Un Congrès du PCF qui a besoin d’un débat sur le fond, quelques questions incontournables…

, par  communistes , popularité : 3%

Une réflexion pertinente sur les enjeux du 39e congrès du PCF, écrit par Danielle Bleitrach et extrait du blog « Histoire et société ».

Si le 39e Congrès n’aborde pas un certain nombre de questions aujourd’hui quasiment interdites dans le débat interne du PCF – par exemple le frexit et l’UE, le socialisme, le bilan du socialisme, la Chine, etc… – cela sera un congrès pour rien dans lequel la droite du parti aura réussi un dévoiement de plus autour de la seule question d’un candidat communiste à la présidentielle ou un candidat d’union. Par rapport à la crise multiforme qui est celle de l’incapacité du capitalisme à faire face aux défis de notre temps, il y a la profonde crise des formes démocratiques dans lesquelles il tente de maintenir son hégémonie et une politique destructrice. C’est pourquoi comme pour le 22e Congrès, la question centrale reste celle de la démocratie et du socialisme « à la française » ; simplement il y a eu les expériences socialistes, mais aussi celle de vingt ans de contre-révolution et les défis d’aujourd’hui, il est temps de tirer le bilan. Il est temps à partir de ce bilan de poser le problème du parti communiste dont notre pays et les classes populaires ont besoin.

Le champ politique et sa rupture avec l’électorat ou le parti révolutionnaire

Avoir un candidat communiste à l’élection présidentielle est une donnée essentielle autour de laquelle dès aujourd’hui paraissent se cliver les positionnements. L’argument de ceux qui s’y opposent est le même qui aboutit au vote utile et que soit entretenue aux États-Unis une atmosphère de guerre civile entre républicains et démocrates. C’est le même argument qui veut que l’électorat américain n’ait à choisir des politiques qu’entre également d’interventionnisme et de pillage à l’extérieur, entre Trump et Biden jusqu’à l’émeute et au meurtre. Et ceci faute d’une véritable alternative politique. Il est d’ailleurs tout à fait logique que les mêmes adoptent un positionnement « sociétal » qui nie la dimension de classe pour ne la présenter qu’irréductiblement divisée en communautarismes inconciliables.

C’est pourquoi cette candidature communiste à la présidentielle est incontournable, par rapport à l’effacement du parti du champ politique français qu’a connu le PCF avec la candidature Mélenchon. Fabien Roussel a raison de noter la spécificité des élections présidentielles et législatives, élections nationales et cela désigne le rôle de la nation dans cette crise. Mais il note également une nécessaire réforme, sans toutefois procéder totalement à la dénonciation de ce champ politique. Il faut aller plus avant dans le dénonciation, dans son radicalisme, il faut dire que ce champ politique est tel que le constituent des institutions anti-démocratiques, celles de la Ve République faites exclusivement pour minoriser un parti révolutionnaire, un parti de la classe ouvrière qui ne peut exister que dans une toute autre logique. Alors est-ce qu’aller vers le parlementarisme est suffisant ?

Donc la nécessité d’une candidature à la présidentielle n’est pas une question secondaire, simplement c’est la pointe de l’iceberg et la vraie question est justement celle de ce parti révolutionnaire parce que lui seul pose la nécessité d’en finir avec la classe capitaliste elle-même. Rien ni en matière de santé, d’environnement, d’éducation, d’emploi, ne se fera sans la remise en cause du profit qui est le nerf du capitalisme arrivé à son stade monopoliste financiarisé. Parce que seul ce parti communiste a la paix pour objectif, parce qu’il récuse celui des marchands d’armes et des conquêtes capitalistes de ressources et de clients.

Si l’on évite ce fondamental du parti révolutionnaire, les débats seront biaisés. On se retrouve immanquablement dans la même démarche que celle de tous les autres partis jouant entre effacement et coalitions de sommet. Avec le constat d’une inadéquation entre les classes populaires et les partis en question. Tous les partis dénoncent cette situation, y voient la cause de l’abstention et de leurs difficultés. Un tel constat peut être même utilisé pour des jeux de tendance au sein des partis, une manière d’attaquer l’autre tendance, un combat de chefs. Il est frappant que ce petit jeu soit à l’œuvre à peu près dans tous les partis de l’extrême-droite à la France insoumise, avec pour ce dernier la découverte, oh ! miracle, que le rôle de minorités boboïsantes aurait empêché de rallier les classes populaires et de tenir compte de la nation. On pourrait en dire autant du PCF du moins de ce que les dernières directions depuis Robert Hue ont imposé comme ligne en accélérant la désorganisation vers la social-démocratisation.

Donc si nous en demeurons là, nous risquons de fourvoyer les débats du Congrès et nous retrouver avec la représentation du politique qu’imposent nos institutions, le « réalisme » tient à l’électoralisme. C’est-à-dire au fait que dans une élection on ne refait pas le terrain, on l’utilise. Et depuis pas mal d’années pour le PCF, il s’agit de « sauver les meubles », ce qui n’a rien de condamnable au contraire, mais qui ne saurait constituer un but stratégique.

Pas de parti révolutionnaire sans stratégie révolutionnaire

Le but stratégique est essentiel pour un parti révolutionnaire, « abandonner le capitalisme » est un pas en avant, mais étant donné que celui-ci nous colle à la peau, contraint tous nos actes, « l’abandon » désigne ou devrait désigner un but et une démarche exigeant beaucoup de volonté politique. Nous ne sommes pas comme dans l’élection devant une demande, à laquelle l’offre doit correspondre, mais bien devant la nécessité de la transformation.

Ce que nous avons esquissé jadis comme le socialisme pour la France, en insistant sur un chemin original mais qui ne pouvait ignorer ni notre histoire, ni celle d’autres expériences socialistes.

C’est de cela dont les classes populaires, les travailleurs dans l’entreprise ont besoin et pas de ce que peut leur apporter déjà un syndicat qui a d’ailleurs le plus grand mal à exister et à conserver son unité s’il n’y a pas cette perspective politique qui s’appuie sur des acquis, des batailles pour l’emploi, mais ont besoin du politique dans son apport spécifique.

Sans ce parti au plan interne nous sommes stérilisés par les tendances et les factions cherchant à prendre leur revanche. J’ai dit en débutant que si le 39e Congrès n’aborde pas un certain nombre de questions aujourd’hui quasiment interdites dans le débat interne du PCF – par exemple le frexit et l’UE, le socialisme, le bilan du socialisme, la Chine, etc… – cela sera un congrès pour rien dans lequel la droite du parti aura réussi un dévoiement de plus autour de la seule question d’un candidat communiste à la présidentielle ou un candidat d’union. Parce que ce qui fait que l’on évite ces questions est une logique de tendance où pour conserver des alliés, on ne pose pas les questions qui risquent d’entraîner les divisions, quelles que soient leur importance dans l’élaboration d’une stratégie.

Ce fonctionnement en tendance est le véritable obstacle à avoir un parti dont les exploités, les classes populaires ont besoin, parce qu’ils ont besoin de tout sauf de divisions et de confusions. En revanche, ils ont besoin de participer à l’élaboration de cette perspective, que la diversité des approches soit un enrichissement, la démocratie qui permette cela est à créer, mais ce dont on peut être sûr, est qu’elle doit rompre avec ce qui se fait aujourd’hui et sur un point essentiel, en finir avec les profits comme but et moyen.

Il faut reconstruire le lien, mais comprendre aussi la nature d’un tel lien. Les classes populaires n’ont pas besoin d’un parti qui deviennent un amateur de sondage ou d’enquête sociologique, qui croit avoir renoué avec les masses en allant avec un questionnaire interviewer les « gens » comme c’était la mode il y a peu… mais il faut oser le dire d’une avant-garde.

L’avant-garde préfigure une autre démocratie

Ce terme est apparu comme le comble de l’anti-démocratie, ce qui a peu à peu été désigné comme « le stalinisme », nous ne devions plus imposer une volonté aux « gens », mais aller les écouter…

Écouter mais aussi dialoguer en permanence, est une donnée essentielle de l’avant-garde, sa nécessaire démocratie sans laquelle elle n’est plus avant-garde, mais bureaucratie digne de celle qui s’est installée à Fabien et dans bien des fédérations et qui règne en maître dans toutes les social-démocraties. Cette bureaucratie transforme les militants en adhérents et ceux-ci en mouvement. Ils peuvent toujours causer mais rien ne débouche sur l’action, un petit groupe au somment prend dans l’unité ou les divisions les décisions parfois contradictoires, elle dépossède ceux qui se sont engagés de leur capacité d’intervention, comme cela se passe dans la vie politique du pays… Ce qui importe c’est le passage dans les médias et discours, les interventions sont conçues pour cette audience. Les adhérents intériorisant leur incapacité et finissant par tout subordonner à l’injustice médiatique qui n’offre pas de tribune à leur chef. Ce qui n’a rien que de normal vu à qui ils appartiennent. Mais ce qui disparait c’est la capacité d’un parti révolutionnaire d’imposer son ordre du jour.

Il y a une autre démarche, celle qui constitue à privilégier la capacité du parti lui-même, cette démocratie de l’avant-garde réside dans le lien avec le peuple, la classe ouvrière, en tenant compte du militant (pas seulement adhérent) et des organisations, syndicats, associations.

La démocratie de l’avant-garde n’est pas combat de chefs, mais débats sur le fond à partir de ce contact avec la réalité. L’avant-garde tient simplement compte d’une réalité incontournable pour qui veut résister et conquérir, à savoir que tout le monde n’est pas révolutionnaire y compris chez les exploités. Seulement une minorité est prête à sacrifier sa vie, donc cette avant-garde doit se constituer et doit le faire dans le but de rassembler tous ceux qui ont intérêt au changement mais ne sont pas prêts à être à l’avant. Il n’y a pas d’avant-garde sans cette volonté de rassembler autrement il y a l’opportunisme social-démocrate et le gauchisme aventurier, l’un et l’autre vont ensemble.

Mais il faut que cette avant-garde soit formée, organisée, qu’elle ait conscience de ses buts et de ses moyens pour dépasser les divisions internes, en faire un facteur d’enrichissement et pour développer l’initiative populaire. Gramsci parle d’intellectuel collectif et identifie « le parti » au prince de Machiavel.

Les classes populaires n’ont pas besoin d’une version de plus de la social-démocratie, de dirigeants qui retrouvent les errances de Bernstein sur le caractère automatique de l’instauration du communisme, leur condition se dégrade de jour en jour. Si les chiffres sont exacts, aujourd’hui 57% de la population française est susceptible de chuter dans la précarité. La diversité de ses appartenances est intéressante, il y a les chômeurs, mais aussi un grand nombre de salariés, parmi eux les familles monoparentales, des femmes qui sont également nombreuses dans les bas salaires, des étudiants, tout un public qui est de plus plus demandeur de secours. L’épidémie a aussi ce visage comme celui de la destruction de l’hôpital, des travailleurs en première ligne, etc… Il ne suffit pas de leur dire que les communistes sont proches d’eux, ça il y en a d’autres pour l’affirmer, il faut un parti capable de recréer cette proximité autrement que sous forme d’une « clientèle » électorale ou même d’un supersyndicat. Pourtant il est très dur de reconstituer la confiance, il faut une volonté politique, une permanence dans l’effort, une organisation. Il ne faut pas se contenter de défaitisme, il faut faire connaitre ce qui se fait, partager pour aider, des directions sur le terrain et ça c’est un parti à construire sans rumeur ni censure, une autre manière déjà de mener le Congrès.

Il ne faut pas négliger non plus nos atouts : les communistes conservent une image populaire, il y a le souvenir de dirigeants défendant le peuple comme Georges Marchais, même si depuis 20 ans tout à été fait pour effacer cette histoire au plan national et plus encore au plan international où le PCF a relayé toutes les ignominies du capital sur le « totalitarisme ». Il y a nos élus qui ont bonne réputation et nos militants qui continuent à être un des rares partis sur le terrain. Il ne faut pas négliger ces atouts, simplement il faut se dire qu’ils ne suffisent pas à être la base d’une reconstitution du PCF.

L’effort doit être beaucoup plus important, il doit être l’objet du débat du 39e Congrès. Aucune question ne doit être éludée… Et y compris celles qui aideront à comprendre pourquoi il y a eu des partis révolutionnaires qui ont résisté et d’autres qui ont été incapables de défendre la démocratie, sous quelque forme que se présente cet échec.

Danielle Bleitrach

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