A propos du discours de Pierre Laurent - Rencontre nationale pour l’industrie Une pincée de structurel, dans une cuillère de social, dans un océan de sociétal.

, par  Bernard Trannoy , popularité : 1%

Bon descriptif de l’état des lieux. Mais quid des solutions. Pas de proposition qui s’attaque à la domination du capital qui s’exerce au travers la détention de la propriété des moyens de production et d’échange.

Marx définissait le communisme comme « l’abolition de la propriété privée des moyens de production (…) qui permettent d’asservir le travail d’autrui ». Pourquoi s’être éloigné et même avoir rompu avec ce postulat ?

J’ai le sentiment qu’à Lille, Pierre Laurent intronise : Le grand retour à Keynes. Voilà Pierre convertit en adepte du Marx tendance Groucho. Un texte ne vaut pas seulement par ce qu’il dit, mais aussi par ce qu’il ne dit pas. Et sur ce fondamental Pierre est de toute évidence aux abonnés absents.

Pas de début de commencement de réponse à ce simple constat : « là où est la propriété, là est le pouvoir ». Comment avancer pour la résolution de cette contradiction fondamentale qui met l’homme face à la nécessité de vendre sa force de travail aux propriétaires des moyens de production et d’échange. Fondement de la division de la société en classes. A force de vouloir être un parti comme un autre, nous risquons de finir par être utile à personne. Tout juste bon à nous ranger derrière le premier bateleur de foire venu.

Se refuser d’envisager une éventuelle sortie du cadre européen actuel (prison des peuples), point de passage obligé pour tenter de construire une Europe sociale. Se refuser à remettre en cause cette arme de destruction massive qu’est l’Euro et même s’engager dans une fuite en avant vers le fédéralisme (Services publics européens ??). Ces propositions sont d’une totale démagogie puisqu’elles s’enferment dans le cadre européen fixé par le capital. Autant l’€uro monnaie commune est une construction pouvant être utile, autant il devient suicidaire de se transformer en adorateur de cette monstruosité qu’est l’Euro monnaie unique. C’est faire fi du principe de réalité, « Les économies européennes sont de fait hétérogènes ». Vouloir les mettre dans le même moule finira par une catastrophe.

Voilà un texte sans véritable contenu de classe fort. Mais l’objectif n’est-il pas d’occuper l’espace social-démocrate déserté par ceux qui ont migré vers le social-libéralisme ? Ce texte illustre parfaitement le diagnostic de Lucien Sève

« … stratégie électorale (avec au début encore un peu de papier de soie autour…), c’est-à-dire que dans la vérité des actes, celle que le peuple et spécialement la jeunesse perçoit d’un œil d’aigle sans savoir en parler, nous sommes devenus un parti comme les autres, en moins crédible puisque avec notoirement moins de chances d’arriver vraiment au pouvoir. Notre irrémédiable décadence était scellée. … coma historique pour cause d’indigence théorique, de panne dramatique d’inventivité stratégique dans le sens révolutionnaire-communiste, de repli sans horizon sur la petite survie électorale… un mode d’organisation partidaire "où ceux d’en bas ont essentiellement pour tâche d’appuyer des opérations et transformations de sommet"... »

On peut se réclamer, la main sur le cœur, de la démocratie et inviter nos concitoyens à : « Prenez le pouvoir » dans la société et dans le même temps être tout à fait incapable de l’organiser entre nous ?

Avec des directions fédérales qui se révèlent sans volonté d’organiser le débat, difficile, mais nécessaire, préoccupées qu’elles sont de faire passer le message d’en haut, incapable de faire émerger et encore moins porter le message d’en bas (Rassurez-vous dans les autres partis c’est pire, y compris chez nos alliés qui s’adonne au culte du chef). Réception des documents du 36ème congrès et votes en l’espace de 10 jours, (100 pages) on ne fait pas mieux en matière de goujaterie, voilà un congrès organisé à l’emporte-pièce. Les militants du PCF sont attachés à leur parti (l’ombre de 2007), contournement en action pour le transformer en coquille vide. En oubliant au passage que l’exercice serein de la démocratie nécessite et du temps et des échanges verticaux, mais aussi horizontaux. De ce point de vue, Pierre, la direction à tout faux. Mais n’envisagez-vous pas de vous entourer d’experts, en avant pour la république des experts ??? Il fut un temps où nous savions en produire, parce que nous en avions la volonté. Ainsi se dégage l’impression pénible que Terra Nova, n’est en fait, pas seulement le thin tank du PS.

20 millions de français n’ont pas voté aux législatives, cela ne préoccupe personne. On constate un retrait massif (pas qu’en France) des couches populaires du champ politique qui ont le sentiment d’être abandonnées. D’un même mouvement nous abandonnons le champ de la nation et de la souveraineté nationale à un FN qui n’en demandait pas tant. Avec le PGE nous nous abandonnons à une fuite en avant vers une Europe fédérale « de la concurrence libre et non faussée ». Ne sommes-nous pas in-fine les complices, involontaires, peut-être, mais complice tout de même du FN ? Ainsi nous participons à l’idée selon laquelle il pourrait y avoir sortie de crise sans sortie du système, ce qui est une hérésie. Autant vouloir soigner une grippe sans tuer son virus. Cette chimère ne sert-elle pas à masquer notre refus de remettre en cause le pouvoir du capital ? En fait, à masquer notre intégration aux appareils d’état du capital.

P.L. :

« De 2000 à 2007, 63% de ces destructions sont la conséquence de la dérégulation sauvage du commerce international. Les grands groupes français ont expatrié la production et la recherche. »

Mettre un terme aux conséquences de la dérégulation sauvage, et dans le même temps ne pas faire de propositions en termes de régulation, c’est s’arrêter au milieu du gué, c’est rester le cul assis entre deux chaises. Nouvelles régulations qui ne sont pas proposées parce qu’incompatibles avec la « concurrence libre et non faussée » et l’ensemble des traités européens.

P.L. :

« Le système actuel détruit la capacité d’entreprendre, d’investir, de créer des richesses utiles ! Qui vous écrase aujourd’hui ? Les banques ou les travailleurs ? Ouvrez les yeux, Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise, car vous vous tirez une balle dans le pied en suivant madame Parisot et sa politique régressive et dépressive. Ouvrez les yeux car, finalement, vous vous apercevrez qu’ici sont les vrais défenseurs de l’entreprise ! »

Nouvel appel au mariage de la carpe et du lapin. Nouvelle version de l’union sacrée exploiteurs, exploités. Sus aux banques Nous voilà en porte-parole de la CGEPME. Pas de réponse à cette question pourtant incontournable « Dans un océan en tempête (la mondialisation capitaliste) est-il raisonnable, responsable de prétendre vouloir faire naviguer le navire France tout hublots ouverts ».

Ce qui fonde le mode de fonctionnement du capitalisme c’est le marché, la loi de l’offre et de la demande. Or cette marchandise singulière qu’est la force de travail obéit elle aussi à ces mêmes lois.

De ce point de vue, il nous faudra bien envisager de nouveaux instruments de régulation sous peine de catastrophe sociale garantie. NON P.L le mot « protectionnisme » n’est pas un gros mot, pas plus que la nécessité de retrouver l’ensemble des attributs qui fondent la souveraineté monétaire élément central d’une souveraineté nationale assumée.

Quand aurons-nous le courage de la brésilienne Dilma Roussef qui face à la volonté de Foxconn de fermer une unité de production pour regroupement en Chine à répondue : "Je ne peux vous empêcher de délocaliser, mais alors vos produits ne rentrent plus (Foxconn fabrique entre-autres tous les produits d’Apple)". Résultat Foxconn construit une deuxième usine au Brésil. La version française pouvant être de dire à Renault "les véhicules que tu fabriques à Tanger, ils ne rentrent pas ils restent là-bas" et à Mittal "ta ferraille elle ne rentre plus dans l’hexagone". Pas de sortie de crise possible sans que le politique assume ses responsabilités, c’est à lui, représentant de l’intérêt général d’avoir le dernier mot. C’est à lui de reprendre la main.

NON le capitalisme ne peut aucun cas fonctionner autrement que de la manière dont il fonctionne. C’est bien évidemment engager un processus de sortie de celui-ci qui est indispensable.

Ce retour à Keynes que nous propose en fait P.L. ne nous mènera pas bien loin. Et risque de nous envoyer dans les fosses de l’inutilité sociale. Ce n’est pas aux profits financiers qu’il faut s’attaquer « mais s’emparer des lieux même où ils sont générés : L’entreprise ». Quid de la réponse à cette question « là où est la propriété, là est le pouvoir » ? Mais P.L. n’affirme-t-il pas avec d’autres, que presque TOUT est dans l’appropriation des connaissance ? La propriété n’étant plus la question ??? Ce brave Lakshmi Mittal vient de lui rappeler avec force, brutalité et sans état d’âme où était la réalité du pouvoir. Pour « l’âge du partage » visiblement il n’est pas prêt.

P.L. :

« Il faut remettre en cause de l’Organisation mondiale du commerce qui n’est rien d’autre que l’organisation mondiale de la concurrence libre et non-faussée. »

Belle affirmation, mais l’Union européenne est-elle autre chose ? Bien sûr que NON, alors pourquoi s’arrêter au milieu du gué.

« Notre plan est simple. »

OUI d’accord mais concrètement je ne vois pas de plan ; on reste à longueur de lignes dans le descriptif, on ne voit, même on n’entrevoie pas la visée, le projet, décidément « les étoiles sont plutôt blafarde ».

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Réponse de Lakshmi Mittal à P.L.

« La maîtrise sociale de la connaissance est devenue un terrain d’affrontement central entre le capital et le travail, aussi important que l’appropriation sociale des moyens de production et d’échanges. »

On voit là les dégâts commis par ce concept fourre-tout de « Révolution informationnelle » qui produit chez ces adeptes une cécité absolue et nous place de fait à côté de la plaque, ou pour le moins en retard sur les réalités sociales ? D’avant-garde traçant une perspective, nous voilà placer en fanal de l’arrière garde. La réponse est en train de surgir tout à la fois des luttes sociales, « les nationalisations », mais nous voilà le cul par terre pour cause d’incompatibilité avec les exigences européennes, pris en flagrant délit d’incohérence et Lakshmi Mittal lui-même nous rappelle bruyamment « Là où est la propriété, là est le pouvoir » très loin des velléités du « Place à l’âge du partage ». Lui il n’a pas été touché par la « Révolution informationnelle » et la réponse de Mittal à Pierre Laurent est cinglante, tout à fait conforme à la réponse de Waren Buffet « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ».

C’est le cœur même du capitalisme, la mise en concurrence au profit de l’appropriation privée des profits qui doit être mise en cause, et les travailleurs de tous les pays ont au contraire intérêt à la coopération au service des besoins sociaux dans tous les pays. On ne combat pas le capital à fleuret moucheté. Et on se décolle le regard de 2014, à peine sortie d’une élection que l’on nous invite à replonger dans celle de 2014. Campagnes électorales permanentes qui ont ceci d’intéressant qu’elles permettent toujours de renvoyer les débats à plus tard, prises sous le coup du « Ce n’est pas le moment ». Ne participons-nous pas aussi de cette dégénérescence du tissu social ?

« Je le répète, c’est faux. La fable du "coût du travail" est un mensonge. Que les perroquets politiques et médiatiques répètent en boucle que le problème de la France est la compétitivité salariale ne changera rien à l’affaire, c’est faux. Les Allemands sont mieux payés que nous dans l’industrie automobile ! Le coût du travail dans l’industrie en France reste équivalent à celui de l’Allemagne : en 2008, 33,2 € de coût horaire de main d’œuvre en France et 33,4 € en Allemagne.Sur la branche automobile : 33 € en France contre 43 € en Allemagne. Les Allemands "sont" un tiers plus chers ! L’Allemagne a, dans ce secteur, le coût du travail le plus élevé d’Europe. »

Sauf que, Pierre, comparaison n’est pas raison, les allemands font dans le haut de gamme et donc la comparaison ne tient pas. Si on compare des entreprises produisant les mêmes gammes, Peugeot et Opel par exemple, les problèmes sont comparables. En fait les différences dans les comportements entre les bourgeoisies allemandes et françaises mises en évidence par Marx, restent pertinentes, l’une est largement industrielle, l’autre est largement malthusienne. Les structures industrielles sont totalement différentes, l’une s’appuie sur un fort secteur de biens d’équipements (réclamés par les pays émergents), l’autre a liquidé ce secteur industriel décisif, pour s’adonner à la rente et aux spéculations. En fait, P.L. adhère à ce discours simpliste qui voudrait que tout ne serait in fine qu’une question de partage. En fait P.L. est un pur produit social-démocrate mûr pour un congrès de Tours à l’envers.

Bernard Trannoy

Discours de Pierre Laurent : Les occurrences

Les Mots utilisés :
- Nationalisation, 1 occurrence : Pour défendre Arnaud Montebourg face à Michel Sapin.
- Classe, 1 occurrence : « c’est la classe ouvrière, c’est le travail qui sauva le pays du désastre » donc dans une vision passéiste.
- Appropriation, 1 occurrence : « La maîtrise sociale de la connaissance est devenue un terrain d’affrontement central entre le capital et le travail, aussi important que l’appropriation sociale des moyens de production et d’échanges ». Et encore pour la relativiser. Les dégâts de cette prétendue révolution informationnelle à l’œuvre.
- Souveraineté, 0 occurrence.
- Et tout à l’avenant dans le vide, dans l’enfermement fédéral européen, prison des peuples.

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