Le "traité budgétaire" n’est que le début de la mise en tutelle des états souverains

, par  Jean Levy , popularité : 1%

Le "traité budgétaire", boîte de Pandore

Point de vue de Francis Wurtz paru dans l’Humanité, et commenté ci-après par Jean Lévy.

En organisant le passage en force de la ratification du traité budgétaire européen, François Hollande et le parti socialiste prennent une lourde responsabilité dont la gauche risque, tôt ou tard, de payer le prix.

D’abord, en raison des effets directs de ce texte, qui sont, tant sur le plan social qu’en matière de démocratie, aux antipodes des espoirs de changement de la majorité des Françaises et des Français.

Ensuite, parce que ce traité est une boîte de Pandore : sa ratification doperait des tendances lourdes dont nul ne sait jusqu’à quelles extrémités elles nous entraineraient.

Enfin, du fait du caractère subreptice, "cachotier", sinon manipulateur, de toute cette opération. Chacun de ces aspects mérite qu’on s’y arrête.

Le contenu du traité justifie en lui-même son rejet catégorique par toute la gauche. Alors que l’UE s’enfonce dans le chômage et la récession, le traité vise à instituer durablement la stratégie de l’austérité budgétaire.

On le sait : il stipule, afin de garantir le respect de cette trajectoire restrictive, non seulement que le budget de la nation soit soumis au contrôle préalable de la Commission et du Conseil, mais qu’un "mécanisme de correction sera déclenché automatiquement" pour remettre dans la bonne voie tout pays qui s’en écarterait. Un éventail de sanctions est prévu à cet effet. Enfin,la "règle d’or" de l’équilibre budgétaire doit faire l’objet de "dispositions contraignantes" et "permanentes" dont "le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux" doivent être dûment garantis sous le contrôle de la Cour de Justice européenne !

Ainsi, nos parlementaires sont-ils appelés à adopter un texte qui les privera de fait de leur prérogative essentielle : l’exercice de la souveraineté budgétaire.

Quant aux parlementaires socialistes, il leur est demandé de céder à des instances européennes dominées par des intégristes du libéralisme le choix des orientations économiques et sociales de la France. Inouï !

Mais l’offensive des ultra qui ont inspiré ce traité ne s’arrêterait pas là. Une fois franchie cette étape, sonnerait l’heure de la suivante. Leur feuille de route n’est pas un secret. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, avait annoncé la couleur dès février dernier : "Le traité budgétaire,c’est le début" avait-il déclaré au Wall Street Journal. Ironisant sur l’époque où certains considéraient que "les Européens pouvaient se permettre de payer tout le monde pour ne pas travailler", il avait martelé : "Ce temps-là est révolu". "Le modèle social européen est mort" avait-il souligné.

C’est au nom de cette "vision" de l’Europe que le même Draghi juge "inévitable" une "union financière, budgétaire et politique (qui) conduira à la création de nouvelles entités supranationales" (Le Monde 22/7/2012).

Ce processus de centralisation des leviers du pouvoir à l’abri des citoyens est naturellement promu au nom de la lutte contre la crise. Comme le dit non sans cynisme le président du Conseil européen, M.Van Rompuy : "La crise de la dette souveraine constitue une formidable opportunité pour un véritable bond en avant de l’intégration économique". Un document traçant les grandes lignes de ce "bond" étalé sur une dizaine d’années sera même discuté avant la fin 2012…

De tout cela, nos dirigeants ne disent mot.

Ce silence, tout comme la posture mystificatrice sur la "renégociation" du traité budgétaire et finalement la mise à l’écart des citoyens de choix aussi structurants appelle une sérieuse confrontation d’idées parmi celles et ceux pour qui "le changement" n’est pas qu’un slogan.

Francis Wurtz


Commentaires de Jean Lévy

Par cette prise de position, Francis Wurtz renforce le camp des Français qui dénoncent un traité qui met en péril la souveraineté de notre pays. De ce fait, nous lui donnons le maximum de publicité. De plus, paraissant dans L’Humanité et compte-tenu de ses responsabilités, Francis Wurtz engage, semble-t-il, le Parti Communiste Français dans la bataille contre le projet de traité. Ce combat, pour être victorieux doit être mené par le maximum de forces politiques, dépassant les clivages habituels entre "gauche" et droite.

Donc, bienvenue au club !

Cependant, l’action commune suppose la clarté.

Francis Wurtz semble redécouvrir la nocivité, à travers ce traité, de la politique européenne soutenue depuis des décennies par les forces de droite et par le Parti socialiste. Nous disons bien "redécouvrir", car le PCF, il y a vingt ans était alors la seule formation politique d’envergure, hostile au traité de Maastricht, maillon essentiel de la mise en place d’une "Europe intégrée".

Malheureusement, cette juste orientation fut mise à mal du fait que le PCF ait, au cours des dernières décennies, fait campagne pour une soi-disant "Europe sociale", jetant le trouble et la confusion dans notre peuple.

En effet, ce slogan laissait croire qu’il était possible de poursuivre l’intégration des États européens en menant une politique de progrès social. Or, l’Union Européenne n’est que l’aboutissement d’une politique menée par le grand capital depuis la création de la CECA, en 1950, dans le but de museler les peuples d’Europe et de les condamner à une exploitation sans limite.

Pour ce faire, il fallait au patronat et aux forces politiques, de "gauche" comme de droite, qui mettent en œuvre sa politique, priver les peuples de leur souveraineté et détruire l’idée de "nation", rempart ultime de l’indépendance des États.

Aussi, préconiser une "Europe sociale" par l’illusion ainsi créée, désarmait notre peuple et permettait à l’ennemi de classe de marquer des points en détruisant systématiquement toutes les conquêtes sociales, acquises par la lutte.

L’apport du PCF dans la bataille victorieuse menée en 2005 contre le projet de constitution européenne n’était pas pourtant exempt d’ambiguïté du fait de son slogan préconisant toujours "l’Europe sociale".

Cela a conduit à une démobilisation populaire, qui a permis au capital de poursuivre son offensive antipopulaire. La classe ouvrière et bien d’autres couches de la population en subissent depuis les lourdes conséquences.

Aujourd’hui donc, Francis Wurtz (et le PCF ?) veulent se battre à nouveau pour la souveraineté populaire aux côtés de tous ceux qui ont, sans jamais désespérer, continué le combat.

Comme du temps du traité de Maastricht ?

Nous l’espérons.

Faut-il que cette bataille soit menée dans la plus grande clarté.

Jean Lévy

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