J’ai vu l’autre Ukraine, celle qui célèbre les SS et crimes nazis

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Par Louis Monnier, professeur retraité

Ce témoignage, publié le 03-12-2013 sur le blog du Nouvel Observateur, est d’autant plus intéressant que le reportage a été réalisé au début des manifestations de la place du Maïdan, et donc bien avant les évènements qui ont fait connaitre à la face du monde, que les néo-nazis étaient de retour, qui plus est, au pouvoir dans un pays du continent européen, l’Ukraine, et soutenus par cette dictature capitaliste qu’est l’Union européenne.

Autre fait intéressant, cet article ne peut être taxé de partisan, car il est publié par un journal, le Nouvel Observateur, que l’on ne peut accuser d’être russophone ou pro-communiste, toutes tares qui comme on le sait bien, sont à la genèse de la désinformation. De plus, l’auteur de l’article semble être pour l’Union européenne...

En tous cas, ce reportage confirme, s’il en était besoin, que cette organisation des mouvements fascistes et néo-nazis en Ukraine, n’est pas née de rien, et qu’elle a été savamment mûrie, préparée et orchestrée depuis bien avant les évènements du Maïdan.

Pascal Brula


En ces temps où l’on parle de l’Ukraine pour son refus de signer un accord avec l’UE et les manifestations pro-européennes qui en découlent, voici un autre visage du pays, que j’ai pu voir de mes propres yeux.

Cet été, je me suis rendu dans la région de Brody, dans l’ouest ukrainien, avec une amie canadienne d’origine ukrainienne (et ukrainophone). Le 21 juillet 2013, j’ai assisté à un événement assez surprenant pour un européen occidental.

Un curieux anniversaire

A cette date, les nationalistes et leurs sympathisants, entraînés par le parti d’extrême droite Svoboda (dont on voit beaucoup flotter le drapeau ces jours-ci à Kiev), saluent le passé collaborationniste avec les nazis. Ils ont commémoré cette année le 70ème anniversaire de la création de la division SS Halychyna (désormais 1ère division ukrainienne), qui a combattu dans les rangs des Allemands lors de la bataille de Brody (juillet 1944).

JPEGCommémoration du 70ème anniversaire de la création de la division SS Halychyna, Ukraine, le 21/07/13 (Crédit : Louis Monnier)

Tout commence par une messe gréco-catholique auprès du monument érigé sur le mont Jbyr, un revers de côte qui domine la plaine, à la mémoire des divisionnistes ukrainiens qui y attendaient de pied ferme l’armée soviétique pour retarder sa progression dans la reconquête de l’Ukraine.

Des milliers de soldats sont tombés là, des milliers de civils se sont terrés sous les bombardements et beaucoup y ont péri… Les souvenirs des survivants sont terrifiants. Mais rien ne transparait plus dans cette manifestation où se pressent quelques anciens de la division, des nostalgiques, avec femmes et enfants, des militants de Svoboda portant la chemise brodée ukrainienne et quelques curieux des environs.

JPEGLe mont Jbyr (Crédit : Louis Monnier)

Les discours des autorités (maire, président des anciens de la division…) se succèdent tous plus enflammés les uns que les autres, clôturés par celui d’Iryna Sekh, députée de Brody au Parlement national et figure de Svoboda. Un chanteur "engagé" entonne ensuite des chants patriotiques, suivi d’un groupe formé de quelques anciens "Upistes", ces anciens membres de l’armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA).

Discours, gerbes et sigle SS

Tout ce beau monde ne doute pas un seul instant de la grandeur du combat mené par la division SS et sans aucune attention à tous les méfaits qu’elle a pu commettre, notamment la destruction complète du village de Huta Pieniacka et de son millier d’habitants, le mitraillage de 365 habitants d’origine polonaise de Palykorovy en 1944, son entrainement en France contre les maquisards, sa chasse des partisans biélorusses, sa participation à la destruction du ghetto de Varsovie, etc.

Ce qui compte avant tout, c’est qu’elle a voulu "libérer l’Ukraine" des bolcheviques et du communisme, mais en semblant oublier que c’était au profit des nazis et du nazisme !

Une fois les gerbes déposées et les discours prononcés, ponctués d’un "Vive l’Ukraine ! Vive les héros !", les participants rejoignent les cars affrétés à cet effet et partent pour le lieu suivant : Pidhirtsi, autre point de la côte dominant la plaine et où se dresse un tumulus planté d’une croix et entouré de quelques tombes.

JPEGLe cimetière-mausolée de Tchervone (Crédit : Louis Monnier)

Nouvelle messe, nouveaux discours, nouveaux chants et nouveau départ pour la dernière et majeure étape : le cimetière de la division à Tchervone. Là sont enterrés ceux qui ont péri dans la bataille et ont été identifiés. La foule est cette fois beaucoup plus conséquente. Il semble que l’on soit venu de plus loin, les autorités viennent de la capitale régionale, Lviv, qui est à une soixantaine de kilomètres.

Il est prévu d’ensevelir, avec tous les honneurs, deux dépouilles de soldats de la division retrouvés récemment sur les lieux de la bataille. Cela se fait en grande pompe, sous l’égide des plus hautes autorités religieuses uniates, en présence d’une foule bigarrée.

Les dépouilles sont escortées par des figurants revêtus des uniformes allemands correspondant à ceux que portaient les divisionnistes et, après la bénédiction des cercueils, une salve d’honneur est tirée par deux soldats en uniformes allemands ornés du sigle SS sur leur col.

JPEGAu cimetière de Tchervone (Crédit : Louis Monnier)

"Qui sont les Nôtres ?"

Impression bizarre, émotion mais uniquement personnelle, tout parait très normal aux présents ! Mais le clou du spectacle est à venir : la reconstitution jouée par une troupe de cascadeurs (russes parait-il, ce qui est un comble pour des nationalistes ukrainiens !) de la bataille elle-même.

Il faut rappeler qu’elle a duré trois jours et mis aux prises 15.000 divisionnistes SS (dont la moitié est restée sur le champ de bataille) et le double de troupes soviétiques. La foule apprécie cette agréable réjouissance, avec musique et commentaires diffusés par haut-parleurs, jeux pour les enfants, buvette, vente de souvenirs… Et de s’esclaffer devant la pantalonnade, comme devant un quelconque combat de catch, "Vas-y ! Mets-lui un coup dans le foie" !

Au premier rang, cinq gamins de 6 à 10 ans s’interrogent pourtant : "Qui sont les Nôtres ?" Sous-entendu "Qui sont les Ukrainiens ?" Or, des Ukrainiens, il y en avait dans les deux camps et parmi les spectateurs présents, tous ou presque avaient eu un membre de leur famille dans le camp soviétique (baptisé ici "bolcheviques" pour insister sur l’armée du "Mal" en ces temps très "anti-communistes/ anti-bolcheviques"), mais pas forcément dans celui des divisionnistes SS revêtus de l’uniforme allemand ! D’où l’embarras des parents, "Ici il n’y a pas ’les Nôtres’ et ’les Autres’", et la perplexité des enfants…

Une mémoire tronquée, un présent incertain

Comment peut-on donner de la tragédie de cette guerre une vision aussi grotesque et humiliante pour ses victimes, aussi partiale et peu éclairante pour leurs descendants maintenus dans une ignorance coupable ?!

Svoboda a un très bon ancrage dans l’ouest de l’Ukraine. Pendant les trois mois que j’ai passé dans cette région du pays, j’ai pu constater à quel point ce parti, avec le soutien non négligeable de l’Eglise gréco-catholique, imposait sa vision de l’histoire de la guerre et de ses suites en URSS jusqu’au début des années 1950, dans le seul but de discréditer "l’occupation bolchevique" et de glorifier l’action de ses "combattants de la liberté" que furent les membres de l’armée insurrectionnelle ukrainienne et les soldats de la division SS.

Chemin faisant, non seulement la Seconde Guerre mondiale n’est guère plus commémorée, ses monuments vandalisés, abandonnés ou récupérés à d’autres fins, mais en plus est éliminé tout ce qui pourrait entacher la réputation des "nouveaux héros". Or ceux-ci ont laissé dans les mémoires le souvenir d’atrocités perpétrées contre la population civile qui ne les avait pas soutenus, des Ukrainiens mais aussi des Polonais. Quant aux Juifs, pourtant très nombreux dans la région, victimes de la Shoah par balles et des déportations de masse auxquelles les Ukrainiens sur place ont assisté, voire participé, ils se sont "évanouis" dans les mémoires et il n’en reste que quelques traces en voie de disparition.

Aujourd’hui, les quelques témoins survivants sont condamnés au silence et ne disposent d’aucuns moyens, d’aucun soutien pour pouvoir exprimer leur opposition. Aujourd’hui les drapeaux de Svoboda flottent dans les manifestations pro-européennes à Kiev. Pourtant, il reste du chemin à parcourir avant de faire partie de l’Europe !

Louis Monnier
Tiré du blog du Nouvel Observateur

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