La crise de la dette, la crise de l’euro, sortir de la crise, sortir du capitalisme

, par  Alain Morin , popularité : 3%

Introduction de Alain Morin au débat du 6 janvier 2012 organisé par la section de Béziers du PCF avec Marie-Christine Burricand

Crise de la dette :

Dans le cadre de la crise systémique du capitalisme commencée vers la fin des années 1960, avec un chômage massif permanent et la montée de la précarité, des crises dites conjoncturelles se sont succédées et amplifiées depuis :

Nous vivons en ce moment même les suites de la dernière crise conjoncturelle avec :
- la crise financière de 2008 dites des « subprimes », c’est-à-dire l’effondrement des titres sur des crédits immobiliers hypothécaires aux États-Unis et dont les banques européennes étaient gavées,
- suivie de la crise économique en 2009 avec la première récession mondiale (c’est-à-dire une croissance négative du produit intérieur brut mondial pendant au moins un semestre) depuis la dernière guerre.

Ces deux crises sont à l’origine de la crise actuelle de l’euro et des dettes publiques : pourquoi ?

Premièrement : face aux risques d’écroulement du système bancaire , les États et les banques centrales viennent au secours des banques menacées de s’effondrer.

Tous les états européens et américains secourent leurs banques en mettant à leur disposition des centaines de milliards de dollars et d’euros, mais sans aucune exigence d’une autre utilisation de leurs crédits, notamment pour qu’elles stoppent leurs opérations spéculatives et financières diverses et pour les inciter à investir dans des projets porteurs d’emplois et de formation, de création de richesses.

Deuxièmement : les États du monde entier, de la Chine aux États-Unis et à l’Europe, doivent également relancer la croissance, suite à la crise économique ayant conduit à la récession mondiale.

Ces interventions des États pour sauver leurs banques et relancer la croissance en 2008 - 2009 ont fortement aggravé les endettements des États et alourdi les intérêts qu’ils doivent payer sur leur dette publique.

Ces endettements ont été réalisés en Europe par l’émission de titres d’État achetés par des banques et des fonds d’investissement qui ensuite spéculeront sur ces titres sur les marchés financiers, tout comme il y avait eu une grosse spéculation sur les titres immobiliers américains qui avaient conduit à la crise financière de 2008.

Cette spéculation aurait pu être évitée si les titres d’État n’avaient pas été achetés par des banques et des fonds d’investissement, mais pris en charge à des taux d’intérêt proches de 0 % par la Banque centrale européenne, comme cela se fait aujourd’hui aux États-Unis ou en Angleterre et se faisait jadis en France quand la Banque de France finançait par création monétaire le déficit de son État.

Au contraire cela a conduit à une montée en charge massive des intérêts payés par les États à leurs créanciers avec, pour les nouveaux emprunts, des taux insupportables conduisant au déclenchement de cercles vicieux aggravant la crise. :
- l’augmentation du risque de non remboursement dans les pays les plus fragiles (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie) qui fait exploser les taux d’intérêt exigés pour leurs nouveaux prêts (jusqu’à 28 % en Grèce), aggravant plus encore leurs déficits,
- d’où, au nom de la baisse des déficits, les pressions des créanciers, du FMI, de la BCE, de la Commission européenne sur ces pays pour une politique d’austérité réduisant notamment les dépenses publiques et sociales,
- Mais ces restrictions de dépenses ont l’effet inverse à celui recherché, avec des récessions économiques dans ces pays liées à l’insuffisance de la demande et l’explosion du chômage, conduisant à la baisse des recettes fiscales et sociales, aggravant encore plus les déficits et la dette. C’est ainsi que la Grèce est passée d’une dette de 120 à 160 % de son produit intérieur brut en 2 ans,

Ce sont les cercles vicieux de la crise qui auraient pu être évités si, comme nous le proposons à la commission économique du PCF depuis des années, les dettes publiques étaient financées à taux zéro par la Banque Centrale Européenne et si cette dette avait été utilisée autrement :
- pour le développement des capacités humaines et de la croissance, favorisant de nouvelles recettes fiscales et sociales au lieu des gâchis de la dette dans les dépenses stériles, au lieu des cadeaux fiscaux et sociaux au patronat et aux grandes fortunes décidés par le gouvernement Sarkozy-Fillon.
- En effet, contrairement à ce qui se dit, ce n’est pas la dette en soi qui est un problème, mais surtout comment celle-ci est utilisée et comment elle est financée.

Il y a de la bonne dette  : celle qui développe l’emploi, la formation et les salaires ainsi que les richesses produites ;

et de la mauvaise dette, celle qui va aux marchés financiers (la dette de la France s’élève à 1600 milliards €, mais le cumul des intérêts versés par l’État à ses créanciers a atteint 1200 milliards) ou les dépenses pour l’armement et autres dépenses stériles.

Crise de l’Euro

Durant l’année 2011
- ce sont les banques qui ont été les plus touchées par cette crise car les titres des dettes grecque, espagnole et italienne qu’elles ont accumulés ont perdu leur valeur : conduisant à l’effondrement de leur cours et aux attaques de la part des spéculateurs, notamment américains, contre les actions de ces banques.
- et aussi les États qui voient leur dette s’aggraver et qui cèdent à la pression qu’ils subissent pour baisser les dépenses sociales et instaurer des politiques d’austérité imposant des reculs de l’âge de la retraite, les baisses de salaires et des suppressions d’emplois de leurs fonctionnaires, des augmentations de TVA, des impôts, des privatisations massives,...

Cela a fait exploser le chômage lié à la baisse de la demande et au freinage du crédit aux entreprises. Il a atteint 21 % de la population active en Espagne et 10 % en France, plus de 4 millions de personnes sont aujourd’hui en recherche d’emploi dans notre pays.

Face à cette situation, la recherche d’une alternative à gauche nécessite de mettre au cœur de la sortie de crise la question des banques et de la BCE.

D’ailleurs, on voit que le parti socialiste commence à être bousculé sur ces questions : il propose la participation de représentants de l’État dans les conseils d’administration des banques, la séparation des activités de banque d’affaires et de banques de dépôt, des mesures contre la spéculation, … mais, et c’est l’essentiel, rien sur un autre comportement des banques, sur une autre utilisation du crédit.

A l’opposé de cette frilosité dans les actes, le PCF avance 4 propositions :

- 1) la création d’un pôle public financier avec de nouveaux pouvoirs pour les élus et les salariés sur leur décision. Ce pôle public serait constitué à partir de la CDC, la Banque postale, les caisses d’épargne, les banques mutualistes et la nationalisation de grandes banques commerciales (BNP, Société générale,...).

Le pôle public financier, avec les autres banques, inciterait à développer un autre type de crédit avec des taux d’intérêt abaissés jusqu’à un taux zéro pour le crédit aux investissements des entreprises qui font de l’emploi et de la formation. Ces taux seraient d’autant plus abaissés que ces projets programmeraient des emplois et des formations, et seraient efficaces pour le développement de la recherche et de la formation.

- 2) un refinancement des banques par la Banque centrale européenne pour ce nouveau crédit : la BCE vient de fournir près de 500 milliards d’euros de liquidités aux banques ; or, celles-ci ont préféré mettre ces liquidités en dépôt à la Banque centrale au lieu de répondre aux besoins de crédit aux entreprises, notamment des PME, contribuant ainsi à relancer le chômage qui explose.

Cela appelle un changement des missions et de la politique monétaire de la Banque centrale pour qu’elle donne une priorité au soutien à la croissance, à l’emploi et la formation au lieu du dogme de la lutte contre l’inflation.

- 3) la prise de dette publique par la Banque centrale européenne qui serait ainsi sortie du champ de la spéculation sur les marchés financiers.

- 4) le financement par la Banque centrale d’un Fonds de développement des services publics pour le progrès social.

Cela doit se faire dans le cadre d’une bataille pour une autre utilisation de l’euro.

Les sondages montrent que le doute sur l’euro, y compris chez les salariés, ne concerne pas majoritairement l’existence de l’euro, mais porte surtout sur la façon dont il est utilisé.

En effet, la sortie de l’euro aurait de graves conséquences :
- La dévaluation du franc rétabli, conduisant au renchérissement des importations et aussi de la dette pour la part qui est libellée en euros (la dette de la France est détenue à 70 % par des étrangers). Cela entrainerait la riposte de pays européens agressés sur leur marché intérieur par les exportations en francs dévalués avec une fuite en avant dans les dévaluations compétitives, et aussi les pressions sur les salaires, sur les dépenses sociales et la croissance.
- Le risque de difficultés nouvelles pour les banques porteuses de titres de dette européenne dévalorisés, la relance de la spéculation contre les plus fragiles d’entre elles et la possibilité de panique bancaire comme l’Angleterre a connu lors de la dernière crise financière,
- Mais surtout, cela priverait chaque pays de la zone de la force de la création monétaire commune en Europe à partir d’une base réelle élargie.
- Cela renforcerait la domination du dollar au lieu d’un appui de l’euro pour une autre monnaie commune mondiale comme cela a été avancé par la Chine avec le soutien du Brésil, de la Russie et de nombreux pays émergents lors des G20 de 2009 et de 2010,.
- Cela appelle une construction nouvelle de l’Union européenne avec une démocratie sociale et participative, des objectifs internationalistes dans une confédération d’États s’opposant au fédéralisme avec sa gouvernance européenne dominée par le couple franco allemand (couple lui-même dominé par l’Allemagne).
- Une Europe qui aurait à relever le défi du recul de l’emploi et celui de la réindustrialisation, mais aussi des délocalisations vers les pays à bas coût favorisées par le comportement des banques qui restreignent les crédits aux entreprises en France et favorisent les exportations de capitaux des groupes du CAC 40 vers ces pays.
- Il s’agirait de favoriser une nouvelle politique industrielle, des accords de réciprocité et de codéveloppement notamment contre les dumpings sociaux et écologiques à l’extérieur de l’union européenne.

Sortir de la crise et du capitalisme :

Pour une sortie de crise visant une sortie du capitalisme, donc son dépassement, il s’agit de viser dans une même démarche des objectifs sociaux et de civilisation nouvelle avec un développement des capacités humaines (emploi, formation, salaire éducation, culture), une sécurisation et une promotion de tous les moments de la vie avec le développement de nouveaux services publics (petite enfance, personnes âgées), une sécurité d’emploi et de formation et l’essor de Biens et services communs de l’humanité ( monaie, environnement, eau, énergie, agriculture,...) à l’opposé des objectifs visant à faire de l’argent pour argent.

Il s’agit pour cela d’engager des luttes pour changer les critères de fonctionnement des services publics et des entreprises pour un nouveau partage et un nouveau type de production de richesses.

La finalité d’une telle société serait l’humain et non le profit.

En économisant sur le capital matériel et financier on viserait à accroître la part de la valeur ajoutée revenant aux salariés ( en salaire) et aux populations, à l’opposé de la recherche des taux de profit et de rentabilité maximum.

Avec des pouvoirs d’intervention pour les salariés, les populations et leurs représentants dans la société comme dans les entreprises, on favoriserait une démocratie directe et de ressourcement dans les luttes de la démocratie représentative, au lieu de la délégation de pouvoirs aujourd’hui en crise.

Avec des moyens financiers, du local au mondial, mis au service de ces objectifs sociaux on viserait un développement des capacités humaines, de la culture et notamment d’une culture de gestion dans les entreprises pour permettre de faire reculer les rapports de subordination dans l’entreprise et encourager les activités de promotion de chacun dans le travail comme hors du travail.

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