Pour unir les communistes, réouvrir les questions stratégiques de notre histoire

, par  pam , popularité : 1%

Bousculé par l’échec électoral de 2017, le PCF doit se réinventer sous peine de disparaitre. Mais l’émiettement des points de vues internes illustré au dernier congrès, comme la dispersion des forces communistes issues du PCF depuis des décennies peuvent pousser au pessimisme, freiner l’effort de reconstruction, participant ainsi à cette recomposition tirant un trait sur le cadre politique issu du choc de 1917, recomposition symbolisée à gauche par la France insoumise.

Si la direction du PCF reconnait "un véritable échec électoral" qui "pose directement la question du rôle et de l’avenir de notre parti", qui notamment "reste confronté aux problèmes institutionnels du présidentialisme qu’il n’a pas su à ce jour résoudre", si elle annonce un débat stratégique, elle n’a pas fait appel à ceux qui ont produit au fil des congrès des idées alternatives au discours général de la mutation et de ses suites.

Les décisions stratégiques du PCF ces dernières décennies ont toujours produit des divisions, des départs qui ont produit l’émiettement actuel du courant communiste. Les oublier ne nous aidera certainement pas à reconstruire, car les questions stratégiques qui ont divisé les communistes dans leur histoire ne sont pas sans rapport avec celles auxquelles ils doivent répondre aujourd’hui.
- Faut-il une "révolution" ou peut-on changer une société petit à petit ?
- Comment nommer une autre société que le capitalisme ? socialisme ? communisme ?
- Une voie pacifique est-elle possible ? Faut-il des "étapes" successives, comme le projet d’une "démocratie avancée" ?
- Comment unir le peuple face à une bourgeoisie qui fait toujours tout pour le diviser ? Doit-on s’adresser aux "99%" des gens où y-a-t-il des classes sociales particulières pour les communistes ?
- Le communisme est-il invalidé par l’effondrement soviétique où faut-il au contraire reconstruire une histoire communiste des pays socialistes ?

Les réponses des philosophes Lucien Sève et Georges Gastaud, des anciens députés Pierre Zarka et André Gerin, des économistes Paul Boccara ou Jean-Claude Delaunay, de la sociologue Danielle Bleitrach ou du syndicaliste Charles Hoareau représentent tous dans leur diversité des contributions à ces débats du PCF. Leur divergences ne sont pas nécessairement antagoniques, si on les considère dans l’histoire en cherchant à répondre, tenant compte de leurs apports, aux questions du communisme telles qu’elles se posent en 2017.

Le prochain congrès peut-il être celui qui élira une direction capable de reprendre enfin ces questions en tenant compte de la succession d’échecs et de divisions, capable de rechercher enfin l’unité des communistes sur un vrai débat stratégique de fonds qui assume et dépasse les clivages ?

Il faudrait pour cela mettre clairement ces questions stratégiques sur la table, et se dire que personne, aucune des directions actuelles ou passées, et aucun de ceux qui s’y sont opposés, n’ont une réponse toute faite à la hauteur du défi stratégique de la reconstruction d’un parti communiste rassembleur, organisé, utile, dans un grand pays capitaliste développé.

Je rêve d’un dirigeant communiste capable d’ouvrir une nouvelle ère du parti communiste, clôturant la longue période ouverte par la mutation, tirant enfin les leçons de l’échec de l’union de la gauche sous ses formes successives pour reprendre le fil de l’histoire communiste, reconstruire cet intellectuel collectif ancré dans les réalités sociales et inventer les réponses actuelles aux questions de la révolution dans un grand pays développé du capitalisme mondialisé.

Le résultat des élections présidentielles et législatives inquiète. Malgré le maintien de ses députés, le parti communiste sort affaibli de ses élections. La réussite de Jean-Luc Mélenchon au premier tour et de la France Insoumise n’empêche pas que la gauche est a son plus bas historique. que PCF et FI perdent aux législatives plus de la moitié des voix présidentielles, contrairement à 1981 où les communistes avaient retrouvés les voix Marchais aux législatives. La bourgeoisie a réussi une opération de recomposition qui certes ne résout rien au plan économique et social, mais confirme sa capacité politique à imposer sa domination.

Pourtant, la colère populaire est très large contre un système injuste, inefficace, incapable de répondre aux aspirations de ceux qui ne vivent que du travail ou de la solidarité. Pourtant, le capitalisme parait toujours plus violent, cynique, créant un monde dangereux pour l’humanité, pour la planète. On sait que le capitalisme produit lui-même ses propres fossoyeurs. Détachés ou ubérisés, externalisés ou délocalisés, précarisés ou intégrés, immigrés d’ici ou de loin, les travailleurs restent la richesse première des capitalistes, celle contre qui ils mènent une guerre permanente pour extraire la plus-value, provoquant résistances et colères, terreaux fertiles aux prises de conscience.

L’idée communiste ne peut ainsi que renaître, même de ses cendres, si elle peut transformer les colères en forces, en organisation, en solidarité, et pour finir, en perspective politique. Mais bien évidemment, l’émiettement de ceux qui en parlent est un frein...

Que le débat soit vif est naturel. Il ne peut être en dehors des contradictions, des histoires, des conflits qui ont marqués le mouvement communiste depuis des décennies. Pourtant, s’il y a des analyses justes, des idées pertinentes, ce ne sont pas seulement la justesse ou la pertinence des idées qui feront la reconstruction communiste. Il faut aussi des militants capables d’unir les forces nécessaires pour que l’alternative prenne une dimension de masse, condition de sa force, et il faut des dirigeants qui la représente... Brecht fait dire à Lénine dans un texte "idées, qui sers-tu ?". Une idée n’existe pas en dehors de ce que les hommes et les femmes en font, en dehors de son rôle dans les luttes idéologiques politiques et sociales. On ne peut construire sans cohérence des idées, mais il n’y a pas de cohérences des idées sans réelle construction militante, sans effort d’organisation, donc d’unité.

Les personnalités issues du PCF ne manquent pas, bien que dispersées, souvent opposées dans l’histoire mouvementée de la recherche d’une "voie Française et pacifique au socialisme", puis d’un "nouveau communisme", opposée aussi dans la conception du rassemblement nécessaire et du rôle du parti, entre union de la gauche, collectif anti-libéraux, Front de Gauche, puis France insoumise, longue histoire dont il faut tirer le bilan, car ce n’est pas en l’oubliant qu’on aidera la reconstruction, au contraire.

Il faut reconnaitre que personne n’a été à a hauteur du défi historique de la reconstruction communiste après la victoire du capitalisme mondialisé. Aucune analyse historique n’a permis une réponse capable d’unir et de reconstruire, ni bien sûr la direction qui a organisé de congrès en congrès des stratégies toutes mises en échec, ni ceux qui ont fait la "mutation" du PCF, ni ceux qui ont poussé et poussent encore à une refondation dépassant la forme parti, ni ceux qui l’ont quitté pour tenter de reconstruire autre chose, ou pour organiser les militants en attente de cette reconstruction, ni ceux qui ont pesé dans le PCF pour d’autres orientations, ni ceux qui ont continué à écrire sous leur nom en se mettant de coté...

Il y a bien sûr des responsabilités, mais on doit aussi reconnaitre que la période a été bousculée par la violence d’un capitalisme mondialisé qui a cru être arrivé à la fin de l’histoire, qu’il est normal d’avoir fait des erreur en tentant de "repenser" l’engagement communiste. Ce qui serait dangereux, c’est de ne pas voir, 30 ans après la chute du mur, les contradictions, les résistances qui ré-ouvrent l’hypothèse communiste, de ne pas voir que tout le socialisme du XXème siècle n’a pas disparu mais au contraire a laissé des traces profondes, bien sûr avec Cuba en Amérique Latine, mais aussi en Chine, et même en Russie. Ce qui serait suicidaire pour les communistes, c’est de penser que le "nouveau monde" invaliderait les questions stratégiques passées, celles de la nature de la transformation sociale, donc de la révolution et du projet de société, donc du socialisme.

Le programme de l’université d’été du PCF a semblé ouvrir le débat, avec de multiples intervenants, mais il a une zone d’ombre... notre propre histoire et ses contradictions. Aucun intervenant porteur d’un discours critique de l’histoire de la mutation du PCF et de ses choix stratégiques.
- « Faut-il une "révolution" ou peut-on changer une société petit à petit ?
- Comment nommer une autre société que le capitalisme ? socialisme ? communisme ?
- Une voie pacifique est-elle possible ?
- Faut-il des "étapes" successives, comme le projet d’une "démocratie avancée" ?
- Comment unir le peuple face à une bourgeoisie qui fait toujours tout pour le diviser ?
- Doit-on s’adresser aux "99%" des gens où y-a-t-il des classes sociales particulières pour les communistes ?
- Le communisme est-il invalidé par l’effondrement soviétique où faut-il au contraire reconstruire une histoire communiste des pays socialistes ?
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La mutation puis la refondation/métamorphose/Front de gauche ont apporté parfois dans le flou des réponses en rupture avec l’histoire du PCF... priorisant la voie électorale, institutionnelle, une gestion "sociale" des biens communs qui se présente opposée au marché mais sans nationalisations, sans "révolution", une démocratie étendue avec les 99%, en supposant que la "force de la politique" permettra de répondre à la "politique de la force" [1]. Mais ceux qui ont cristallisé les oppositions à ces transformations du PCF sont ignorés.

Le dernier congrès, et les résultats de 2017 posent cette question avec acuité, plaçant la direction, qui reconnait elle-même un "véritable échec", devant la responsabilité historique d’ouvrir réellement le débat stratégique, c’est à dire de parler à tous, de chercher dans toutes les analyses historiques de communistes ce qui peut aider à comprendre, ce qui est utile à reconstruire. Elle s’enfermerait dans l’échec en réduisant ce débat dans la continuité des stratégies de ces dernières années, dans la recherche éperdue d’une nouvelle solution pour "la gauche". Le débat a besoin de faire le tour des divisions entre communistes nées de réactions différentes à une histoire mouvementée, fin de l’URSS, fin de l’union de la gauche, mondialisation, transformation du travail, du capitalisme et de ses institutions.

La mutation avec ses suites a été une tentative de réponse historique qui a échouée. On ne reconstruira pas un grand parti communiste sans réouvrir les grands décisions stratégiques qui ont transformé le PCF depuis le programme commun.

[1Citation connue de Gorbatchev reprise par Charles Fiterman quand il était encore au PCF

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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).