38ème congrès du PCF
Comment unir les communistes pour un renouveau du PCF ?

, par  pam , popularité : 3%

La présentation des projets de base commune à l’université d’été du PCF a illustré la difficulté à laquelle font face les communistes, celle de leur unité. Le fait même d’avoir le choix entre plusieurs textes, dont celui adopté par le conseil national a fait débat. Ce principe de textes multiples vient des statuts adoptés en 2001 au 31ème congrès qui élisait Marie-Georges Buffet secrétaire nationale. Les communistes l’ont confirmé lors des statuts adoptés en 2013 avec Pierre Laurent. Les statuts justifient ce choix d’une base commune entre plusieurs textes en affirmant : “nous faisons le choix de faire du pluralisme des idées, un droit et un principe de notre mode de fonctionnement. Ce droit ne peut se traduire par une organisation en tendances.”

Curieusement, ceux qui ont voté ces statuts regrettent souvent la présence de plusieurs textes, alors que beaucoup de ceux qui proposent des textes alternatifs avaient voté contre ces statuts. En tout cas, l’expérience montre que ce “pluralisme des idées qui ne doit pas être organisé en tendances” ne nous aide pas à reconstruire ce qui faisait l’unité des communistes, leur “intellectuel collectif”. L’échange, la contradiction, souvent d’intenses discussions passionnées permettaient une “ligne” politique reconnue et permettant l’action commune. Vue de l’extérieur du parti, il n’y avait pas de doute, les communistes avaient un point de vue et le défendaient ! Aujourd’hui, leur désunion est devenu une de leur faiblesse et c’est ce qui inquiètent de nombreux militants face au choix de la base commune.

Mais ur beaucoup de sujets, je ne suis pas sûr de bien connaître l’opinion des communistes, des questions écologiques comme le nucléaire ou notre-dame des landes, des questions économiques comme les nationalisations ou l’euro, des questions sociales comme la sécurité emploi-formation, des questions sociétales comme la GPA. Le plus symptomatique est bien sûr que nous nous sommes partagés par moitié pour le choix d’un candidat aux présidentielles. Lors du 37eme congrès, la base commune choisie par le conseil national n’a recueilli qu’un peu plus de 50% !

Et sur certains sujets, les positions “officielles” des communistes ont énormément changé depuis 30 ans. C’est bien sûr le cas de la construction européenne que le PCF a longtemps dénoncé avant de s’y adapter. C’est aussi le cas de la conception de classe qui guidait les communistes sur l’ensemble des questions de société et où souvent, ils ne se différencient plus de l’opinion générale “de gauche”, voire même "libérale".

Le bilan de ces statuts est donc plutôt que, contrairement à ce qui était écrit, ils nous ont rapproché d’une organisation en tendances que presque tout le monde dénonce pourtant. Pourtant beaucoup des militants en désaccords sont partis et parfois tentent d’organiser en dehors du PCF leur engagement communiste.

Le problème n’est donc pas seulement le choix entre plusieurs textes ! Si le 38eme congrès doit vraiment être “extraordinaire”, ce serait en inversant la tendance à l’émiettement, à la division. Le risque principal serait que le congrès se déroule comme les précédents, avec des textes contradictoires, des communistes divisés dans leur vote, et un message final dans la continuité de ces dernières années. Ce serait aggraver encore les divisions et donc l’affaiblissement. Ce serait terrible alors même que nous avons tant besoin de rebondir face à un capitalisme sauvage, décomplexé, face à la violence des tweets de Trump dans le monde faisant écho à la violence de Poutine contre les communistes russes, à celle de Macron contre le service public et les droits sociaux. Plus que jamais, les communistes ont besoin de retrouver leur force, donc leur unité, dans l’action comme dans les idées. C’est un enjeu central du 38eme congrès, congrès extraordinaire convoqué après le choc des résultats électoraux de 2017. Comment reconstruire cette unité ? Avec qui ? Sur quelle base politique ?

La difficulté est de marquer à la fois un changement, une rupture, une réorientation pour faire face à nos difficultés, et en même temps de sortir d’une longue période de divisions vers une nouvelle unité des communistes. L’enjeu est que notre peuple entende le seul message utile que peut leur transmettre ce congrès, un message de confiance dans l’action, dans le choix communiste, dans la bataille pour renforcer le PCF. Ce devrait être un objectif du congrès : “le parti communiste est de retour !”

Bien entendu, cette unité ne peut se construire dans la confusion, et cette violence même des luttes de classe exige au contraire des idées claires, une réel effort de connaissance, de retour d’expérience. Mais la reconstruction de notre ’intellectuel collectif’ communiste ne se fera pas dans l’émiettement qui marque le parti et plus généralement la ’force’ communiste. C’est dans cette dialectique que les communistes doivent faire leur choix entre des textes en les interrogeant : comment allez vous unir et réorienter le parti ?

La base commune adoptée par le conseil national (Texte 1 : “Le communisme est la question du XXIe siècle”) affirme vouloir unir les communistes, et se présente de manière très différente des congrès précédents. Elle dit vouloir “Un bilan lucide, dont nous tirons toutes les conséquences” mais le réduit à la seule question de l’échec du Front de Gauche. Elle ne dit à aucun moment ce qui doit être “réorienté”” ; pas de bilan électoral, militant, politique des décisions successives de candidatures électorales, des initiatives politiques sans lendemain, de l’échec des multiples tentatives d’alliances ’de gauche’, de l’abandon des relations avec les autres partis communistes pourtant en plein renouvellement. Comme le texte qui devait “allumer les étoiles”, elle affirme vouloir “révolutionner le parti” sans jamais dire ce qui doit être changé dans notre analyse de la société, notre stratégie, nos choix politiques. Elle réduit les “transformations concrètes et attendues par les communistes” aux outils de communication et la plateforme numérique. Elle évoque une “remise à plat de toutes nos structures de direction” sans jamais évoquer les causes de la disparition des cellules et les conditions de leur redynamisation, sans donc les inscrire dans l’enjeu essentiel de l’organisation que nous voulons. Or aucune plateforme numérique nationale ne viendra reconstruire le lien militant du quotidien et de proximité que portait la cellul Et les réseaux nationaux proposés ressemblent plus à un mouvement dans l’esprit d’en marche ou de la France insoumise, c’est bien la conception du parti qui est en cause. Ce texte qui ne propose pas de réorientation politique ne peut non plus unir les communistes, à commencer par le conseil national qui l’a voté dans une majorité relative.

La base commune des “refondateurs” (Texte 2 : Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme..) affirme vouloir “réinventer”, ce qui paraît plus fort que réorienter, et se conclut par l’appel à rassembler la “force communiste”. Mais loin d’une “réorientation”, donc d’un changement d’orientation, cette “réinvention” se présente en fait comme une accélération des transformations qu’a déjà connu notre parti depuis la mutation. Affirmant que “L’idée de révolution a été abimée par les dérives et l’échec des révolutions du 20ème siècle”, ce texte propose d’acter définitivement la rupture avec notre histoire communiste, avec le choix de 1920, et ne tire du bilan des dernières années qu’une critique : ne pas être allé assez loin dans la “métamorphose”. Il ne s’agit pas d’une réorientation mais d’acter la fin de ce qu’a été le parti communiste. C’est pour cela que ce texte nous propose après les collectifs anti-libéraux et le front de gauche, un “front commun des forces anti-libérales”. Il ne tire aucune autre leçon des échecs passés que le reproche aux communistes de ne pas avoir été assez ouvert aux autres forces anti-libérales  ! Lors de l’université d’été, à une question sur nos rapports avec les autres partis communistes, la représentante du texte répond en privilégiant la participation au PGE ! Ce texte ne propose pas de réorienter mais d’aller plus loin dans la même direction, et ne peut unir des communistes dont beaucoup ont l’impression d’avoir mené les batailles militantes pour un “leader” médiatique qui n’avait aucune intention de respecter notre choix communiste.

La base commune proposée par la section Paris 15 (Texte 4 : reconstruire le parti de classe : priorité au rassemblement dans les luttes) propose très clairement une réorientation majeure, mais sans chercher aucune convergence. Il oublie totalement les communistes qui ne sont pas un soutien direct de ce texte. A l’évidence, le choix est d’affirmer ses positions pour se compter en considérant que ce congrès ne changera rien à la situation du parti. C’est une terrible erreur de ne pas voir que l’affaiblissement communiste concerne tout le monde, y compris les communistes qui soutiennent ce texte 4, y compris les mouvements communistes en dehors du PCF. C’est une erreur de ne pas voir que l’enjeu premier de ce congrès est bien d’être réellement “extraordinaire”, autant par la réorientation que par le début de sortie des divisions. Le combat de classe ne se mène pas seulement au plan des idées, mais aussi et d’abord dans les rapports de force concrets, les rapports de force politique, l’organisation. Pour donner la priorité au rassemblement dans les luttes, il faut travailler à l’unité des communistes, ce que ce texte se refuse d’aborder !

La base commune du “manifeste” proposée par 1310 militants [1] (Texte 3 : Manifeste pour un parti communiste du XXième siècle) est une première réponse à ce défi historique. On ne peut unir les communistes sans réorientation politique claire et visible mais on ne peut construire de réorientation réelle sans l’ambition de reconstruire l’unité des communistes. C’est pourquoi le réseau Faire Vivre et Renforcer le PCF a lancé le 11 juin 2018 un appel à écrire ensemble une base communequi ne se contente pas d’être un texte alternatif mais se fixe l’objectif de rassembler largement les communistes pour devenir le texte majoritaire”. Nous avons donc contribué, avec beaucoup d’autres, à la rédaction de ce “manifeste” qui est une première tentative d’unité de communistes divers. Ce manifeste part d’un vrai bilan politique, esquisse une analyse du capitalisme et de sa crise, de la situation du monde et du choix communiste qui ouvre le chantier de la réorientation politique du PCF et notamment de sa stratégie de rassemblement et d’organisation. Cette base commune est certainement imparfaite, elle ne traite pas toutes les questions, elle ne reprend pas toutes les positions du réseau Faire Vivre et Renforcer le PCF, mais elle peut être portée par une large majorité de communistes. Elle est une extraordinaire occasion de relever ce défi dialectique de la nécessaire unité pour assurer la continuité de l’existence du parti et de la nécessaire réorientation pour en permettre la reconstruction.

Le manifeste est ainsi la base commune qui crée les conditions de l’unité des communistes dans une réorientation qui tire les leçons des dernières années. Elle ouvre les chantiers nombreux de la reconstruction communiste, aux plans théoriques, politiques et d’organisation. Cette base commune pourra être travaillée par les communistes, y compris les rédacteurs des autres textes. Elle pourra être assumée par la direction nationale et ce serait justement “extraordinaire” que ce texte devienne le bien commun largement majoritaire des communistes. Cela créerait les conditions d’un congrès qui surprenne, dérange nos adversaires, qui étonne à gauche, dans le mouvement social, qui provoque un intérêt élargi chez les syndicalistes, le monde associatif, les militants progressistes et républicains. Il se passe quelque chose au parti communiste, et ce n’est pas le bon mot d’un leader mais un mouvement militant pour une nouvelle orientation !

Ce serait une étape pour que le prochain congrès des communistes avance sur ce problème bien actuel et pourtant ancien de l’unité des communistes. Car s’il y a un bilan à tirer de ces vingt dernières années, il y a aussi d’immenses chantiers soulevés par des divisions anciennes et une histoire qu’il faut revisiter. Les fractures survenues dans l’histoire du PCF autour du conflit sino-soviétique, du rapport Kroutchev, du soutien à Mitterrand en 1965, de la signature du programme commun, du comité central d’Argenteui,... n’ont pas empêché le parti de se renforcer jusqu’à annoncer la perspective du million d’adhérents dans les années 70. Mais elles révélaient des questions théoriques et politiques difficiles dont l’histoire nous montre que nous n’avions pas la solution. La récente publication de la correspondance entre Louis Althusser et Lucien Sève est éclairante sur l’actualité de débats anciens. La participation au gouvernement à partir de 1981 a accéléré des divisions, des contradictions qui ont conduit à cette situation de communistes émiettés, dont beaucoup sont partis, sur la point des pieds ou dans le conflit, fatigués ou tentant de reconstruire leur action politique autrement.

La mutation disait vouloir répondre à cette crise du communisme mais n’a produit qu’un approfondissement de nos difficultés, et une rupture rapide avec notre histoire et le mouvement communiste international. Elle a rapidement défait l’unité des communistes, avec une direction qui les rassemble de moins en moins, une fracture toujours plus visible entre région parisienne et provinces, un éloignement terrible du monde du travail, et notamment du monde ouvrier, une organisation de plus en plus divisée en tendances de fait. Il est temps de se mettre à la hauteur du défi historique de l’existence du parti communiste, d’affirmer que nous allons préparer son centenaire en se mettant à l’offensive, en tirant les leçons de la période pour ouvrir le chantier d’une reconstruction communiste ancrée dans le mouvement social et dans le mouvement communiste international.

C’est l’enjeu du choix de la base commune, pour faire entendre que nous allons sortir de décisions qui ont fortement divisés les communistes, pour interroger notre capacité à porter partout en France et dans le monde un point de vue cohérent, autant au plan des idées, au plan théorique qu’au plan pratique de la vie du parti, condition de retrouver et cultiver cette fraternité militante qui reste notre force !

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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).