Cette dernière a écrit la longue préface, 26 pages, de cet ouvrage qui a de fait été censuré, pour les lecteurs francophones, pendant 35 ans.

L’auteur Christopher Simpson, s’est obstiné pendant des années à faire ouvrir le "fonds" des services de renseignements américains (CIA...) et de leurs ministères de tutelle. Il en ressort qu’à partir de fin 1945 les "services américains" ont massivement accueilli, recruté, les criminels de guerre nazis allemands ainsi que de tous les pays ayant collaboré (Lettonie, Ukraine... et aussi russes de la "Division Vlassov"). Des milliers ont été formés aux USA et en Allemagne (occupée au début), puis utilisés dans des opérations dans les pays de l’Est et URSS, parfois dans des guerres clandestines (Ukraine 1946 à 1951 : 35.000 morts soviétiques) dans une stratégie qualifiée de "Politique de libération du bolchevisme" concept puisé "dans l’arsenal sémantique du 3ème Reich" dit l’auteur.

Même les militants anciens qui ont pu lire "Gehlen (1) le général gris" écrit par Alain Guérin en 1968, tomberont de l’armoire à la lecture de ce livre. A plusieurs reprises, Simpson revient sur le palmarès de Gehlen.

On retiendra aussi une bonne place réservée au Vatican et dans les moyens mis en œuvre pour créer et financer la filière d’évasion (2) des nazis vers le continent américain en particulier le Sud.

Il est impossible de résumer les 450 pages de ce livre. Je retiendrais le cas de la Grèce ou, en 1947, les anglais ont retiré leurs troupes. Immédiatement les "Services américains" ont pris le relai pour ne pas laisser la gauche, alors fortement communiste, emporter la victoire électorale. Pour cela les USA ont eu recours au "Lien sacré des officiers grecs" organisation qui s’était mise au service des nazis pendant l’occupation et avait liquidé 70.000 juifs. L’argent, les armes US ont permis de fournir l’équipement de 15.000 combattants d’extrême droite dans la guerre civile qui a suivi. C’est de cette force qu’a surgi le colonel Papadopoulos (3) qui a réussi un coup d’état en 1967 et pris le pouvoir.

A la page 365 apparait le "SS Sturmbanfuhrer" Aloïs Bruner envoyé, par la CIA, en Égypte en 1953 quand la monarchie du roi Farouk s’effondrait. Les "officiers libres" de Nasser risquaient d’être favorables à l’URSS ! Pour mémoire Aloïs Bruner était condamné à mort, par contumace, en France, pour avoir nettoyé Nice et sa région des juifs. Le centre Simon Wisental estime que Bruner est personnellement responsable de 125.800 morts.

Il faut lire ce livre pour connaitre ce pan de l’histoire et comprendre ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine.

Jean Pierre Basset

Le boomerang américain, édition Delga, 29 euros. Imprimé en Mars, il peut ne plus être en rayon, à commander.

1) Le hasard a fait que samedi 26 août à 13h17 France Inter a passé Gelhen dans l’émission "Espions, une histoire vraie". C’est en accès libre sur internet. Au début on entend la voix de Alain Guerin opposé à Constantin Melnik. L’anticommunisme filtre à plusieurs moments, par ex sur "l’expansionnisme soviétique". Or L’URSS s’en est tenue strictement aux accords de Yalta confirmés dans tous les détails par la conférence de Potsdam (17 juillet / 2 août 1945). C’est pour cela qu’il n’y a pas eu d’intervention soviétique dans la guerre civile grecque.

2) Une des meilleurs réussite, grâce aux "canaux" du Vatican est "l’évasion", vers l’Amérique du Sud et l’Australie, de 11.000 Waffen SS de la division ukrainienne "Galicia", page 294.

3) Papadopoulos qui avait immédiatement rouvert des camps de concentration ou certains (Théodorakis par ex) sont allés pour la 2ème fois, avait ensuite pris 3 mesures : l’interdiction du port de la barbe pour les hommes, du port de la minijupe pour les femmes et de la lettre "Z". En effet en grec ancien, Z peut être interprété comme "il vit toujours" référence à l’assassinat du député Lambrakis par l’extrême droite. C’est cette affaire qu’a relaté Costa Gravas dans le film "Z".

Le Boomerang américain

« Le Boomerang américain atteint enfin le public francophone après 35 ans de censure de fait et ce, dans une conjoncture internationale, la guerre russo-ukrainienne ou plutôt la guerre Russie-OTAN, que sa lecture éclaire. Son auteur, le journaliste Christopher Simpson [décrit que] cette "politique de Libération du bolchevisme", concept puisé à l’arsenal sémantique du IIIe Reich, avait nécessité l’embauche américaine (britannique et française), précoce et systématique, de criminels de guerre, nazis allemands et collaborateurs du Reich dans toute l’Europe occupée, URSS comprise. Les services de renseignements américains, dominés par l’Office of Strategic Services (OSS, ancêtre de la Central Intelligence Agency, CIA) lié au département d’État et par le Counter Intelligence Corps (CIC) du secrétariat à la Guerre, savaient tout, quand ils engagèrent ces criminels, allemands et "européens", de leurs activités : ils avaient depuis 1941 consigné par écrit le moindre détail du palmarès sanglant, à travers le continent européen, des organisateurs, exécutants et tortionnaires de massacres et reconstitué leur cursus d’avant-guerre, déjà éloquent. Ces dossiers et listes interminables comportaient des millions de noms, allemands et "européens", consignés dans l’immense registre américain de la "recherche des criminels de guerre" (Central Registry of War Criminals and Security Suspects, Crowcass).

[…]

On dispose avec cette traduction d’un des meilleurs descriptifs des manifestations mortifères de la russophobie pendant une guerre d’extermination et dans l’après-guerre, où l’État vainqueur du Reich nazi redevint l’ennemi n°1 de "l’Occident" chrétien. Comme la connaissance de l’histoire socio-économique et politique plus longue, Le Boomerang américain aidera ses lecteurs à bannir l’actuelle problématique obligatoire des délires de l’"empire russe" sur un "nazisme" ukrainien prétendu imaginaire. Sa publication, dans la terrible conjoncture actuelle, tombe à pic. »

Annie Lacroix-Riz (préface)

Christopher Simpson

Après une première carrière dans le journalisme d’investigation, puis un séjour à l’Institut des études politiques de Washington comme chercheur invité, il entre en 1992 à l’université américaine de Washington, dans son École de communication. Il y fait toute sa carrière, et prend sa retraite en 2019. Christopher Simpson est membre du conseil consultatif scientifique de plusieurs commissions fédérales américaines sur les spoliations nazies et l’application de la loi sur la divulgation des crimes de guerre nazis. Son œuvre lui a valu six prix, en histoire, en littérature, et pour la qualité ses recherches.