Les béquilles de Mélenchon

, par  Pascal Brula , popularité : 1%

Difficile de résister à l’appel du clavier en lisant le tract qui faisait la retape pour une soirée de soutien à Mélenchon, le mardi 5 juin à la mairie de Hénin-Beaumont sous les bons auspices du toujours jeune anticommuniste Guy Bedos. Le spectacle sera d’ailleurs exceptionnel, nous assure le tract au recto. Et au verso, les électeurs peuvent dormir tranquilles, car chaque jour, dixit le fameux tract, ils sont nombreux à se mobiliser pour mener la campagne, artistes, intellectuels, élus, salariés d’entreprises et des services publics. Mais surtout, sur ce verso, occupant symboliquement une grosse moitié de la page, on peut lire les citations des quatre soutiens qui semblent être les plus importants pour Mélenchon qui, de toute manière, se moque officiellement des implantations locales en matière de législatives en réponse aux accusations de parachutage. Au passage, il est cependant bien content de trouver tel le coucou, le nid bien chaud d’une organisation… localement bien implantée pour faire le boulot, le PCF (pour combien de temps encore ?).

Du coup, ces quatre soutiens passent avant celui des autres. Reste à savoir s’ils sont aussi importants pour les travailleurs de la circonscription… Commençons par la grande admiratrice de Mitterrand qu’est Ségolène Royale car, même quand elle "ne dit rien, cela fait du bruit" (octobre 2006). Son extraordinaire "bravitude" lui a fait pousser la chansonnette pour Mélenchon : « Il a raison de faire ça, […] il est en cohérence avec ce qu’il a dit pendant la campagne présidentielle puisqu’il s’est beaucoup porté en contradicteur de Marine Le Pen. Je trouve ça très bien d’aller porter le fer sur ce territoire ».

C’est une ode au chevalier du Front de Gauche qui, chevauchant son noir destrier PCF coiffé d’un heaume (moins il y verra clair, mieux cela vaudra…), va affronter le mal absolu, le reste n’étant que broutilles. Devant un tel sacrifice, on a envie de lui faire porter un gros bouquet de fleurs par une jolie petite fille et de lui essuyer le front avec un linge humide. Ca va ? Tu tiens le coup ? Quelle générosité gratuite ! Cela me rappelle mes années à la fac : les gauchistes n’avaient qu’une idée en tête, en découdre physiquement avec les "fachos" ; les revendications étaient secondaires devant la noblesse très machiste de casser quelques nez.

Ah oui, mais vous me direz, Mélenchon, lui, il argumente ; nuance, il combat le mal avec des arguments ! D’ailleurs, il faut vraiment être mauvaise langue pour affirmer qu’il ne serait là que pour exister sur le plan médiatique et accessoirement pour mettre au pas une fédération ayant voté à 70% pour Chassaigne. Devant tant d’acrimonie, je prends à témoin notre deuxième soutien de Mélenchon, le tout nouveau pimpant ministre du "redressement productif", l’Arnaud Montebourg toujours prompt à se redresser sur ses ergots. Que lui dit-il ? « Je lui dis bonne chance. Combattre le Front national, ce n’est pas de couper les branches, c’est de s’attaquer à la racine ». Ainsi donc, la racine, c’était Marine Le Pen ! Et Sarko qui avait donné des consignes pour qu’elle n’ait pas ses signatures ? Et bien je découvre qu’il s’en prenait aussi à la racine…

Alors comme ça, le Mélenchon, on pourrait presque lui mettre le costume de super-héros. Au moins, lui avec le Front de gauche, c’est le seul à combattre cette horreur qu’est le FN. Il n’arrête pas de nous le seriner. Mais j’y pense, ce n’est quand même pas le premier à avoir mis en garde les "fachos" sabre au clair. Rappelez-vous notre Lajoinie national qui avait décidé d’affronter Le Pen à la télé. On devait voir ce que l’on allait voir et on a vu Le Pen… continuer à grimper ! Et on en a fait des tracts avec des arguments tous aussi argumentés les uns que les autres par des docteurs en arguments. Et Le Pen toujours là. Le grand baratineur en chef aussi, Bernard Tapie, lui avait lancé un défi, gants de boxe à l’appui. Ça ne l’a pas ébranlé plus que çà. A tel point qu’on pourrait se demander si c’est la bonne méthode et la bonne racine…

Mais point de vue des soutiens de Mélenchon à Hénin-Beaumont, ce n’est pas fini. Il y en a deux autres et pas des moindres. De ceux qui ont bercé sa jeunesse politique. L’OCI est une famille trotskiste, certes un peu militaire et violente à l’époque (qui s’en souvient à part moi qui ne tient qu’à ma pointe de vitesse de l’époque d’avoir échappé à un bon mois d’hosto ?), mais tellement attachante, tellement anticommuniste et toujours tellement liée au PS (particulièrement depuis Mitterrand) qu’après toutes ces années, les liens restent indélébiles. N’est-ce pas, cher Marc Blondel, ancien secrétaire de FO (je n’ose pas vous dire ce que l’on disait à propos du sigle de FO… trop graveleux), qui s’est fendu (d’accord, c’est un peu lourd) du plus beau témoignage : « Je veux t’exprimer mes félicitations pour cette initiative. Il eut été possible de trouver une circonscription électorale plus facile, tu as refusé cette possibilité et privilégié ainsi les convictions sur le carriérisme ». On en pleurerait. Ce n’est pas comme ce psychorigide de Jospin, le privatiseur en chef, qui est quand même un peu resté sur la retenue pour son ancien camarade avec sa citation : « Si un geste peut être fait, il a un sens. Si Jean-Luc Mélenchon était à l’Assemblée, ça ne me choquerait pas ». Au tableau, il ne manque plus que Cambadélis à qui Mitterrand avait offert en 1981 un poste de député en récompense des loyaux services de son organisation dans sa campagne contre les communistes…

Toutes ces citations quand même, ça devrait en jeter sur les électeurs, c’est très fort… mais au fait, Mélenchon, il est candidat socialiste ou pas ? On n’y comprend plus rien. Car finalement, le seul enjeu dans cette circonscription largement majoritaire à gauche, c’est de savoir qui du PS ou de Mélenchon sera devant l’autre au premier tour. Et celui qui sera devant pourra se targuer d’avoir terrassé la bête qui, vous le savez, est sortie du fameux ventre encore fécond, etc… Évidemment, ça la foutrait mal pour notre matamore que ce soit le PS qui s’embroche la Le Pen le 17 juin prochain. Mais au fait, le fameux ventre encore fécond, si je m’en souviens bien, notre cher Bertold, c’est le capitalisme ! A ce rythme là, il a de beaux jours devant lui et le temps d’être encore plus fécond…

Pascal Brula


Tract de soutien à Mélenchon - Soirée Bedos :

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    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

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    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

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