II y a des limites à tout Discours de Poutine du 18 mars

, par  Gudrun Stelmaszewski , popularité : 3%

Extraits du discours du président Vladimir Poutine le mardi 18 mars 2014 devant les deux chambres du parlement russe ainsi des représentants des régions et de la société [1].

Messieurs et mesdames du Conseil fédéral, messieurs et mesdames de la Douma d’Etat, messieurs et mesdames représentants de la République Crimée et Sébastopol – vous êtes ici parmi nous, citoyens de la Russie, en tant qu’habitants de la Crimée et de Sébastopol !

Chers amis, nous nous occupons aujourd’hui d’une question qui a une importance de vie ou de mort, une importance historique pour nous tous. Le seize mars a eu lieu sur la Crimée un référendum qui s’est déroulé en plein accord avec les processus démocratiques et les normes internationales. (…)

Décadence de l’URSS

Après la révolution, les bolcheviks ajoutèrent pour des raisons différentes - que Dieu en soit juge - de grandes parties du territoire de la Russie de son sud historique à la République de l’Union Ukraine [2]. Tout cela s’accomplit sans faire attention à la composition nationale des habitants. Aujourd’hui, il s’agit du sud-est de l’Ukraine. En 1954, on décida de lui adjuger le district de la Crime et Sébastopol, bien que la ville ait dépendu directement de l’Union. (…)

Pour nous, une autre chose est importante : la décision avait été prise en violant de toute évidence même les normes constitutionnelles de cette époque. (…) Bien sûr que sous les conditions d’un État totalitaire, on n’avait rien demandé ni aux habitants de Crimée ni à ceux de Sébastopol. On les avait mis devant le fait accompli.

Ce qui n’était pas imaginable, à l’époque, arriva malheureusement. L’URSS se dégrada. Les évènements se développèrent tellement rapidement que seulement peu de citoyens comprirent toute la dramatique des faits et de leurs conséquences. Beaucoup de gens en Russie, en Ukraine et dans les autres républiques, espérèrent que la Communauté des États Indépendants puisse devenir la nouvelle forme d’un État. (…) Mais des millions de Russes allèrent se coucher le soir et se réveillèrent le lendemain derrière des frontières, devinrent souvent des minorités nationales dans les républiques de l’ancienne Union. Le peuple russe est ainsi devenu un des peuples, pour ne pas dire le plus grand peuple divisé du monde.

Les dirigeants de Kiev

Je comprends pourquoi les gens en Ukraine ont voulu un changement. Dans les années après l’indépendance, (…) les présidents, les ministres-présidents, les députés de la Rada changeaient, mais leur comportement envers leur pays et leur peuple ne changeait pas. Ils luttaient parmi eux pour le pouvoir et les sources de finances. Pendant ce temps, les dirigeants s’intéressaient peu à la vie des gens modestes, ne voulaient pas savoir pourquoi des millions de gens ne voyaient aucune perspective pour eux dans leur patrie et étaient forcés d’émigrer à l’étranger ; et là-bas, les travaux les plus pénibles leur sont destinés. (…) Mais ceux qui se trouvent derrière les événements les plus récents en Ukraine, suivent d’autres objectifs : ils préparaient un putsch, voulaient prendre le pouvoir et n’ont reculé devant rien. On en arriva à des fusillades et à la terreur, aux meurtres et aux pogromes. Les acteurs généraux du putsch sont des nationalistes, des néonazis, des russophobes et des antisémites. En beaucoup de circonstances ils décident jusqu’à aujourd’hui de la vie en Ukraine. (…) Ils menacent tous ceux qui résistent aux répressions. La Crimée, naturellement, la Crimée russophone a été concernée en première ligne. En conséquence, les habitants de Crimée et de Sébastopol se sont adressés à la Russie et ont réclamé qu’on protège leurs vies et leurs droits. (…) Il va de soi que nous ne pouvions pas négliger leurs souhaits, que nous ne pouvions pas laisser la Crimée et leurs habitants dans la situation d’un tel harcèlement. Toute autre chose aurait été de la trahison.

Avant tout, il fallait aider à créer les conditions pour une manifestation de leur volonté pacifique et libre, pour que les habitants de Crimée puissent décider, la première fois dans leur histoire, de leur destin. Qu’est-ce que nous entendons actuellement de nos collègues en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord ? Ils nous disent que nous romprions les normes du droit international public. Premièrement, il est bon qu’ils se souviennent que le droit international existe, et merci pour cela, mieux vaut tard que jamais.

Deuxièmement et le plus important : qu’est-ce que nous devrions avoir violé ? Oui, le président de la Fédération russe a reçu de la Chambre haute du parlement, le droit de faire appel aux troupes en Ukraine. Mais jusqu’ici, il n’y a pas eu usage de ce droit. Ce n’étaient pas les forces armées de la Russie qui ont envahi la Crimée, elles y étaient déjà présentes et s’y trouvaient en accord avec un traité du droit international. Oui, nous y avons renforcé nos groupes, mais nous n’avons pas outrepassé le nombre accordé – cela, je veux le souligner pour que tout le monde puisse l’entendre et le savoir – à nos forces armées en Crimée qui s’élèvent à 25.000 unités. Il n’y avait aucune nécessité.

Continuons. Quand le Conseil suprême de Crimée déclara son indépendance et que le référendum fut annoncé, cela était en accord avec la Charte de l’ONU, où on parle du droit à l’autodétermination. Je veux rappeler que l’Ukraine fit presque mot pour mot la même chose, lorsqu’elle déclara sa sortie de l’URSS. En Ukraine, on fit l’usage de ce droit de retrait, mais on ne veut pas l’accorder aux habitants de Crimée. Pourquoi ?

Le précédent du Kosovo

En outre, le gouvernement de Crimée y agissait conformément au précédent connu, qui nos partenaires de l’Ouest créaient eux-mêmes à Kosovo, avec leurs propres mains et dans une situation qui était absolument analogue à celle de la Crimée. Ils reconnaissaient la cession du Kosovo par la Serbie comme légitime et attiraient l’attention sur le fait que le pouvoir central du pays n’aurait à donner aucune permission pour la déclaration unilatérale de l’indépendance. Le 22 juillet 2010, la Cour internationale de justice de l’ONU exprimait son approbation sur la base de l’article deux, alinéa un de la Charte des Unions unies et en remarquait comme suit, je cite : « De la pratique du Conseil de sécurité ne résulte aucune interdiction générale d’une déclaration unilatérale de l’indépendance. » Ensuite : « Le droit international général ne contient aucune interdiction d’une déclaration de l’indépendance et ne la fixe pas d’une certaine manière. » Cela, c’est de façon claire et nette.

Je n’aime pas de me cacher derrière des citations, mais je ne peux pas m’abstenir de déduire encore un passage d’un document officiel, cette fois-ci d’un mémorandum des États-Unis du 17 avril 2009, celui qui a été transféré à ladite Cour internationale de justice pour la procédure d’audition concernant le Kosovo. Je cite de nouveau : « Des déclarations de l’indépendance peuvent même à diverses reprises violer la compétence législative intérieure. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit ici d’une violation du droit internationale. » Fin des citations. (…) Ce qu’est permis aux Albaniens au Kosovo (et nous avons du respect pour eux), pourquoi est-il interdits aux Russes, aux Ukrainiens, aux tartares de Crimée ? La question se pose de nouveau : pourquoi ?

Quant au Kosovo, nous y entendons dire des États-Unis et de l’Europe qu’il s’agit d’un cas exceptionnel. D’où vient, d’après nos collègues cette exclusivité ? Elle vient, c’est-ce qu’ils prétendent, du fait qu’il y avait beaucoup de victimes au cours du conflit au Kosovo. Est-ce que c’est un argument juridique ? La décision de la Cour internationale de justice n’en dit rien du tout. En plus, vous le savez, il n’y a pas des standards doubles. Il s’agit de toute évidence d’un cynisme primitif et sans détour. On n’a pas le droit de souligner ses intérêts tellement grossier qu’on dit tantôt blanc tantôt noir. En plus, cela veut donc dire que chaque conflit doit être mené jusqu’au point où il y a des morts ?

Escroquerie permanente

Je le dis franchement : si les forces de l’autodéfense de Crimée n’avaient pas eu sous contrôle la situation actuelle, il aurait pu y avoir des morts. Dieu soit loué, ça ne s’est pas passé comme ça. Il n’y eut pas une seule collision en Crimée et aucun mort [3]. Pourquoi, pensez-vous ? La réponse simple est qu’il est dur et pratiquement impossible de lutter contre le peuple et sa volonté. Dans ce contexte, je veux remercier les agents militaires ukrainiens, il ne s’agit pas d’un petit contingent – 22.000 personne équipées complètement. (…)

Dans ce contexte, autre chose nous vient à l’esprit. On nous parle d’une intervention russe, même d’une agression russe sur la Crimée. Je ne me souviens d’aucun cas dans l’Histoire où une intervention aurait eu lieu sans aucun coup de feu ni sans mort.

Mes chères collègues ! La situation concernant l’Ukraine renvoie l’image de ce qui a lieu dans le monde, ce qui se déroule actuellement et ce qui se déroulait durant les dernières décennies. Après la dissolution des systèmes antagonistes de notre planète, aucune plus grande stabilité ne s’est installée. Les institutions internationales importantes ne furent pas renforcées, mais malheureusement souvent affaiblies. Nos partenaires de l’Ouest avec les États-Unis à la tête ne laissent dans leur politique pratique pas régir le droit international, mais la raison du plus fort. Ils revendiquent dans leur élitisme et leur exclusivité qu’on leur permette de décider du destin du monde et que seuls eux puissent avoir raison. (…) Là où ils ont recours à la violence contre des États souverains, ils forment des coalitions fidèles au principe « qui n’est pas avec nous est contre nous ». Pour donner aux agressions une apparence légale, ils se confèrent des résolutions d’organisations internationales ; si pour une raison ou une autre ils n’y arrivent pas, ils ignorent complètement le Conseil de sécurité de l’ONU ou l’ONU entière.

Ainsi était-il, nous nous en rappelons bien, en 1999 en Yougoslavie. C’était difficilement crédible, on ne voulait même pas en croire ses propres yeux, mais à la fin du XXème siècle il y eut des semaines durant des pluies de bombes et des attaques de missiles sur une ville européenne – Belgrade – et ensuite une vraie intervention. Mais où y était la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui permettait de telles opérations ? Il n’y en avait aucune. Suivirent l’Afghanistan, l’Iraq et la violation ouverte de la décision du Conseil de la sécurité de l’ONU pour la Libye, au lieu d’installer une prétendue zone d’interdiction de trafic aérien, les bombardements commencèrent aussi là-bas. Il y eut toute une série des révolutions « colorées ». Il va de soi que les gens des pays où ces évènements se déroulaient, en avaient assez de la tyrannie, de la misère, du manque de perspectives, mais on a cyniquement profité de leurs sentiments. On a imposé à ces pays des standards qui ne correspondaient en aucune manière à leur vie, à leurs traditions, à la culture de leurs peuples. Cela ne mena pas à la démocratie et la liberté, mais au chaos, à l’extension de la violence, à une série de coups d’Etat. Le « printemps arabe » est devenu « l’hiver arabe ».

Un scenario semblable a été joué en Ukraine. (…) Là-bas, on a maintenant jeté une armée de combattants bien formés et équipés dans l’arène.

Tout cela a une époque où la Russie fait beaucoup d’efforts pour entamer le dialogue avec nos partenaires de l’Ouest. Quant aux questions importantes, nous proposons inlassablement une coopération, nous voulons renforcer la confiance, nous souhaitons que les relations soient multiples, franches et sincères. Mais nous n’avons pas vu de progrès réel. Au contraire, une fois sur deux ils nous trompaient, ils prenaient des décisions dans notre dos, nous mettaient devant les faits accomplis. Il en est ainsi des extensions de l’OTAN vers l’Est, de l’installation d’une infrastructure militaire auprès de nos frontières. Ils nous confirmaient en parallèle : « cela ne vous touche pas ». C’est facile à dire, ne pas toucher.
L’affaire se présentait de même avec le système de défense antimissile. Sans faire attention à nos avertissements, la machine travaille, elle bouge.

Il en était de même avec les retards sans fin des négations sur les questions de visa, de la réalisation d’une concurrence sincère et du libre accès aux marchés globaux.

Aujourd’hui, ils nous menacent des sanctions, mais nous vivons déjà avec de nombreuses restrictions. Ainsi par exemple, les États-Unis et plus tard aussi d’autres Etats interdisaient déjà pendant la "Guerre froide" de vendre à l’URSS certaines technologies et certains équipements dans une large mesure. Ils se trouvaient sur la liste de Comecon. Aujourd’hui, ils l’ont changé formellement, mais seulement formellement, en vérité beaucoup d’interdictions du passé sont en vigueur. (…)

On essaie toujours de nous pousser à bout, parce que nous avons une position indépendante. Mais il y a des limites à tout. Et en ce que concerne l’Ukraine, nos partenaires de l’Ouest se sont acoquinés avec le diable, se comportent grossièrement, irresponsablement et non professionnellement. (…)

Voir en ligne : Traduction de l’allemand par Gudrun

[1Traduit de l’allemand, d’après une publication du « Junge Welt » le 19/03/2014, http://www.jungewelt.de/2014/03-19/012.php

[2Ndlr : Contribution à l’histoire d’une paix malheureuse (tome 26) – Ici, Lénine justifiait pourquoi un traité de paix avec l’Allemagne devait être conclu aussi rapidement que possible :
http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1918/01/vil19180107.htm

Les articles suivant qui concernent cette époque, ne sont pas encore publiés sur ledit site. L’histoire confirme que les exposés de Lénine, mis en doute par les « communistes » étaient bien fondées.

Après que la délégation sous Trotski ait interrompu les négociations avec l’armée allemande, cette dernière a dicté de nouvelles conditions, arrivées à Petrograd le 23 février 1918. Celles-ci étaient encore pires que les conditions repoussées. Les impérialistes allemands ne réclamaient plus seulement la Pologne, la Lituanie et une partie de la Biélorussie, mais demandaient aussi la rétraction de la Garde rouge de la Lettonie et de la Finlande ; en outre, ils réclamaient de céder à leur allié, la Turquie, les villes de Kars et Batoumi. En Ukraine, le pouvoir de la Rada bourgeoise devrait être reconstitué et ainsi l’Ukraine être transformé en un pays vassal de l’Allemagne. En plus, la République soviétique devait être obligée de payer une grande contribution.

(Selon les remarques du tome 27, œuvres complets de Lénine)

L’Ukraine n’est devenue qu’après les négociations avec l’Allemagne (prétendu Pacte de Staline avec Hitler) une république de l’Union soviétique.

[3Ndlr : On parle récemment de provocations, dans les derniers jours ou deux personnes ont trouvé la mort, entre autre un agent de police et quelqu’un de l’extrême-droite.

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