Pour une Démocratie Nouvelle (partie 2) Amorce de la discussion sur les formes concrètes de la dictature du prolétariat

, par  Jean-Claude Delaunay , popularité : 1%

Amorce de la discussion sur les formes concrètes de la dictature du prolétariat

J’ai cherché à montrer, dans la partie précédente, la rationalité profonde de la dictature du prolétariat.

D’abord, dans la phase actuelle de la "mondialisation capitaliste", le mode de production capitaliste est proche d’avoir atteint ses limites historiques.

Ensuite, on ne peut pas attendre des membres de la classe capitaliste qu’ils se sacrifient volontairement sur la scène de l’histoire. Ils sont surtout prêts à sacrifier leurs opposants.

Enfin, on ne peut pas attendre de celles et de ceux pour lesquels le capitalisme représente "un horizon indépassable" (les socialistes de la 2ème Internationale, par exemple) qu’ils agissent comme des opposants résolus à ce système. Les dirigeants socialistes sont aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, des serviteurs explicites et satisfaits du grand capital. Il va de soi que nous avons à convaincre les socialistes de la base comme tous les Français sincères, patriotes, animés du sens de la justice sociale, de rejoindre notre combat.

L’enjeu de cette discussion est donc clair.

Il est de mener une lutte majoritaire, déterminée et lucide, à la fois politique, économique, syndicale, idéologique, théorique, juridique, contre le mode de production capitaliste.

Il est également de baliser, en France et peut-être aussi en Europe, le terrain du débat avec ces autres communistes dont nous percevons l’hostilité à l’égard des thèses ici défendues. Nous devons avoir ces groupes et ces personnes une discussion fraternelle et de principe. Ce qui supposerait, entre parenthèses, que la direction du parti communiste français et son encadrement supérieur ne fussent pas animés en permanence par la volonté de régler les problèmes à l’aide d’entourloupes et de subterfuges.

Il est enfin d’affirmer que la dictature du prolétariat doit être un élément explicite de notre programme populaire, avec l’intention de former les masses à s’en emparer.

Mais il faut maintenant mener la discussion sur un terrain concret. Quels pourraient être les traits majeurs de la dictature du prolétariat dans notre pays ? Voici les principales entrées permettant, je le crois, de répondre à cette question. Je m’inspire déjà, ici, du débat actuel et de certaines interventions. Je ne cherche pas à pousser la réflexion plus avant et à développer ces thèmes, car je crois qu’il faut déjà s’entendre sur ces différents items et sur l’importance de la discussion dans laquelle je m’engage. Ces items sont :

  • Les objectifs. J’ai déjà traité ce point : mettre fin au mode de production capitaliste. Je ne le mentionne ici que pour mémoire.
  • Les actions à réaliser :

Je ne parle pas ici d’un programme électoral, avec augmentation du SMIG, etc., mais du programme de la dictature du prolétariat. Ce programme contiendrait principalement :

  • Le rétablissement de la souveraineté nationale et, dans ce but, la neutralisation radicale des capitalistes agissant dans les secteurs clés de l’économie et de la finance, de l’information, de l’administration, de la justice ;
  • La dénonciation des traités liant la France à l’euro-système, à la Communauté européenne, à l’OTAN ;
  • La définition du droit qui sera applicable pendant l’Etat de droit correspondant à la dictature du prolétariat ;
  • L’élection d’une Assemblée constituante chargée de définir les règles de la Démocratie nouvelle.
  • La définition d’une nouvelle politique des relations internationales, sa réorientation complète dans certains cas, la mise en place d’un réseau d’alliances visant à contrebalancer les pressions que les Etats-Unis ne manqueront pas d’exercer sur notre pays.
  • Les moyens politiques à mettre en oeuvre :
  • Une mobilisation populaire irrésistible, ouverte, ferme dans ses orientations mais dépourvue d’étroitesse et de mesquineries, entrainant l’adhésion ainsi que la neutralité de l’armée et des forces de l’ordre, que je ne confonds pas, pour ma part, avec l’Etat profond ;
  • Une procédure administrative rapide d’élimination du grand capital ;
  • Des élections ;
  • Le soutien international de nos alliés.

La dictature du prolétariat n’est pas de même nature que la dictature exercée actuellement par la minorité au pouvoir.

Ce devra être, ce sera la dictature de la majorité du peuple français, exercée au nom de la nation française souveraine, pour la satisfaction des besoins populaires et de fractions bien ciblées de la population active, la paysannerie par exemple. Je vais revenir sur ce point. En effet, je souhaite mettre en avant la discussion de quelques principes de fonctionnement de cette forme de gouvernement et en proposer l’examen collectif.

Quelques principes de fonctionnement de la dictature du prolétariat

Pour la discussion que j’espère, mais qui n’aura peut-être pas lieu, j’ai retenu les 3 points suivants :

  • La fin du mode de production capitaliste
  • La nation
  • L’état de droit et les droits individuels des capitalistes

La fin du mode de production capitaliste

Il me semble que les communistes doivent avancer les deux idées suivantes et réfléchir à leur propos.

La première est que notre souhait de voir la France réellement engagée dans la voie du socialisme (ce qui, à mon avis, implique la fin du mode de production capitaliste et, dans ce but, l’établissement d’une forme de gouvernement appelée "dictature du prolétariat") ne signifie pas que le mode de production capitaliste disparaisse d’un seul coup, dans le monde. C’est l’évidence. La révolution socialiste en France se veut une révolution pacifique. Nous ne prétendons pas imposer nos normes aux autres peuples et Etats mais nous revendiquons de faire les choix qui conviennent à la majorité de son peuple.

Je pense que les mandataires de "la dictature du prolétariat" en France devront s’adresser aux autres peuples du monde, notamment allemand, américain, britannique, espagnol, italien, américain, aux peuples du Maghreb, pour leur dire combien les intentions de la Démocratie nouvelle française sont pacifiques. A mon avis, ce point est acquis chez les communistes et ne soulève aucun problème.

La deuxième idée, que je crois simple à traiter, est sans doute plus complexe. J’en fais l’énoncé. Selon moi, la fin du mode de production capitaliste ne signifie pas la disparition des capitalistes en France. La fin du mode de production capitaliste signifie que, dans notre pays, le capitalisme ne sera plus déterminant et dominant.

En effet, le cœur économique, financier, administratif, juridique, du capitalisme aura été éliminé.

Cela dit, il restera encore des capitalistes, des gens attachés à leur entreprise industrielle, commerciale, de service, parfois de gros capitalistes mais oeuvrant dans des secteurs jugés non stratégiques (je pense aux produits de luxe ou de beauté), des paysans propriétaires et possesseurs de leurs terres. Mettre fin au mode de production capitaliste signifie-t-il l’élimination économique de ces personnes ? A mon avis, ce serait une grave erreur.

La fin du mode de production capitaliste signifie que les capitalistes ne décident plus, qu’ils n’ont plus droit, en tant que capitalistes, à diriger ce pays comme ils le font aujourd’hui. Ils ou elles devront respecter les règles de la démocratie nouvelle et du socialisme.

D’autres éléments devront être examinés, comme par exemple le rapport entretenu avec les capitalistes étrangers, la place des marchés financiers dans le système économique français, le rôle spécifique joué par la place financière de Monaco.

La nation

Ce thème est, chez les communistes, l’objet de lourds malentendus.

Pour certains, la nation est un lieu dépassé pour la décision économique et politique. Ils estiment que ce lieu est désormais l’Europe institutionnelle. Je pense que les trotskystes se rangent dans cette catégorie. Pour d’autres, la nation est uniquement un cadre (le cadre national) qu’ils estiment pouvoir remplir à leur gré des classes sociales qui leur conviennent. Pour d’autres enfin, parmi lesquels je me range, la nation est un lieu nécessaire de souveraineté. C’est le lieu de la souveraineté du peuple.

Tout cela engendre une immense cacophonie politique et il n’est pas suffisant d’évoquer la dictature de la bourgeoisie pour comprendre notre impuissance. Non seulement nous ne sommes pas d’accord sur le rôle que devrait et doit jouer la nation dans notre pensée et notre action, mais nous sommes dans le flou à peu près le plus complet sur ce point. On a pu lire récemment un texte de Jean Levy, soulignant cette cacophonie.

L’explication de cette situation est claire à mes yeux. Nous subissons, sans que nous les contrôlions, les effets de l’idéologie dominante. Car, selon les classes dominantes qui la propagent et la nourrissent. Pour elles, rien n’est plus horrible que la nation, surtout la nation française, avec tous ses droits et tous ses acquis sociaux. La mondialisation capitaliste serait aujourd’hui, selon le grand capital, le lieu véritable de la décision économique. Nous devrions tous nous unir pour soutenir "nos très grosses entreprises capitalistes" qui luttent avec et contre les autres géants mondiaux.

Le grand capital n’a strictement plus rien à foutre de la France. L’Etat français, auquel ils payent de moins en moins d’impôts, ne leur sert qu’à lutter dans cette arène particulière qu’est le monde, qu’ils ont aménagé à dessein et qui devrait, pensent-ils, assurer la survie du mode de production capitaliste.

S’ils ne le sont pas déjà, les communistes doivent se convaincre que le socialisme sera national ou ne sera pas.

Sans doute. Mais sous la nation, il y a les classes, ajoutent certains de mes camarades. Sous le peuple, il y a les classes. Et alors ? Sous le prolétariat n’y a-t-il pas les classes ? Nous naviguons avec aisance et flou artistique entre la notion de classe ouvrière et celle de classes populaires. Ces deux notions recouvriraient-elles la même réalité ? Il est clair que non, en tout cas à mes yeux et même à mon entendement.

Cette expression apparemment profonde "Sous la nation, les classes", est en réalité, dans le cas présent, une expression creuse. C’est un cache-misère de l’absence de pensée.

La dictature du prolétariat ne sera pas décidée uniquement par les membres de la classe ouvrière, loin d’être unanimes au demeurant sur la nécessité de promouvoir le socialisme dans ce pays. Elle sera décidée et votée solennellement par des employés de l’Etat, des services, par des paysans, des ingénieurs, des cadres d’entreprises et d’administration, des enseignants, des policiers, des militaires de tous grades, des pompiers, des éboueurs, des infirmières, des pharmaciennes et des pharmaciens, des étudiants et peut-être même par Jean-Luc Mélenchon. Elle sera votée par des retraités, des personnes âgées auxquelles assurance aura été donnée que la propriété de leurs biens sera préservée. Elle sera votée par des chrétiens, des bouddhistes, des rien du tout. Elle le sera par des imams et des musulmans enfin convaincus qu’il ne faut pas confondre ce qui relève du diable et ce qui ouvre la voie au socialisme réel, pas celui de Hollande. Elle sera le résultat d’une immense conviction que le système capitaliste est une catastrophe et qu’il faut en changer définitivement. Ce sera un combat national.

Si ce but, celui de la constitution d’une force populaire et nationale irrésistible, n’est pas atteint, nous nagerons dans notre merde aussi longtemps que nous vivrons. C’est une possibilité. Aucun combat n’est gagné à l’avance et nous pouvons être assez stupides pour contribuer à notre défaite.

La dictature du prolétariat est un état de droit

C’est, me semble-t-il, un point parmi les plus importants. Le socialisme n’est pas une société où règne l’arbitraire, c’est une société où le capitalisme est condamné à mort, même si dans cette société, vivent des capitalistes. La différence avec aujourd’hui est que ces survivances capitalistes, auxquelles peut être proposé un avenir de long terme, ne pourront plus décider à la place du peuple. C’est pourquoi l’un des actes fondateurs du socialisme et donc de la dictature du prolétariat, sera d’énoncer le droit conforme à cette ère nouvelle.

Aborder le thème de la révolution socialiste en France suppose que l’on évoque la peine de mort, puisque la révolution française de 1789 s’est notamment soldée par l’exécution du couple royal. C’est l’un des aspects qui donne à cette révolution son caractère complet, achevé. Je crois cependant qu’il faut percevoir les différences d’époque.

L’exécution capitale de Louis XVI et de Marie-Antoinette, au-delà de la simple punition des crimes de trahison qui leurs furent reprochés, a correspondu à la mort d’un symbole, celui de la royauté, reposant sur des liens personnels entre des féodaux et le roi. La personne du roi se trouvant au centre de la monarchie, il était rationnel que la fin de la monarchie fut accompagnée de la fin d’une personne, en l’occurrence de plusieurs.

Ce qu’il faut absolument exécuter aujourd’hui, en France, c’est un rapport social. Il faut couper le cou du Capital et rien n’oblige symboliquement à couper celui des capitalistes, qui, débarrassés de leurs biens et de leurs actifs, redeviennent de simples personnes, disposant des mêmes droits et soumis aux mêmes obligations, que tous les habitants de ce pays.

Couper le cou du Capital revient à éradiquer ce qui constitue le coeur du système capitaliste (je pense aux nationalisations, déjà expérimentées dans ce pays). Comme je l’ai avancé ci-dessus, il y aura encore des capitalistes après que la tête du Capital, dans sa section française, aura été coupée. Les droits individuels des autres capitalistes devront être affirmés et protégés, comme ce sera le cas de n’importe quel citoyen.

La dictature du prolétariat est un état de droit. Mais il va de soi que cet état de droit exclut les capitalistes en tant que détenteurs de la fortune centrale du Capital et de l’économie. Mais lorsque leurs actifs auront été remis à la nation, leur vie sera protégée. Ils seront acceptés en France pour leurs compétences et non pour leur fortune. Ils auront notamment le droit d’émigrer. Mais ils n’auront plus de privilèges.

Dans son principe, la dictature du prolétariat est pacifique, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la France. Autre chose sera de juger les crimes éventuellement commis par des capitalistes, ou des membres de toute autre catégorie sociale, visant à nuire aux intérêts populaires.

Conclusion

Existe-t-il un modèle dont les remarques ci-dessus pourraient s’inspirer ? Les individus et plus encore les sociétés entrent toujours dans l’histoire à reculons. Il nous faut des preuves. Le titre, par exemple, que j’ai donné à cette intervention (Pour une démocratie nouvelle) est une référence à un ouvrage bien connu de Mao Zedong. Incidemment, j’indique ainsi que nous ferions bien de comprendre comment fonctionne “la dictature du peuple” en Chine. En réalité, pour diverses raisons, il y a peu de chances que l’on puisse transposer en France une expérience vécue dans cet autre pays. Quant aux textes de Lénine traitant de la dictature du prolétariat, j’ai évité d’en parler, souhaitant mettre en avant des faits et non des citations.

Mais nous-mêmes, Français, n’avons-nous pas "notre expérience", celle du programme élaboré par le CNR ? Certainement. Je crois qu’il faut y penser. Il y a quelques mois déjà, les animateurs du site "Comité Valmy" ont lancé un appel important, que j’ai d’ailleurs signé et dont le contenu parle à mon cœur comme à mon entendement.

Cet texte, qui vise la constitution d’un front de libération nationale contre les oligarchies au pouvoir en France, appelle à l’Union du Peuple de France, pour l’établissement "d’une République sociale et laïque, fidèle à l’esprit du Conseil national de la résistance et de son programme".

Cela ne dispense évidemment pas de poursuivre la réflexion, comme la préparation d’un congrès spécifique m’en donne l’occasion. Nous entrons dans l’histoire à reculons. Ce faisant, il nous faut nous retourner quelques fois et regarder l’avenir en face, droit dans les yeux.

Jean-Claude Delaunay

14 février 2018

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