Rencontre exceptionnelle à Vénissieux
Grèce : la situation n’est pas révolutionnaire... mais tout peut changer Prokopis Panagoulias membre du KKE – parti communiste de Grèce

, par  Prokopis Panagoulias , popularité : 2%

Chers camarades chers amis, au nom de mon parti je vous remercie pour l’invitation.
Je vais essayer de vous apporter des bribes d’informations sur la situation actuelle et essayer de développer notre réflexion sur des points de débats idéologiques et des débats de stratégie politique sur les questions posées par l’organisation de la réunion de ce soir.

Les questions : Comment faire la rupture et sortir du capitalisme. Quelle est la position d’une éventuelle sortie de l’union Européenne, si on veut sortir du capitalisme. Le tout, lié dans la question de fond qui est, comment sortir le peuple grec et les peuples européens de la crise actuelle.

Récapitulatif de la situation que vit la Grèce depuis mai 2006.

Nous vivons une attaque sans merci qui touche le niveau de vie des travailleurs. La crise, d’après mon parti, sert de prétexte pour faire baisser les salaires, les retraites, qui abolissent les droits du travail et des conventions collectives, qui font flamber le chômage. Le dernier chiffre historiquement plus haut, c’est celui de novembre 2011 : 20, 09% de chômeurs. Plus d’un million de grecs sur 11 millions d’habitants sont de chômeurs.

Certes le capitalisme vit une crise mondialisée, et les capitalistes grecs et européens veulent préserver leur profitabilité sur le dos des travailleurs.

Quelques dernières informations, le gouvernement grec, PS et Droite ensemble, ont négocié et signé avec la Troïka un accord, qui prévoit une décote de la dette grecque, détenue par le secteur privé de l’ordre de 53%. La dette s’élève à 400 milliards d’euros et il y aurait une décote de 200 milliards d’euros environ, pour que la Grèce puisse obtenir un nouvel emprunt.

- En contre-partie, il y aurait des nouveaux sacrifices pour les travailleurs.
Le smic du privé baissera de 22%, pour passer de 750 € à 580 € bruts. C’est-à-dire 510 € net à peu près. Et le smic de moins de 25 ans, sera de 10% de moins, correspondant à la somme de 400 € net par mois.

- Cette baisse qui est rentrée en vigueur le 1er mars a un effet rétroactif. Le patronat peut unilatéralement diminuer tous les salaires de 22%. Cette baisse, donc, va entrainer aussi la baisse du calcul des retraites et de l’indemnité chômage, qui s’établira entre 300 et 350€ environ.

- Il y aura également une baisse de retraites de basse et de retraites complémentaires, (pour lesquelles les salariés ont cotisé –volontairement).
Il faudrait aussi qu’il y ait 15000 licenciements presque immédiatement, dans le secteur public élargi. Il s’agirait des entreprises d’utilité publique avec la participation de l’Etat. Comme les trains, plusieurs banques, l’électricité…
La situation est dramatique pour le peuple grec et les couches les plus fragiles.
Ce qui s’est passé ces deux dernières années.

Il y a eu beaucoup de théories qui ont essayé d’exonérer la communauté européenne, d’être la cause de la crise.

Mon parti a combattu toutes ces théories. Par exemple il y a une théorie qui dit que la crise est seulement une crise financière. Ce n’est que le jeu des banques et de la bourse.

Pour nous, la crise touche tous les secteurs de l’économie et surtout la production. Pour nous il s’agit à la base d’une crise de surproduction. Cà, on ne sort pas de Marx et du Capital, c’est nos classiques qui le disent. Les usines ferment, la production n’est plus celle qu’elle était auparavant.

Des théories comme celles du parti de la gauche européenne, disent que la crise est provoquée par le libéralisme, c’est-à-dire par une façon de gouverner. Or pour nous, la crise est provoquée par le capitalisme. Qui est un système de production anarchique, cherchant le profit le plus facile, qu’il soit dirigé par des gouvernements libéraux ou par des gouvernements sociaux-démocrates. En Grèce c’était Papandréou du parti socialiste qui a été le premier à instaurer les mesures antipopulaires. Aujourd’hui c’est Sarkozy, demain, ce sera peut-être Hollande. Mais, tous pareils. Tous sur la même politique.

Il y a aussi des théories qui demandent plus de régulations de marché. Il faut relativiser un peu car à un moment donné, même au sein du capitalisme, c’était possible. C’était l’époque des années ‘50, ’60, ‘70, avec l’Union soviétique en face, de partis communistes forts dans les pays de l’Europe occidentale, où on pouvait négocier avec le capital. Les travailleurs pouvaient obtenir des acquis…

Le parti communiste de Grèce combat également des théories de retour à la monnaie nationale. C’est là où je voudrais écouter Jacques Nikonoff.

Notre point de vue. Une sortie de l’euro, sans sortie de l’Union européenne et sans prise du pouvoir par le prolétariat, ne fera que soutenir le capital dit « national ». C’est-à-dire un capital qui est basé en Grèce aujourd’hui et non pas le capital des armateurs, ou des banquiers qui est le plus souvent basé en Suisse ou en Angleterre.

Je vous rappelle qu’en Suisse, dans les comptes en banque des Banques suisses, il y a 600 milliards d’euros détenus par des grecs. C’est-à-dire, bien plus que la dette du pays.

Nous pensons que sortir de l’euro, ça va donner une drachme qui sera dévaluée par rapport à l’euro, de l’ordre de 60%, c’est-à-dire il va rester environ 40% de la valeur initiale.

Le profit ira aux armateurs et tous ceux qui ont leur argent dehors. Et qui vont acheter avec leur livre sterling ou avec l’euro en Grèce.

Quel est le point de vue de mon parti sur la crise actuelle.

Nous pensons que la gestion budgétaire de tous les gouvernements depuis la guerre, a été de soutenir les monopoles. L’état s’est endetté, la dette s’est créée, des emprunts ont été pris, pour faire travailler les entreprises de construction, pour les infrastructures, pour les ports et pour les armateurs, et à tous les autres monopoles qui n’ont fait qu’augmenter leurs profit, pendant 60 ans.

L’état a dépensé un budget exorbitant pour l’armement et pour des missions dites « humanitaires ou de pacification », en Bosnie Herzégovine, en Afghanistan…et j’en passe. Depuis la guerre de Corée on participe à des missions dites « humanitaires », qui ne servent pas à défendre les frontières nationales, mais, les plans de l’Otan et les plans de l’impérialisme.

L’entrée de la Grèce à l’Union européenne, et l’union monétaire, a été fatale, parce qu’elle a causé le rétrécissement des plusieurs secteurs de l’économie, qui ont subi la concurrence, que ça soit le textile, le prêt à porter, les métaux, le chantier naval.
Et énormément d’importations même des produits agricoles, alors que la Grèce avait un excèdent de production en ’81. Maintenant on importe même des patates…
Les termes d’obtention des emprunts qui ont été de plus en plus aggravés, est finalement la vraie cause, pourquoi, maintenant la Grèce, et non pas il y a 5 ans. Pourquoi, parce que la crise capitaliste, elle est mondiale. Elle est mondialisée, elle a commencé en 2008 aux États-Unis, et la Grèce c’est le maillon faible, dans les pays en périphérie, qui seront touchés plus tôt et de façon plus grave que les pays puissants.

Alors, est-ce qu’un mouvement de résistance populaire peut déboucher à une rupture politique ?

La situation n’est pas pour l’instant révolutionnaire en Grèce. Les classes dominantes sont toujours fortes. Elles ont l’armée, elles ont la police, elles ont l’Union européenne, l’OTAN, donc, elles peuvent encore dominer. Je ne sais pas pour combien de temps encore, car les classes dominantes, peuvent encore pour peu de temps supporter les mesures qui sont prises.

Il y a la solidarité familiale en Grèce. Les gens étaient assez économes, ils ont quand-même quelques économies, mais avec la baisse des salaires, l’augmentation de la TVA qui a atteint 23%, et avec des nouveaux impôts et taxes qui se sont mis en place depuis 2009, les travailleurs ont perdu plus de la moitié de leur revenu que ça soit par réduction des salaires ou par augmentation des impositions.

Jusqu’à quand ? On verra. Pour l’instant ça a l’air de tenir, il y aura des élections en avril-mai, il y aura peut-être des nouveaux partis qui prendront la place du PS. Des partis un petit peu plus à gauche, ou avec un discours plus à gauche, mais qui auront toujours cette même politique sociale-démocrate, qui vont servir de leurre pour trainer un peu plus de voix qui pourraient aller vers le parti communiste de Grèce. Des partis réformistes.

Nous, nous travaillons sur le terrain. Nous ne cherchons pas l’union de la gauche, mais l’union de la classe ouvrière.

Nous travaillons dans les quartiers, nous travaillons dans les lieux du travail, là où le salarié affronte le patron. C’est l’endroit où se développe la solidarité de classe, la lutte de classes, la confrontation directe avec le capitaliste et l’opportuniste.
Nous travaillons aussi dans les lieux de vie, les quartiers populaires, les petites villes, les villages.

Nous essayons de créer des comités de lutte par problème, ou des comités plus larges, des comités populaires par ville.

On est une sorte de noyau où la classe ouvrière recherchera son unité et apprendra le combat.

Nous avons fait le choix depuis ’91, depuis la scission de mon parti, de combattre radicalement tout ce qui est social-démocrate et tout ce qui est opportuniste.
Que ce soit le PS, ou Syriza ou le parti de la Gauche démocratique (un nouveau parti venant de la scission de Syriza) qui sont membres du parti de Gauche européenne.

Nous ne participons pas au parti de gauche européenne. Nous le combattons. Nous considérons que ce parti accepte l’Union européenne de par son financement et de par l’acceptation de son fonctionnement. Ce qui sert finalement pour faire passer un message qui est trompeur pour le peuple c’est-à-dire, qu’il peut y avoir une Europe sociale même si c’est le capital qui détient les moyens de production.

Je vais aborder la question « une révolution est-elle "facile" dans un seul pays ou dans les 27 ensemble ».

Certes, dans les 27, ce serait beaucoup plus facile ! Mais s’il y a un parti qui commence, nous nous comptons aussi sur un mouvement populaire, qui sera fort dans les pays de l’Europe occidentale.

Nous aimerions bien qu’il y ait un mouvement fort en France, en Allemagne, en Italie, en Grande Bretagne, un mouvement populaire qui pourrait nous soutenir. Qui pourrait faire pression sur les gouvernements.

Ici en France, c’est un pays avec de vieilles traditions combatives qui commencent à la révolution française, pour ne pas dire avant. C’est un pays qui a vécu sous des barricades, et ça il ne faut pas l’oublier. Même si les choses ont changé, la mémoire collective reste. Même si on a perdu les traditions, tout peut reprendre.

Ce que nous voulons, c’est condamner en même temps les libéraux et les sociaux-démocrates. Condamner en même temps le PS et la droite. Pour nous, c’est la même chose. De condamner les syndicats qui jouent un rôle très souvent, (pour ceux qui sont membres de la CES et de la CIS surtout)…

Ça je pense que ça peut être un noyau de la résistance populaire, dans les pays de l’Europe occidentale, c’est par là que ça peut repartir.

Rejeter le sarkozysme et la droite, tout le monde peut le faire. Mais, faire la rupture avec cette politique binaire, il n’y a que le vrai parti communiste qui peut le faire.

Je finis en reprenant ce que j’ai dit tout à l’heure, que la situation n’est pas révolutionnaire. Les temps sont durs en Grèce, la peur de survie s’installe, les situations de crise, peuvent déboucher sur des révolutions socialistes, mais aussi sur des dictatures, ou le fascisme.

Notre lutte en Grèce continue à être celle de l’organisation de la classe ouvrière, en jouant le rôle d’avant-garde, mais on ne sait jamais, comment les choses peuvent-elles évoluer.

Elles peuvent évoluer, on l’espère, on y travaille pour, dans le bon sens. Lénine en 1916, écrivait que ce qu’on dit aujourd’hui, ce qu’on écrit, sera peut-être vécu par nos enfants ou par nos petits- enfants. Et un an plus tard, en 1917, les soviets avaient le pouvoir en Russie.

Tout peut changer.

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