Un an de Front Populaire, L’unité ouvrière Discours de Maurice Thorez à l’assemblée des militants de la Région parisienne Le 9 Juin 1937 à la Mutualité

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Deux mois après le discours contre la « pause » dans les réformes du Front Populaire, Maurice Thorez fait le bilan d’un année, et insiste sur la nécessaire unité populaire, au moment où les tensions montent contre le Front populaire, sous pression de la finance...


Camarades,

En ces jours anniversaires de l’avènement au pouvoir du Front populaire, le Comité central a tenu à réunir en assemblée d’information les militants communistes de la région parisienne qui ont contribué pour une grande part à la victoire populaire de mai1936.

Les communistes de Paris et de sa banlieue laborieuse, ont été les premiers à réaliser avec intelligence, avec persévérance, et avec succès, la large politique d’union et d’action, préconisée par notre Parti communiste, qui a conduit au front unique prolétarien, puis à ce Front populaire de lutte pour le pain, la liberté et la paix et dont vous les premiers avez acclamé l’idée, le 10 octobre 1934, lorsqu’elle vous fut présentée à la salle Bullier.

Les communistes de Paris et de sa banlieue — petits-fils et dignes continuateurs des glorieux communards de 1871 — ont donné dans l’inoubliable soirée du 9 février 1934, le signal et l’exemple de la riposte aux ennemis du peuple, émeutiers du 6 février et agents de l’étranger.

Aujourd’hui les communistes de Paris ont le droit d’être fiers lorsque de toutes parts, de toutes nos provinces de France et de tous les pays du globe, les visiteurs affluent par centaines de milliers et par millions dans notre belle capitale, que les fascistes se sont efforcés vainement de discréditer, de déshonorer aux yeux de l’étranger. (Applaudissements)

Le succès de l’Exposition apparaît comme une première sanction de l’effort du Front populaire en vue de redresser l’économie nationale, tout en améliorant le sort, de tous les travailleurs, de tous les malheureux, de l’effort du Front Populaire en vue de rendre à la France son clair visage de nation laborieuse, pacifique et hospitalière.

Et peu à peu, en contraste heureux avec les années passées, une atmosphère de travail, de joie et même de fête gagne dans le pays et serait sans nuage, n’était l’angoisse qui étreint notre peuple douloureusement ému par le martyre de l’Espagne républicaine.

Les travailleurs de toutes conditions sont reconnaissants au Front populaire et au Parti communiste qui en fut l’initiateur et en reste l’animateur, des avantages matériels et moraux dont ils bénéficient désormais.

Des conquêtes sociales d’une grande ampleur

A la suite de la victoire de mai et aussi comme résultat de son action propre au cœur même des entreprises, la classe ouvrière a arraché des augmentations de salaires substantielles, elle a obtenu les conventions collectives, les congés payés, la semaine de 40 h.

Ce sont là des conquêtes sociales d’une ampleur considérable qui améliorent sensiblement la condition du prolétaire, lui assurent une plus grande sécurité, lui donnent la possibilité de goûter pleinement les joies de la famille, élèvent le sentiment de la dignité et la conscience de la classe ouvrière.

Abstraction faite naturellement de l’Union Soviétique où les producteurs libérés de l’exploitation capitaliste travaillent dans des conditions de loin supérieures à tout ce qui peut être réalisé ailleurs, la France tend à reprendre une première place dans le monde, rattrapant les pays où depuis longtemps déjà les ouvriers bénéficient de lois sociales, auxquelles le patronat de chez nous avait jusqu’ici réussi à échapper. (Applaudissements)

L’aide aux classes moyennes

L’abrogation des décrets-lois a rétabli les traitements et les indemnités des fonctionnaires, des employés et ouvriers des services publics, les pensions et les allocations des anciens combattants et victimes de la guerre.

Une aide sérieuse, quoique encore insuffisante, a été accordée aux petites gens des classes moyennes. Les petits commerçants, grâce au relèvement de la capacité d’achat des salariés, ont vu monter leur chiffre d’affaires. Ils ont obtenu de plus larges possibilités de crédit, des prêts, une première loi sur l’aménagement des billets de fonds.

Les paysans ont surtout bénéficié de la création de l’Office du blé qui leur a assuré un prix stable de leur produit principal vendu, comme vous savez, en moyenne 146 francs le quintal au lieu de 70 francs sous Laval, et qui a favorisé le redressement des prix des autres produits du sol.

Et contrairement aux affirmations paniquardes de la réaction, l’amélioration du sort des masses laborieuses n’a pas déterminé la ruine du pays.

La reprise économique s’affirme sans cesse

La reprise économique, lente et inégale, s’affirme cependant sans arrêt depuis août 1936. L’indice général de la production continue à monter, sauf dans le bâtiment et le textile.

Le chômage partiel est en voie de disparition ; le chômage complet est en régression constante quoiqu’insuffisante. Les échanges se développent ; les recettes des chemins de fer, le nombre des wagons chargés, augmentent chaque semaine.

On constate une augmentation des recouvrements budgétaires, une diminution des faillites, une augmentation des dépôts bancaires, et un léger progrès des émissions de capital.

Enfin, la plupart des grandes sociétés bancaires, industrielles et commerciales avouent une augmentation de leurs bénéfices en 1936, par rapport à 1935.

C’est ce que remarque la revue « l’Activité Economique », bulletin trimestriel, dont le comité de direction est présidé par M. Charles Rist : « Les modifications de prix qui sont intervenues ont pu entraîner d’importants bénéfices, ce que semblent confirmer les augmentations de dividendes pour l’exercice 1936 ».

Une revue financière anglaise « l’Economiste » écrit le 19mai » :

« En somme, la rentabilité de l’industrie française est aujourd’hui non seulement restaurée mais elle a été restaurée à une étendue réelle supérieure à ce que la comparaison des indices permet de voir, par exemple, de 1931 à 1937 ».

Et le rédacteur financier de ce grand journal de la Cité ajoute : « Ainsi, durant les douze derniers mois, telles entreprises qui sont aussi celles qui doivent bénéficier du réarmement et des travaux publics, ont réalisé un degré remarquablement élevé d’efficience productive, comparable avec celle des entreprises semblables, par exemple des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, et plus élevé qu’en 1931 ».

C’est-à-dire que les oligarchies financières bluffent le pays lorsqu’elles crient misère et qu’elles décrient les lois sociales.

Mais le progrès de la production matérielle s’accompagne, il faut y insister, du progrès social et aussi d’un essor culturel, véritable expression de la poussée des masses populaires, de leur aspiration à une vie plus heureuse, plus libre, plus belle

Bienfaits de la semaine de 40 heures

La semaine de 40 heures, la double journée de repos ont facilité la pratique du sport nécessaire à la santé du corps et à l’équilibre de l’esprit. La bicyclette, le tandem, connaissent de nouveau la vogue. La moto devient un sport populaire. Nos jeunes gens pratiquent le camping.

Le tourisme populaire s’étend. L’an dernier, et ce n’était qu’un bien modeste début, 300.000 billets à prix réduits étaient délivrés à 550.000 voyageurs.

Les sports d’hiver, quelque peu revalorisés, ont permis de délivrer 15.000 billets pour la saison 36-37 contre 4.500 pour la saison 35-36.

Les syndicats, notre Humanité, organisent ces excursions, des trains spéciaux.

Les travailleurs de France découvrent leur beau pays.

Clubs, cercles, écoles se multiplient, le théâtre populaire renaît

Et que dire, camarades, dans le domaine de l’intelligence et de l’art, de ce foisonnement de clubs, de cercles, d’écoles, de ce développement de notre université ouvrière, par quoi se manifeste la soif d’instruction des travailleurs ; de ce développement prodigieux des maisons de la culture, constituées sous le haut patronage de notre grand ami Romain Rolland, et animées, entre autres écrivains et artistes, par Vaillant-Couturier et Aragon.

Que dire de cette renaissance du Théâtre populaire, de cette formation de chorales, de sociétés musicales unifiées par la Fédération musicale populaire ; de cet effort pour nous donner un vrai cinéma — et je pense à l’auteur du film de notre Parti, La Vie est à Nous, à Jean Renoir — de l’effort pour nous donner un cinéma puissant, un réel accent de vérité, tant dans la noblesse du sujet que dans la qualité et le jeu collectif des artistes. Que dire de cette organisation de fêtes, de kermesses, de festivals dans nos quartiers et nos cités, et aussi de ces modestes goguettes familiales de nos cellules d’entreprise ?

Et, camarades, vous dirai-je notre étonnement joyeux à chaque grande manifestation — par exemple l’autre dimanche au Mur, ou à Oyonnax, ou à la Grand’Combe — à la multiplication de ces photographes amateurs ou, là encore, à l’apparition dans nos manifestations de ces groupes charmants des jeunes filles de France.

Et il est à souligner que dans cet essor d’une culture populaire et française, les communistes par leur apport ardent se révèlent les frères, les émules dans la pensée et dans l’action de ces communistes qui construisent un nouveau monde sur le sixième du globe, de ces ouvriers et paysans de l’Union soviétique dont les admirables savants, secondés d’héroïques aviateurs, ont conquis le pôle. (Applaudissements)

L’offensive économique du capital

Cependant, il y a des ombres au tableau. C’est d’abord la grande offensive économique du capital, l’hostilité persistante du grand patronat aux lois sociales, l’effort de la réaction pour faire échec au programme du Front populaire.

Dans les entreprises, les brimades n’ont pas complètement cessé. On continue à licencier, à congédier, à provoquer aux grèves voire à lock-outer. On résiste aux augmentations de salaires, malgré la hausse du coût de la vie, conséquence et de la dévaluation monétaire contre laquelle nous avions mis en garde, et des agissements, de ces spéculateurs contre lesquels les sanctions apparaissent bien bénignes — lorsqu’elles sont prises !

Un véritable chantage aux difficultés financières est exercé par la réaction, sur le Parlement, sur le gouvernement, sur le Front populaire, pour que soient différées, sinon abandonnées, les réformes inscrites au programme du Front populaire et attendues par le peuple de France.

La Fédération du Bâtiment, la C. G. T., n’ont pu obtenir la mise en train d’un programme sérieux de grands travaux, à la fois pour réduire le chômage resté beaucoup trop élevé — 345.000 chômeurs secourus, au 5 juin — et pour imprimer un élan décisif à la reprise qui se traîne.

Le programme de grands travaux, répond aux intérêts des ouvriers qui retrouveront un emploi et des paysans qui ont besoin de chemins, de l’adduction d’eau ou d’irrigation, d’électrification etc.

Mais surtout, les travailleurs des classes moyennes, alliés de la classe ouvrière, ont le sentiment d’être traités en parents pauvres par notre Front populaire.

Ce qu’attendent les petits commerçants et paysans

Les petits commerçants, les artisans attendent encore l’aménagement des dettes et impôts, une réduction de leur loyer. Ils ont besoin d’être aidés pour qu’ils puissent faire bénéficier entièrement des lois sociales, leurs quelques employés ou compagnons.

Les paysans sont peu satisfaits des résultats de la loi du 20 août 1936 qui s’est révélée inapplicable, et ils attendent toujours que soit résolu le problème des dettes agricoles. Ils attendent l’institution de la propriété culturale. Un vote est intervenu à la Chambre, mais le projet est en souffrance au Sénat.

Les paysans attendent le statut du métayage. Ils attendent la caisse d’assurance contre les calamités agricoles. Ils attendent les conventions collectives de vente, et c’est pour appuyer les revendications des travailleurs de la terre que notre Comité central, sur la proposition du camarade Renaud Jean, a décidé d’organiser une journée de manifestations dans les centres paysans le dimanche 4 juillet.

Il va de soi que nous attendons des militants de Paris, de la région parisienne, qu’ils collaborent à cette campagne du Parti en vue de satisfaire les revendications légitimes des paysans de France.

Les paysans, les petits commerçants, les artisans, revendiquent enfin des allocations familiales, et surtout, avec tous les vieux, ils attendent la retraite promise par le Front populaire à ceux qui ont consacré parfois un demi-siècle de leur existence à faire la richesse du pays et aussi, hélas, la fortune de leurs exploiteurs

La retraite des vieux

Il n’est pas utile d’insister dans cette assemblée sur l’urgence de la retraite aux vieux, qui se trouvent pour la plupart dans une détresse effroyable. Vous savez que le Parti s’est acquis la reconnaissance de vieux travailleurs par son ardente campagne dans tout le pays en faveur de leur légitime revendication.

Ceux d’entre vous qui ont pu assister à la réunion des Vieux, au Vélodrome d’Hiver se souviennent du caractère émouvant de cette manifestation.

Notre Parti Communiste a pris également la décision de soutenir de toutes ses forces, je veux dire de tout le cœur de ses militants, la Journée Nationale du 12 juin, patronnée dans la Région parisienne par l’Union des Syndicats conformément aux mots d’ordre de la C. G. T. :

 Une pension pour les vieux et du travail pour les jeunes.

(Applaudissements.)

En ce qui concerne le taux de la retraite, nous estimons qu’il ne devrait pas être inférieur à l’allocation de chômage actuellement servie à une partie des vieux. Si l’on en croit certains, la retraite pourrait ne pas dépasser le taux de l’assistance obligatoire accordée aux vieillards de plus de 70 ans. Ce serait une dérision, un scandale.

On peut et on doit faire payer les riches

Mais en rappelant les revendications qui restent à satisfaire on s’expose à l’objection : comment financer ? Eh bien, n’en déplaise aux tuteurs financiers imposés au gouvernement, n’en déplaise à MM. Charles Rist, Rueff et Bauduin, nous persistons à croire qu’on eût pu éviter ce que Jouhaux, dans l’organe mensuel de la C. G. T.« L’Atelier pour le plan » du 15 mars a caractérisé de la façon suivante : « Au fond, la nouvelle politique financière a été une concession faite aux grands intérêts privés ».

Nous persistons, nous communistes, à croire qu’on peut et qu’on doit faire payer les riches. (Applaudissements.)

En appliquant simplement le programme financier du Front populaire ! Je me permets d’en rappeler quelques articles : « Suppression de la fraude sur les valeurs mobilières par la mise en vigueur de la carte d’identité fiscale votée par les Chambres... ». Une telle mesure permettrait de faire rentrer chaque année huit milliards de plus dans les caisses de l’Etat.

« Réforme démocratique du système des impôts, comportant une détente fiscale en vue de la reprise économique, et création de ressources par des mesures atteignant les grosses fortunes (progression rapide de la majoration du taux de l’impôt général sur les revenus supérieurs à 75.000 fr., réorganisation de l’impôt successoral, taxation des profits des monopoles de fait, en évitant toute répercussion sur les prix de consommation). »

Notre projet de réforme fiscale apporterait 15 milliards à l’Etat

Notre projet de réforme fiscale, remis par notre camarade Jacques Duclos à la commission spéciale constituée à cet effet, outre qu’il permettrait une rentrée supplémentaire de 15 milliards de francs dans les caisses de l’Etat, comporte précisément :

Une augmentation du produit des impôts directs, de ceux qui frappent plus particulièrement les gros, tant par le relèvement de l’impôt général sur le revenu, que par la création d’une surtaxe frappant les bénéfices des grosses sociétés capitalistes.

Une réduction de la part incombant aux petits, tant par les allègements et dégrèvements prévus, que par la diminution des impôts indirects, des taxes diverses à la consommation qui font la vie chère, grèvent le budget du pauvre.

Si les mesures prévues au programme apparaissent insuffisantes, alors il reste, soit à examiner :

Notre projet de prélèvement extraordinaire sur les grosses fortunes, qui se trouve justifié par le caractère exceptionnel des dépenses hors budget, des lourdes charges du Trésor qui s’élèveront pour cette année à plus de 20 milliards, et l’année prochaine à 40 milliards.

La proposition de la C. G. T. rappelée fréquemment par ses dirigeants : une nationalisation des Assurances. Les grandes Compagnies d’assurances gèrent un capital de plusieurs dizaines de milliards de francs. Treize de ces grandes sociétés, au capital total de 614 millions possédaient en 1935, 10 milliards de réserves, et réalisaient 180 millions de profits, 30 pour cent.

Faire payer les riches ! C’est assurer l’équilibre du budget (on se moquait de nous l’an dernier, lorsque nous disions la nécessité d’assurer l’équilibre du budget).

Faire payer les riches ! C’est diminuer la pression des oligarchies financières sur le gouvernement.

Marx nous a enseigné, dans « La lutte des classes en France », que les riches possédants ont intérêt au déficit de l’Etat. C’est, pour eux, le moyen d’assurer leur domination sur l’Etat obligé de recourir à l’emprunt, de subir leurs conditions. C’est aussi l’occasion de fructueuses opérations. On l’a bien vu avec l’emprunt à garantie de change offerte aux singuliers patriotes qui exportent leur or à l’étranger. On l’a bien vu avec la nomination de MM. Rist et autres économistes distingués au conseil de gestion du fonds d’égalisation des changes.

Après nos inquiétudes à propos des revendications qui restent à satisfaire et à propos des solutions données aux problèmes financiers, nous voulons aussi dire notre souci en présence de l’activité criminelle des ligues fascistes reconstituées.

Mais constatons d’abord combien la stabilité gouvernementale, rendue possible par la présence, dans la majorité, d’un Parti communiste qui ne se livre pas au jeu de massacre ministériel (applaudissements), crée les conditions de sécurité nécessaires à la reprise des affaires et répond aux besoins de calme et de tranquillité de notre peuple.

Les travailleurs restent attachés au Front populaire

Constatons ensuite l’attachement profond des travailleurs au Front populaire, en dépit de certaines déceptions. Toutes les élections de l’année écoulée ont confirmé la confiance des masses dans le Front populaire, et aussi l’échec des campagnes anticommunistes qui visent à la dislocation du Front populaire.

Il est même arrivé à Vierzon comme à Sète, que la classe ouvrière donne un salutaire avertissement à ceux qui ne craignent pas de s’appuyer sur les forces réactionnaires pour porter atteinte à la cohésion si nécessaire du Front populaire.

Toutes les élections ont permis de constater le recul de la réaction et surtout des éléments fascistes les plus marquants. Il a suffi que dans la circonscription réactionnaire de Mortain, où le candidat de droite était élu au premier tour avec 2.000 voix d’avance, le candidat se réclame du colonel de La Rocques pour être battu. (Applaudissements)

La dispute s’envenime au camp de la réaction et du fascisme

Constatons enfin que la dispute s’envenime au camp de la réaction et du fascisme. Le colonel de La Rocque et le renégat hitlérien Doriot se disputent la direction des troupes de choc du fascisme.

Le premier se refuse à adhérer au prétendu « Front de la Liberté » créé par le second. Et celui-ci, qui s’était vanté d’avoir rassemblé tout ou presque tout ce qui se réclame anticommuniste, s’attire démentis sur démentis, depuis les démocrates populaires jusqu’au président de la ligue agraire, et même celui de M. Grisoni. Doriot en est réduit à Philippe Henriot, aux princes, aux marquis, vidames et autres chouans avec lesquels, paraît-il, la bande d’aventuriers et de policiers chassés successivement de nos rangs et des autres groupements du Front populaire, fait très bon ménage.

La révocation de Doriot a permis de montrer aux honnêtes gens ce qu’étaient en vérité ceux qui osent parler de probité. D’une façon générale, on constate un recul de la presse hostile au Front populaire.

L’ « Ami du Peuple » est devenu une feuille de chou insignifiante, « l’Echo de Paris » a vu sa rédaction se diviser, la plus grosse partie suivant dans sa démission l’ancien directeur qui a fondé un autre journal. La « Liberté » est tombée du notaire Camille Aymard, au requin Tardieu, et à présent au renégat Doriot.

Mais c’est précisément en raison de la condamnation par le peuple des chefs factieux, c’est précisément en raison des dissensions, des rivalités qui les opposent, que les ennemis du peuple peuvent être tentés de recourir toujours plus aux provocations et aux attentats sanglants contre la classe ouvrière et contre le peuple. Telle est bien l’explication des tragiques événements de Clichy, comme de l’attentat récent de Pussay, où les mercenaires de Doriot ont blessé grièvement une honnête ouvrière, mère de onze enfants.

Et il faut comprendre l’irritation des travailleurs lorsque ces crimes souvent impunis leur font craindre pour le Front populaire et leurs libertés.

Désarmement et dissolution des ligues fascistes

Ah ! Il est trop certain que nous avions raison il ya sept mois, dans cette même salle de la Mutualité, d’attirer au nom du Parti communiste, l’attention du Front populaire et de son gouvernement sur la nécessité :

1° De procéder au désarmement et à la dissolution effective des ligues fascistes.

2° De faire enfin passer le souffle républicain dans la police, l’armée, la magistrature, la haute administration. (Applaudissements)

Il y a quelques semaines, un ancien ministre de Poincaré, M.Léon Perrier, sénateur de l’Isère, se rendait à la tête d’une délégation du Front populaire, comprenant radicaux, ligueurs, syndicalistes, auprès du préfet de l’Isère pour lui remettre une protestation adressée au gouvernement. Le Front populaire de l’Isère proteste contre la récusation par la Cour de Grenoble d’un conseiller coupable de ne pas plaire au colonel de La Rocque, alors que cette Cour condamne férocement les militants ouvriers, les militants antifascistes qui dénoncent l’impunité des assassins du jeune communiste Llacer, les crimes crapuleux de jeunes fascistes de Grenoble.

Il y a quelques jours, le pilote de l’avion régulier de la compagnie « Air France » qui assure le service Biarritz-Bilbao, a été abattu par les avions hitlériens de Franco. Il a pu déclarer que, parti à l’improviste, il n’avait été attaqué par ceux qui l’avaient menacé ouvertement qu’en raison de la trahison de fonctionnaires de l’aérodrome de Biarritz, véritables espions au service de l’étranger.

La défense de la paix

J’en arrive à la page sans doute la plus sombre de notre Front populaire, il s agit de la défense de la paix et du soutien de l’Espagne républicaine. Permettez-moi quelques remarques préalables :

Premièrement : Nous vivons à une époque que Lénine a appelée l’époque de l’impérialisme, la dernière phase du capitalisme. C’est l’époque de la domination des monopoles et du capital financier, alors que l’exportation du capital a acquis une haute importance, que le partage du monde entre les grands trusts internationaux a commencé, et que le partage de tous les territoires du globe entre les plus grandes puissances capitalistes est achevé.

C’est l’époque des guerres et des révolutions.

C’est l’époque de la décomposition capitaliste où se manifestent en général les tendances à la violence et à la réaction.

Après l’horrible guerre impérialiste de 1914-1918, notre époque connaît le triomphe de la première révolution socialiste réalisée par les travailleurs de l’Union Soviétique, sous la direction du Parti bolchevik de Lénine et de Staline. Notre époque connaît la marche victorieuse de la construction socialiste, les magnifiques acquisitions matérielles, morales, scientifiques, artistiques, du peuple soviétique, l’épanouissement de la plus large démocratie, la démocratie des producteurs libres.

Notre époque connaît aussi la barbarie honteuse et rétrograde du fascisme, le régime de l’oppression féroce des travailleurs, de la terreur sanglante. Notre époque connaît le fascisme qui est à l’intérieur la négation de la démocratie, et à l’extérieur la négation de la paix, qui est l’aventure, la provocation à la guerre.

La victoire du Front populaire fait pencher la balance en faveur des forces de démocratie et de paix

Deuxièmement : La victoire du Front populaire en France a eu dans le monde des répercussions considérables. Elle a exercé et elle exerce toujours une influence énorme sur les travailleurs des autres pays et notamment sur les travailleurs des pays à dictature fasciste.

Notre victoire a montré que le fascisme n’était pas un mal inévitable ; elle a stimulé, contre le fascisme détestable, l’ardeur des partisans de la liberté et de la paix.

Le fascisme avait conquis après l’Italie et les pays de l’Europe centrale et balkanique, l’Allemagne et l’Autriche, il menaçait de submerger l’Europe et de la précipiter à la ruine et à la catastrophe. Mais notre victoire de mai 1936, venant après les combats héroïques de Vienne en février 1934, et des Asturies en octobre 1934, après les journées de Février 1934 en France, notre victoire de mai 1936 a fait, dans le monde, pencher la balance en faveur des forces de la démocratie et de la paix.

Une simple énumération, assez éloquente :
 Aux Etats-Unis, la victoire de Roosevelt et des éléments démocratiques de la grande république américaine ;
 En Finlande, la défaite des fascistes qui détenaient le pouvoir depuis longtemps, et la victoire des démocrates ;
 En Angleterre, les succès, répétés à chaque élection des libéraux et des labouristes, et l’éloignement d’un roi profasciste ;
 En Belgique, la défaite retentissante de l’aventurier et hitlérien Degrelle ;
 En Hollande, la défaite de nationaux-socialistes, eux aussi agents de Hitler ;
 Et enfin, dimanche dernier, l’échec au Luxembourg des propositions de dissolution du Parti communiste. (Applaudissements)

Evolution antifasciste dans les milieux catholiques

Troisièmement : Le progrès des forces de démocratie et de paix, les électeurs belges notamment, ont confirmé un fait de la plus haute importance, prévu par les communistes qui ont su agir en conséquence, c’est l’évolution antifasciste dans les milieux catholiques. Chaque grande crise sociale et politique ne laisse pas insensibles et indifférents les catholiques.

En ce moment les ouvriers et les paysans catholiques manifestent, sous différentes formes, leur volonté d’entente avec leurs frères de misère, un désir commun de liberté et de paix.

Les catholiques, tout comme les communistes, sont persécutés en Allemagne hitlérienne, et notre Parti communiste en tendant en France la main aux travailleurs catholiques, a travaillé utilement à l’union des hommes de bonne volonté pour obtenir le bonheur sur la terre. (Applaudissements)

La France eût dû prendre la direction d’une politique d’organisation de la paix

Et maintenant après ces trois remarques, il est possible d’affirmer que la France du Front populaire eût pu et eût dû prendre l’initiative et la direction d’une grande politique extérieure d’organisation de la paix.

Ce n’est malheureusement pas le cas puisque notre politique extérieure a fait écueil sur les événements tragiques d’Espagne.

Je me permets ici encore de rappeler deux articles importants du programme du Front populaire :

« Collaboration internationale dans le cadre de la Société des Nations, pour la sécurité collective, par la définition de l’agresseur et l’application automatique et solidaire des sanctions en cas d’agression. »

« Répudiation de la diplomatie secrète, action internationale et négociations publiques pour ramener à Genève — (pas pour les conduire à Londres, M.T.) — les Etats qui s’en sont écartés, sans porter atteinte aux principes constitutifs de la Société des Nations : sécurité collective et paix indivisible. »

N’est-il pas clair que le respect absolu de ces articles du programme eût conduit à une autre politique au regard des événements d’Espagne ?

Depuis juillet 1936 notre Parti n’a pas cessé de montrer le caractère de l’opération réalisée en Espagne pour le compte d’Hitler et de Mussolini, par Franco et ses soudards.

Dès juillet 1936, nous avons dit : Il ne s’agit pas d’une simple rébellion, mais d’une agression préméditée et perpétrée par le fascisme international.

Par conséquent il n’y a pas seulement une menace contre les libertés et l’indépendance du peuple espagnol, mais une menace contre la sécurité de la France et contre la paix.

Et nous n’avons pas cessé de demander, en accord parfait avec la C.G.T., le respect du programme du Front populaire, le respect du pacte de la Société des Nations, le respect des principes élémentaires du droit international.

Notre position devant les événements d’Espagne

Loin de demander l’intervention comme on continue à le prétendre pour calomnier honteusement notre Parti communiste, nous avons protesté contre l’intervention. Nous avons demandé que l’on fasse cesser l’intervention fasciste. Nous avons protesté contre la fausse politique de soi-disant neutralité qui a mis sur un même plan les victimes et leurs agresseurs, les républicains et les rebelles.

Nous avons protesté contre le blocus de fait, contre l’ « erreur tragique », que selon la lettre du Parti socialiste espagnol au Parti socialiste français que j’ai eu l’occasion de citer le 5 décembre 1936 à la tribune de la Chambre, « le prolétariat espagnol paie de son sang  ».

Nous n’avons pas été les seuls à protester contre la violation du Droit. Léon Jouhaux écrivait dans le Peuple, le 20 novembre au moment où Madrid se défendait victorieusement contre l’assaut le plus furieux du fascisme : « La duperie a assez duré ».

Même pour ceux qui ont pu douter en août dernier, même pour ceux qui ont pu se laisser prendre aux sophismes que l’on continue à répandre sur une prétendue défense de la paix au prix de l’abandon où sont laissés les républicains espagnols, au prix de concessions et de capitulations successives devant le chantage des fascismes hitlérien et mussolinien, il est clair que la neutralité à sens unique a été et reste une duperie.

Vandervelde et Emile Kahn aux côtés de l’Espagne républicaine

Le Premier Mai, après la destruction de Guernica, Vandervelde l’ancien président de la II Internationale, le ministre démissionnaire du cabinet d’Union nationale de Belgique, écrivait dans une lettre ouverte à notre camarade Léon Blum :

« Jusques à quand, en vérité, durera ce scandale, ou comme disait le doyen de Canterbury, cette farce ridicule et tragique ; jusques à quand, l’impartialité dérisoire dont certains osent encore se vanter, prétendra-t-elle tenir la balance égale entre le gouvernement reconnu d’une nation amie, et les pronunciamentistes de1936 ?  »

Le 15 mai 1937, Emile Kahn, secrétaire général de la Ligue des Droits de l’Homme, qui a mené depuis juillet 1936 une campagne courageuse pour l’Espagne républicaine et pour la paix, écrivait dans un hebdomadaire de gauche :

« Le gouvernement de Front populaire s’est trompé trois fois dans la pratique de la non-intervention : en se liant les mains pour la livraison d’armes ; en acceptant deux mois d’attente sur la question des volontaires ; puis deux mois de délai entre l’accord et le contrôle, et en consentant à un contrôle inégal et fallacieux.

Il s’est trompé doctrinalement en écartant dès l’abord, le recours à la Société des Nations, et en substituant aux procédures de Genève les pitoyables combinaisons du triste comité de Londres.{}

Il s’est trompé politiquement en laissant le champ libre au fascisme international. »

L’attitude de la France incompréhensible aux démocrates des autres pays

Il faut dire même que l’attitude de la France reste incompréhensible aux démocrates des autres pays.

Déjà, en novembre, le rédacteur de l’Echo de Paris, Pertinax, rapportait que personne aux Etats-Unis ne comprenait l’attitude de la France. Cette fois, c’est le radical Jacques Kayser, retour d’Amérique, qui déclare :

« J’ai noté scrupuleusement les questions qui m’ont été posées à l’issue de vingt-cinq causeries sur la France et la situation internationale, je me suis vu demander dix-neuf fois d’expliquer l’attitude de la France à l’égard de la guerre civile en Espagne. Aucune question ne m’a été posée aussi souvent et, je dois préciser, de telle manière que je sentais le désir de voir la France soutenir le gouvernement espagnol contre les insurgés. »

Et enfin, c’est dans le Populaire de samedi dernier, 4juin, que le camarade Louis Lévy, membre de la C.A.P., publie les lignes suivantes :

« Je ne m’appesantirai pas sur le passé. Sans doute, il y aurait beaucoup à dire. On peut regretter que le gouvernement, quelle que sait la noblesse des mobiles qui l’inspiraient, ait cru devoir appliquer le premier la non-intervention ; on peut plus, encore, déplorer que nous ayons cru devoir prendre aux yeux du monde l’initiative de la non-intervention...

Mais seul importe le présent. Or, aujourd’hui nous pouvons constater, après les Internationales, que nonobstant la bonne volonté de notre gouvernement, la politique de la non-intervention a subi des échecs répétés. Des milliers de techniciens hitlériens sont en Espagne et quatre-vingt mille soldats combattent dans la Péninsule sous les ordres des officiers de Mussolini. Cela seul me suffira pour affirmer que la non-intervention est à sens unique, que l’Espagne républicaine est l’objet d’une agression véritable, que le devoir de la S.D.N. est d’agir sans détours comme l’article 10 du Pacte le lui prescrit. »

Le bilan de la soi-disant non-intervention

Car telle est la tragique réalité que nous, communistes, avions eu le courage de prévoir dès juillet et août 1936.

Le bilan de la soi-disant non-intervention c’est Irun, Badajoz, Madrid, Guernica, Malaga, Bilbao et enfin Alméria.

Le bilan de la soi-disant non-intervention ce n’est pas la guerre européenne écartée, éloignée, mais c’est la menace devenue plus proche, plus redoutable.

Emile Kahn écrit, le 5 juin : « L’affaire d’Ibiza, qui a failli faire sauter L’Europe, démontre que la méthode adoptée, au mépris du droit, pour sauver la paix, mène à la guerre. »

La présence sur les côtes d’Espagne des flottes hitlérienne et mussolinienne, sous prétexte de contrôle, a multiplié les points de friction, les foyers de guerre.

Nous l’avions prévu et dénoncé ; le bombardement d’Almeria vient de le prouver. Mais la dernière provocation hitlérienne a suscité l’indignation douloureuse des travailleurs et des pacifistes dans tous les pays.

L’appel des partis socialiste et communiste d’Espagne et de l’U.G.T.

C’est alors que le Parti socialiste d’Espagne, le Parti communiste d’Espagne, l’Union Générale des Travailleurs d’Espagne ont adressé, le 2 Juin, un appel commun à l’Internationale ouvrière socialiste, à l’Internationale Communiste, à la Fédération syndicale internationale en leur demandant à nouveau d’entreprendre l’action commune la plus résolue pour mobiliser la solidarité prolétarienne de tous les peuples décidés à empêcher la réalisation des plans du fascisme qui veut plonger le monde dans l’enfer d’une conflagration mondiale,

La réponse de l’Internationale communiste

Dès le lendemain, Dimitrov, le héros de Leipzig et le secrétaire de notre Internationale communiste, a répondu au Parti socialiste, au Parti communiste et à l’Union générale des Travailleurs d’Espagne. Il leur a télégraphié :

« Pratiquant inébranlablement une politique de réalisation de l’unité d’action du prolétariat international dans la lutte contre le fascisme et la guerre, étant sans réserve du côté du peuple espagnol qui lutte héroïquement contre les rebelles fascistes et les interventionnistes, l’Internationale communiste proposa plus d’une fois à l’Internationale ouvrière socialiste d’organiser des actions communes, des organisations ouvrières internationales comme moyen le plus efficace de lutte contre le fascisme, pour la défense de la démocratie et de la paix.

Jusqu’à présent, ces propositions ayant été repoussées par la direction de l’Internationale socialiste, n’ont malheureusement pas donné de résultats positifs. »

Et Dimitrov communiqua à nos frères d’Espagne le texte du télégramme adressé par lui au nom du comité exécutif de la III Internationale au citoyen De Brouckère, président du comité exécutif de l’I.O.S., et dont voici l’essentiel :

« Nous vous faisons savoir que nous sommes pleinement d’accord avec les propositions espagnoles et soutenons entièrement leur initiative. De notre côté, nous proposons de créer une Commission de contact des trois Internationales en vue de réaliser l’unité d’action internationale contre l’intervention militaire de l’Allemagne et de l’Italie en Espagne.

« Nous sommes prêts à examiner toutes propositions de votre part, ainsi que de la part de la Fédération syndicale internationale, dans l’œuvre de défense du peuple espagnol. »

Pour la cinquième fois les dirigeants de la IIe Internationale s’opposent au front unique

Vous connaissez la réponse du président de l’I.D.S. :

« Notre Internationale accomplira, sous sa responsabilité, tout son devoir. Ni son président, ni son secrétaire n’ont comme vous le savez, les pouvoirs pour adhérer, en son nom, au Comité que vous proposez. » (Murmures de réprobation dans la salle)

Ainsi, un nouveau refus. Ainsi, pour la cinquième fois en quatre années, les dirigeants de la IIe Internationale prennent la responsabilité de s’opposer au Front unique international.

Comme d’ailleurs nos camarades de la direction du Parti socialiste n’ont pas cru devoir accepter jusqu’à ce jour notre proposition de réunir le Comité d’entente, proposition que nous avons formulée dès le soir du 31 mai en apprenant le massacre d’Almeria et le danger que l’attentat hitlérien faisait courir à la paix du monde.

La volonté d’unité est profonde chez les masses travailleuses

Et cependant, la volonté d’unité est profonde en France et dans le monde chez les ouvriers communistes, et chez leurs frères socialistes.

De nombreux ordres du jour votés en commun ou séparément en témoignent abondamment. Il n’est pas possible qu’une telle situation se prolonge !

La volonté unitaire des masses doit l’emporter sur l’esprit de division et la haine des communistes de quelques leaders de la II Internationale (comme Sir Citrine, baronnet de sa Gracieuse Majesté). (Applaudissements)

Le prolétariat parisien le dira demain, comme les travailleurs le diront dans tout le pays, car la paix, car la passion, la rage unitaire des prolétaires et surtout des communistes, ne faiblit pas, ne faiblira pas.

De même que persiste l’attachement profond des masses au Front populaire, de même persiste et persistera chez les communistes la volonté d’aboutir à une action commune toujours plus étroite avec leurs frères socialistes et au parti unique de la classe ouvrière.

Le Front populaire est une application des principes du marxisme-léninisme

Le peuple de France et la classe ouvrière sont attachés au Front populaire pour ce qu’il leur a donné et pour ce qu’il doit encore leur donner.

Le Front populaire a été conçu par notre Parti communiste non comme une tactique occasionnelle ou circonstancielle, non comme une combine électorale, mais comme une application des principes fondamentaux du marxisme-léninisme : comme une alliance curable entre la classe ouvrière et les travailleurs des classes moyennes.

Staline, dans son rapport au 17e Congrès du parti bolchevik, le 25 janvier 1934, expliquait comment « les classes dominantes des pays capitalistes anéantissent scrupuleusement ou réduisent à rien les derniers vestiges du parlementarisme démocratique bourgeois, vestiges pouvant être utilisés par la classe ouvrière dans sa lutte contre les oppresseurs ».

Et quinze jours plus tard, le 6 février 1934, les émeutiers fascistes tentaient à Paris leur assaut contre la démocratie.

Armé par la théorie de Lénine et de Staline, le Parti communiste de France a su organiser l’action et il a su préconiser la nouvelle formation de défense de la démocratie et de la paix.

Le Parti communiste a pris l’initiative d’un Front populaire qui n’a pas seulement préservé les libertés et maintenu les avantages acquis antérieurement par les masses laborieuses, mais qui a étendu les libertés, amélioré la situation des travailleurs, renforcé matériellement, politiquement, et du point de vue de l’organisation, les positions de la classe ouvrière.

C’est là, j’y insiste, une différence essentielle avec la tactique dite du moindre mal, avec la politique de coalition appliquée en d’autres pays par la social-démocratie, où la classe ouvrière s’était vue peu à peu limitée dans l’exercice de ses libertés, atteinte dans ses conditions matérielles d’existence.

Ici, l’action de la classe ouvrière par le Front populaire, pour le Front populaire, dans le Front populaire, s’est exercée et s’exerce dans un sens favorable aux intérêts bien compris de tous les travailleurs, dans un sens progressif.

Le Front populaire a renouvelé la démocratie, il a même, en quelque sorte, réhabilité le Parlement.

Le Front populaire est une acquisition de la classe ouvrière

Le Front populaire est devenu une acquisition de la classe ouvrière qui le défendra contre tout et contre tous, comme elle a toujours soutenu et défendu la République, malgré ses fautes, et parfois ses crimes. Car, comme l’a dit Marx : « Le prolétariat sait que la République, c’est le terrain en vue de la lutte pour son émancipation révolutionnaire, mais nullement cette émancipation elle-même ».

Voilà, encore une fois, qui explique rattachement des masses au Front populaire, et l’attitude loyale de collaboration du Parti communiste, et la durée de la présente équipe ministérielle.

En juillet 1936, nous avions dit à la Conférence nationale de notre Parti : « Nous avons la conviction que le Gouvernement actuel peut durer plus qu’aucun de ceux qui l’ont précédé, qu’il peut durer pendant toute la législature ».

C’est cette ferme volonté d’assurer la stabilité gouvernementale, qui exige, qui justifie la possibilité, la nécessité de remarques, de suggestions, de critiques, visant à l’application intégrale du programme du Front populaire.

Par contre, il ne serait pas juste d’affirmer que l’échec éventuel d’un Gouvernement serait l’échec du Front populaire, et ne laisserait d’autre alternative à la classe ouvrière que la révolution immédiate.

Ce ne serait pas juste, surtout dans la mesure où le programme n’aurait pas été réalisé.

On parle parfois d’une doubla attitude à la Chambre et dans le pays. Le Parti communiste a une attitude unique à la Chambre et dans le pays, dans sa presse et dans ses réunions.

Le Parti communiste s’en tient purement et simplement, à la Chambre et dans le pays, à l’application du programme commun, et parce qu’il n’entend pas faciliter les entreprises sournoises de la réaction qui veut disloquer le Front populaire, le Parti communiste, même s’il n’approuve pas telle ou telle mesure, après l’avoir dit ouvertement à la tribune de la Chambre, ne se sépare dans le vote ces groupes de la majorité.

La vie pose des problèmes nouveaux, dira-t-on. Oui, mais on peut les résoudre en s’inspirant de l’esprit du programme commun, et surtout on peut soumettre ces problèmes, avant toute décision qui engage le Front populaire, à l’examen des organisations alliées.

Il faut bien constater que nous sommes bien souvent placés devant le fait accompli, dans l’obligation ou d’approuver ou de risquer de porter atteinte à l’unité du Front populaire. Dans ce cas, il est clair que la responsabilité des malentendus incombe non pas à qui défend le programme ou s’en inspire dans sa politique, mais à qui s’en écarte.

Il est utile de rappeler qu’en définitive on pourrait se souvenir de cet article du programme commun :

« Appel à la collaboration du peuple et notamment des masses laborieuses ».

C’est-à-dire consulter les comités et organisations du Front populaire et tenir compte de leurs observations et résolutions.

L’unité de la classe ouvrière, condition première de la cohésion du Front populaire

La condition première de la cohésion du Front populaire, c’est l’unité de la classe ouvrière, ce qui exige des rapports toujours plus étroits entre ouvriers socialistes et communistes.

C’est pourquoi, dans cette dernière période, notre Comité central a fortement insisté auprès des camarades de la C.A.P. pour qu’ils acceptent de réunir le Comité d’entente, pour qu’ils ne retardent pas davantage les contacts si nécessaires en vue, et de l’organisation de l’action commune, et de la discussion des problèmes du parti unique.

Dans l’intérêt même de la classe ouvrière et du Front populaire, ne convient-il pas d’examiner au plus tôt les moyens d’accorder la retraite aux vieux, ou de faire payer les riches, ou de venir en aide à nos frères d’Espagne et de faire cesser le blocus, au lieu de s’élever contre l’article de Dimitrov qui demande l’unité d’action internationale et que certains considèrent comme une« intolérable diatribe ».

Discutons du parti unique

Dans l’intérêt de la classe ouvrière, ne convient-il pas d’aborder la discussion des problèmes du parti unique, non seulement en réglant la procédure, en décidant ou en refusant les assemblées communes à la base, entre ouvriers socialistes et communistes, — qui ont tout de même un mot à dire — et la préparation d’une Conférence nationale d’unification, mais aussi en posant entre nous les questions fondamentales.

Faut-il ou ne faut-il pas que le parti unique du prolétariat affirme son opposition irréductible à la collaboration des classes et à l’union sacrée ?

Faut-il ou ne faut-il pas que le parti unique se considère comme une partie d’un grand tout, le parti mondial de la classe ouvrière ?

Faut-il ou ne faut-il pas que le parti unique de la classe ouvrière agisse dans l’esprit du pur internationalisme prolétarien ? Par exemple, en faisant tout, en ce moment, pour aider les frères d’Espagne, en soutenant sans réserve l’Union soviétique contre tous ses ennemis, y compris les provocateurs et espions trotskistes, agents de Hitler.

Faut-il ou ne faut-il pas que le parti unique de la classe ouvrière soit fondé sur les principes du centralisme démocratique, que la discipline y soit absolue y compris, et surtout, pour les parlementaires et les militants en vue ? (Applaudissements)

Faut-il ou ne faut-il pas que l’organisation de base du Parti soit constituée dans l’entreprise même ?

Nous voulons espérer que toutes ces questions seront bientôt abordées dans un esprit fraternel qui dissipe tous les malentendus, et nous avons en tout cas la conviction que les divergences doctrinales ne peuvent empêcher l’accord et l’action commune contre le fascisme, pour la paix et pour l’Espagne républicaine.

322.000 adhérents au Parti communiste unis autour du C.C.

Pour terminer, quelques mots sur le Parti.

Parce que notre Parti communiste apparaît de plus en plus comme l’animateur et le ciment du Front populaire ; parce qu’il a su, parfois, dans des circonstances plus que dramatiques, concilier son devoir d’internationalisme à l’égard du peuple espagnol et son souci de ne rien faire qui puisse porter atteinte au Front populaire ; parce qu’il a su lutter à la fois contre les abandons et contre la démagogie, notre Parti continue à recruter parmi les prolétaires les plus ardents, parmi les travailleurs les plus conscients et les plus courageux.

Au 31 mai 1937, nous comptons 322.000 adhérents (applaudissements) et nous étions au 31 mai 1936 134.000 et à la fin décembre 1936 284.000.

Le Parti n’a jamais été plus uni et plus serré autour de son C.C. Le cadre de nos militants gagne en autorité et en prestige, qu’il s’agisse des élus parlementaires municipaux, ou des camarades appelés par la confiance des syndiqués à la direction des plus grandes organisations corporatives, ou des journalistes, des propagandistes et des instructeurs, qu’il s’agisse de nos modestes secrétaires de sections et de cellules d’usines ; tous, appliquant avec intelligence la ligne générale de notre Parti, deviennent des conducteurs d’hommes et des chefs ouvriers.

Salut aux combattants du front de la liberté

Mais qu’il me soit permis, camarades, de saluer fraternellement, avec une particulière émotion, les centaines et les milliers de membres du Parti communiste français, secrétaires de cellules, militants des sections, membres des Comités régionaux ou du Comité central, qui combattent sur le front de la liberté et celui qui fut leur guide politique, notre camarade André Marty. (Applaudissements répétés)

Nous nous inclinons avec douleur et fierté devant la mémoire de nos nombreux morts, glorieux héros, fils du peuple de France, tombés à côté de leurs frères espagnols et d’autres pays pour la cause de la liberté et de la paix. (Applaudissements)

Le journal de notre Parti, l’Humanité de Jaurès et de Cachin, a atteint dimanche un tirage de 660.000 exemplaires. (Applaudissements)

Les cellules, les Comités de défense, les militants communistes, les sympathisants rivalisent de zèle et d’ardeur dans la diffusion du journal à six sous, qui a osé, seul, engager la lutte contre la vie chère, contre les trusts du papier.

Progrès constants du communisme

La J. C. compte 81.325 adhérents, son journal l’Avant-Garde tire à 86.500 exemplaires ; son prochain Congrès, les 11, 12 et 13 juillet, sera une éclatante manifestation de force juvénile, d’enthousiasme, d’ardeur, de lutte revendicatrice, de combat pour la paix et aussi de confiance dans le Parti communiste qui ouvre à la jeunesse la voie du bonheur, tout en accordant à son organisation une pleine et entière indépendance.

L’Union des jeunes filles de France, à sa première année d’existence, groupe 17.000 adhérentes, son journal tire à 22.000 exemplaires.

Ainsi, les progrès du communisme sont constants.

Mais, camarades, nous inspirant du rapport de notre camarade Staline à la dernière session du C.C. du parti bolchevik, gardons-nous bien de succomber au vertige des succès. Gardons-nous bien de la vantardise et de l’insouciance politique sous prétexte que tout va bien.

La responsabilité de notre Parti grandit en raison même de la croissance de son influence, de son prestige, de ses effectifs et en rapport direct avec son rôle toujours plus grand dans la vie du pays.

C’est pourquoi les conseils de Staline aux bolcheviks de l’U.R.S.S. sont à méditer par les communistes de France.

Eduquons les adhérents et les cadres du Parti

Il est nécessaire de faire plus encore pour éduquer les adhérents et les cadres du Parti, pour élever le niveau politique du Parti, pour refouler tout praticisme étroit, borné et sans perspective.

Il est nécessaire de faire preuve d’initiative dans l’étude et la solution des problèmes politiques, en sachant s’instruire auprès des masses, en ne prenant pas ses désirs pour des réalités, en éduquant les masses, mais en recevant d’elles la leçon souvent salutaire de bon sens et de modestie.

Il faut savoir entendre les voix d’en bas surtout dans un pays, surtout dans une région où les travailleurs, a écrit Marx, enthousiasmé, ont toujours fait preuve d’un tel esprit d’initiative historique.

Il est nécessaire de faire preuve de vigilance dans le choix et la répartition des hommes aux différentes fonctions dans le parti, en dépistant les quelques brebis galeuses, trotskistes ou provocateurs, éléments hostiles et étrangers au Parti, qui pourraient tenter de se glisser dans nos rangs.

En ne permettant pas non plus que l’on puisse suspecter ou frapper injustement ou de façon exagérée, jusqu’à l’exclusion, comme c’est son droit, un désaccord sur tel point secondaire de notre politique, sous réserve que ne soit pas mise en question notre doctrine fondamentale, le marxisme-léninisme.

N’oubliez jamais, camarades, que les succès du Parti, que l’essor du Parti ont commencé avec la campagne du Comité central à l’intérieur du Parti pour assurer la démocratie contre ceux qui l’étouffaient (Barbé, Celor, Doriot) et avec ces articles intitulés : « Que les bouches s’ouvrent » et « Pas de mannequins dans le Parti ». (Applaudissements)

Le Parti est grand. Il est fort, il est capable d’assimiler, d’éduquer, d’entraîner. Il est le premier en France, et il nous est plus cher que nous-mêmes.

Il est l’espoir du peuple de France.

Camarades de la région parisienne, levez haut et ferme le drapeau de notre Parti, le drapeau du Communisme, le drapeau du Pain, de la Liberté et de la Paix. (Applaudissements prolongés et Internationale)

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