Les communistes, les fascismes colorés, et les thèmes populistes

, par  Gilles Questiaux , popularité : 2%

Il y a quelques temps, j’ai visionné sur le Net une vidéo tournée par un « brun rouge » bien connu qui développait une critique du capitalisme argumentée et intéressante, à la porté du plus grand nombre, ce qui ne gâte rien. Vers la fin du film, les allusions à l’origine juive de banquiers ou de politiciens libéraux se faisaient cependant de plus en plus lourdes. Jamais il ne se revendiquait explicitement comme antisémite, mais il conduisait progressivement ses spectateurs au rejet des Juifs en tant que tels. Mais on ne pouvait en être certain qu’en connaissance des antécédents de l’auteur. Le propos implicite était bien sûr le sens profond et pulsionnel du film, mais impossible de le prouver. L’ensemble des raisonnements de l’auteur s’en trouvait en quelque sorte corrompu, contaminé. Le fascisme contaminerait-il tout ce qu’il touche ? Comment éviter l’infection ? Comment rester purs ?

Cette réaction est excessive. Cet auteur était d’évidence antisémite. Fallait-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Je pense que non. Le propos que je développe ici peut se résumer ainsi : nous ne devrions rejeter systématiquement ni les idées ni les thématiques stigmatisées par les médias de la pensée unique ou « mainstream » comme « populistes », mais plutôt les soumettre à un examen critique, et s’il le faut, les reprendre à notre compte en y imprimant notre marque, si nécessaire après les avoir nettoyés des colorations fascistes qui ont pu y déteindre.

- 1) Qu’est ce qu’on appelle le « populisme » et comment les communistes l’appréhendent-ils ?

Ce qui est attaqué par la pensée unique sous le nom de « populisme » est en fait une réaction de protestation inscrite à l’extérieur du politique qui est davantage caractéristique du prolétariat précaire hyper-actuel des anciens pays riches que de l’ensemble du peuple proprement dit. Ce peuple paraît aujourd’hui clivé suivant un rapport numérique 50/50 entre une couche « incluse » intégrée, modernisée, syndiquée, apparemment plus instruite qu’avant, mais largement dupe des médias, et un prolétariat précarisé, appauvri, en grande déshérence, et en grande colère. Ce qui caractérise le débat public actuel est sa mise à l’écart. Le byzantinisme du débat « sociétal » continue tandis que le monde s’écroule sur lui.

Un des traits distinctifs du populisme selon ses contempteurs serait l’hostilité aux élites, comme si ce concept de l’« élite », depuis qu’il fut forgé vers 1914 par le penseur fasciste Wilfredo Pareto, n’était pas un masque pour la bourgeoisie, notre vieille ennemie. Or une des activités principales de la pseudo élite salariée du capitalisme est justement l’animation de débats moralisants, esquivant la sphère économique et sociale, qui manquerait à la « complexité » chère aux penseurs de la « postmodernité ».

Les communistes ne manquent pourtant pas de prendre position dans les débats « de société » irritants et insistants qui envahissent l’actualité comme par hasard, et comme s’ils étaient faits exprès pour détourner le prolétariat de ses vrais intérêts. En général, ils le font pour soutenir le « camp moderne » contre les résistances au type de changement qui est prôné par la majorité des médias, résistances qui sont assimilées un peu rapidement à de purs archaïsmes, voire à des éructations barbares. Il n’en résulte pas grand-chose de concret pour cette belle cause. Dans la plupart des cas d’ailleurs la position des communistes passe complètement inaperçue, car elle enfonce des portes largement ouvertes depuis la lointaine époque de mai 1968.

Certes ils ne pourraient pas les ignorer complètement mais ils ne gagnent rien à s’engager à fond dans tous les pussy riots qui se présentent et autres polémiques futiles du café du commerce global. Ils perdent leur temps et gâchent les rares fenêtres médiatiques qui s’ouvrent à eux. Et en endossant un discours qui ne tranche nullement sur le reste des invités qui bavardent complaisamment sur les écrans, ils se coupent du prolétariat, non sans s’y déchirer eux-mêmes, les communistes étant partagés comme les autres courants politiques sur ces questions de mœurs, de morale, de culture, de religion, etc.

Ils ne devraient pas comme c’est malheureusement souvent le cas briller d’un conformisme angéliste à priori, et se ranger sans risque et sans gloire dans la meute morale du soi-disant politiquement correct. Inversement, il ne faudrait certes pas tomber dans un rejet systématique des modes idéologiques, même si l’on voit par avance de quelle manière elles seront utilisées pour brouiller les cartes. Même si « le peuple voit juste » il peut aussi être trompé, et il n’y aura jamais de raison valable pour ménager des préjugés populaires racistes, anti homosexuels ou misogynes. Mais il ne faudrait pas non plus donner l’impression au public qu’on pense qu’il faille se ranger dans un combat communautariste pour obtenir quelque chose de la société, sous peine de rejeter massivement dans le camp de nouveaux fascismes les prolétaires « mâles, blancs, hétérosexuels » qui sont fort nombreux.

Il ne faut pas se régler par rapport aux positions du FN, comme si ce parti issu des manipulations mitterrandiennes était le référent politique en France. Ni s’investir à fond dans un combat partagé par tout l’échiquier politique, sauf le FN, qui ferait paraitre ce dernier comme seule voix « antisystème », ni rejeter loin de soi toute idée, toute position qui serait un jour par hasard celle du FN, d’autant qu’elles sont souvent changeantes, dictées par une démagogie opportuniste et transparente. On n’est nullement obligé de dire « il pleut », si le Pen dit « il fait beau », et le type de raisonnement par amalgame qui se généralise et qui sous-tend les campagnes de diabolisation médiatique doit être rejeté (du style : Le Pen soutient la Syrie dans l’agression maquillée en guerre civile qu’elle subit, tu soutiens la Syrie, donc tu soutiens Le Pen). Dans le but de séduire l’électorat populaire, il tend à plagier les positions anciennes du PCF qui si elles n’étaient pas toutes bonnes avaient le mérite de la clarté. Il serait parfaitement capable pour citer un exemple le temps d’une campagne électorale de demander la nationalisation des banques. Il faudrait, dans ce cas, dire le contraire ?

- 2) Non pas un seul fascisme, mais plusieurs fascismes colorés

Lutter contre l’influence du fascisme dans le peuple est indispensable, et pour lutter contre un adversaire il faut le connaître. Or d’une part le fascisme dans sa forme dictatoriale d’avant guerre n’est guère d’actualité, et d’autre part il y a plusieurs formes distinctes de fascisme. Voyons un peu cette ménagerie :

Fascisme brun, nationaliste et antisémite larvé, xénophobe et anti-immigré, particulièrement hostile aux noirs et maghrébins, adepte des délires mystiques intégristes catholiques, néo-païens, ou New Age, historiquement pétainiste, collabo et tortionnaire OAS.

Fascisme blanc des identitaires, « white power », suprématistes raciaux, proaméricain, dont l’emblème est la croix étoilée de la confédération esclavagiste, nostalgiques du KKK et néonazis, avec une tendance à produire des nostalgiques du nazisme et des désaxés enclins au terrorisme.

Fascisme vert des islamistes, antijuif et antifrançais et racketteur moral des communautés musulmanes, diffusé par les saoudiens, les qataris et les confréries religieuses conservatrices de Londres ou de Genève. Aussi odieux et plus influent que les précédents, n’en déplaise aux islamo-gauchistes, car il a été en quelque sorte adoubé par le spectacle médiatique et l’empire étasunien comme son adversaire officiel (d’où d’ailleurs la fascination naïve d’une bonne partie de l’extrême gauche pour ces groupes riches en psychopathes égorgeurs qu’on voit à l’œuvre en Syrie). Les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis.

Fascisme bleu des ultralibéraux thatchériens, anti-pauvres, antisocial, dont le but est de dépouiller les travailleurs de tous leurs droits, et qui a repris à son compte la composante militariste et belliciste du fascisme d’avant guerre (notons que ce dernier tout comme le fascisme italien éponyme à ses débuts n’est pas raciste, ce qui ne le rend pas meilleur pour autant puisqu’il ouvre la route aux autres en détruisant toutes les solidarités de classe). En France, courant non dénué de relents pétainistes et OAS, une des ailes du mouvement « Occident » des années 70 ayant fourni plusieurs ministres à Sarkozy. L’anticommunisme du style « Livre Noir » structure ce courant qui a des affinités avec la gauche libérale ingérente et belliciste. Fascisme précieux dans notre argumentaire : le « tu votes non comme Le Pen » de la gauche morale s’attire en réponse un imparable « tu votes oui comme Sarkozy ».

Rappelons pour mémoire le fascisme noir, clérical, catholique, homophobe et anti-avortement, soutenu par de puissantes associations, telle l’Opus Dei.

Noter que tous ces gens là agissent contre l’indépendance de la France, qu’ils lui préfèrent l’Europe, le Vatican, l’Allemagne, les États-Unis ou l’Arabie Saoudite, et quoiqu’ils en disent détestent la patrie des deux drapeaux, rouge et tricolore, de la Résistance, de la Commune et de Valmy.

Lutter contre le fascisme oui, et quelque soit sa couleur. Mais en gardant en tête l’avertissement de Jean Lévy, qui pose la difficile question : "de qui suis-je le plus éloigné, de mon collègue de travail qui vote FN, ou de mon patron qui vote PS ?"

- 3) Réinvestir les revendications populaires détournées par les divers fascismes

Ces fascistes variés, mais unanimes quant à l’anticommunisme, n’ont pas inventé les revendications « populistes » qu’ils utilisent, mais ils récupèrent des champs entiers du mécontentement populaire, depuis que les communistes en quête de respectabilité se sont tournés vers les classes moyennes. Or la plupart des thèmes populistes peuvent être réapproprié par les progressistes (à condition, bien entendu, de croire au progrès) comme on va le voir pour quelques uns d’entre eux :

1) Insécurité

L’insécurité frappe les classes populaires, dont sont issues les victimes dans leur grande majorité, et également la majorité des délinquants, qui sont des victimes aussi, des jeunes hommes pauvres et en manque de repères, trompés par un modèle social qui ne leur propose qu’argent facile, bagnoles de luxe, drogue, violence et sexe aliéné, dans un monde ou « tout est permis mais rien n’est possible » (dénoncé dès mai 68 par Michel Clouscard). Lutter contre la délinquance, c’est répondre à une revendication populaire absolument légitime, et la meilleure manière de le faire en profondeur est de faire reculer la marchandisation capitaliste du temps vécu et du territoire. Construire des prisons nouvelles n’est pas la manifestation d’un tempérament pervers ou paranoïaque, c’est une nécessité pour y placer les délinquants condamnés, dans des conditions de prise en charge qui permettent leur rééducation et leur réhabilitation. La lutte des communistes doit aussi remettre au centre le combat contre l’argent sale et le capitalisme délinquant des paradis fiscaux.

Les émeutes urbaines ne sont en aucun cas des formes légitimes de révolte de la jeunesse marginalisée. Elles s’attaquent d’abord et avant tout, en expression avancée et parfois consciente du libéralisme sauvage (voir les discours de rappeurs), aux équipements sociaux indispensables aux prolétaires, gymnases, écoles, bibliothèques, autobus, et à leurs véhicules. C’est la forme collective de la violence vicieuse des gangs qui s’en prend aux filles, aux vieux, aux handicapés, aux gays, et même au médecin et au facteur. Ce sont des manières d’accaparer et de privatiser le territoire (comme le sont, à un degré moindre, les tags). Elles contribuent à aggraver considérablement les conditions d’existence dans les quartiers populaires, et à leur fermeture sur le reste de la ville.

2) Immigration

L’immigration doit pouvoir être mise en discussion sans anathèmes, et André Gerin doit avoir le droit de dire « l’immigration n’est pas une chance pour la France » sans avoir à subir au nom du PCF les anathèmes outranciers d’Olivier Dartigolles. Être contre l’immigration ne doit pas être assimilé à être contre les immigrés, l’apôtre enflammée de l’immigration dans ce pays n’étant autre que Laurence Parisot. Le but de l’immigration pour les patrons est de faire pression à la baisse sur les salaires, et ça marche. Ralentir l’immigration ouvrière peut donc paraitre une solution logique, en l’absence d’un grand élan révolutionnaire, pour revaloriser les salaires. Et également pour mieux intégrer les immigrés déjà présents, et plus encore leurs enfants français, scolarisés et souvent chômeurs qui lorsqu’ils sortent du système scolaire sans qualification entrent en concurrence directe avec les sans-papiers. Ce n’est pas parce que ces arguments sont utilisés par l’extrême droite avec des arrières pensées où le bien être des travailleurs français ou étranger ne joue aucun rôle qu’ils en ont perdu leur part de validité. Si l’on est convaincu de leur fausseté, il faut convaincre, et prouver. Les cris d’effroi ne serviront à rien.

Les sans-papiers qui travaillent doivent être régularisés, mais les filières maffieuses qui renouvèlent la main d’œuvre illégale doivent être stoppées, y compris par la répression policière et judiciaire, et malgré la complicité parfois active d’associations bien intentionnées mais moralisantes et dédaigneuses des problèmes sociaux concrets. La solidarité active avec les sans-papiers aboutit souvent à une impasse politique : une fois régularisés, ils n’ont plus besoins des services des syndicats ou des associations animées par les militants, et quand ils ont la chance d’échapper à la mafia qui a organisé leur voyage, ils disparaissent pour réaliser leur « rêve européen » et adhérer avec enthousiasme à l’univers de la consommation et du libéralisme dont ils ont été sevrés. On peut les comprendre, mais ça ne n’avance à rien la cause du prolétariat. Par ailleurs l’espoir de la régularisation probable au terme d’un long parcours du combattant surexploité pousse les nouveaux candidats à la migration à prendre des risques extrêmes pour gagner l’Europe. Des milliers d’entre eux perdent la vie chaque année au cours du voyage. Le statut quo pervers actuel qui résulte de la dialectique entre le pouvoir et les associations droit-de-l’hommistes est humainement la pire des solutions.

L’immigration de travailleurs est nécessaire pour des raisons démographiques, et pour faire face aux besoins de main d’œuvre spécifique, mais en période de croissance, et non en période de crise et de chômage de masse. L’immigration n’est ni « bonne », ni « mauvaise », mais elle est fondamentalement contradictoire, à l’instar de l’immigré lui même, qui est souvent à la fois un travailleur exploité solidaire de sa classe en France, et un notable respecté et conservateur dans sa communauté d’origine.

En ce qui concerne le cas particulier des campements et squats des migrants Roms originaires d’Europe de l’Est, il ne faut pas non plus tomber dans une présentation à la fois moralisante, angéliste et manichéenne du problème, et évoquer le spectre des pogroms nazis. Les nuisances de voisinage qu’ils suscitent provoquent un rejet populaire récent qui ne doit pas être systématiquement assimilé à une forme de racisme. Les Tziganes, Gitans, Manouches existaient depuis longtemps dans les marges de la société occidentale, et leur existence semi-nomade en dehors des normes politiques et sociales était un fait de civilisation qui était jusqu’à présent largement toléré. L’arrivée des groupes démunis chassés d’Europe de l’Est, consécutivement à la destruction du socialisme, et d’États entiers comme la Yougoslavie, a complètement perturbé cet équilibre ancien et a créé des conflits aigus qui une fois encore ne concernent que les quartiers populaires. A présent, il est devenu impossible de laisser plus longtemps des bidonvilles s’installer dans l’espace public. Les angélistes ne proposent à leurs protégés rien d’autre que le statu quo, la misère sans fond, la mendicité, l’exploitation des enfants, la poursuite d’une existence sordide.

3) Assistanat

Thème cher aux fascistes bleus. Les sociaux démocrates et démocrates chrétiens ont renoncé au plein emploi, et généralisé à sa place des formes d’assistance qui aboutissent à diviser les pauvres, à marginaliser des territoires et des poches importantes de population, et à créer un lumpenprolétariat qui bien souvent se retrouve manipulé ou enrégimenté par les bruns ou les verts, ou les bleus eux-mêmes qui s’ingénient à dresser les français les uns contre les autres (inclus contre exclus, fonctionnaires contre précaires, flics contre juges…). Il faut revenir sur cette clochardisation organisée du prolétariat en créant une éducation de la deuxième chance avec une véritable priorité d’embauche, en protégeant l’emploi populaire. Il faut cesser de promouvoir le bénévolat comme palliatif à la misère, en générant l’idée perverse que le travail social n’a pas besoin d’être payé.

4) Niveau scolaire et dégradation de l’école

Les catégories populaires de la population bénéficient de progrès dans la scolarisation, mais ces avancées sont rongées par la baisse de niveau des études, qui est principalement due à la démoralisation interne de l’éducation nationale, qui trouve son expression théorique dans le relativisme philosophique (dont les milliers de pages indigestes peuvent se résumer dans la formule : « tout se vaut, et d’ailleurs qu’importe ce que ça vaut ») qui a fait des ravages dans la gestion des conflits à l’école, dans la conception des programmes et dans les pratiques pédagogiques. La réflexion sur l’école devra nécessairement passer par une remise à niveau des exigences dès l’école primaire, un investissement massif dans la connaissance de tous qui ne sera fructueux que si le savoir revient au centre du système éducatif, et que celui-ci cesse d’être un bassin de régulation des flux de main-d’œuvre rendus inemployables par l’incurie intéressée des gestionnaires de l’économie. Il faut aussi se donner les moyens financiers et réglementaires de rétablir le respect de l’école et des enseignants là où il s’est perdu, réaffirmer la laïcité dans le milieu éducatif, y compris envers les empiètements des entreprises et des marques commerciales. A ce titre, l’établissement d’un uniforme, comme à Cuba, ne serait pas une mauvaise chose.

5) Voile, burqa, islamisation

Pour la société française et le bon sens élémentaire d’un peuple révolutionnaire qui a souvent fait trembler l’ordre du monde, il est indiscutable que le voile islamique est une atteinte à la dignité des femmes, et que la burqa est une violence symbolique extrême à l’encontre de toutes les femmes. Ces marques d’auto-stigmatisation ravalent celles qui refusent de les arborer au rang de prostituées. Et légitiment le harcèlement des filles dans les ghettos qu’elles contribuent largement à structurer.

Elles symbolisent aussi le refus de l’intégration à la société française. Les partisans de la tolérance (et de l’obligation indirecte) du voile, hormis les intellectuels de gauches naïfs ou hypocrites, sont bien souvent motivés par un machisme inconscient, ou par la volonté inconsciente fréquente parmi des opprimés de dominer une sous classe encore plus opprimée que soi. Les petits blancs de l’ère coloniale voulaient se sentir supérieurs aux Algériens, les « indigènes » déracinés des ghettos veulent se sentir supérieurs aux femmes, et le voile est une manière d’imposer la hiérarchie des sexes. Il ne faut pas viser à interdire le voile, sauf en milieu scolaire, mais il faut le marquer clairement comme un emblème réactionnaire incompatible avec le progrès social et démocratique.

Les femmes qui portent ces tenues qui les dégradent, volontairement ou non, trahissent leurs sœurs et renforcent en Occident les fascismes colorés qui se confortent mutuellement en s’opposant : elles marquent le territoire pour les fascistes verts, et servent de repoussoir exemplaire pour conforter la propagande des fafs bleus, noirs, bruns et blancs. (Dans les pays de culture musulmane, la problématique est un peu différente, mais pas fondamentalement).

6) Soi-disant islamophobie

L’islam est bien trop souvent représenté par des prosélytes extrémistes dont le rapport à la foi est hypocrite, archaïque et intolérant. La tâche des militants progressistes n’est pas de leur faciliter la tâche et de paver le chemin à une régression de civilisation.

Il n’y a guère de sens à vouloir classer les religions sur une échelle de valeur, même si on peut remarquer que le message évangélique est susceptible d’une interprétation communiste directe qu’on trouvera difficilement dans le Coran. Un guérillero catholique d’Amérique latine est au service du peuple et non des prêtres de sa religion ; un guérillero islamique d’Algérie ou de Syrie est au service de sa religion, et en pratique des émirs du Golfe qui le payent, non du peuple que d’ailleurs il assassine.

Mais au-delà de cette évaluation subjective, il est indubitable que le christianisme du XXème siècle, le catholicisme de Vatican 2 par exemple, vaut mille fois mieux que l’islam du VIIème siècle auquel veulent nous ramener ses prosélytes les plus actifs, salafistes, wahhabites, takfiristes, frères musulmans, et vaticinateurs de fatwas terroristes. L’islamisation du prolétariat qui se fait avec l’argent des pétromonarchies pour promouvoir cette interprétation rétrograde et sectaire de la religion doit être combattue. Certes elle ne prévaudra pas. Mais dans les conditions actuelles, ce seront des Sarkozy et des Bush qui y veilleront, à leur manière, et à notre grand dam avec l’appui populaire, si les progressistes apparaissent comme laxistes en cette matière.

On peut comprendre que les musulmans n’aiment pas que leur religion soit critiquée, mais l’islam n’aura jamais un privilège qui puisse lui donner le droit de devenir un tabou dans une société à forte culture anticléricale, frondeuse et insolente. Les interdits concernant le prophète Mahomet n’ont de valeur que pour les musulmans, et il est aberrant que certains veuillent les imposer à tout le monde. La seule réaction correcte aux provocations commerciales d’un torchon comme « Charlie Hebdo » est de les ignorer. Et il est bien évident que si l’islam obtenait une sorte de respect public excédant l’usage habituel, les autres cultes fonceraient dans la brèche pour en réclamer autant.

Sur le fond, l’islam est une idéologie politico-religieuse qui s’est formée et s’est développée dans les formations sociales médiévales du Moyen Orient, entre les septième et dixième siècles, qui a fort peu évolué depuis, et qui est maintenant complètement dépassée. Elle est largement corrélée aux retards de développement accumulés dans cette région, et à l’impuissance des peuples à lutter efficacement contre l’impérialisme. L’islam comme toute religion de ce monde est un héritage du passé, qui produit encore de la culture et du lien social, et permet à ses fidèles de satisfaire des aspirations subjectives morales, esthétiques ou métaphysiques, mais rien de plus. Dans sa version fondamentaliste, c’est à dire fondamentalement inculte, il ne permet même pas cela. Dans sa version traditionnelle, comme les autres religions, il ne peut plus rien revendiquer en dehors de la sphère de la vie privée. Les peuples musulmans ne pourront reprendre leur destin en main sans achever le processus de laïcisation qui a conduit la bourgeoisie européenne révolutionnaire, à la suite de précurseurs à l’audace sans limite, tel Spinoza, dès le XVIIème siècle, à neutraliser les empiètements de sa propre religion dans l’espace politique.

Beaucoup de militants gauchistes prétendent qu’il faut défendre les droits civiques des musulmans, en tant que tels. Ils se leurrent profondément, car il est clair que les musulmans qui sont discriminés en Occident ne le sont pas pour leur religion (qui au contraire s’affiche ostensiblement, bien davantage que les autres, dans l’espace public, et bénéficie de toutes sortes de complaisance d’État, dont le moindre n’est pas la reconnaissance officielle de UOIF). Ils le sont parce qu’ils sont ouvriers, immigrants exploités, ou victimes de racisme à cause de leur type physique étranger, de leur couleur de peau, et les Algériens en France à cause de leur origine nationale. Et l’hostilité à l’islam qui serait devenue majoritaire dans la population ne provient pas du racisme, mais est la conséquence des abus et des crimes de toute sorte qui ont été commis par des fanatiques au nom de cette religion depuis plus de vingt ans, et d’abord dans les pays musulmans.

7) Terrorisme

Le terrorisme fasciste vert des Merah qui tue des enfants à cause de leur origine doit être étouffé dans l’œuf. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de sa manipulation, quand on constate que les terroristes de cette mouvance (depuis Kelkal en 1995) sont systématiquement tués avant d’être présentés à un juge. Il suscite par réaction un terrorisme blanc sporadique tout aussi répugnant, comme en Norvège, et des « patriot act » bleus liberticides.

Bien évidement il faut cesser immédiatement de le sponsoriser dans d’autres pays, et de l’utiliser pour déstabiliser ou agresser directement des pays souverains, comme la Libye, la Syrie ou le Mali. Particulièrement intéressant à cet égard est le point de vue des Tartuffes humanitaires anti-syriens (BH Lévy, Glucksmann, Kouchner, etc.) qui après avoir contribué autant qu’ils le pouvaient aux conditions d’une insurrection islamiste en Syrie appellent à la guerre contre ce pays pour y mettre fin.

8) Peine de mort

La peine de mort ne doit pas être rétablie pour des raisons éthiques, et ne serait-ce que pour éviter les dérives de son usage qu’on constate aux États-Unis, mais la révolte populaire récurrente qui s’élève contre les monstres criminels que produit une société malade et déshumanisée ne peut pas être traitée par le mépris. Certains individus sont sortis de l’humanité, ces auto-entrepreneurs du nazisme représentent un danger réel, et s’il ne faut pas en exagérer le nombre, il est compréhensible de vouloir les placer, dans un cadre légal, hors d’état de nuire pour très longtemps. Les prolétaires, par l’étymologie latine, sont les hommes et les femmes qui n’ont d’autre richesse que leurs enfants, et il est juste qu’ils demandent des comptes aux autorités quand ils sont assassinés.

9) Protectionnisme

Le peuple voit juste disait Mao, et il voit juste quand il constate que l’emploi industriel est détruit par la concurrence des pays à bas salaires. La Chine a eu raison de foncer dans cette brèche pour son développement, mais en l’occurrence les intérêts des travailleurs de France s’opposent à celui du développement chinois sur cette base. La responsabilité des communistes français est de protéger d’abord l’emploi industriel en France.

Par ailleurs, la désindustrialisation des pays riches provoquée par les politiques de libre-échange les pousse à une fuite en avant impérialiste : la richesse qui ne sera plus produite en Occident doit en effet être captée autrement, par un tribut financier extorqué dans le reste du monde, par la domination culturelle, par la rentre financière, les marques et les brevets (y compris pour les médicaments) et en dernière analyse par la force armée. Le bellicisme nouveau de l’Angleterre et de la France ne s’expliquent pas autrement.

10) Euro

L’euro est contestable pour des raisons économiques objectives, qui n’ont pas leur place ici. Mais quelques soient ses démérites économiques, l’euro est l’exemple rare d’une monnaie de classe. Il a été une attaque contre le pouvoir d’achat, contre l’emploi, mais aussi contre le sentiment national des prolétaires. Il faut rétablir la souveraineté monétaire de la France, qui est aussi le pouvoir de mener une politique économique dans l’intérêt de ses habitants, ce qui signifie créer une nouvelle monnaie nationale.

11) Théories de complots et de lobbies tout-puissants

Les complots imaginaires qui envahissent le Net sont de mauvaises réponses à de vraies questions, et ne témoignent pas seulement de fantasmes mais aussi d’un légitime désir de savoir et d’agir sur les causes de l’histoire. On ne doit pas y répondre par l’insulte et l’amalgame, mais par la discussion argumentée. Dans l’idée d’un complot interne à l’origine des attentats du onze septembre, les hypothèses qui circulent, selon moi, sont fantaisistes, mais il y transparait la vérité déformée que ces attentats ont été objectivement utiles au projet impérial étasunien, et qu’ils ont été perpétrés par une mouvance dirigée par des agents américains qui s’est retournée contre ses employeurs. La liquidation officielle et inacceptable de Ben Laden a démontré que les autorités des États-Unis n’avaient pas intérêt à un procès public, qui aurait révélé au grand public américain l’alliance fondamentale entre islamistes de la mouvance saoudienne et OTAN.

Dans l’idée du lobby juif qui dominerait les États-Unis et donc le monde, il y a l’idée déformée de la conjonction d’intérêt bien réelle entre le complexe militaro industriel américain et le courant sioniste israélo-américain, lobby assumé qui a pignon sur rue à Washington. Rien d’étonnant à ce que le public accrédite l’idée de sa toute-puissance, puisque les médias ne cessent d’alimenter l’idée qu’Israël est le partenaire dirigeant de l’Alliance. Les conservateurs américains qui s’en offusquent, tels un Ron Paul, ne comprennent pas la profondeur de l’engagement impérialiste de leur propre pays. La vérité est bien sûr l’inverse : Israël n’est qu’un satellite des États-Unis. Rien n’empêchera les derniers antisémites pulsionnels de délirer, mais ils auront d’autant moins d’écho qu’on se gênera moins à critiquer l’action du lobby sioniste. Notons que l’antisémitisme actuel qui peut parfois s’exprimer sur ce thème est surtout une forme de revanchisme arabo-musulman comparable au revanchisme anti-allemand des Français après la guerre de1870, et n’a pas de rapports qu’indirects avec l’antisémitisme européen génocidaire d’avant-guerre, même s’il y a eu des rapprochements ponctuels.

12) Antisémitisme

L’antisémitisme délirant qui dominait alors les esprits dans notre pays dans les années 1930 a quasiment disparu. Les négationnistes de la Shoah, les Goebbels de papier, sont extrêmement marginaux, et n’ont de crédit qu’autant que les médias leur en accordent, serait-ce pour feindre de s’indigner. Pourtant, les imputations calomnieuses d’antisémitisme se multiplient, dans le but évident de discréditer les progressistes qui critiquent la politique israélienne. Il faut cesser de hurler avec les loups à chaque campagne de presse, d’autant plus que les Juifs ne forment plus en France un groupe opprimé.

L’assimilation de l’antiaméricanisme (ou même de l’anticapitalisme) à l’antisémitisme est simplement grotesque, dans le registre du « plus c’est gros mieux ça passe », comme dans la campagne anti-Chavez, et ceux qui le propagent ne font que révéler leur antisémitisme inconscient qui assimile les juifs aux capitalistes et aux riches. Peut être chez certains y a-t-il le projet délibéré de favoriser l’antisémitisme pour pouvoir y amalgamer toutes les oppositions au meilleur des mondes de la « fin de l’histoire » capitaliste.

13) Anti-américanisme

L’antiaméricanisme est justifié par le pouvoir impérial ombrageux des États-Unis qui impose son système social, ses intérêts et ses entreprises globales dans le monde entier ; il est exacerbé par le parti pris atlantiste omniprésent dans les médias, de la pseudo-élite autoproclamée qui construit avec enthousiasme et inconscience un empire occidental, gros de conflits de civilisation, et qui tourne le dos à ses propres valeurs de démocratie et d’État de droit. L’antiaméricanisme, qui doit bien distinguer le peuple américain de ses gouvernants et de ses capitalistes est donc la face négative de l’aspiration à l’égalité des peuples et à la paix.

- 4) Faire la guerre au post-modernisme

La solution globale à la plupart de ces problèmes est le socialisme, car à la source des ravages qui détériorent les conditions de vie de la majorité dans notre monde et qui menacent de détruire le monde même, il y a l’accaparement des richesses par une bourgeoisie parasitaire. Cette bourgeoisie développe une idéologie dominante dite « postmoderne » dont l’idée axiale est la négation du progrès, équivalente au concept de « fin de l’histoire ». Cette classe dominante exploiteuse n’est plus nationale mais globale, elle est d’expression anglo-saxonne, liée organiquement au capital financier, et elle stérilise le potentiel libérateur du progrès réel, notamment dans les technologies numériques.

Contre cette superclasse internationale américanophile, le retour au véritable patriotisme anti-impérialiste de résistance est indispensable pour retrouver le chemin de la confiance des peuples. Le capitalisme produit la pauvreté en produisant de la richesse, et produit au niveau quotidien l’envie, la haine, le racisme et la guerre comme la nuée porte l’orage.

Voilà notre monde, voilà les défis réels que nous devons relever. Mais un point important reste à préciser :

le socialisme dont l’aile gauche est devenue le communisme après 1917, et le fascisme baptisé par Mussolini en 1919 mais qui existait auparavant sont originaires de l’Europe de la seconde moitié du XIXème siècle et du début du XXème, et ils partagent effectivement l’idée alors hégémonique d’une supériorité de la civilisation européenne. Il ne s’agit nullement d’une tache morale sur le socialisme. Cette supériorité, au début du XXème siècle, n’était nullement un préjugé narcissique d’occidental mais un fait matériel que tous les non-occidentaux subissaient durement. Mais socialistes et fascistes divergeaient fondamentalement au niveau de l’explication. Pour les socialistes c’était la supériorité matérielle des moyens de production modernes dont ce continent conservait avec les États-Unis le monopole. Pour les fascistes, c’était une supériorité ontologique, raciale et/ou morale.

Socialistes et fascistes croient en l’existence du progrès, mais les socialistes sont « pour » et les fascistes sont « contre », et lorsqu’on est opposé à quelque chose de positif, on se sent des affinités avec ceux qui prêchent que cette chose n’existe pas. Le socialisme veut créer les conditions de la diffusion à toute l’humanité des progrès qui ont débutés, pour des raisons conjoncturelles, en Europe. Les fascistes veulent au contraire conserver indéfiniment cette avance, dussent-il en ruiner les conditions préalable : science, libre débat, laïcité, etc. et détestent le progrès qui peut miner cette suprématie et redistribuer les cartes.

Aujourd’hui, il existe aussi une idéologie informe postmoderne qui est produite en partie par la décomposition de l’idéologie du désir soixante-huitarde, qui nie le progrès, et patauge dans le bouillon fascisant de la philosophie d’Heidegger, essentialiste et identitaire. Elle n’a d’importance que négative, en ce qu’elle dissout les concepts libérateurs que la modernité avait lentement élaboré depuis la Renaissance, dont celui d’État. Elle représente un fascisme incolore et diffus, à la pointe de la mode intellectuelle, greffé de manière subalterne sur d’autres idéologies mieux dotées en capital, mais dont la puissance de conviction n’est que vénale : libéralisme, islamisme, évangélisme, séparatisme, etc.

L’idéologie masochiste de la gauche postmoderne, c’est-à-dire de la classe moyenne (mal)éduquée est une sorte de socialisme munichois qui capitule par avance devant fascistes verts, bleu et autres. Les communistes doivent s’extraire de cette mauvaise compagnie en réaffirmant haut et fort qu’ils mènent le camp du progrès, y compris dans son acception scientifique et technique. S’il y a un populisme à éviter c’est bien celui des pseudos écologistes qui sèment l’irrationnel et le néo obscurantisme. Et qui est particulièrement bien porté dans le peuple des dupes de la classe moyenne, révolté par le nucléaire civil et indifférent au nucléaire militaire.

Le communisme ne doit pas avoir peur d’avancer du « mauvais côté » des choses !

Tout cela ne plaira pas à ceux qui veulent un communisme domestiqué et européen. Mais le communisme ne peut exister qu’en ennemi de cette société, et doit faire de la mauvaise réputation qui ne manquera pas d’en suivre une arme dialectique contre le capitalisme la société de classe et les illusions idéologiques qui les défendent. La haine des classes dominantes et de leur domesticité intellectuelle doit redevenir l’agent de publicité des idées communistes dans les couches populaires comme c’était le cas du temps de Lénine et de Staline. Ceux qui craignent cette réputation dévoilent leurs limites, et leur aversion profonde pour la Révolution.

GQ, 31 octobre 2012

Lu sur Réveil communiste

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