Socialisme ou visée communiste…

, par  Stéphane Bailanger , popularité : 2%

Dans la situation, organiser la solidarité et la protection de nos concitoyens est une priorité urgente. Prendre un peu de temps pour réfléchir à l’avenir, surtout quand on est confiné, c’est bien aussi !
Nous livrons donc à la réflexion ce texte de notre camarades Stéphane Bailanger.

Le congrès extraordinaire a tenté une rectification nécessaire des orientations du Parti à travers la nouvelle donne de l’arrivée en tête du texte intitulé « Pour un Manifeste du Parti communiste du XXIème siècle ». S’il est en soi une belle initiative ouvrant enfin des perspectives, le texte initial a connu de nombreuses réécritures afin d’arriver à la présentation d’un seul texte d’orientation acceptable par la grande majorité des communistes.

Néanmoins, lors des discussions du congrès le détour théorique n’a pas résolu la question qui s’était cristallisée dans la polémique qui avait opposée à une autre époque Louis Althusser et ceux qui comme Lucien Sève, voulaient pousser plus loin l’aggiornamento de la fin des années 1960 à la fin des années 1970. Le décès récent de Lucien Sève, dont l’apport théorique doit être salué car les communistes doivent accueillir tous les points de vue qui participent de la réflexion pour transformer la société, vient souligner que la controverse n’est pas nouvelle mais n’est pas datée pour autant. Elle oppose schématiquement les partisans de la théorie classique marxiste - qui considèrent que le passage de la société capitaliste à la société communiste doit passer par l’étape intermédiaire du socialisme – et les défenseurs de la théorie de « la visée communiste » qui fait l’impasse sur l’étape intermédiaire et propose une inversion dans l’analyse, en partant de la fin, du communisme. Les seconds mettent en avant l’idée de dépassement du communisme tel que développé selon leur interprétation par Marx et Engels dans L’Idéologie allemande en 1845 : « Pour nous le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer, nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses ». Ils omettent souvent de rappeler que les mêmes auteurs, dont la réflexion n’était pas figée ont ensuite défendu la nécessité d’une étape intermédiaire, le socialisme. Dans Le Manifeste du Parti communiste de 1848, d’une part, mais aussi dans d’autres écrits ou lettres échangés au sein de l’AIT (la Première internationale) notamment.

Les deux concepts sont-ils incompatibles ? Faut-il opposer l’œuvre de jeunesse de Marx et Engels à leurs œuvres ultérieures ? Certainement pas. Cette opposition est au contraire portée aujourd’hui pour appuyer les tenants de la « visée » du « communisme déjà-là » et disqualifier la nécessité de l’étape intermédiaire voire l’utilité d’un parti communiste. Cette conception, poussée encore plus loin, finit par épouser les schémas mentaux de la pensée dominante, fait sienne l’analyse des anticommunistes et devient « libéralo-compatible », cédant, tout en prétendant la contrer, à la théorie de la « fin de l’histoire » développée au moment de la chute du Mur par Francis Fukuyama. Elle s’est structurée au sein du Parti à travers la « Mutation », portée par Robert Hue, à travers l’idée que le problème du Parti communiste, c’est le Parti communiste lui-même. Elle a justifié bien des reculs, bien des renoncements dont la trajectoire de certains de ses défenseurs vers le réformisme puis le libéralisme est l’illustration. A commencer par Robert Hue lui-même. Du dépassement à l’effacement, il n’y a qu’un pas finalement. Les partisans de la théorie dite « classique » - revendiquant l’existence d’une étape intermédiaire où la conquête du pouvoir d’État est nécessaire à la dépossession des moyens de production actuellement détenus par les exploiteurs-spoliateurs capitalistes - n’opposent pas socialisme et communisme. Évidemment, l’on ne peut ignorer l’existence d’une forme de sectarisme en la matière dans des organisations gauchisantes. Cependant beaucoup des défenseurs du socialisme n’ignorent ni la nécessité de la critique sans concession de l’expérience du socialisme réel, ni l’existence dans un monde capitalisme de mouvements émancipateurs autour des « communs », ni le fait que des expériences à la marge du système posent des jalons transformateurs. Seulement, ils savent comme Marx et Engels qu’il ne suffit pas de souffler sur les braises en s’affranchissant d’un projet global, d’une ambition systémique. Ils savent aussi, le mouvement des « Gilets jaunes » en est la dernière illustration, qu’entre classe en soi et classe pour soi, il y a un chemin.

Redonner au Parti communiste des outils (à commencer par ses symboles), redéfinir l’objectif du socialisme en ne le réduisant pas aux seules expériences du XXème siècle, rappeler que même dans un monde globalisé, l’État-nation reste généralement le cadre politique permettant l’exploitation et l’aliénation et faire vivre dans le présent les expériences de « communisme déjà-là » est un impérieuse nécessité. Agir avec le monde et penser l’avenir, c’est ainsi que l’on dépassera les oppositions théoriques entre socialisme et communisme car les deux font partie du tout émancipateur. C’est la condition pour redonner au Parti communiste un projet révolutionnaire, pour solder l’expérience de dégénération réformiste de la « Mutation » et donner à ceux qui le porteront les outils nécessaires à la bataille idéologique. L’actuelle crise sanitaire du Coronavirus et l’aggravation de la crise du capitalisme ne laissent pas d’autres solutions aux communistes.

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