. Mais aujourd’hui, il n’y a que des « stars », sans importance nationale, des « héros », des « génies » uniques dans leur genre légendaire, incomparables. Des telles évaluations sont dénuées de tout sens, mais aussi de tout sentiment de justice et de conscience.
Nous avions des célébrités inestimables dans les domaines de la culture et de l’art. Rouslanov, Lemechev, Koslovski, Magomajev, Trochine … et beaucoup d’autres. Nous avions des artistes célèbres et aimés. Combien de films ont été réalisé avec eux ! Personne, à l’époque, ne se traitait de « star ». Nous et eux, on nous eduquait à une vraie culture. Aujourd’hui, qu’est-ce qui passe à la télé ? Tout est pareil. Les vrais artistes et chanteurs n’existent plus. Il n’existe plus de vrais connaisseurs de la culture, il n’y a que des « Shows » sans sens qui désagrègent la jeunesse. Il est très blessant, quand des personnes sans autorité dans la société et sans sens des valeurs, ni du passé, ni du présent, calomnient l’Histoire de leur patrie.

A l’occasion du 70ème anniversaire de notre victoire, nous félicitons tous les membres, tous les vétérans de la Grande Guerre pour la Patrie, les ouvriers en arrière-pays et les « enfants de la guerre » pour la grande fête incomparable. Nous vous souhaitons une bonne santé, de la patience et une longue vie ! Et nous souhaitons à l’avenir que plus jamais les fascistes opprimeront notre patrie !

Traduction de l’allemand, version abrégée

Voir en ligne : Source : Sowjetskaja Rossija N° 31, (14126) Le 28 mars 2015

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