Le débat scientifique est-il malade de cette société du profit ?
La science ne doit pas servir à manipuler l’opinion OGM, Fesseheim et autres balivernes...

, par  Ivan Lavallée , popularité : 3%

Des particules qui se déplacent plus vite que la lumière, des OGM qui empoisonnent, un boson qui fait les unes, des écrivaillons supermédiatisés qui nous vendent la « pensée de Dieu  ». La science est superstar, parfois pour le meilleur mais aussi trop souvent pour le pire. La prégnance de la science dans notre monde devient telle que la formule «  la science force productive directe » trouve là toute sa place. Pas de GPS ni de téléphone « intelligent » sans la théorie de la relativité. On ne résoudra pas les grands problèmes posés à l’humanité (énergie, eau, climat…) sans un développement sans précédent de l’activité de recherche scientifique. Mais, du coup, la science devient aussi enjeu idéologique, donc politique et de pouvoir. Comme au temps des Lumières, quand les philosophes proclamèrent le règne de la rationalité «  ratio est  » contre le pouvoir religieux. Il est grand temps d’y revenir.

Le débat portant sur la science et ses aspects technologiques dans cette société capitaliste en crise n’est pas particulièrement caractérisé par une approche rationnelle. Lorsque la recherche et l’enseignement supérieur sont mis à la botte du capital, il ne faut pas s’étonner de voir des politiques tenir des discours hors de propos, parfois relayés par des scientifiques sous l’influence de financements privés.

Lorsqu’un incident dû à la manipulation de produit de nettoyage (de l’eau oxygénée en l’occurrence) blesse très légèrement aux mains deux ouvriers d’une centrale nucléaire, François de Rugy déclare que «  ça rappelle à tout le monde, à tous ceux qui croyaient qu’avec le nucléaire il n’y avait pas de problème de sécurité, qu’il y a toujours un danger  ». Noël Mamère n’est pas en reste, bien sûr, qui déclare : «  Cet incident est la preuve qu’il faut fermer Fessenheim au plus vite. C’est aussi la preuve qu’il ne faut surtout pas se lancer dans une opération de soins palliatifs des centrales vieillissantes, comme Fessenheim   ». On voit mal comment on peut tirer rationnellement de cet incident ces deux conclusions. Si chaque accident du travail prouvait qu’il faut fermer une usine, il ne resterait bientôt plus d’usines en France. Que l’incident n’ait strictement rien à voir avec le côté nucléaire ni de près ni de loin, ni bien sûr avec «  l’âge  » de la centrale, peu importe, ce qui compte, c’est la manipulation de l’opinion que ça permet. On regrettera que Corinne Morel-Darleux y aille aussi d’une remarque de même nature.

Que dire aussi d’une étude universitaire surmédiatisée, menée «  pendant deux ans dans le plus grand secret  » (les enseignants-chercheurs apprécieront ! Et avec quels crédits ?) prouvant que les OGM sont dangereux pour la santé par un professeur, Gilles-Éric Séralini, qui refuse de communiquer à ses pairs les détails de l’expérience, récuse à priori toute contre-expertise, choisit lui-même les journalistes habilités à assister à sa conférence de presse et les oblige à une clause de confidentialité pour qu’ils n’aillent pas consulter d’autres scientifiques susceptibles de donner un avis différent sur l’expérience ? Et puis, dans ce cas précis, quand bien même l’étude serait correctement menée, il s’agirait d’un maïs OGM et non des OGM en général. Là aussi, on a vite fait de sauter le pas de la rationalité et de passer de un à tous.

Cela illustre bien les liaisons dangereuses entre les intérêts financiers ou politiques et l’activité scientifique. Les seuls experts indépendants ne peuvent être que ceux payés par la collectivité, le service public donc, sans interférence d’intérêt avec les grandes chaînes de distribution, ou les firmes chimiques qui fabriquent les pesticides. Le débat scientifique est malade de la société basée sur le profit.

Il est temps de revendiquer une sérénité et une rationalité dans le débat. Il s’agit là aussi d’un enjeu idéologique à l’heure où on vend du temps de cerveau disponible et où on explique qu’une image de télévision ne doit pas 
impressionner autre chose que la rétine du spectateur.

Ivan Lavallée, enseignant-chercheur à l’Université Paris 8

Article paru dans l’Humanité du 05 octobre 2012

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