Réponse à Roger Martelli
Les merles, la grive et la marge par Michel Naudy

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Cette réponse à Roger Martelli est utile à faire connaître. Elle montre que les points de convergence et de divergence qui divisent et unissent les communistes ne se résument pas aux étiquettes... même s’il est bien nécessaire de faire émerger des choix politiques cohérents et identifiables pour les militants...

« Malheureusement, la crise du développement, la crise de la mondialisation, la crise de l’occidentalisation sont invisibles aux politiques ».

Edgar Morin

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Une sorte de pessimisme actif caractérise depuis longtemps la démarche de Roger Martelli, faite toute de conviction, de courage, de lucidité et d’un rare mépris pour les « honneurs ». Aussi est-ce avec respect et retenue que l’on doit aujourd’hui marquer ses réserves voire ses désaccords avec ses prises de position récentes dans l’arène politique « pré-présidentielle ». Positions construites au fond sur un paradoxe cynégétique d’assez sommaire ambition : « Faute de grives, suivons le merle ».

Nous ne reviendrons pas ici sur le tableau qu’il dresse du triple échec enregistré ces dernières années. Celui d’une refondation de l’offre communiste par le PCF, celui d’une unification des forces de transformation anticapitaliste et enfin celui d’une articulation nouvelle entre le mouvement social et une formulation politique en mesure de le traduire. Il le fait, comme à son habitude, avec une rare pertinence, une cruauté discrète et cependant salutaire. Mais pourquoi donc s’arrête-t-il en si bon chemin ? Pourquoi interrompre d’un coup une démarche pertinente et finir par se rallier, quelles que soient ses prudences et ses précautions langagières, à ce qui, à tout prendre, n’est qu’une manifestation de plus d’une crise profonde de l’alternative politique : l’aventure Mélenchon ? Pour une seule raison qu’il formule lui-même, pour que « la gauche de gauche » évite « un nouveau désastre électoral ». L’ambition, on le voit, est mesurée... Est-elle pour autant réaliste, au sens où elle aurait au moins la vertu de limiter le dégât ? C’est moins sûr.

Dès l’origine l’opération Mélenchon fût le fruit d’un double calcul assez éloigné des altitudes stratégiques. Celui d’une direction communiste qui, refusant d’entreprendre une rénovation radicale qui ne manquerait pas de l’emporter, s’est fabriquée avec lui un allié destiné à donner l’illusion de l’ouverture. Ce calcul s’est ajouté à un autre, celui d’un homme, devenu homme seul au sein d’un PS qu’il découvrait soudain irréformable et qui, tout en se fabriquant un petit appareil à sa main, allait adosser son (re)tour politique sur un vieux bastion qui pour être fort lézardé conservait quelques beaux restes et les prestiges d’une histoire.

C’est de cette coïncidence, de cette conjonction tacticienne qu’est née, loin de tout renouvellement de la pensée de la transformation, au plus près des intérêts les plus sommaires de la reproduction politique, l’opération dont nous héritons aujourd’hui.

1981 = 2011 ?

Faut-il, comme le conseille Roger Martelli, faire avec et finir par se « raccorder avec ce qui est le moins loin » ? Le bon sens qu’il semble cultiver ici est parfois trompeur et sous-estime en l’occurrence à la fois l’ampleur du discrédit dont souffre le politique et la recherche latente, obscure, obstinée des voies d’une
nouvelle radicalité. Il est probable que face a des attentes si fortes, si légitimes aussi, l’aventure Mélenchon et ses chefs monteurs ne tiennent pas longtemps la distance et il est significatif que l’élargissement du Front de Gauche, la mise en débat de son extension, de ses formes et du contenu de son programme, soient devenus d’emblée si secondaires. Et le restent. En limitant dès l’abord la question à celle de son incarnation électorale et en bornant le débat à cette question seule, on s’est précipité dans le piège présidentialiste au prétexte d’occuper le créneau voire de le subvertir.

Une seule interrogation aurait dû immédiatement venir à l’esprit pour apprécier l’enjeu : en quoi la situation politique a-t-elle changé pour espérer que ce qui n’a pas été possible entre 1981 et 1984, le devienne aujourd’hui, même partiellement ?

Quand le courant communiste déjà déclinant pouvait encore s’appuyer sur 15,8 % d’électeurs, quand la bataille programmatique avait été une véritable bataille de masse menée pied à pied des années durant, quand le monde syndical était encore puissant, quand le candidat socialiste pouvait encore tenir un discours anticapitaliste, quand existait encore un « camp socialiste » mondial... quand... quand...

Quelques mois suffirent pour crier bien vite : « Patatras ! » et sortir du jeu dans lequel on était entré à reculons, la corde au cou et le couteau sur la gorge.

Dans chaque domaine évoqué, l’écroulement est le bon diagnostic. Désormais pour « sauver » sa (petite) baraque, la direction communiste, après avoir contraint au départ toutes ses vagues transformatrices successives depuis 1956 (lesquelles n’ont jamais subsisté que quelques mois avant de s’éteindre ou de se rallier) se donne à un aventurier dont le parcours trotsko-molletiste dit toute la culture et la seule ambition.

Conscient de la difficulté de l’exercice R. Martelli croît rassurer : « Se préparer à le soutenir activement, écrit-il, n’implique aucune mécanique à long terme ». L’inverse est l’évidence quand personne ne peut ignorer que le cadre politique césariste qui est le nôtre surdétermine le cours même de la politique, ses ambitions et ses limites. Mélenchon, en bon mitterrandiste l’a appris au berceau et signera tous les programmes (partagés ou pas), concédera toute représentation électorale compensatrice que l’on voudra contre UN seul poste : celui de candidat, celui qui surplombe et engendre tout le reste. Bref, il donnera
tous les merles du monde (surtout quand il ne les a pas en sa volière) pour une grive, une seule : l’incarnation présidentielle d’une offre politique au plumage radical.

Dès lors, que la posture soit l’an prochain à la participation symbolique ou au soutien critique à la nouvelle majorité social-libérale espérée, on ne voit pas en quoi l’on évitera au peuple à la fois la déception, le désintérêt croissant pour le politique et le refuge poujado-mariniste.

LA MARGE ?

Reste l’argument conçu comme un assommoir : si ce n’est Mélenchon c’est donc la marge. La marge ? Estce cultiver la marge que de sortir d’un jeu dont les règles sont faites pour vous battre à tous coups ? Est-ce se complaire aux robinsonnades que de chercher patiemment dans le réel lui-même les contours d’une autre alternative, les prémisses de concepts pertinents, les balbutiements de nouvelles formes de l’engagement et de la citoyenneté. Combien furent donc marginaux les obscurs, les sans-grade des siècles passés qui se saisirent d’un morceau de Voltaire, d’un bout de Diderot, d’un fragment de Louis Blanc, d’un rien
de Fourier, d’un jeune Marx naissant, d’un vieux Bakounine obstiné, de la moindre grève, d’un début de révolte, d’un mouvement des mœurs, d’un souffle de nouveau ? Ceux-là, quand les grands ébranlements pointèrent à l’horizon, avaient simplement à bas bruit préparé le terrain. À la marge, c’est vrai, à la marge d’abord, mais surtout pas dans le cadre politique que la monarchie ou l’empire français d’alors avaient imaginé pour les tenir précisément en marge.

Pour le reste, R. Martelli le sait bien, le mouvement se donne en marchant les instruments inédits de son expression et de son action. Il est imprévisible et toujours surprenant, inventif, inattendu. Il est beau comme l’insaisissable. Et il viendra.

M.N.

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