Conversation difficile lors de la réunion du PCF à la section de ma commune d’Ile de France, le 15 novembre dernier

, par  communistes , popularité : 1%

Voici un des texte les plus émouvants et les plus durs qu’il m’ait été donné de lire, il provient d’une camarade polonaise qui a adhéré au PCF et qui découvre avec horreur la haine que ce parti a pour les soviétiques et plus généralement pour les communistes des pays de l’Est, la manière dont on les abandonne face au fascisme, aux menées de l’OTAN. Elle nous interpelle pour nous dire de nous réveiller parce que c’est nous que nous condamnons. Ces camarades s’adressent à nous, à Marianne, à moi, aux camarades de Vénissieux et d’ailleurs qui ont encore l’internationalisme chevillé au cœur et au-delà à tous les communistes, tous les progressistes français qui non seulement ont honte de cet abandon mais voient que c’est notre propre sort qui se joue. (note de Danielle Bleitrach)

A ma remarque que c’est dommage que le PCF n’ait pas participé aux cérémonies de commémoration de la Révolution Bolchévique à Moscou et à Léningrad, alors que plein de militants y sont allées, les 18 de Vénissieux personnellement, Samir Amin, des Grecs, et puis même ma camarade Beata Karon du petit parti communiste polonais KPP, l’animateur de section, retraité de 68 ans, qui pourtant avait de bonnes analyses sur la situation en France, est devenu tout rouge :

« Nous avons décidé de ce qu’on a appelé la rupture » dit il d’un ton glacial. « L’expérience soviétique a été désastreuse pour nos partis d’Europe occidentale. Nous ne voulons rien avoir avec cela ».

Un militant important, retraité de 80 ans, rétorque quand même : « La rupture n’était quand même pas avec la Révolution d’Octobre ! » - ce qui prouve que les communistes de la génération de la Résistance ne pensent pas toujours la même chose que le parti.

L’animateur, toujours rouge au visage : « Le stalinisme a été une catastrophe et nous avons bien décidé de rompre avec cela ».

J’étais totalement estomaquée, comme s’il m’avait balancé une gifle. Comment peut-on dire des conneries pareilles ? Le PCF était né de la Révolution Bolchévique ! Sans l’expérience « soviétique », sans l’expérience de l’URSS, il n’y aurait point de… Thorez, de Duclos, de Marchais, point de… Résistance et de FTP… Sans la mort de
millions de Soviétiques, il n’y aurait peut être même plus de France… Comment peut-on nier cela à ce point ? Comment est ce possible de ne pas voir cela ???

Comment peut on ne pas voir que ce n’est pas l’EXISTENCE de l’URSS qui est responsable de l’affaiblissement du PCF, mais bien sa DISPARITION ?

J’étais tellement choquée, que je n’ai réussi à dire que : « Mais… 1989 c’était il y a 30 ans… Le Parti Communiste Russe n’est pas le même. Il compte 300.000 membres, il est la première force d’opposition en Russie… il faudrait quand même renouer des liens avec lui »…

L’animateur, toujours aussi en colère : « Mais est ce qu’il y a eu une invitation ».

Je suis toujours aussi décontenancée : « Mais… c’était un Forum publique, et une manifestation publique. Il n’y avait pas besoin d‘invitation ».

L’animateur : « S’il n’y a pas d’invitation, nous n’y allons pas. Et puis le Parti a organisé plein d’événements pour commémorer la révolution en France ».

Je répète : « Je ne sais pas. Il faudrait quand même renouer des relations ».

Nous sommes passé à un autre sujet. Mais j’ai bien senti que l’animateur ne me faisait plus confiance.

Moi je suis passée à un immense abattement. J’ai noté l’emploi dans sa phrase du vocable « occidentale ». Comme s’il voulait dire dans son inconscient que l’Occident était supérieur à l’est. Que si on avait laissé faire les « Occidentaux », ils auraient fait une révolution plus belle que les Russes n’ont pu la faire… Comme si nous, les gens de l’Est, on était responsable non seulement de ce qui nous arrivait, de la destruction de nos pays, de nos vies et de nos sociétés, mais aussi des 3% de Robert Hue…

Comme si nous étions coupables du capitalisme. Et comme nous sommes coupables, on peut crever au fond. Quelle importance que l’OTAN, voire les nazis ukrainiens, viennent nous tuer, au fond, nous devons mourir, et après « les partis occidentaux » feront une belle révolution…

L’exigence d’une invitation formelle à la manifestation de Moscou sonnait comme si au fond les Russes DEVAIENT quelque chose au PCF. Comme si c’était à eux de courir après un parti occidental qui les déteste et les méprise. Alors que les archives soviétiques, examinés même par des historiens de droite, ont démontré que le parti communiste soviétique envoyait des financements au PCF depuis son début et jusqu’à la fin de l’URSS. J’ai toujours vu ces « financements » comme quelque chose de normal, mais si pour les historiens de droite ils sont la preuve d’une « ingérence du Kremlin » dans la vie politique française, pour la gauche ils devraient être vu comme un sacrifice des ouvriers soviétiques qui par le biais de leur parti subventionnaient encore leur camarades de l’Ouest… l’Ouest riche et prospère dans les années 70 et 80. Alors qu’aujourd’hui ils sont niés et abandonnés par ces mêmes camarades.

J’ai senti UNE MENACE sur la vie de la part des militants de gauche occidentaux censés être mes camarades. Brusquement, les éléments sont devenus évidents.

Comme si nous étions coupables d’être nés en Pologne Populaire, de l’avoir aimée ou détestée, critiquée et souffert, mais d’avoir voulu l’améliorer. D’y avoir vécu et de vouloir la reconstruire.

A chaque Forum Social Européen, nous nous efforcions de convaincre nos camarades occidentaux de financer ne serait-ce que quelque billets d’avion ou un minibus pour ne serait-ce que quelques militants de notre gauche péniblement reconstruite puissent participer à l’immense chantier de reconstruction de la gauche en Europe. Le plus souvent la réponse était « non ». Au bout de 8 ans de militantisme, en 2013 au moment du dernier RDV européen, l’Altersommet organisé à Athènes par Syriza avec les syndicats de toute l’Europe de l’Ouest, nous avons discuté franchement avec la copine féministe qui se battait au sein du comité de coordination pour arracher 1 ou 2 billets pour nos organisations :

« Et si la gauche européenne nous en voulait pour avoir vécu le socialisme réel ? Si elle nous en veut parce qu’on a eu des gens comme Rosa Luxemburg, comme Lénine, qu’on a osé construire quelque chose qui n’était pas parfait mais qui était à nous ? L’URSS, les démocraties populaires ? Et si le but est que jamais, jamais plus de nos rangs ne puissent sortir une Rosa Luxemburg, un Lénine ? Que nos militants restent isolés dans leur ignorance et leur solitude et qu’ils soient abandonnés à la répression ? »

Au vu de ce que j’ai entendu et que j’entends là, on dirait que oui, il y a comme un plan de nous laisser seuls, de nous abandonner face au système capitaliste.

Ou abandonner face à la répression fasciste. Je me rappelle comment les plus importantes organisations de la gauche européenne, et Syriza la première, m’ont abandonnée face à la répression que j’ai subi en Grèce, le procès truqué qui a duré 4 ans, le danger immense d’être condamnée en mon absence, et d’être emprisonnée avec un mandat d’arrêt européen. alors que les fascistes grecs tuent les militants et les migrants dans la rue et en prison.

Et si au fond en cas de guerre en Europe, nos camarades de la gauche occidentale nous lâchaient face à l’ennemi et la répression ? Cette espèce de hargne contre le prétendu « stalinisme » des Russes, qui s’étend d’ailleurs à tous les Européens de l’Est, qu’ils soient Polonais, Yougoslaves ou Bulgares, expliquait le ralliement du PCF au Maidan et donc son lâche abandon des civils du Donbass massacrés en 2014 par l’armée ukrainienne et des habitants d’Odessa assassinés le 2 mai par les nazis ?

Mais si c’est le cas, l’heure est grave pour nous. Car la rupture Est Ouest est encore plus profonde qu’on ne le pense. Elle n’est pas seulement le fait d’une histoire de périphérie face à un centre capitaliste. Elle est aussi une rupture politique, un abandon, un choix de tourner le dos à l’histoire de la classe ouvrière européenne dans laquelle l’Est a joué un si grand rôle. Si cette rupture est si profonde et qu’elle représente un choix politique conscient ou inconscient, alors l’oligarchie occidentale et notamment américaine a un boulevard devant elle. Elle parviendra à refaire la guerre sur notre continent, à nous diviser et à nous détruire.

Krystyna Hawrot

Sites favoris Tous les sites

3 sites référencés dans ce secteur

Brèves Toutes les brèves

Navigation

Annonces

  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).