Qu’est-ce que le fascisme ? Henri Barbusse

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Qu’est-ce exactement que le fascisme ? La création et l’évolution du fascisme résultent de l’état de malaise et d’incertitude, des difficultés grandissantes de la vie, des menaces économiques et autres, qui surgissent de toutes parts, en un mot de la situa­tion précaire où se débattent actuellement dans presque tous les pays toutes les couches moyennes de la population.

Le vrai moteur du fascisme, ce sont les pouvoirs d’argent, qui ont su et qui ont pu, grâce aux moyens gigantesques de publicité, de propagande et d’action dont disposent ceux qui disposent des richesses, attacher à leur politique la petite et la moyenne bourgeoisie en canalisant dans le sens de la conservation et de la réaction sociale son mécon­tentement, ses appréhensions et ses souffrances.

Nul ne peut contester que de nos jours, et dans les institutions actuelles, tout ce qui est fait d’essentiel est plus ou moins conduit par les grands détenteurs du capital.

Si le capitalisme, c’est à dire la main mise de l’oligarchie de l’argent sur les choses sociales, a toujours plus ou moins conduit les affaires humaines, cette emprise est arrivée aujourd’hui à toute sa plénitude.

Ce ne sont pas seulement les capitalistes américains qui l’affirment (et ils ont l’autorité de le faire), ce sont tous les économistes et tous les observateurs, à quelque opinion ou à quelque caste qu’ils appartiennent.

Or, partout le capitaliste a suscité le fascisme. Il l’a mis sur pied et lui a donné l’élan. Et ce n’est un secret pour personne que le fascisme italien et tous les autres fascismes nationaux sans exception se sont accrus grâce à l’appui financier de la grande bourgeoisie riche, de la grande industrie et des banques.

Le fascisme sort du capitalisme. Il en est la résultante logique, le produit organique.

Texte complet

« En ce moment le fascisme enserre le monde entier ou se prépare à le faire... » ( Article paru dans le périodique japonais KAIZO, fin 1926 )

Il se passe actuellement dans le monde entier et principalement en Europe, un événement d’une importance capitale qui exerce une influence grandissante sur la vie sociale et politique : C’est la création et l’évolution du fascisme.

Cette organisation vient d’être mise en lumière par différents événements de premier plan de la politique intérieure et extérieure internationale. Le plus récent de ces faits symptomatiques qui ont permis d’exposer en peine lumière les progrès du fascisme, est le procès qui vient de se dérouler à Paris en Cours d’Assises.

Deux militants communistes, Clerc et Bernardon, étaient inculpés du meurtre d’un certain nombre de manifestants fascistes.

Voici un bref résumé des faits. Il y a plus d’un an, le 25 avril 1925, à l’issue d’une réunion électorale contradictoire qui avait lieu à Paris dans le préau de l’école de la rue Damrémont, le bruit courut que les représentants des doctrines antidémocra­tiques, c’est à dire les amis du candidat Sabatier, étaient menacés par des manifes­tants révolutionnaires, à la suite de la réunion. Ce bruit était inexact.

Cette réunion contradictoire avait été animée, mais elle n’avait pas dégénéré en bagarre.

Toujours est-il que mal informés, des jeunes gens appartenant aux Jeunesses Patriotes et qui assistaient à une réunion dans un autre quartier (au cirque de Paris) se rendirent rue Damrémont et se présentèrent devant le local d’où les assistants commençaient à sortir.

Ceux qui survenaient marchaient par rangs de quatre, à une allure militaire et les cannes hautes.

Cette attitude provoqua précisément la bagarre qu’on aurait pas eue à déplorer si les Jeunesses Patriotes ne s’étaient pas présentées dans ces conditions.

Il y a eu une mêlée, des coups de feu et finalement, du coté des Jeunesses Patriotes, quatre morts et une cinquantaine de blessés.

On arrêta Clerc et Bernardon qui avaient été trouvés porteur de révolvers et qu’on prétendait avoir vu tirer.

Les présomptions matérielles qui semblaient assez sérieuses en ce qui concerne Clerc, l’étaient beaucoup moins pour Bernardon, et il y avait une certaine confusion dans les témoignages recueillis.

La seule chose qui semble pouvoir être affirmée c’est que les victimes avaient été tuées et blessées par des communistes.

Au moment de l’attentat, il y eu une grande émotion à Paris et M. Taittinger, président des Jeunesses Patriotes, fit à la Chambre des Députés Française un tableau pathétique du martyre de ses amis.

Les débats pas­sionnés de la Cour d’Assise ont abouti, malgré l’évi­dente partialité de l’avocat général Rateau, mais aussi du président Laugier, à l’acquittement de Bernardon et à une peine légère pour Clerc (trois ans de prison).

En vain, toute une partie de la presse et de l’opinion a essayé de transformer cette affaire en un drame banal de droit commun. La défense des accusés, et par la force des choses, les divers témoignages qui se sont fait entendre à la barre, ont obligé le jury à tenir compte du fait social dont la bagarre de rue la Damrémont n’est en réalité qu’un épisode. J’ai été moi-même appelé à titre de témoin par la défense devant le Jury de la Seine.

J’ai développé cette idée qu’on ne peut pas abstraire cette malheureuse histoire de fusillade de la lutte aiguë engagée dans nos pays entre les représentants et les défenseurs de la classe ouvrière, et ceux de la bourgeoisie capitaliste.

C’est ce point de vue que je veux exposer aujourd’hui à mes lecteurs de « Kaizo », afin de les mettre au courant des conditions particulières dans lesquelles se poursuit en Europe la guerre de classes.

Sans doute, n’ayant pas assisté personnellement à la tragique soirée du 23 avril, je ne pouvais déposer sur les faits concrets et précis de ce drame.

Et tout en déplorant profondément la mort violente de plusieurs jeunes gens, je ne pouvais, en ce qui concerne la matérialité de l’événement, qu’émettre cette opinion objective : en tout état de cause, ce sont les fascistes qui en se rendant en nombre et en rang, dans les conditions où ils l’ont fait, rue Damrémont, ont provoqué le malheur, et en portent toute la responsabilité.

Puis je me suis empressé de déclarer aux jurés que si l’on voulait pénétrer et comprendre ce drame, il fallait pénétrer dans le drame plus grand et plus meurtrier qui le domine et qui l’explique, et qui est celui du fascisme international.

Le fascisme étant un grand fait de l’histoire contemporaine, en envisageant ce fait, on ne sortait pas de la cause qui était à juger, mais au contraire on y entrait en plein. On ne peut pas parler avec précision, ni même avec loyauté, d’un épisode de guerre civile, si on ne parle pas de cette guerre civile elle-même et du caractère qu’elle a pris.

Or, en ce moment, le fascisme enserre le monde entier ou se prépare à le faire. Cette prise en possession signifie et annonce bien des menaces et bien des catastrophes futures, et c’est, en vérité, un cri d’alarme, un cri d’angoisse, que doivent pousser ceux qui ont le sens des réalités.

Qu’est-ce exactement que le fascisme ? La création et l’évolution du fascisme résultent de l’état de malaise et d’incertitude, des difficultés grandissantes de la vie, des menaces économiques et autres, qui surgissent de toutes parts, en un mot de la situa­tion précaire où se débattent actuellement dans presque tous les pays toutes les couches moyennes de la population.

Le vrai moteur du fascisme, ce sont les pouvoirs d’argent, qui ont su et qui ont pu, grâce aux moyens gigantesques de publicité, de propagande et d’action dont disposent ceux qui disposent des richesses, attacher à leur politique la petite et la moyenne bourgeoisie en canalisant dans le sens de la conservation et de la réaction sociale son mécon­tentement, ses appréhensions et ses souffrances.

Nul ne peut contester que de nos jours, et dans les institutions actuelles, tout ce qui est fait d’essentiel est plus ou moins conduit par les grands détenteurs du capital.

Si le capitalisme, c’est à dire la main mise de l’oligarchie de l’argent sur les choses sociales, a toujours plus ou moins conduit les affaires humaines, cette emprise et arrivée aujourd’hui à toute sa plénitude.

Ce ne sont pas seulement les capitalistes américains qui l’affirment (et ils ont l’autorité de le faire), ce sont tous les économistes et tous les observateurs, à quelque opinion ou à quelque caste qu’ils appartiennent.

Or, partout le capitaliste a suscité le fascisme. Il l’a mis sur pied et lui a donné l’élan. Et ce n’est un secret pour personne que le fascisme italien et tous les autres fascismes nationaux sans exception se sont accrus grâce à l’appui financier de la grande bourgeoisie riche, de la grande industrie et des banques.

Le fascisme sort du capitalisme. Il en est la résultante logique, le produit organique.

C’est l’armée qu’il jette dans la lutte sociale pour maintenir coûte que coûte ce qu’il appelle ses droits et ce que nous appelons seulement : ses profits.

Le fascisme est en somme la réaction suprême et brutale, et poussée dans ses extrêmes conséquences, de l’ordre ancien contre un ordre nouveau.

En conséquences de ses principes constitutifs, le fascisme a deux buts, l’un politique, qui est l’accaparement de l’État ; l’autre économique, qui est l’exploitation du travail.

L’exploitation du travail est sa raison d’être. Le déchaînement fasciste tend à faire rentrer dans l’ordre, selon l’expression consacrée, la masse immense des pro­ducteurs, des travailleurs des villes et des champs, qui sont en réalité la substance même et la force vitale de la société.

C’est qu’à notre époque, les yeux des masses ont commencé à s’ouvrir, elles ont commencé à s’étonner de cette anomalie prodigieuse que ceux qui sont tout ne sont rien, et que la multitude produise, et peine, et soit jetée dans des guerres, pour les intérêts, contraires aux siens, d’une minorité de profiteurs.

Ayant commencé à ouvrir les yeux et à s’étonner, les travailleurs ont commencé à s’organiser, à s’unir pour résister à un destin inique.

Donc le vrai fait social est celui-ci : il y avait un prolétariat exploité et inconscient depuis des siècles, et voilà qu’il devient conscient.

On peut même dire que la guerre des classes n’est pas quelque chose de nouveau qui est survenu de notre temps, mais plutôt quelque chose que l’on s’est mis de notre temps à discerner et à comprendre.

La guerre des classes a en réalité toujours existé du fait de l’oppression de la majorité par une minorité privilégiée. En réalité ce fut toujours, jusqu’aux temps contemporains, la défaite des classes laborieuses. Mais ce n’en est pas moins une guerre.

A cette guerre d’écrasement, le prolétariat organisé oppose un arrangement basé sur l’égalité politique de tous, sur la juste souveraineté du travail et sur la solidarité des divers peuples par dessus des frontières qu’il estime artificielles et néfastes.

La guerre des classes, comme l’a dit Lénine, doit aboutir, par la prépon­dérance, par la victoire, du prolétariat, à l’abolition des classes.

Elle doit aboutir également à l’abolition des guerres entre les nations puisque cette victoire referait entre les hommes une autre classification, plus profonde, plus rationnelle, plus réelle que les divisions géographiques, et une alliance plus solide que les alliances diplomatiques.

C’est pourquoi le deuxième but du fascisme est l’accaparement de l’État. Il s’agit de maintenir en l’aggravant le vieux régime dictatorial d’oppression, enchevêtré étroitement avec le nationalisme et l’impé­rialisme, il s’agit de faire triompher, comme par le passé, le principe de la concurrence à outrance et de la lutte, du chacun pour soi, aussi bien entre les individus qu’entre les nations, il s’agit d’imposer la continuation du règne de la loi de guerre et de destruction.

A l’heure qu’il est, on ne peut pas dire que le fascisme ne soit pas partout.

On ne peut pas dire non plus qu’il ne soit pas partout le même.

Il a partout le même objectif essentiel : l’étouffement de la libération du peuple.

Même lorsque des groupements fascistes sont séparés, de pays à pays, par les convoitises nationales, ils sympathisent et ils se soutiennent de par le parallélisme de leurs tendances.

Ce ne sont pas par exemple les revendications des fascistes hongrois à propos de la Transylvanie, annexée par la Roumanie, qui ont empêché les fascistes roumains de défendre seuls dans la presse roumaine les faux-monnayeurs fascistes de Budapest.

Et ce ne sont pas les déclarations agressives et menaçantes pour la France de M. Mussolini qui empêchent les fascistes français de le prôner et de le prendre comme modèle. Et cela est dans l’ordre des choses.

Les fascistes de Bucarest sont plus fascistes que Roumains.

Et les fascistes français sont plus fascistes que Français.

Selon les pays où il opère, le fascisme est plus ou moins fort et en conséquence plus ou moins cynique. Partout, en proportion de sa réussite matérielle, il bénéficie déjà soit de la complicité, soit de la complai­sance des gouvernements constitués.

Partout il fait montre, tout au moins à ses débuts, de la même hypocrisie.

Il ne dit pas : Je suis le fascisme, il dit : Je suis le parti de l’ordre, ce qui est le plus commode de tous les mensonges démagogiques, ou bien il dit : Je suis républicain national patriote, ou bien il arbore quelque autre étiquette. Il prend toutes sortes de noms différents. Il nous éberlue avec des mots.

Il forme beaucoup de catégories, mais au fond de tout cela, c’est la même espèce d’hommes. Nous voyons le fascisme camouflé en associations patriotiques ou en associations sportives, et dans la seule Hongrie [1], pour prendre encore un exemple au hasard, dans la Hongrie dont l’armée nationale a été réduite par le traité de Trianon à 35.000 hommes, il y a de la sorte toute une armée fasciste clandestine de 400.000 hommes qui, en attendant un autre emploi, besogne dans la guerre civile.

Elle reçoit des armes de l’Italie et même tout dernièrement, elle en a reçu des uniformes, et en a commandé en Angleterre. Ailleurs, nous voyons le fascisme camouflé en Ligues Militaires, en Associations d’Étudiants Antisémites, en groupements innombrables et parfaitement organisés des officiers et des soldats de l’armée de Wrangel [2].

Tout cela sert d’instrument au plan fasciste. Déjà, dans toute une partie de l’Europe, les gouvernements s’appuient sur cette gendarmerie de classe plus ou moins clandestine et officieuse.

Et partout où le fascisme a pris pied sévit un système de banditisme anti-ouvrier qui procède par la terreur et par l’assassinat, et qui maintient tous les travailleurs dans l’esclavage.

J’ai déjà dans mon dernier article fait connaître au public japonais quelques faits typiques de cette avilis­sante captivité du travail dans les pays balkaniques où le fascisme est plus ouvertement déchaîné qu’ailleurs.

Là-bas, tout travailleur qui se préoccupe de ses reven­dications d’ouvriers, et cherche à se solidariser avec ses frères de misère, est considéré confie un malfaiteur. Il est frappé, exilé ou tué, comme un ennemi de la société.

La partialité la plus révoltante règne dans tous les corps constitués. Pour n’en citer qu’un fait, on a pu lire dernièrement qu’un conseil de guerre roumain avait condamné un étudiant juif d’Oradea-Mare, nommé Klein, à la prison pour le motif suivant : « Avoir tenté d’organiser une union des étudiants juifs pour résister par la violence aux violences que leur font subir les étudiants chrétiens ». Et cet incroyable arrêt n’est pas seul de son espèce.

D’autres cas de partialité aussi révoltante de la part des juges et des pouvoirs publics ajoutent une sorte d’odieux ridicule à toute la série des assassinats et des crimes que le fascisme d’État commet dans ces pays avec une impunité absolue.

J’ai pu dire aux jurés : « J’ai vu, moi qui vous parle, les ravages accomplis dans les villes et dans les cam­pagnes par le fascisme triomphant ! Je me suis mêlé à ces malheureuses et nobles populations bulgares, roumaines, yougoslaves et hongroises qui meurent de la terreur blanche, j’ai trouvé là-bas un calme apparent qui serre le coeur, parce que c’est le calme d’un cimetière.

Énumérer les assassinats individuels et collectifs, les iniquités, les tortures de prisonniers ou de témoins à la suite de soi-disant complots qui sont imaginés ou bien provoqués par ce qu’on appelle les « facteurs irres­ponsables du pouvoir », cela m’est matériellement impos­sible, parce qu’il y en a trop.

Et ces crimes s’exercent non seulement contre les éléments d’extrême gauche, mais contre tous les éléments d’opposition et les moindres velléités démocratiques. J’ai vu de mes yeux, poussée jusqu’au bout par les gens de là-bas, l’oeuvre que les gens d’ici voudraient implanter chez nous. J’ai rapporté de cet enfer balkanique comme un sentiment de honte humaine et de remords humain.

Et pour la première fois depuis, j’éprouve une sorte de soulagement à signaler ici, devant un tribunal, cet exemple effrayant de la réussite fasciste. »

Sans doute en France, le fascisme n’a pas osé encore relever complètement la tête. Mais il suffit peut-être de peu de chose pour qu’il se décide à le faire s’il continue à jouir d’une impunité et d’une tolérance scandaleuses.

Et cette éventualité de coups de force est d’autant plus menaçante, que le fascisme multiforme entretient perfidement la confusion dans l’opinion publique sur les vrais buts de son organisation anti-prolétarienne et impérialiste, puisqu’il lui met même, ce qui est un comble, un masque tricolore de démocratie.

On ne saurait trop déplorer, à l’époque où nous vivons, l’inertie et la béatitude de l’opinion publique qui ne voit les cataclysmes que lorsqu’ils sont déclenchés. Il a fallu l’assassinat de Matteotti - qui n’est pourtant qu’un épisode entre mille - pour que cette opinion pût voir la vraie face de Mussolini.

Il a fallu cette inimaginable affaire des faux billets de banque pour que l’on discernât la physionomie authentique et les agissements réels du régent Horthy et de son entourage.

J’ai cru pouvoir dire au tribunal : « Si l’opinion est inerte et flottante, il ne doit pis en être de même des juges. Vous vous trouvez amenés à intervenir aujourd’hui dans un épisode d’une machination gigantesque dont, je le répète, tous les rouages se tiennent. Que vous le veuillez ou non, votre verdict sera ou bien un coup, ou bien un encouragement pour le fascisme international. »

J’ai conjuré les hommes dont dépendait la sentence de voir la situation telle qu’elle est et dans toute son ampleur, et de se rendre compte que la classe ouvrière est aujourd’hui, dans notre pays comme dans tous les autres, en état de légitime défense.

Car c’est à cette constatation qu’il faut en venir si on veut voir les choses face à face et ne pas se payer de mots. Bien réellement devant les formidables mesures d’organisation brutale et policière de la bourgeoisie capitaliste, la masse des travailleurs est acculée à se défendre.

Elle ne provoque pas et elle n’a pas provoqué.

Elle ne commet pas les attentats qu’on lui impute ni les complots dont on l’accuse.

Il peut plaire à des rhéteurs d’essayer d’établir que les doctrines prolétariennes avancées, socialisme ou communisme, constituent un complot contre l’ordre établi.

C’est là un simple jeu de mots qui, si l’on y réfléchit, porte à faux. Bien entendu, les socialistes proprement dits, et ces socialistes intégraux que sont les communistes, envisagent une réfection du statut social tout entier et s’assignent pour but de discréditer et combattre le régime actuel.

Mais on peut remarquer que cela est le propre de tous les partis politiques qui ne sont pas au pouvoir.

Chaque parti a son programme qui ne peut être imposé que sur la disparition des programmes adverses.

On pourrait tout aussi bien accuser de complot permanent tous ceux qui voudraient autre chose que ce qui est, et qui honnêtement cherchent les moyens de réaliser leur idéal par la propagande et le recrutement d’adhérents.

En principe, cette seule propagande, ce seul recrutement peuvent suffir pour assurer la victoire à une doctrine, cette doctrine fût-elle le communisme international.

Supposons que tous les travailleurs du monde arrivent à se mettre d’accord sur cette doctrine : elle s’imposera par le fait même et par la force des choses, la puissance du peuple total étant à vrai dire irrésistible et invincible. C’est donc une supercherie et une manoeuvre déloyale de prétendre mettre hors la loi des gens qui présentent un système rationnel d’organisation de la collectivité humaine uniquement parce que ce système, le jour où il sera pris en mains par tous les intéressés, remplacera péremptoirement les institutions existantes.

Ce qu’on combat d’avance avec perfidie et par des moyens détournés chez les communistes, c’est précisément cette redoutable possibilité de vaincre que comporte une vraie majorité, et on essaye de le tuer dans l’oeuf avant que cette majorité, qui n’est actuellement que virtuelle et en puissance, soit à même de se réaliser.

Et on peu remarquer aussi que beaucoup de sophismes et beaucoup de mensonges sont tissés autour de cette question de la violence par ceux-là même qui emploient la violence pour empêcher les grands développements naturels du peuple. Ses ennemis prennent les devants.

Ils ne veulent pas de l’unité ouvrière.

Ce sont eux qui, devant la grandeur imposante de l’organisation universelle des multitudes, se servent de tous les procédés de menace et de contrainte dont ils peuvent disposer.

Au cours du procès Clerc et Bernardon, M. Taittinger a reconnu que la raison de la création des Jeunesses Patriotes, ce fut le déploiement considérable des forces populaires lors de la cérémonie de translation des restes de Jaurès au Panthéon.

Oui, en effet, c’est ce déploiement grandiose et juste, logique comme celui d’une force de la nature, qui cause la rage et la haine, la vraie conspiration et les vrais attentats de la part des parasites sociaux et de leurs serviteurs. On parle de révolution.

Il faut qu’on sache que la contre-révolution l’aura précédée, et qu’on recourt, à propos de tout le drame social qui se déchaîne au sein de notre époque, à un abominable renversement des rôles lorsque l’on parle de provocations et de violence pour en charger le troupeau même des victimes. C’est toujours, pour les grandes oppressions séculaires comme pour les faits de détails, la réaction privilégiée qui a commencé.

C’est la réaction qui a commencé lorsqu’une troupe militarisée, et dont tout le monde a pu voir qu’elle était pour le moins armée de gourdins, est allée défier rue Damremont la foule ouvrière.

Et dans l’histoire, c’est la réaction qui a commencé lorsqu’elle a décidé d’empêcher par la force la multitude des travailleurs de jouer le rôle organique et pacifique qui lui incombe dans la vie collective, et qu’elle a déchaîné la guerre civile.

Voir en ligne : sur le site marxiste.fr

Henri Barbusse

Auteur du grand roman "Le feu", Barbusse (1873-1935) est également l’une des grande figures intellectuelles du Parti Communiste en France au lendemain de sa fondation. Multipliant les initiatives culturelles, il sera également l’un des artisans du principe du Front Populaire.

[1La Hongrie se trouvait depuis 1919 dirigée par l’amiral Miklos Horthy de Nagybània, que les Roumains, à l’instigation de la France, avaient aidé à conquérir le pouvoir

[2Piotr Nicolaïévitch baron Wrangel fut l’un de ces généraux que les puissances occidentales, et notamment la France, aidèrent dans leur lutte contre le régime bolchevique. Il mourut à Bruxelles en 1928. Ses anciens soldats ne tardèrent pas à retrouver un emploi en constituant l’encadrement des groupes paramilitaires mis sur pied par les partis fascistes de divers pays d’Europe.

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