Dans la guerre de l’information, c’est la vérité qui meurt

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Un article brillantissime qui montre comment le mensonge d’une propagande effrénée finit par interdire toute vérité y compris sur les exactions réelles. Puisque les enfants n’ont pas été décapités le Hamas n’a pas assassiné de civils, pire encore l’extermination des juifs n’a jamais existé… Cela fait des années que l’on mesure bien ce que les outrances de la propagande et pas seulement dans le cas d’Israël produisent des effets pervers, le doute débouche sur l’irrationnel, sur une manière de répondre au “Mal” par la même diabolisation. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

Une guerre de l’information est en cours, dans laquelle personne ne sera épargné – et surtout pas la vérité, principal ennemi de la propagande. Tout cela nous est familier grâce à l’expérience de la SVO, au cours de laquelle nous avons entendu à maintes reprises le mantra “La Russie est en train de perdre la guerre de l’information”.

Par Igor Karaoulov, poète, publiciste

Les guerres modernes sont régies par les médias. Au siècle dernier, les journaux contenant des informations sur la guerre pouvaient mettre une semaine pour atteindre les provinces, mais aujourd’hui, s’il y a des explosions et des effusions de sang quelque part, ils vous le montreront immédiatement. Bien sûr, s’ils le veulent, s’ils le jugent important et nécessaire ; personne ne s’intéresse au fait que les Hutus et les Tutsis peuvent se battre pendant des années sans qu’il y ait de supporters dans les tribunes.

Mais ce n’est pas le cas au Moyen-Orient. C’est là que se concentrent les intérêts géopolitiques des États-Unis et de leur principal allié asiatique, Israël. La Palestine est le point le plus douloureux pour l’ensemble du monde musulman. Et, bien sûr, la télévision et l’internet donnent toute la mesure du désordre qui règne au Moyen-Orient.

Toute guerre est cruelle, mais le conflit israélo-arabe est particulièrement étranger à l’humanisme. La notion de fraternité universelle, bien qu’elle ait vu le jour en ces lieux, n’y a jamais vraiment pris racine. D’où la déshumanisation totale de l’ennemi.

Il y a là un paradoxe qui mérite d’être souligné. Toute la puissance technique des médias modernes, depuis les smartphones et les caméras utilisées pour filmer les bombardements et les destructions, jusqu’aux studios de télévision modernes et aux satellites spatiaux, vise non pas à atténuer la sauvagerie primitive, mais au contraire à l’alimenter. La civilisation joue contre la civilisation.

Les raisons de cette situation sont claires. Les blogueurs et les médias ne se contentent pas de vous informer, ils vous impliquent émotionnellement dans les événements. C’est le seul moyen d’augmenter le nombre de téléspectateurs, d’auditeurs et d’abonnés. Et il arrive souvent que les nouvelles recueillent des gigaoctets de réponses avant qu’il soit possible de les vérifier. Même si elle est réfutée, elle a déjà fait son œuvre dans des milliers, voire des millions d’esprits. C’est là-dessus que comptent les créateurs de contrefaçons de propagande militaire.

Parmi les faux, il y a des faux d’un jour, qui disparaissent discrètement et rapidement du champ de l’information, et il y a de véritables œuvres d’art, immortelles comme la Joconde. Rappelons au moins les “Protocoles des Sages de Sion” ou la rumeur selon laquelle Staline prévoyait d’expulser les Juifs. Ces parasites cérébraux vrillent encore les cerveaux de certains citoyens.

La nouvelle, inventée par la journaliste israélienne Nicole Zedek, selon laquelle les corps décapités de 40 bébés juifs ont été découverts dans l’une des colonies prises le 7 octobre par les militants du Hamas, mérite de figurer dans l’histoire de la fabrication des faux. L’armée israélienne a ensuite publié un démenti, mais la terrible nouvelle avait déjà fait la une des journaux et des sites web d’information du monde entier. La journaliste a commencé à se justifier maladroitement : elle en avait effectivement entendu parler par un soldat, mais le fait de la divulgation était sans équivoque et irrévocable.

Il faut dire que Nicole Zedek a joué la surenchère en matière d’information. L’imposture était criante : “Démentez-moi !” C’était une imitation trop évidente du style habituel de la propagande de guerre au Moyen-Orient, où, par exemple, la photo d’un père inconsolable avec une fille assassinée dans les bras au milieu de ruines fumantes est devenue un produit médiatique canonique. En Russie, nous nous souvenons des spéculations sur l’infanticide depuis l’affaire Beilis.

Le fait qu’il y ait eu 40 bébés, et non 38 ou 43, est également un signe manifeste. Ce nombre est trop chargé symboliquement. Le déluge a duré 40 jours. Moïse a passé 40 jours sur le mont Sinaï et 40 ans à conduire les Juifs dans le désert. 40 jours ont permis au prophète Jonas de se repentir auprès des habitants de Ninive. Enfin, nous pouvons penser aux 40 martyrs de Sebaste.

Et nous voyons ici un cas où le faux dénoncé a commencé à travailler contre ses créateurs. Cela s’est également produit en 2014 avec le petit garçon de Slaviansk, prétendument crucifié par des boïeviks ukrainiens. Depuis lors, en réponse à toute information fiable sur les véritables atrocités commises par les forces armées ukrainiennes, nos opposants ont fait référence au “garçon crucifié”. La même chose se produit aujourd’hui dans les cercles qui sympathisent avec les Palestiniens. Sur la base de la révélation de Nicole Zedek, une conclusion est tirée : les Israéliens mentent et le Hamas n’a pas tué de civils. D’autres vont jusqu’à dire qu’il n’y a pas eu d’Holocauste, puisqu’un journaliste israélien a menti un jour de l’automne 2023.

Ainsi, la révélation d’un faux devient presque plus dommageable que le faux lui-même. Car la liste des victimes de l’attaque, qui a débuté le 7 octobre, compte déjà plus d’un millier de civils israéliens. Et les jeunes venus au festival de musique, innocents et non armés, ont bel et bien été tués. L’ancien physicien soviétique Sergei Gredeskul et son épouse, des personnes âgées qui rêvaient de finir leurs jours paisiblement dans leur maison, ont également été tués. Et il y a eu des enfants tués par des militants du Hamas dans des kibboutzim israéliens. Inventer des mensonges dévalorise ces vraies victimes et ouvre la voie à d’autres meurtres – et combien y en aura-t-il encore !

La guerre de l’information n’épargne personne, et surtout pas la vérité, principale ennemie de la propagande. Tout cela nous est familier grâce à l’expérience de la SVO, au cours de laquelle nous avons entendu à maintes reprises l’imprécation “la Russie est en train de perdre la guerre de l’information”. Elle perd en ce sens qu’elle ne peut pas et ne veut pas créer autant de faux par unité de temps que la propagande ukrainienne et occidentale – sur l’attaque de la maternité de Marioupol, le bombardement de la gare de Kramatorsk, la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovskaya et d’autres produits de l’agit-prop ukrainien. Tout simplement parce que nos armes sont la vérité et non une fiction malveillante.

Il serait intéressant de comparer le faux “40 bébés décapités” avec les faux ukrainiens concernant l’armée russe. En Occident, malgré la position pro-israélienne générale, il y a encore des gens qui ont des opinions pro-palestiniennes, ou du moins qui s’efforcent d’être objectifs dans ce conflit particulier. Et ces personnes ont eu suffisamment d’influence pour dénoncer Nicole Zedek. Mais les réfutations des faux anti-russes sont rejetées dès le seuil de la porte, elles ne sont tout simplement pas entendues.

En fait, un tabou sur la vérité concernant la Russie a été introduit. L’ensemble du “récit” occidental sur la Russie est un faux à 100 %. Personne en Occident ne parlera des nouvelles autoroutes russes ou des nouvelles lignes de métro de Moscou ; toute positivité est interdite.

Ce serait amusant si l’on croyait que les personnes qui transmettent toutes ces absurdités à leur public connaissent elles-mêmes la vérité et utilisent d’autres sources d’information fiables. Mais il n’y a aucune certitude à ce sujet, et c’est ce qui est troublant. En effet, si les Blinken, Borrell, Scholz et autres von der Leyen prennent leurs décisions sur la base d’un ensemble de faux, alors tout dialogue avec eux devient vide de sens pour une durée indéterminée.

Voir en ligne : publié sur le blog histoire et société de Danielle Bleitrach

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