Élections présidentielles. France 2017. Décryptage Analyse de l’Université des classes populaires

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Un texte d’analyses détaillées des programmes des 5 candidats qui font la une médiatique et qui montre à quel point personne ne peut s’inscrire dans la "continuité" de politiques conduites par la gauche comme par la droite depuis des décennies... Nous en proposons une version réduite, pour renvoyer la lecture sur le site de l’université des classes populaires, initiative de la revue "Germinal"...

On mesure à quel point la situation après les présidentielles est imprévisible...

Elections présidentielles — France 2017

Contribution de la Société Populaire d’Education 

Supplément du numéro Spécial avril 2017 — journalgerminal.fr

(...)

Pour introduire l’analyse des programmes des principaux candidats


Le littératron de Robert Escarpit. Un ouvrage toujours d’actualité

Quand on écoute les discours ou que l’on lit toute la littérature sur les élections présidentielles de 2017, on peut se demander si la machine que Robert Escarpit avait décrit dans les années 60, dans son livre « Le littératron », n’aurait pas finalement été inventée et utilisée depuis un certain temps.

Ce livre raconte l’histoire d’un linguiste, spécialiste du discours politique qui va tout faire pour obtenir des financements (quitte à employer les plus basses astuces pour convaincre ses interlocuteurs) afin de créer une machine pour créer le discours politique parfait et plus si cela fonctionne.(...)

On peut demander à une telle machine d’identifier un texte quelconque, d’analyser, de la juger et même de le corriger. On peut aussi, en inversant l’ordre des opérations, lui demander d’associer elle-même les mots, les idées, les structures grammaticales, c’est à dire d’écrire et de composer des textes littéraires ».
Pour cela, il va appuyer son travail de linguiste en référence aussi « au livre de Quintilien, Romain qui traite l’art de persuader : les gestes, les grimaces, les plaisanteries, les arguments … Celui qui assimilerait tout ça serait capable de faire croire à n’importe qui, qu’une vessie est une lanterne et réciproquement. ».(...)

Voilà bien une machine qui peut sembler délirante pour toute personne qui croit en la capacité humaine de faire des choix sensés et réfléchis. Cependant même si au regard de l’ancienneté de cet ouvrage, on peut penser que beaucoup d’hommes politiques n’en connaissent pas l’existence, (...)

De la même façon, comment ne pas penser que la plupart de nos responsables politiques n’ont que l’envie d’avoir la meilleure place, et donc ne s’intéressent absolument pas à la situation concrète des français, ni à l’état de déconstruction de notre pays. Car soyons clair, qui veut réellement prendre en compte l’inquiétude des classes populaires concernant l’économie, la politique, et plus largement à l’avenir de la société française ?

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Petits arrangements avec la république

François Fillon, Faire, Albin Michel, 2015

Dédicacé « à Pénélope  », le livre de François Fillon porte en exergue : « La liberté est une rupture  ». Il s’agit de considérer avec quoi s’agit-il de rompre et quelle liberté il s’agit d’instaurer. On se centrera à cet effet sur ce qui nous semble l’orientation générale du propos, sans faire mention des “affaires” survenues après la parution du livre. On peut noter cependant que les "petits arrangements" du candidat avec la République ont quelque peu fait vaciller la statue de celui qui se présentait comme le sauveur d’une France en faillite. (...)

François Fillon, contrairement à d’autres candidats, s’essaie à quelques éléments d’analyse sur la situation mondiale et nationale analyse qui ne s’attarde pas sur la question des rapports de production et des rapports de classes. S’agissant de la France, un diagnostic de faillite est prononcé. Pour y remédier, François Fillon opte pour un mode de résolution “libéral” de “redressement” du pays. A le lire, on a souvent l’impression que celui-ci se présente un peu comme une grande entreprise à gérer de façon “rationnelle”, par un management à la dure, qui ne tient pas trop compte des “facteurs humains” qui y seront soumis.

Un monde en état de chaos

François Fillon fait le constat d’un monde en chaos, susceptible de déboucher sur une troisième guerre mondiale. Les raisons de ce chaos tiennent au jeu des grandes puissances depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui se manifesterait pour l’essentiel autour de la lutte pour le contrôle de la sphère musulmane, accessoirement pour les ressources pétrolières. Les rivalités entre puissances qui y sont reconduites ont été facteurs de déstabilisations. En prétendant libérer les peuples, au nom de la démocratie occidentale et des droits de l’homme, nous avons « semé le chaos », après l’effondrement de l’URSS, plus spécialement au Moyen-Orient. « Nous avons fabriqué des Etats qui ne sont pas viables pour reproduire nos propres rivalités, nous avons aveuglément organisé le retour des mollahs en Iran, nous avons armé les moudjahidin pour déstabiliser l’Union Soviétique. »
La politique russe, estime-t-il, n’a pas été plus clairvoyante. Toutefois l’effondrement de l’URSS a conduit à ce que la politique mondiale soit dominée par les Etats-Unis, son « l’idéalisme casqué », semant partout le chaos.

(...)

Redresser la France dans une Europe indépendante de la puissance américaine

Quant au fond, l’objectif du projet du candidat Fillon paraît moins centré sur une France souveraine que sur une Europe souveraine. Il se propose de faire de la France la première puissance d’une « Europe souveraine ». Une « France puissante » dans une Europe-puissance, une “Europe européenne”, indépendante des USA.
Selon lui, en effet la puissance américaine constitue un obstacle pour l’Europe. « [Il faut] mobiliser les Européens autour d’un « objectif presque nationaliste », « l’indépendance du vieux continent après des décennies de soumission au dollar ». (...)

France. Le diagnostic de “faillite” 

En matière de politique intérieure, le programme du candidat Fillon peut se résumer ainsi : « assainir nos comptes publics en deux ans, relancer notre économie en cinq ans, devenir la première puissance européenne en dix ans. »

Ce programme de « redressement » repose sur les constats suivants :
Les déficits publics se développent depuis 35 ans : dette souverains abyssale, qui conduit à une dépendance à l’égard de la finance internationale, menaçant notre indépendance. Une des raisons de ces déficits tient à une « hypertrophie de la fonction publique », et au « modèle social » français devenu trop coûteux (coût des retraites, de l’assurance maladie, chômage…). (…)

Après le diagnostic, des remèdes doux-amers et bien ciblés

Pour résoudre la question de l’endettement, du déficit public, se trouver à même de développer le secteur productif et la compétitivité des entreprises, François Fillon propose : — d’un côté, la diminution des dépenses publiques — de l’autre, de favoriser les entreprises du secteur marchand, d’alléger fortement la pression fiscale qui pèse sur elles — et, pour les salariés, de travailler plus, et plus tard, de réserver la formation professionnelle aux besoins réels, afin produire plus de richesses. Ce qui s’énonce par un certain nombre de propositions :

— Garantir l’équilibre des comptes sociaux. (...)

— Réduire le poids du secteur public. (...)

— Mener une politique fiscale cohérente avec le « redressement des finances publiques et la compétitivité de l’économie. » (...)

— Réorienter l’épargne vers l’économie productive et refondre la fiscalité du capital (...)

— Abandonner l’utopie des 35 heures et fixer par la loi une durée maximum de 48 heures hebdomadaires.

— Simplifier le Code du travail (...)

Et les classes dans tout ça ?

Si l’on excepte les contradictions affirmées entre deux secteurs de la vie sociale (secteur public et secteur marchand), François Fillon, comme les autres candidats, ne propose pas une analyse en termes de classes. Sa conception se présente comme relevant d’un schéma plus “technique” de management social. Comment redresser “l’entreprise France”, sans trop tenir compte des facteurs proprement sociaux humains, surtout du côté salariés, qui risqueraient de perturber la bonne gestion de l’ensemble du projet.

(...)

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Continuer à traire la vache Lolotte qui n’a plus de pis

Benoît Hamon, "Pour la génération qui vient", Equateurs, 2017

L’ouvrage de Benoît Hamon est paru tardivement en mars 2017, bien après sa désignation à la primaire de la « belle alliance populaire ».(...) un premier constat s’impose : à peu près rien sur les contradictions mondiales, ni dans l’immédiat, ni en perspective historique, pas davantage sur les contradictions sociales, de classe. Et même sur ce que peut représenter pour lui le socialisme, pas grand chose à se mettre sous la dent. (...)

« Quelque chose a changé », mais on ne sait pas encore très bien où on va aller

On apprend dès le début de l’ouvrage que « quelque chose a changé ». La « génération qui a fait irruption au cours de la campagne », « la seule clairvoyante » [« la jeunesse »] est consciente que « notre pays » « se trouve à la croisée des chemins ». Il y a le vieux chemin, et le nouveau dont on ne sait pas vraiment s’il est tracé et vers quoi il se dirige. « Le vieux monde s’apprête à disparaître, le nouveau se cherche encore ».
Quoiqu’il en soit, « la jeunesse », dont Benoît Hamon se fait le porte-parole, aurait « décidé » d’imaginer un avenir « autre », fait de « progrès et de justice sociale ». Ces « citoyens neufs », plein de force et d’audace, veulent « en plein jour, éveillés […] accomplir leur rêve ».(...)

Une « transition sans précédent » afin de « réenchanter la réalité »
La jeunesse relèvera le défi. Elle laissera à l’ancien monde « les vieilles rengaines, les vieilles recettes, la vieille politique », tout ce qui a le regard tourné vers le passé : enfermement dans un pays imaginaire, nation assiégée, France en déclin. En termes plus précis, il faudra en priorité rejeter les forces nationalistes, ceux qui veulent mettre au pas les fonctionnaires, les magistrats, les médias, ceux qui défendent l’arbitraire, ceux qui « accablent l’Islam au nom de la laïcité tout en frayant avec les intégristes catholiques ».
(…)

Redistribuer les richesses que l’on a cessé de produire

En termes prosaïques, bien que le candidat ait intégré dans son programme certaines propositions pour un « redressement productif » de la France, telles que le préconisait Arnaud Montebourg, Benoît Hamon semble imaginer que l’on puisse répartir ce qui n’a pas été produit, par le recours de la "taxation" d’un secteur productif déjà défaillant (en schant que les banques elles-mêmes ne peuvent prospérer sans aucune base productive).
L’orientation générale : ne pas se préoccuper de diminuer la dette (plutôt compter sur une improbable « solidarité européenne »), travailler moins, dépenser plus. On n’en donnera ici que quelques exemples, parmi les plus généreux : mettre en place une loi pour la réduction du temps de travail, un revenu universel d’existence (dont la définition varie), recruter de 40.000 enseignants et créer 7.500 emplois dans les universités et laboratoires, créer 500.000 emplois dans l’économie sociale et solidaire. Pour financer l’ensemble, il suffira de taxer les superprofits des banques, d’instituer une « contribution sociale sur les robots ». (...)

Dans ce monde « qui nous inquiète », nous (la France) devons “optimiser”


Emmanuel Macron, Révolution, XO, 2016

Dans son livre, Révolution, Emmanuel Macron fait usage de procédés rhétoriques, parfois plus affinés que ceux de ses concurrents. Il s’efforce de capter la bienveillance des lecteurs par un jeu d’identification, entre lui-même [2] (je), nousla France. Ce jeu s’énonce par les intitulés des différents chapitres : « Ce que je suis », « Ce que je crois », « Ce que nous sommes », « Ce que nous voulons », « La France que nous voulons », « Vouloir la France  ». On trouve aussi les formulations d’appropriation : « mon pays », « notre pays », « allégeance à mon pays », « dette à notre pays ». (...) le candidat Macron s’adressant aux Français, à leur intelligence, se dit à l’écoute de « leurs colères, leurs attentes », leurs inquiétudes face au bouleversement du monde, tout en tablant sur leur capacité à “positiver” dans cette « nouvelle ère », marquée par des phénomènes de crise et de rupture.

La position stratégique de la France dans le monde : ne pas bouleverser le statu quo des alliances stratégiques structurantes, refonder sur une base réaliste nos relations avec la Russie

L’essentiel des orientations proposées par le candidat Macron touche à la nécessité pour la France de saisir les opportunités économiques que la nouvelle marche du monde peut offrir. Dans un chapitre du livre, il porte cependant attention aux questions stratégiques et au maintien d’une ambition politique pour la France sur l’arène mondiale. Le contenu de ce chapitre, qui par certains aspects paraît proche des positions d’Hubert Védrine, n’est pas présenté dans le programme du candidat. Il y est proposé de faire œuvre de réalisme. Il ne s’agit pas pour la France de « se désintéresser du monde », plutôt d’y faire entendre ce qui est conforme à sa « vocation universelle », en tenant compte de « la réalité de nos moyens ».

Plutôt que d’intervenir militairement aux différents azimuts, la France, en tant que puissance internationale (Conseil de Sécurité notamment), doit conserver « sa position particulière et indépendante qui lui permet d’engager un dialogue constructif avec tous », ce qui suppose un « devoir d’exemplarité » : respect du cadre de l’ONU, ne pas s’engager dans un « interventionnisme irréfléchi » contraire au droit international. (...)

Le principe de souveraineté, défini comme « libre exercice pour une population de ses choix collectifs sur son territoire » se trouve affirmé. Bien que le propos ne soit pas toujours limpide, il semble que ce qui menace cette souveraineté, ou indépendance, en matière stratégique ne tient pas au processus d’intégration au sein de l’Europe, du moins l’Europe dans ses contours actuels. (...)

Toutefois, au contraire de la plupart des candidats, le statu quo des alliances stratégiques issues de la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’est pas remis en cause. L’axe transatlantique doit demeurer « structurant », bien qu’il soit nécessaire de rééquilibrer notre relation avec les Etats-Unis, faire prévaloir des positions indépendantes. (...)

La marche du monde et la France dans le monde tel qu’il marche

La prise en compte de la situation mondiale et celle de la situation française sont étroitement liées. C’est sur la base de cette prise en compte, parfois succincte, qu’Emmanuel Macron définit ses orientations pour la France.

Il constate que le monde est en plein « bouleversement ». Il serait entré dans une « nouvelle ère », caractérisée au moyen de notions vagues : « la mondialisation », « le numérique », « le péril climatique », « les conflits géopolitiques », « le terrorisme », « l’effritement de l’Europe ». Ce bouleversement se manifeste par « des inégalités croissantes », une « crise démocratique des sociétés occidentales ». L’évolution économique est plus rapide, marquée de « ruptures technologiques ». Un tel « monde […] nous inquiète », il suscite « le doute » le désespoir, la peur ». (...)

Nous serions même [et l’auteur soutient lui-même le propos] « en train de vivre un stade final du capitalisme mondial ». Le capitalisme international « ne se régule plus lui-même », et, « par ses excès manifeste son incapacité à durer véritablement ». (...)

Quoi que l’on puisse penser des périls portés par ce monde capitaliste, et ses excès, et la « civilisation dans laquelle nous entrons ». Nous ne pouvons guère faire autre chose que de prendre ce monde tel qu’il est. Emmanuel Macron n’imagine pas que puisse exister au plan historique d’autre issue.

S’adapter à la marche capitaliste du monde. En saisir les « nouvelles opportunités »

Que faire alors ? La réponse d’Emmanuel Macron est celle-ci : Nous devons prendre acte sur cet état de fait et tirer le mieux possible (jenousla France) notre épingle du jeu, saisir les « nouvelles opportunités économiques » que le bouleversement du monde peut nous offrir. « Peut-on remplacer le monde tel qu’il va ? Je ne le crois pas. » Quoi qu’on en ait, il faut « s’adapter à la marche du monde », puisqu’il n’est pas possible d’en sortir pour vivre mieux. La France devra se confronter à ce monde, par « volontarisme lucide  ».
(...)

Que peut-on vraiment faire avec l’Europe, « rêve d’empire et d’union par la guerre » ?

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Selon Emmanuel Macron, se référant à Mendès France comme à de Gaulle, l’avenir de la France se joue sur le continent européen. Pour « maîtriser notre destin », la France a « besoin d’Europe », celle-ci n’est pas responsable de tous nos maux. Ce « besoin d’Europe » se fait plus spécialement sentir au plan économique, si nous voulons avoir la chance de peser face aux USA et à la Chine, notamment dans les grandes négociations commerciales.

L’Europe toutefois « paraît déjà épuisée ». Son édification a pu faire croire à la disparition des conflits, mais il ne faut pas oublier, dit Macron, que les conflits constituent « l’histoire réelle de ce continent ». Le « rêve européen » dans l’histoire est un « rêve d’empire et d’union par la guerre », dans le passé et peut-être dans le futur. « Ne perdons jamais de vue que la guerre est notre passé sur le continent et qu’elle pourrait être notre avenir si nous ne construisons pas une Europe libre ». (...)

Abandonner nos « passions tristes ». Faire entrer la France dans la marche du monde [« stade final du capitalisme mondial »]

Emmanuel Macron fait état du désarroi qui semble affecter de la population française (“nous”).

L’opinion est désorientée. « La France est malheureuse de ce qu’elle est devenue ». Elle a le « sentiment qu’elle glisse vers l’inconnu, qu’elle ne maîtrise plus son destin, perd son identité ». « Nous sommes recroquevillés sur nos passions tristes, la jalousie, la défiance, la désunion ».

Sans doute ne s’agit-il pas seulement de « sentiment”, mais aussi de réalités. « Notre pays est rongé par le doute, le chômage, les divisions matérielles mais aussi morales ». (...)

Si l’on suit le propos d’Emmanuel Macron, il semble bien que n’existe pas d’alternative, nous devons donc nous adapter aux « nouvelles exigences du temps ». (...) « La solution est en nous », « il faut agir », « nous devons agir », « nous devons faire ce qui doit être fait »

(...)

— Produire en France. Pour lutter contre la désindustrialisation, Emmanuel Macron, invoquant Colbert, propose de renouer avec « le rêve productif » de la France, construire une « nouvelle prospérité ». (…) L’impératif de croissance économique devra ainsi prévaloir sur la dépense publique. Hors du schéma dualiste entre relance et rigueur, l’investissement [planifié] devra privilégier les dépenses productives (L’impôt visant surtout le capital non productif). Pour la conquête de nouveaux marchés, dans un contexte difficile, les marges des entreprises doivent pouvoir se reconstituer, ce qui implique de réduire les le coût du travail (par une baisse des cotisations et non en diminuant les revenus des salariés).
(...)

Une réorganisation du droit du travail est nécessaire : tout en maintenant quelques grands principes non dérogatoires, il faut plus de flexibilité, : adaptation des 35 heures selon les entreprises, négociation par branches et entreprises. La difficulté de cette réorganisation viendra des syndicats, dont il conviendrait de renforcer leur légitimité, dans le cadre de leur pouvoir de négociation au niveau des entreprises.

—  Refonte du modèle social : Les bouleversements en cours ont fait naître de nouvelles inégalités. Or, les règles de protection sociale qui prévalent ne signifient pas plus d’égalité sociale. Il y a d’un côté des personnes sans aucune protection et, de l’autre, des régimes spéciaux et une multitude des statuts et situations. (...) travail, il faut substituer une régime fondé sur l’impôt. (...)

En matière d’institutions, Emmanuel Macron se prononce pour un renoncement au « rêve d’une France uniforme ». S’il propose quelques modifications mineures de la structure administrative pour une partie des départements, il veillerait à éviter l’enlisement de la « France périphérique », par des équipements publics de base, des moyens de transports, la rénovation urbaine, une reconstruction industrielle et commerciale, l’économie productive des campagnes, la réorganisation des filières agricoles.

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Tirer profit de l’indigence calamiteuse des responsables politiques du pays

Marine Le Pen, Discours (2017)

(…) En portant attention au contenu des discours de Marine Le Pen, plus spécialement ceux qui touchent à la stratégie mondiale, on peut éprouver un certain trouble, comme s’il existait deux “niveaux” possibles de lecture, selon que l’on est un destinataire ordinaire ou “initié”. Selon que l’on est l’un ou l’autre, certains mots cibles, tels que peuplenationpatrie, voire même Europe, peuvent être compris dans des sens différents : le lecteur-électeur français ordinaire prendra ces mots dans la signification commune qu’ils revêtaient historiquement dans la langue française, le lecteur moins innocent y retrouvera, sous forme codée, des notions référées à tout un courant de pensée, dont l’expression n’a plus vraiment droit de cité dans la conjoncture intellectuelle du moment. Les ambiguïtés des procédés langagiers mis en œuvre réfractent sans doute l’existence de positions contrastées au sein du Parti de la candidate.

L’abaissement de la France. Les effets de la “mondialisation

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Marine Le Pen met en évidence des tendances et traits négatifs affectant la situation de la France, de leurs effets sur de grandes sections de la population. Bien que la mise en relation de ces différents traits présente une cohérence formelle indéniable, ces différents constats ne sont pas intégrés au sein d’une conception véritablement historique. Les déterminations des choses, les causes, les conséquences semblent souvent dépendre d’un cadre d’interprétation préposé.

Au premier degré, pour ses destinataires ordinaires, les prises de position de Marine Le Pen se présentent comme presque exclusivement centrées sur la France, la nation, son indépendance, contre tout ce qui la menace. Les doléances, désarrois, exaspérations, aspirations, de larges catégories de la population française, s’y trouvent exprimées sous une forme générale. La France a perdu de sa puissance, de sa souveraineté, de son crédit moral, mais aussi de ses capacités redistributives ; “le peuple” est de moins en moins pris en compte par les “élites”.

En conformité avec les ressentis de larges pans de la population, de leur rejet des politiques conduites jusqu’alors, la candidate dresse une opposition diamétrale entre deux entités : nation et/ou peuple, et, mondialisation, élites mondialisées. (...)

La « remise en ordre » de la France. Contre l’Union Européenne une « autre Europe » 

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Une fois effectué le constat de ces polarisations irréductibles, se pose la question de la « mise en ordre » de la France. Marine Le Pen prétend la mettre en œuvre « en cinq ans », par la grâce d’une « révolution », ou plutôt de plusieurs : « révolution du patriotisme », « révolution de la proximité », « révolution de la liberté ». Les 144 engagements, pris « au nom du peuple », sont censés permettre une telle remise en ordre.

Ces 144 engagements sont groupés par thèmes qui se succèdent dans un ordre déterminé impeccable : une France libre, une France sûre, une France prospère, une France juste, une France fière, une France puissante, une France durable. Un objectif général est visé, plus spécialement à l’encontre de l’Union Européenne : « Retrouver notre liberté et la maîtrise de notre destin en restituant au peuple français sa souveraineté (monétaire, législative, territoriale, économique). »l s’agira « d’engager une négociation avec nos partenaires européens, suivie d’un referendum sur notre appartenance à l’Union européenne ».

L’Union Européenne se présente ainsi comme la cible, ce qui laisserait à penser que Marine Le Pen s’insurge contre l’Europe. Cela n’est pas évident. Dans son discours de politique internationale, elle se déclare en fait contre l’Union Européenne, mais non contre l’Europe. Elle semble nourrir le projet d’une « autre Europe », indépendante des puissances de la mondialisation, une Europe véritablement européenne, un projet européen respectueux des intérêts des peuples européens.(...)

 

« La problématique géopolitique majeure »

(...)Si l’on passe à l’analyse du « monde tel qu’il est » et au constat d’un « affaiblissement de la France », d’un « recul de ses positions dans le monde », il semble que cet affaiblissement n’aurait pour « origine » que le « refus d’admettre la réalité ». Quelles sont donc ces réalités du monde avec lesquelles nous devons renouer ?

Selon Marine Le Pen, la « problématique géopolitique majeure  », qui a été déniée, ne concerne pas, du moins en apparence, les enjeux stratégiques de la France et des différentes puissances, mais les migrations, les « grands mouvements de population », dont on ne saisit pas vraiment les déterminations, mais qui peuvent se révéler « une menace pour l’équilibre et la paix du monde ».(...)

Les « forces de l’histoire » : idées, idéologies, religions, origines

Le discours centré sur la décomposition de la situation économique et politique, sur la perte de toute ambition nationale, est facteur d’attraction pour tous ceux qui subissent les effets de cette décomposition. Cela ne signifie pas qu’ils veuillent troquer la réalité historique et politique de la formation nationale de la France, contre une conception immatérielle, évanescente. C’est pourtant ce qui leur est proposé dans le discours sur la situation internationale. Un je ne sais quoi : l’identité, la culture, une âme éternelle indicible, y sont mises au premier plan : une « âme des peuples », « le lien indéfinissable qui lie les Français », au contraire de populations « sans appartenance ».(...)

[…] une analyse mesurée de l’histoire démontre la constance de l’âme des peuples. […] les peuples poursuivent les mêmes buts à travers les siècles. […] Sous des titres et noms qui changent, à travers des régimes politiques différents, l’âme des peuples renaît toujours. (...)

Il s’agit de considérer non les peuples (ou les nations) comme constructions politiques, formations historiques, mais en tant que peuples et nations, fruits d’une “géopolitique”.

Conception « multiculturelle » du monde et droit à « la persistance d’une nation uni-culturelle »

C’est le droit à « la persistance d’une nation uni-culturelle », quelle que soit il est vrai, l’origine de ceux qui la composent, que Marine Le Pen, réclame pour la France, ce qui la conduit à défendre une « conception multiculturelle du monde », capable de se conjuguer avec une « stratégie nationale de paix, d’influence et de puissance ».

Il convient cependant de voir que cette « politique d’indépendance » suppose une « vision claire de ce que nous défendons et de ce contre quoi nous luttons », c’est-à-dire l’ennemi. « Nous saurons reconnaître et désigner l’ennemi principal [non explicitement désigné dans ce discours], celui qui porte atteinte à l’intégrité de notre territoire, à l’identité de la Nation, à l’unité du peuple français, celui qui entend nous soumettre à ses lois, ses mœurs, ses intérêts. »

[…] nous nous devons à nous-mêmes, et nous devons au monde de rappeler qu’il y a pire de la guerre [l’humiliation nationale], « la submersion de son territoire », « la soumission d’un peuple à des lois, à des principes, à des combats qui ne sont pas les siens.

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Déconstruire les repères sociaux de classes

Jean-Luc Melenchon, L’Ere du peuple, février 2016

Jean-Luc Melenchon, vieux routier de la politique, est souvent d’un abord sympathique en dépit de ses foucades. Ses interventions dans le débat public se révèlent souvent réjouissantes, n’aident-elles pas les auditeurs à soutenir leur attention lorsque la discussion s’éternise et s’enlise. Sa conception du monde et les orientations qu’il propose dans L’ère du peuple (février 2016 [5]), ne s’en présentent pas moins de façon quelque peu nébuleuse. On en donnera ici quelques aperçus.

Remise en cause du statu quo mondial

La partie consacrée aux relations internationales est relativement claire. Jean-Luc Melenchon remet en cause l’ordre mondial, tel que celui-ci lui semble s’être trouvé fixé au profit des Etats-unis après le repartage de 1945. Il veut un renversement des alliances de la France (et de l’Europe), principalement à l’encontre de la puissance américaine. Il préconise un recentrement sur les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et autres pays d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie.

(...) Selon Jean-Luc Melenchon, nous n’avons rien à faire dans l’OTAN, l’Europe non plus. Il se prononce clairement pour un partenariat avec la Russie (Il reproche à Hollande d’avoir donné son accord à Chicago pour l’installation en Europe du bouclier antimissile, bouclier visant 75% des installations de défense russes).

La nouvelle politique d’alliances pour la France vaut pour l’ensemble européen. Les Etats-Unis selon lui auraient vu d’un mauvais œil l’émergence de l’euro. (...)

La France devrait en outre se rallier à la proposition chinoise de créer une « monnaie commune mondiale ».

Le nombre des êtres humains ou le « mystère de l’accélération de l’histoire »

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(…) Selon Jean-Luc Melenchon, qui parfois recourt à quelques à quelques références marxistes, le « moteur de l’histoire » n’est plus la « lutte des classes », mais le nombre d’êtres humains, ou plus précisément de « consommateurs ». « L’histoire des sociétés humaines dépend directement de cette donnée, le nombre ». « Le nombre des êtres humains est l’explication du mystère de ce qu’on appelle l’accélération de l’histoire ». Ce nombre n’est pas seulement une quantité, c’est « le facteur décisif de la « façon de vivre [des êtres humains] et d’être en relation entre eux avec leur écosystème ». « Le nombre des consommateurs et la raréfaction des ressources qui en résulte, sont bien le « moteur de l’histoire ».

D’où cette formule lapidaire : « voir les pulsations du nombre des humains comme le sujet de l’histoire ».(...)

Une « insurrection morale permanente » contre le « productivisme »

Jean-Luc Melenchon fait état de l’incroyable défi écologique et géopolitique qui, bien davantage que n’importe quel terrorisme, menace d’anéantir la civilisation humaine. Ce diagnostic le conduit à concentrer la critique moins sur le régime capitaliste en tant que tel que sur le “productivisme”, en fin de compte danger essentiel rongeant la civilisation humaine actuelle.

Le chaos qui s’avance est selon lui la « conséquence directe de ce productivisme », et celui-ci tient à la domination du mode « néolibéral », vecteur de cupidité, de violence sociale, d’irresponsabilité écologique. Le productivisme n’est pas seulement un modèle économique, c’est un modèle culturel. (...) Bien qu’il puisse évoquer « la loi du marché », « la dictature de la marchandise », il attribue cette succession de crises, et la dernière celle de 2008, à la seule finance, à la « caste toute puissante », l’oligarchie, née de la « globalisation financière » et qui gouverne tout. De ce fait, il ne peut porter intérêt aux déterminations de la nouvelle grande crise qui affecte l’ensemble du monde depuis près d’un demi siècle. Pourquoi, dit-il, devrait-on parler de crise « comme on le fait depuis trente ans », « il n’y a pas de crise, mais trois bifurcations du monde » : une civilisation humaine confrontée à l’explosion du nombre de ses membres, un changement climatique irréversible, un retournement de l’ordre géopolitique.

Transformer le capitalisme par la “règle verte” et la « propriété sociale du temps »

L’enjeu “écologiste” est central dans la problématique de Jean-Luc Melenchon. Pour combattre le productivisme néo-libéral, il propose de mettre en œuvre « la règle verte », c’est-à-dire de ne pas prélever davantage à la nature que ce qu’elle peut reconstituer. Il s’agit d’instituer « une autre manière de produire et de consommer ». La règle verte permettra de réguler la production d’objets obsolescents, de ceux qui creusent « la dette écologique », selon lui « autrement plus inquiétante que la dette publique ».

(...) « Le temps court est une dictature ». Il faut instaurer la « propriété sociale du temps », alternative exemplaire à la propriété capitaliste, « idée radicalement neuve ». Dès lors les temps sociaux seront harmonisés à partir des personnes plutôt que des marchandises. Par la gestion écologique de la société, c’est la reconquête du droit au temps long, le début du « bien vivre ».

La révolution citoyenne et « l’écosocialisme » enjeux d’une révolution non socialiste

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Selon Edgar Morin, « l’écosocialisme est une politique de civilisation ». Jean-Luc Melenchon s’est emparé du thème. L’écosocialisme est une alternative pour sortir de la crise, imposer « l’intérêt général humain ». (...)L’écosocialisme n’est pas selon Jean-Luc Melenchon une utopie, il constitue la synthèse d’une écologie nécessairement “anticapitaliste” et d’un socialisme débarrassé des logiques du productivisme. (...)

Pour instaurer cet écosocialisme, le chemin de la « révolution citoyenne » se met en mouvement, contre un capitalisme limité au “productivisme néo-libéral”, dans la dépendance de « l’oligarchie financière mondialisée ». Cette oligarchie [davantage que le régime de production capitaliste, dont elle n’est qu’une émanation] se présente comme l’essence commune des « vrais coupables » : les gouvernements soumis aux lobbies des multinationales, les idéologues de la concurrence).(...)

Contre la dictature des oligarchies financières ou du prolétariat. Conférer la souveraineté aux « multitudes citadines »

Jean-Luc Melenchon ne fait pas silence sur les classes sociales, ce qui le distingue de la plupart des autres (grands) candidats. Pour lui, l’accès à la visibilité des différentes classes constitue un enjeu. Les classes qui ont été rendues invisibles aux yeux des autres le sont également à leurs propres yeux. A l’inverse, les catégories « hypervisibles » peuvent faire croire que la représentation d’elles-mêmes est la seule réalité sociale effective. Reprenant les analyses de Christophe Guilluy, il signale que les ouvriers et les employés, qui forment la classe sociale la plus nombreuse en France, ne représentent que 2% des personnages visibles à la télévision, les pauvres et les précaires y existant encore moins. Les cadres en revanche occupent 60% des rôles visibles dans le discours publics et les représentations, les pauvres sont tout simplement inexistants, bien qu’ils représentent près de 16% de la population.

S’agissant de la classe moyenne, dont il n’est pas possible de dresser les contours, trop de statuts sociaux différent entrant dans sa composition. Cette présumée « classe moyenne », indique Jean-Luc Melenchon, oscille entre le conservatisme de ses positions acquises et la rage civique, la peur du déclassement pouvant la pousser à des solutions radicales de toute nature. C’est cependant au sein de ce conglomérat, surtout auprès des milieux bien éduqués et qualifiés qu’il semble devoir trouver le point d’appui pour sa « révolution citoyenne », qui se substitue à la révolution prolétarienne et au rôle directeur de la classe ouvrière.
(…)

La « multitude citadine » se forme en peuple sous l’effet de « la température politique »

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Le peuple, pour Jean-Luc Melenchon, c’est la « multitude urbanisée » prenant conscience d’elle-même au travers de revendications communes qui s’enracinent dans « les soucis quotidiens de l’existence concrète ». Cette multitude, substrat de la « révolution citoyenne », deviendrait peuple [politique] par son action collective, par sa mise en réseau, sous l’effet des événements et des actions politiques. « Ce n’est pas le réseau qui crée le peuple en action mais l’inverse. (...)

Le nouveau peuple [au contraire du prolétariat qui visait « l’ancienne révolution socialiste] ne semble pas avoir pour objectif de toucher au fondement du régime capitaliste pour émanciper l’ensemble de la société, et non seulement lui-même : la multitude citadine des pays développés. Ce nouveau peuple semble se borner à disputer le pouvoir à « l’oligarchie financière », « directement et physiquement » « avec un programme spontané » qui porte la négation de « l’ordre établi ». « Ce programme c’est le bien vivre ensemble tel que la ville le fait désirer » […] un « collectivisme spontané. »

Il s’agit ainsi pour la « révolution citoyenne » de la multitude citadine de changer en quelque sorte les tenants du pouvoir (“dégagisme”). Un nouvel organe d’action se constitue comme « pouvoir concurrent » à celui de l’autorité légale. « L’assemblée citoyenne se substitue aux autorités défaillantes et instaure de fait la loi que des citoyens réunis en nombre décident d’appliquer. » La Constituante projetée, qui donnerait naissance à une VIe République, n’est pas un arrangement technique pour peaufiner les rouages. C’est une révolution de l’ordre “politique” pour instaurer le « pouvoir du peuple », un pseudo peuple qui semble devoir exclure les “anciennes” classes populaires sous la nouvelle domination qu’il prétend instaurer.

(...)

Voir en ligne : Le texte complet sur le site de l’université populaire

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  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).