La nouvelle guerre froide n’arrêtera pas le déclin américain Une analyse de Jacques Martin, ancien chercheur de Cambridge

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Résumé en quelques lignes claires, l’absence d’analogie entre la précédente guerre froide et celle d’aujourd’hui, alors que les États-Unis tentent de répéter la stratégie qui leur a permis de vaincre l’URSS ; la Chine a tiré les leçons de l’histoire. Le monde a changé. Mais le danger est là parce que les USA ne l’acceptent pas et leur désespoir coïncide avec celui d’un président aux abois (note et traduction de Danielle Bleitrach).

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Pourquoi l’attitude américaine envers la Chine a-t-elle changé si profondément ?

Les origines se trouvent dans la crise financière de 2008. La période relativement stable et bénigne des relations américano-chinoises entre 1972 et 2016 était étayée par deux hypothèses américaines.

Premièrement, la Chine ne représenterait jamais une menace pour la domination économique mondiale des États-Unis ; et deuxièmement, la montée en puissance de la Chine deviendrait insoutenable, à moins qu’elle n’adopte un système politique de style occidental.

Aucune de ces deux choses ne s’est produite.

Au contraire, la crise financière a eu lieu aux États-Unis, pas en Chine, et le système politique chinois s’est révélé très efficace et durable. La crise de 2008 a conduit à saper le soutien de l’élite dirigeante américaine à sa politique antérieure envers la Chine. Une humeur croissante d’angoisse hégémonique concernant la Chine s’est installée aux États-Unis. La Chine était de plus en plus perçue comme une menace pour la domination mondiale des États-Unis, un processus qui a abouti à l’élection du président américain Donald Trump en 2016 et à considérer la Chine comme l’ennemi.

Il est parfaitement clair que les États-Unis ne peuvent accepter aucune menace contre leur hégémonie mondiale. Pour les États-Unis, être le numéro un, est considéré comme essentiel à leur ADN. Mais c’est une position insoutenable.

Les États-Unis sont en déclin relativement rapide. Ce pays ne peut plus jouir d’un monopole de primauté dans le monde. Il est cependant déterminé à résister à toute diminution de son autorité. Nous sommes entrés dans une période dangereuse, volatile et imprévisible alors que les États-Unis cherchent à tout prix à résister à l’inévitable.

En conséquence, nous ne pouvons plus tenir la paix mondiale pour acquise. La paix mondiale est menacée pour la première fois depuis la guerre froide. En outre, la crise du COVID-19 entraînera sûrement un transfert de pouvoir encore plus important des États-Unis vers la Chine qu’après 2008. Cela pourrait entraîner une réponse américaine encore plus désespérée. Tant que les États-Unis n’auront pas accepté la nouvelle réalité – qu’ils doivent partager la primauté avec la Chine – la situation mondiale sera très instable. Les puissances impériales en déclin ont beaucoup de mal à accepter leur position réduite, comme le montre la Grande-Bretagne depuis 1945. La même chose est vraie avec les États-Unis, mais d’une manière beaucoup plus dramatique et dangereuse.

Nous sommes déjà dans une nouvelle guerre froide – dans le commerce et la technologie et, comme le montre la fermeture du consulat chinois à Houston, dans la diplomatie. Les déclarations récentes du secrétaire d’État américain Mike Pompeo équivalent à la déclaration d’une nouvelle guerre froide contre la Chine. Les États-Unis ont ouvert de nombreux fronts contre la Chine.

Ce qui est profondément inquiétant, c’est l’imprévisibilité, la volatilité et le désespoir de Trump. Poussé par sa peur de perdre l’élection présidentielle de novembre, Trump voit que rien n’est sûr en ce qui le concerne. Tout est possible.

Cette guerre froide ne sera pas une reprise de la précédente entre les États-Unis et l’Union soviétique. Dans l’ancienne guerre froide, les deux pays vivaient dans des mondes presque entièrement séparés, dans des compartiments hermétiquement fermés, qui, économiquement, par exemple, avaient très peu de liens l’un avec l’autre. Tout comme les faucons de l’administration Trump qui voudraient réinventer un tel monde au moyen d’un découplage économique complet, cela les dépasse.

De plus, il est clair que dans l’économie mondiale intégrée d’aujourd’hui, la Chine est un acteur économique plus important que les États-Unis. Alors que dans l’ancienne guerre froide, l’Union soviétique était toujours beaucoup plus faible économiquement que les États-Unis, la situation est complètement différente aujourd’hui, la Chine prenant déjà le dessus sur des points clés et, plus important encore, en forte augmentation par rapport à des États-Unis en déclin.

Il existe une autre différence importante entre les deux guerres froides. A tort, l’Union soviétique a cherché à concurrencer militairement les États-Unis, une stratégie désastreuse étant donné qu’elle était beaucoup plus faible économiquement que ces derniers. La Chine n’a pas commis – et ne commettra pas – cette erreur. Quoi que les États-Unis dépensent, la Chine dépensera beaucoup moins – en concentrant ses ressources sur la défense de ses propres frontières et de son territoire. Et à long terme, la puissance économique l’emporte invariablement sur la force militaire.

Tiré du site GlobaltimeTraduction Danielle Bleitrach sur son blog Histoireetsociete

L’article est un extrait de la conférence webinaire de Martin Jacques le 25 juillet intitulée « Une nouvelle guerre froide contre la Chine est contre les intérêts de l’humanité ». Jacques est ancien chercheur principal au Département de politique et d’études internationales de l’Université de Cambridge. opinion@globaltimes.com.cn

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