Vénissieux : Le rassemblement populaire au concret...

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Le débat qui traverse le parti communiste depuis longtemps sur sa stratégie de rassemblement et sa traduction politique avec l’union de la gauche, s’est traduit par une succession de stratégies politiques et électorales depuis l’union de la gauche et ses suites gouvernementales, aboutissant à un "Front de Gauche" présenté comme une alternative à la participation gouvernementale, mais mis à rude épreuve à l’occasion des élections municipales puis européennes cette année.

Peut-être faut-il regarder avec attention ces élections, en étant attentif au mouvement réel, sans se contenter de prises de position politiques qui par leur seule force déclarative viendraient convaincre de leur justesse... sans chercher non plus la résolution des contradictions dans la théorie pour elle-même...

Les élections municipales de 2014 peuvent être un moment particulier dans lequel, malgré la diversité des situations locales, quelque chose bouge dans le réel des conditions d’unité du peuple et de sa traduction politique et donc peut être un élément de clarification politique pour les communistes.

D’abord parce que la brutalité du gouvernement écolo-socialiste, dans la poursuite de la politique "thatchérienne" de Nicolas Sarkoy, rend impossible tout retour en arrière dans une union de la gauche qui devait "changer la vie" comme le disait François Miterrand. Non seulement, Hollande s’est contenté du changement tout court dans sa campagne, mais il démontre en ce début d’année 2014 une volonté d’en faire plus avec le MEDEF, l’Union Européenne, et l’atlantisme, que tout ce qu’on pouvait craindre de la droite elle-même. L’accélération des réformes annoncées avec le "pacte de responsabilité" et ses suites, remise en cause des institutions existantes, rigueur renforcée, droits nouveaux pour les patrons, fuite en avant dans l’Europe fédérale, militarisation des relations internationales... tout bouscule des représentations politiques traditionnelles de la "gauche"...

L’instrumentalisation des questions sociétales pour jouer des clivages politiques montre ses limites et ses dangers de division du peuple. En cédant face à la droite dans la rue tout en continuant de mépriser les luttes sociales et les revendications syndicales, le gouvernement montre que sa stratégie conduit à favoriser, et le conservatisme sociétal, et le conservatisme social ! Et la question posée n’est plus tant celle de supposés "droits sociétaux nouveaux" que l’urgence de se mobiliser avec force pour les droits des femmes et l’égalité !

Dans ce contexte, le "désamour" populaire du parti socialiste est tel que l’alternance classique ne peut plus canaliser les réactions populaires et reconstruire périodiquement des alliances larges autour des oligarchies dominantes, un coup à droite, un coup à gauche. Le peuple Français a viré Sarkozy il y a deux ans, il n’avait pas d’espoir réel de changement, mais constate que tout se passe comme si Sarkozy était toujours là. Les difficultés de la droite à s’affirmer comme une alternative révèle que le peuple au fonds n’a pas oublié son vote de 2012... Personne ne sait s’il va finalement décider de punir ou non le gouvernement, mais la multiplication des triangulaires peut conduire à une sorte de "pat" ou gauche et droite se neutralisent, avant de se retrouver aux élections européennes pour "sauver l’Europe", "sauver l’Euro", et accélérer la fuite en avant dans le fédéralisme et la déconstruction de la république.

Même le Front National est tiraillé entre une stratégie de "normalisation", tentant de prendre le leadership à la droite classique en devenant un grand parti populaire de droite, ce qu’il peine de fait à faire, et la montée d’un extrémisme mélangeant religions, traditions, exaspérations sociales, communautarismes, anti-républicanisme, racismes ayant trouvé leurs entrées dans de nouvelles catégories sociales hier attachées à la "gauche".

Face à la confusion travaillée depuis des années par l’extrême-droite sur des repères "anti-systèmes", la nécessité de dénoncer tous les chemins du fascisme commence à apparaitre plus clairement, face aux Dieudonné, Soral et d’autres qui ont souvent créé des divisions entre militants cédant d’un côté ou de l’autre aux amalgames antisémitisme-antisionisme, islam-islamisme...

Le rôle de l’islamisme politique apparait de plus en plus clairement comme un des vecteurs de cette extrême-droite cherchant à faire progresser l’acceptation de la guerre partout, se retrouvant allié de l’OTAN et du capitalisme mondialisé sur de nombreux théâtres de guerre. Les déclarations surréalistes des jeunes Français djihadistes en Syrie sont illustratives !

Tout cela n’est pas sans rapport avec les stratégies électorales des prochaines municipales... et malheureusement, le parti communiste reste inaudible, tiraillé entre la volonté toujours réaffirmé des militants de faire vivre leur parti, donc à la fois d’avoir des élus et de se libérer de la tutelle du PS, de renforcer l’organisation même des communistes, tout en construisant des rassemblements les plus larges possibles.

Les stratégies d’alliances des collectifs anti-libéraux, puis du Front de Gauche, ont fait croire à de nombreux militants que la question principale était celle des alliances électorales, des "fronts" électoraux et donc des batailles médiatiques autour de "leaders" chargés de porter les colères et les luttes... Et ces militants sont souvent tiraillés entre leur refus d’avaler de nouvelles couleuvres socialistes et leur souhait de garder leurs élus que certains, y compris au Front de Gauche, verraient disparaitre avec plaisir. Cela conduit à des décisions qui peuvent paraitre contradictoires, selon les situations locales :

- les communistes Lyonnais, ont choisi une liste Front de Gauche face au maire socialiste de Lyon, et plusieurs de leurs élus, soutiens au congrès pourtant de ce Front de Gauche, partent au premier tour avec le maire socialiste.
- les communistes Villeurbannais, majoritairement opposé à la stratégie Front de Gauche, ont choisi de prolonger l’union de la gauche tout en refusant pourtant la soumission au PS...
- les communistes de Vénissieux, majoritairement opposés à la stratégie Front de Gauche, ont proposé une liste de rassemblement de toute la gauche, mais, refusant de céder aux injonctions du PS, et conduisent une liste de rassemblement sans le PS...
- les communistes de Saint-Fons, majoritairement opposés à la stratégie Front de Gauche, mais considérant l’agressivité d’une droite locale revancharde, ont décidé de poursuivre l’alliance avec le PS.
- ...

Il faut sans doute tenir compte que ces élections vont battre le record de listes dissidentes, et que le PS est lui-même divisé à Lyon, Rillieux, Bron, Vénissieux, Décines...

Le cadre politique issu de la stratégie du programme commun et de l’union de la gauche se dissout de manière accélérée et chacun cherche son chat comme il peut dans le brouillard... Qui peut encore parler de "désistement républicain" ? Nous ne sommes plus dans les années 90 ! Non seulement les communistes ne sont pas au gouvernement, mais leurs parlementaires ne votent pas les budgets d’un gouvernement de "gauche"... Le PS lui-même assume totalement cette situation en tentant de peser au maximum sur le "communisme municipal", par les réformes qui suppriment les institutions historiques de la couronne rouge de Paris, affaiblissent les communes en les immergeant dans des communautés et métropoles que droite et gauche institutionnelles se partageront, et en même temps en tentant de faire tomber un grand nombre de villes communistes aux prochaines élections... Il n’y aura d’union PC-PS aux municipales que dans moins de la moitié des villes de plus de 30.000 habitants...

Certains peuvent tenter d’appuyer sur ces contradictions apparentes pour aggraver les divisions entre communistes, les pousser au bout d’une stratégie Front de Gauche qui enfermerait le PCF dans la "gauche de la gauche", ne se présentant plus comme l’outil de la révolution à la disposition de la majorité du peuple, mais comme l’aiguillon à gauche du parti socialiste dominant... ou au contraire revenant pour sauver ses élus à la soumission aux institutions et au PS...

Pourtant, il y a pour les communistes des situations originales à prendre en compte, et peut-être la possibilité de faire apparaitre une stratégie nouvelle, assumant la rupture avec l’ancienne stratégie d’union de la gauche, mais affirmant son ambition d’être au cœur d’un rassemblement populaire majoritaire. Le résultat qu’obtiendront notamment des maires communistes sortants qui se retrouveront face à une liste PS, peut constituer un évènement politique majeur du 23 mars. Si beaucoup de ces maires rassemblent largement autour de leur projet et d’équipes renouvelées concrétisant un rassemblement populaire et militant, ils démontreront que l’alternative n’est pas entre la soumission à droite au PS ou la soumission à la gauche de la gauche.

Ce sera le cas à Vénissieux dont le maire, Michèle Picard, a présenté samedi 9 février une liste rajeunie (deux ans de moins qu’en 2008, 3 ans de moins que la moyenne des électeurs de la ville), dans laquelle les communistes ont toute leur place sans être hégémoniques, associant des partis de gauche (PG, EELV, MRC) et des personnalités locales, socialistes, républicaines, associatives. La photo des candidat(e)s est illustrative de cette liste populaire et militante.

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Et la bataille qui s’engage peut être un moment fort de l’histoire de cette ville belle et rebelle dirigée par un maire communiste depuis... 1935. Pour la première fois, le PS se présente contre la majorité municipale. Il reprend les slogans de l’UMP "80 ans, ça suffit", espérant surfer sur un supposé anti-communisme latent, la tête de liste socialiste déclarant "80 ans de communisme, c’est 80 ans de clientélisme, de sectarisme et d’inefficacité"... Autant dire que personne ne s’attend à un accord de deuxième tour !

Le résultat de cette élection vénissiane, comme d’autres situations proches, va être instructive sur la réalité des rapports de force dans la société française et la capacité du peuple à déjouer les pièges qui lui sont tendus :

- La droite peut-elle capitaliser face à une ville communiste historique, sur l’exaspération contre le système, le gouvernement, la crise ? sur les peurs et les replis communautaristes et religieux ? Le FN qui est absent va-t-il faire voter pour ce candidat UMP ex-Villieriste ?
- L’extrême-droite identitaire peut-elle surfer sur les manipulations des "Jours de la colère" et autres Dieudonné pour faire une percée dans une ville de banlieue ?
- Le parti socialiste qui présente deux fers au feu avec une liste officielle et une liste dissidente peut-il détourner les insatisfactions et colères sociales de son gouvernement vers la critique de la gestion municipale ?

La qualité de la liste, des rencontres organisées par le PCF l’automne dernier, des rencontres organisées par la liste depuis janvier, les déjà plus de 1000 soutiens à Michèle Picard obtenus au porte à porte, sur les marchés, tout indique que toutes ces forces peuvent perdre beaucoup le 23 mars si la liste de Michèle Picard arrive très largement en tête.

Ce serait un signe politique fort au plan national sur ce que pourrait devenir une stratégie communiste nouvelle, centrée sur le rassemblement populaire, refusant de s’enfermer dans l’alternance gauche-droite, dénonçant les oligarchies politiques et économiques tout en tissant des liens de confiance avec toutes les couches sociales qui ont intérêt à sortir de la spirale de l’austérité et de la récession, organisant pas à pas l’unité de tout le peuple, le monde du travail, les quartiers populaires, les couches moyennes, les intellectuels, la jeunesse, les artisans et professions libérales, le tissu économique local quelques soient par ailleurs les contradictions qui subsistent entre ces couches sociales

Le Front de Gauche serait un élément de ce rassemblement, mais chacun des partis qui le constituent, assumerait son rôle sans se confondre, chacun devant dans le concret de l’action militante faire la preuve de son utilité au rassemblement.

Et ce rassemblement ne serait pas d’abord un front électoral, mais bien d’abord un effort d’unité dans l’action, dans la solidarité, dans les luttes. C’est le sens que prend alors le rôle joué par le maire de Vénissieux dans les luttes des Veninov, des St-Jean, d’Arkema, de STIL, etc... comme dans l’action contre les expulsions, pour l’école... L’élection n’est pas d’abord un enjeu de l’institution, mais un enjeu populaire pour construire un rapport de forces local favorable aux luttes.

Ce lien construit entre rassemblement large et renforcement du parti communiste, entre luttes sociales et enjeux électoraux serait une expérience au concret du rassemblement populaire qui devrait devenir la stratégie du PCF, permettant de penser le dépassement de la longue période issue du programme commun.

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