Un communiqué commun, signé par plus de cinquante collectifs, syndicats, associations dénonce la répression accrue (...)
Le vote des pouvoirs spéciaux en 1956 Eléments de réflexion
Notre camarades Jacques Cros de Béziers qui perdit 26 mois de sa jeunesse dans la sale guerre nous invite à pousser nos réflexions de communiste. Il le fait dans le cadre du 38ème congrès du parti. Je crois ce questionnement utile et bien posé. Place aux échanges sur les faits, leurs rapports, leur chronologie et leurs équilibres, place à l’actualité de nos réflexions et de notre action,même si tout cela nous secoue...
Paul Barbazange
Le vote des "Pouvoirs spéciaux en 1956.
Ils ont été votés le 12 mars 1956. On connaît les conséquences d’avoir ainsi confié les actions de police et de justice à l’armée. L’affaire Audin qui est dans l’actualité en est une illustration. On pourrait citer à ce propos Henri Alleg, Fernand Iveton, l’aspirant Maillot et les milliers d’Algériens qui en ont été victimes.
C’était un élément dans la panoplie à la disposition des militaires pour mener cette guerre. En fait c’est la guerre elle-même qui était en jeu. Elle avait pour objectif de perpétuer le colonialisme.
On peut s’étonner que les députés communistes aient voté les pouvoirs spéciaux. Il faut rappeler le contexte. Les élections de janvier 1956 avaient permis au PCF, grâce à l’accord signé avec la SFIO d’obtenir un nombre considérable d’élus : 150 avec 1 apparenté. Cette donnée a dû conditionner la décision.
Un autre élément a dû contribuer à brouiller les consciences. Le colonialisme n’était peut-être pas perçu comme une forme aggravée de l’exploitation capitaliste. L’Ecole de la République (l’autre aussi d’ailleurs) véhiculait l’idéologie émancipatrice de la France dans ses colonies. Le PCA (Parti Communiste Algérien) qui était au plus près des réalités du terrain avait des divergences sur ce point avec le PCF.
L’enchaînement des événements qui se sont succédé après le vote des pouvoirs spéciaux qui avait valeur de vote de confiance au gouvernement Guy Mollet, a montré que ce n’était pas la solution au problème auquel on était confronté. Ne pas apporter la réponse adaptée à la question posée était source de sanction. On l’a vu au résultat des élections législatives de 1958 où le PCF n’obtient que 10 députés et ne peut former un groupe.
Cette situation est à rapprocher de celle que nous vivons actuellement. Le parti communiste a quasiment disparu de la scène politique. En cause ? Selon moi la non-réponse aux nécessités de rupture avec un système qui ne permet pas de satisfaire les besoins de l’humanité qui s’impose.
Un regard lucide sur notre position lors du vote des pouvoirs spéciaux est à mettre en regard de ce que nous vivons aujourd’hui face à la crise socio-économique que nous subissons. Reconnaître notre faute d’hier nous aiderait à comprendre les raisons de l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui.
Certes il y a eu une lutte multiforme pour la paix en Algérie, et ipso facto pour son indépendance. Elle s’est exprimée par les manifestations contre l’envoi des rappelés en Algérie, par l’action résolue de soldats du refus de la trempe d’Alban Liechti, qu’au demeurant la masse des appelés n’était pas en mesure de suivre, l’opposition au putsch des généraux en 1961… Mais ce qui est soulevé par le rebondissement de l’affaire Audin c’est le vote des pouvoirs spéciaux !
Eh bien on serait inspiré de reconnaître que nous avons failli !
Jacques Cros, Béziers