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Alors que l’année a été (...)
Nelson Mandela lave plus blanc
« Qui contrôle le présent contrôle le passé ; qui contrôle le passé contrôle l’avenir »
(George Orwell, 1984)
« Lorsqu’un Grand meurt, une étoile s’éteint » disaient les anciens. Mais ça, c’était avant. Maintenant, lorsqu’un Grand s’éteint, une machine monstrueuse s’allume. Celle qui sert à transformer le cher disparu en icône présentable sur les chaînes à une heure de grande écoute. Car dans le monde réel, les Grands ne correspondent que très rarement aux canons du « politiquement correct ». C’est plutôt tout le contraire, puisqu’il n’y a pas de meilleur vaccin contre la grandeur que l’obéissance aveugle aux canons en question.
Avec Mandela, il y a un « avant » et un « après ». Il y a le Mandela d’après la conquête du pouvoir, celui qui devient l’icône de la « nation arc-en-ciel » avec son discours rassurant et parfaitement compatible avec la novlangue droitdel’homiste, celui reçu par Mitterrand, Thatcher et Reagan. Et il y a le Mandela d’avant la fin de l’apartheid, celui de la prison, celui qui scella l’alliance entre l’ANC et le Parti communiste sud-africain, celui que Ronald Reagan avait inscrit sur la liste des dirigeants « d’organisations terroristes » [1], celui que Margaret Thatcher considérait comme un agent des soviétiques, celui que François Mitterrand ne mentionnait jamais dans ses discours enflammés sur les droits de l’homme. Celui qui, pendant son long emprisonnement, n’a été soutenu de manière constante que par une seule grande organisation politique française, j’ai nommé, le Parti communiste français.
Qu’on me permette un souvenir personnel : je me souviens encore des manifestations, des tracts, des collectes, de la solidarité avec les militants de l’ANC en France. Je me souviens des discours dans la Fête de l’Humanité, quand Georges Marchais ne manquait pas de souligner l’importance du combat contre l’apartheid. Je me souviens des propositions de loi déposées par le PCF pour condamner l’apartheid et qui, bien entendu, ne furent reprises ni par le gouvernement de droite avant 1981, ni par celui de gauche après. Je me souviens aussi qu’après sa libération, en 1990, Nelson Mandela a visité la France et que sa première escale fut la Place du Colonel Fabien, pour remercier Georges Marchais [2]. J’ai toujours gardé les photos, publiée à l’époque par l’Huma.
Mais tout ça, comme dit la publicité, c’était avant. Depuis, Mandela est devenu une sorte d’hybride entre Mère Térésa et Stéphane Hessel. Ce qu’il y avait de subversif ou de « politiquement incorrect » dans la trajectoire du personnage – la lutte armée, l’alliance avec le Parti communiste, l’accord qui finalement a mis fin à l’apartheid sans provoquer le départ de la communauté blanche - est dissimulé derrière les éloges sucrés prononcés par les héritiers idéologiques de ceux qui auraient été ravis de voir Mandela crever en prison et l’apartheid se perpétuer. Mandela était le héros d’une histoire complexe, il devient par la magie des médias le héros d’un film de Walt Disney.
Orwell avait raison : « Qui contrôle le présent contrôle le passé ; qui contrôle le passé contrôle l’avenir ». Les jeunes ne doivent pas savoir qui était le véritable Mandela. Mieux vaut l’icône.